Sûreté des grands réseaux électriques Michel Aguet Chef du service de l électricité de la Ville de Lausanne Chargé de cours EPFL Forum E Cité Genève SIG 1 er juillet 2005
Plan de l exposé Quelques grandes pannes dans le monde Réseaux électriques interconnectés Critères de sûreté Dégradation de la sûreté Procédures de défense et reconstruction du réseau Conclusions
Quelques grandes pannes électriques dans le monde 1965 9 novembre Nord-est USA, Canada, Ville de New-York 1978 19 décembre France Ecroulement de la majeure partie du réseau. 4 heures de coupure et 45 mios de personnes touchées 1996 Eté Ouest USA 3 incidents majeurs coupent plusieurs millions de clients
Quelques grandes pannes électriques dans le monde 2003 3 février Algérie 30 millions de personnes sont privées d électricité pendant plusieurs heures 31 mars Iran 22 millions d habitants coupés pendant 8 heures 26 juin Italie La ville de Rome se trouve dans le noir 14 août Nord-Est des USA et Sud du Canada ainsi que la ville de New-York 50 millions d habitants sont sans électricité pendant plusieurs heures
Quelques grandes pannes électriques dans le monde 2003 (suite) 23 août Finlande La ville d Helsinki est dépourvue d électricité 27 août Shangaï Une panne affecte la ville 28 août Angleterre La ville de Londres est touchée par une panne générale 23 septembre Suède et Danemark Des pannes ont lieu entre ces 2 pays et, le même jour, une panne générale touche la Georgie
Quelques grandes pannes électriques dans le monde 2003 (suite) 28 septembre Italie L ensemble du pays est coupé pour plusieurs heures touchant 55 millions de personnes 6 octobre Athènes La ville d Athènes connaît une grave coupure de courant 8 novembre Lybie 1,1 million de clients touchés
Quelques grandes pannes électriques dans le monde 2005 18 janvier Arc lémanique 1 million de personnes touchées pendant 1 heure 25 mai Moscou, Russie 2 millions d habitants touchés pendant 5 heures
Causes initiales des pannes Lignes aériennes (foudre, végétation, tempêtes, neige, glace, etc.) Défauts du matériel des lignes, câbles et postes (vieillissement) Insuffisance des interconnexions (environnement) Insuffisance de la maintenance et des investissements (ouverture des marchés) Importation d énergie à longue distance (Trading) Perte de production (réseaux isolés) Etc.
Enchaînements Mauvais fonctionnement des automatismes (protection) Pas d entraînement suffisant des agents de conduite (aide : système expert) Communication insuffisante Concept de sûreté (n-1) non respecté Etc.
Réseau électrique interconnecté 1. Mise en commun des moyens de production à titre de solidarité (réduction des réserves individuelles) 2. Moyens de transport (lignes et câbles) en haute tension assurant la sûreté n-1 3. Energie réglante importante: 20 000 MW/Hz entraînant une bonne stabilité de la fréquence (réserve cinétique et tournante) 4. Parc de grandes centrales parallèles important entraînant une bonne stabilité de la tension et de la fréquence 5. Echange d énergie et de puissance de pointe entre centrales à caractéristiques différentes (rubans, pointes, etc.) : mouvements d énergie 6. Effets de consommateurs sur la qualité du réseau minimisés
Réseau électrique rigide Production Consommation État normal de fonctionnement des réseaux électriques État anormal: sous production Baisse de la fréquence et de la tension puis effondrement du réseau en cas de non réaction État anormal: surproduction Élévation de la fréquence et de la tension, emballement du réseau en cas de non réaction
Réseau électrique ténu Production Consommation État normal: production local équivaut consommation locale Fléchissement du réseau Oscillation du réseau
Les trois objectifs qui gouvernent l exploitation du réseau électrique Garantir la SÛRETE de fonctionnement Favoriser la performance ECONOMIQUE et l ouverture du marché électrique Satisfaire les ENGAGEMENTS contractuels
La SÛRETE de fonctionnement du SYSTEME électrique Assurer le fonctionnement normal du Système Limiter le nombre d incidents et éviter les grands incidents Limiter les conséquences des grands incidents
La sûreté du Système Interactions sûreté/économie et sûreté/qualité Si la sûreté constitue une priorité de l exploitant du Système, elle ne peut pas être assurée à n importe quel prix. En particulier: l acceptabilité des réseaux électriques n est concevable que si l énergie électrique est économiquement compétitive. Les investissements nécessaires pour la sûreté du Système doivent être cohérents avec le coût, la fréquence et la gravité des incidents qu ils permettent d éviter; par ailleurs, par sa souplesse d utilisation, l électricité dispose d un avantage concurrentiel déterminant, mais les usages modernes de l électricité exigent aussi un produit de qualité, garanti en termes de temps de coupure, de forme de l onde de tension et de courant. Là encore, les dispositions prises en exploitation pour garantir la sûreté doivent être compatibles avec les engagements contractuels pris sur la qualité de fourniture.
