Invitation à franchir les 24 colonnes

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Transcription:

Invitation à franchir les 24 colonnes COUR D APPEL DE LYON En traversant la Saône pour rejoindre le quartier historique de Lyon, le regard du promeneur est à nouveau saisi par l imposante façade de l un des plus remarquables témoignages de l architecture néo-classique en France. Entièrement classé monument historique sur un site d exception inscrit au Patrimoine mondial de l UNESCO, le palais de justice historique de Lyon méritait pareille entreprise. Ancré sur les bords de la Saône, aux côtés de la cathédrale Saint-Jean et de la basilique de Fourvière, le palais de justice historique de Lyon a toujours été l objet d un fort attachement de la part des lyonnais qui l appellent familièrement «Les 24 colonnes». Il est loin le temps où ses premiers détracteurs, heurtés par les choix architecturaux de Louis-Pierre Baltard, comparaient les colonnes ornant sa façade à des filles publiques en attente de clients. L édifice n en est pas moins, de par sa vocation régalienne mais aussi de par sa monumentalité revendiquée, un de ces lieux que le promeneur ne franchit sans une certaine appréhension. Sources : «La justice à Lyon, d un palais à l autre», C. Cadiot, J.O. Viout, D. Bertin, C. Bodet département du Rhône avril 1995 «Visite artistique et symbolique du palais de justice historique de Lyon», C. Cadiot, président de chambre, 31 août 2005 «Expressions artistiques de la justice rassemblées au palais de justice de Lyon» D. Roux, conseiller Un lieu emblématique de la cité qui recèle un patrimoine caché sous les strates du temps qui, après quatre années de restauration et de réhabilitation, se révèle dans son éclat originel. Puisse la présente invitation être l occasion d apprécier le travail de celles et ceux qui, tous corps de métiers confondus, ont contribué à la pleine réussite du chantier. L occasion aussi de mettre en valeur le rôle de celles et ceux qui se consacrent à la restauration des monuments historiques, de leurs décors et de leur mobilier. L occasion plus généralement d apprécier le travail de celles et ceux qui oeuvrent pour que le patrimoine demeure, à l instar de la justice, un bien commun. «La restauration du palais de justice historique de Lyon», D. Eyraud, D. Repellin, D. Bertin, Y. Neyrolles éditions EMCC décembre 2012 Jacques BEAUME Procureur général près la cour d appel de Lyon Jean TROTEL Premier président de la cour d appel de Lyon Rédaction : Jean-Michel Etcheverry, secrétaire général première présidence cour d appel de Lyon Photographies : Yves Neyrolles, photographe Conception : Brigitte Bertrand, imprimerie cour d appel de Lyon Janvier 2013 Le présent document consiste pour l essentiel en la mise à jour d un précédent document de présentation réalisé en 2005 par Christian Cadiot, conseiller à la Cour de cassation.

La façade Ornée de 24 colonnes corinthiennes de près de douze mètres de hauteur, la façade marque par sa sobriété. Dépourvue du traditionnel fronton triangulaire, elle n offre aucune frise et seules 24 têtes de lions, une par colonne, se détachent du larmier. Baltard avait imaginé de décorer l entablement d une frise de lions ailés exécutés en bronze mais son idée se heurta notamment à l opposition des magistrats de l époque. Le nombre de 24 voulu par Baltard est à rapprocher de celui des heures de la journée de sorte que la façade, située à l est d où l atteignent les premiers rayons du soleil, emprisonne ainsi le jour qui s écoule alors, symboliquement, au rythme de la colonnade en suivant le cours de la Saône. Les fûts cannelés des colonnes et l entablement ont été réalisés en pierre de Villebois alors que, pour assurer une bichromie, les chapiteaux et les caissons du plafond du péristyle ont été exécutés en pierre jaune de Cruas et de Rocheret. Un escalier monumental conduit à l entrée principale de l édifice. Celui-ci a fait l objet, entre le 3 avril 2006 et le 20 mars 2007, d un premier chantier tendant à sa mise en sécurité tant son état de dégradation présentait un risque important de chute pour les usagers et mettait en péril la pérennité même de cette partie du bâtiment. Après un important travail de diagnostic afin de rechercher les causes des désordres, les voûtes supportant les marches ont été réparées et restituées selon les techniques pratiquées à l époque de la construction de l escalier. Les pierres dont l état le permettait ont été réutilisées alors que de nouvelles marches ont été taillées dans la pierre de Villebois identique à celle d origine, extraite dans une carrière de l Ain. Edifié entre 1835 et 1847 sous le règne de Louis Philippe (la première pierre fut posée le 28 juillet 1835 dans le cadre de la célébration du cinquième anniversaire des Journées de juillet 1830), sur les lieux mêmes où était rendue la justice à Lyon depuis le Xème siècle, d abord dans une maison forte puis dans un bâtiment appelé «Palais de Roanne» en souvenir de ses anciens propriétaires, les comtes de Forez, le palais de justice de Lyon est avant tout l œuvre d un homme, Louis- Pierre Baltard, qui, au sommet de son art, a conçu son projet depuis la villa Médicis où, Grand prix de Rome, il séjournait et a pu, durant plusieurs années, s inspirer des monuments antiques qui l entouraient. Une œuvre totale entièrement dessinée par Baltard (nombre de croquis ont été retrouvés) jusque dans le mobilier et les plus petits détails de son ornementation. Décédé en 1846, à l âge de 82 ans, ce dernier ne put assister à l inauguration de son œuvre. De part et d autre de l escalier, se trouvent deux guérites de garde qui étaient destinées à recevoir des statues qui ne furent jamais réalisées faute de deniers publics. Deux lions en bronze, conçus sur le modèle de ceux de la villa Médicis à Rome où Baltard avait puisé son inspiration, y seront posés dans quelques mois. Au sommet de l escalier, se trouve une galerie au plafond caissonné en pierre richement orné de motifs floraux sculptés. Au droit de chaque intervalle entre deux colonnes, des fenêtres au nombre de neuf ouvrent sur la galerie. Sur les trumeaux entre chaque fenêtre, l architecte a fait figurer en bas relief des faisceaux de licteurs romains avec leur hache, symbole de la justice et de la force, surmontée d une tête de lion, d aigle ou de chien représentant respectivement la force, la vigilance et la garde. Enfin deux dernières colonnes, de plus petite taille, soutiennent le portail de la salle des pas perdus.

La salle des pas perdus D une superficie de 625 m2, la salle des pas perdus était à l origine ouverte sur l extérieur mais, très rapidement après sa livraison, on décida de la clore par une verrière et une porte à tambour qu un sas d entrée vitré vient de remplacer avantageusement. Deux verrières latérales, situées au nord et au sud, assurent son éclairage naturel. Conçue comme une nef surmontée de trois coupoles circulaires d une élévation de près de 17 mètres, la salle des pas perdus a été créée par Baltard sur le modèle des temples de l Antiquité. Chaque coupole, ornée en son centre d un motif floral, repose par l intermédiaire de pendentifs joignant quatre arcs de plein cintre sur quatre puissantes colonnes en marbre de Crussol à chapiteaux corinthiens en pierre de Cruas de 8 mètres de hauteur. Sur chaque pendentif, au nombre de douze, figurent, dans le désordre, les signes du zodiaque représentés dans leur figuration traditionnelle. D autres symboles, parfois énigmatiques, en rapport avec les saisons complètent la composition. Enfin, chaque coupole porte à sa base une frise représentant à la fois des cornes d abondance et les vagues de la mer, selon qu elle est observée en relief ou en creux. Le coût particulièrement onéreux de l ensemble entrava la poursuite de la réalisation de la salle, d autant que d importantes infiltrations d eaux endommagèrent par deux fois les stucs polychromes (vert, rouge et or) que Baltard avait prévus pour orner la partie inférieure des murs latéraux. Ceux-ci furent remplacés progressivement par des soieries avec des motifs de style Empire. Dans le but d améliorer l acoustique jusqu alors très médiocre de la salle, l opération de réhabilitation a permis de retirer les tissus sur papier d un ton rose dont les murs avaient été recouverts dans les années 1960, de coller sur ces derniers un revêtement en mousse acoustique et de tendre, pour parachever le décor, des panneaux de soie de couleur grise à grands feuillages s intégrant parfaitement aux marbres de Crussol des corniches et des colonnes. De même, afin d améliorer le confort de cette salle, le dallage du sol constitué d une marqueterie de pierres grises et noires a été entièrement déposé et une dalle chauffante a été réalisée sur toute sa superficie. Baltard avait prévu de réaliser lui-même le bas-relief surmontant la porte d entrée de la salle des pas perdus et avait commencé en personne son exécution mais son projet fut très critiqué et un autre sculpteur très en vue, Jean-François Legendre-Héral, fut invité à prendre la relève. «La ville de Lyon accueillant les Beaux-Arts, le Commerce, l Industrie et l Agriculture», exécuté en 1846-1847 (42 blocs de pierre de Seyssel, 9 mètres de long, 4,50 mètres de hauteur) : la ville de Lyon y est symbolisée, au centre, par une femme couronnée, le visage tourné vers les Arts, un lion endormi à ses pieds. Au premier plan : le Rhône et la Saône dans leur représentation traditionnelle d un homme et d une femme allongés. Sur la gauche : l architecte portant un plan coloré de rouge qui n est autre que le plan du palais de justice de Lyon! Son décès survenu en 1851 empêcha Legendre-Héral de réaliser le second bas-relief situé à l autre extrémité de la salle, au dessus de la porte d entrée de la cour d assises. Alors qu il avait été imaginé dans un premier temps d y apposer un cadran d horloge, ce ne fut qu en 1859 que l architecte du palais eut recours à un autre sculpteur réputé, Guillaume Bonnet, pour réaliser l œuvre actuellement en place. Exécutée entre 1860 et 1862, la Justice y est figurée par une femme assise tenant le sceptre et les tables de la loi. A sa gauche, les criminels à la tête courbée. A sa droite, les victimes dont une femme portant un enfant et un vieillard tandis qu un père enseigne à son fils encore innocent les principes de la morale. Deux statues de bronze fondues au début du second Empire, adossées aux murs latéraux après 1960, représentent au nord la Loi, figurée par la déesse Thémis (oeuvre de Jean-Baptiste Klagmann), au sud la Force sous les traits du dieu Mars (œuvre de Georges Diebolt). Orientée selon un axe est-ouest, la salle donne accès à six salles d audience disposées de part et d autre (au sud : salles Domat, Montesquieu et Pothier, au nord : salles Lamoignon, D Aguesseau et Cujas) ainsi qu à son extrémité ouest à la salle des assises. Les trois salles situées au sud étaient celles de la cour royale puis de la cour d appel alors que celles situées au nord étaient réservées au tribunal civil puis au tribunal de grande instance avant que ce dernier rejoigne en 1995 le Nouveau Palais de Justice édifié à la Part-Dieu. Ces salles étaient désignées par de simples lettres de l alphabet (A à F) jusqu à ce que, dans le prolongement de leur restauration, les chefs de cour décident de leur attribuer les noms de personnalités ayant porté au plus haut niveau les valeurs du droit et de la justice (lire «Aux grands hommes, la Justice reconnaissante»). L entrée de la salle d Aguesseau (anciennement première chambre du tribunal civil) est ornée de bas reliefs de type mésopotamien à tête de lions (ou de chiens selon l interprétation qui peut en être faite) surveillant une vasque figurant Hermes (arts, commerce et industrie) alors que les griffons ornant l entrée de la salle Montesquieu (anciennement première chambre de la cour d appel) ont reçu des têtes d aigles surveillant une urne portée par des lions : probablement un avertissement aux magistrats du tribunal de Lyon pour leur rappeler qu ils exercent sous le regard de la cour.