La qualité de service aux clients est définie sur le plan technique par les critères suivants: une puissance suffisante une énergie suffisante une tension sinusoïdale de niveau suffisant et stable appel instantané de puissance facteur durée 230 V ± 10 % une limitation des creux de tension < 500 ms un taux de déséquilibre < 2 %
La qualité de service aux clients est définie sur le plan technique par les critères suivants: un taux d harmoniques impairs de rang 13 un taux d harmoniques impairs de rang > 13 < 5 % < 1,5 % un taux d harmoniques pairs < 2% un courant le plus sinusoïdal possible une fréquence stable fixée à 50 Hz ±1 Hz Toute excursion de ces paramètres en dehors des plages indiquées peut entraîner des mauvais fonctionnements, voire des dégâts tant aux installations des clients qu à celles des réseaux électriques.
Évaluation économique des interruptions de service Critères: Puissance coupée (valeur juste avant la coupure P c [kw] Durée de la coupure t c [s] Fréquence des coupures Nature de la charge coupée
Dégradation de la sûreté Aléas de consommation Aléas météorologiques Pannes et agressions extérieures (origines naturelles, malveillance, accidents, attentats ou faits de guerre) Facteurs humains Prolifération des sources d énergie décentralisées
La Sûreté pas à n importe quel prix
Enchaînement de la dégradation de la Sûreté Surcharges en cascades (Imax, Thermique) Écroulement de tension (U) Écroulement de fréquence (f) Rupture du synchronisme (f 1 -f 2 )
Procédures de défense Prévention (n-1) Surveillance (CE : centre d exploitation) Parades (entraînement du personnel, systèmes experts)
La défense en profondeur Le plan de défense comprend: la séparation automatique des régions ayant perdu le synchronisme le délestage automatique de consommation sur baisse de fréquence le blocage automatique des régleurs en charge des transformateurs sur baisse marquée de tension l îlotage automatique des centrales sur leurs auxiliaires
Lignes de défense relatives à l écroulement de tension Le réglage primaire, qui mobilise la réserve réactive des groupes les plus proches de la perturbation, sous l action de leur régulateur primaire de tension agissant sur l excitatrice des groupes à partir des variations de tension observées au stator, de façon à maintenir cette tension égale à la valeur de consigne affichée Le réglage secondaire de tension, qui mobilise les réserves réactives de l ensemble des groupes et des condensateurs par zones électriquement homogènes du point de vue du comportement en tension Le réglage tertiaire de tension. Il s agit de l ensemble des actions commandées par les opérateurs des centres de conduite pour coordonner le plan de tension entre les différentes zones de réglage secondaire
Lignes de défense relatives à l écroulement des fréquences Le réglage primaire a pour objectif d assurer le rétablissement rapide (quelques secondes) de l équilibre offre/demande. C est un réglage local, assuré par le régulateur de vitesse de chaque groupe asservi,qui agit directement sur les organes d admission du fluide moteur à la turbine. En fin d action, la nouvelle situation d équilibre se traduit par un écart de fréquence et des échanges aux frontières différents de leur valeur programmée Le réglage secondaire a pour but de ramener la fréquence à la fréquence de référence (50 Hz en général, 49.99 ou 50.01 Hz en cas de «rattrapage horaire») et les échanges transfrontaliers à leurs valeurs programmées. Cet objectif est atteint en modifiant la puissance de consigne des groupes asservis au réglage secondaire fréquence/puissance à l aide d un signal calculé de manière centralisée au dispatching national Le réglage tertiaire consiste à recaler, par activation d offres d ajustement, les programmes de production sur certains groupes afin de reconstituer la réserve secondaire, voire une partie de la réserve primaire lorsque celle-ci est entamée, pour se prémunir d un nouvel aléa. Les actions correspondantes sont totalement sous le contrôle des opérateurs de conduite des centres de conduite
Parades ultimes Dans les situations où les actions normales de conduite ne permettent plus de maîtriser la fréquence, des actions exceptionnelles de conduite sont engagées : sur la production : passage à P max sur les charges : délestage rapide de clientèle, télédélestage de secours. La dernière ligne de défense est constituée par le délestage fréquencemétrique automatique.
Reconstitution des réseaux Diagnostic de la situation Préparation du réseau Reconstitution du réseau à partir de régions Renvoi de tension
Réseaux électriques (1/3) 1. Couche physique Production Transport Distribution Utilisation 2.Couche économique Approvisionnement Accès THT Trading Vente Facturation
Réseaux électriques (2/3) 3. Couche logiciel Salle de commande Contrôle Dispatching régional de «bassin versant» Dispatching national SCADA Dispatching Distribution SCADA DMS Compteurs Télérelève DSM 4. Télémesures - téléactions Automatismes de contrôles Télémesures - téléactions Télémesures - téléactions Télécommandes centralisées 5. Télécommunications Lignes TT FO FO Faisceaux dirigés satellites Lignes TT FO GSM Internet PLC
Réseaux électriques (3/3) 6. Protections tension Parafoudres Parafoudres Parafoudres Parafoudres courant Disjoncteurs centrales Disjoncteur THT s Disjoncteurs HT-MT-BT Disjoncteurs BT 7. Relais de protection Imax Thermique Protection différentielle Protection de distance Protection différentielle Protection thermique Imax Thermique Imax Thermique Retour de tension
Légende THT : très haute tension SCADA : contrôle-commande en temps réel DMS : distribution management system - système de contrôle du réseau de distribution DSM : demand size management - contrôle de la consommation par le client TT : lignes téléphoniques (paires cuivre ou coaxial) FO : fibres optiques GSM : téléphonie sans fil PLC : power line communication - transmission de l information sur le réseau électrique HT : haute tension MT : moyenne tension BT : basse tension Imax : relais à courant maximum
Conclusions Quelques réflexions pour le futur Vers des réseaux continentaux (par ex. : Europe Russie Chine Inde) La règle des impédances (résistances) fait que l énergie provient naturellement des producteurs les plus proches des consommateurs (heureusement pour les pertes en ligne!) Au-delà de 1000 km, même aux plus hautes tensions utilisées actuellement 735-1000 kv, le transport d énergie électrique entraîne toujours des pertes élevées Le développement des FACTS (flexible AC transmission system) permet de contrôler tant les flux d énergie active que réactive dans les réseaux Des réflexions naissent actuellement sur le développement de poches asynchrones reliées entre elles en courant continu (France- Angleterre) Des réalisations vont être mises en service tout prochainement au Japon en vraie grandeur dans l accumulation directe d énergie électrique par bobine supraconductrice Etc.
Sources Mémento de la Sûreté du réseau électrique français RTE (EDF) Volume XII et XXII Traité d Électricité EPFL Énergie Électrique et Haute Tension