La salle des assises Accessible par un escalier de 13 marches en marbre de Crussol, encadré de part et d autre de deux anciens réverbères à gaz (ils avaient disparu dans les années 1960 et ont pu être remis en place à l occasion de l opération de rénovation), la cour d assises n a pu être achevée pour des raisons financières et par suite de désaccords entre l architecte et les autorités locales. Initialement, Baltard avait prévu de la couvrir de deux coupoles mais il y renonça à la demande des magistrats et opta, afin de privilégier l acoustique de la salle, pour un plafond plat, resté sans décor malgré les esquisses qu il avait pu en faire. Seul le compartimentage du plafond, destiné à l origine à recevoir trois toiles peintes, a été réalisé de façon luxueuse, entièrement en noyer, sculpté et rehaussé d or. Pour autant, la salle marque par la profusion et la richesse de ses décorations. Elle est aussi la plus grande des salles d audience du palais (200 m2 de surface et 12,50 m de hauteur). Une impressionnante double porte en noyer sculptée, de 5 mètres de hauteur, délimite l entrée de la salle. En haut de chaque ventail, l œil de Caïn, symbole biblique de la réprobation des criminels. Au milieu, trois faisceaux de licteurs, similaires à ceux des trumeaux de la façade, avec leur hache surmontée de la tête d un chien, d un aigle puis d un lion représentant la garde, la vigilance et la force. En bas, une tête de lion. A l intérieur, les boiseries sont en noyer et en thuya. Les trois portes latérales, encadrées par des pilastres corinthiens, sont surmontées d une guirlande de feuilles de chêne et de fleurs. Les marbres jaspés rouge, vert et ivoire sont véritables pour certains, peints pour d autres. Les bancs des accusés comme des parties civiles sont ornés de trèfles à quatre feuilles. A l arrière des sièges des magistrats, une alcôve entourée d une arcade en marbre dont se détachait autrefois un Christ en croix peint vers 1843 par Claude Bonnefond, visible sur les croquis d audience du procès en 1894 de l anarchiste Santo Caesario, assassin du Président Sadi Carnot (la toile se trouve à présent dans la chapelle de l hôpital du Vinatier). Dans l alcôve, des médaillons dont se détache notamment un lion tenant un glaive entre ses pattes avant. Le mobilier a été entièrement restauré mais, compte tenu du nombre plus important à l époque actuelle de jurés appelés à siéger, il n a pas été possible de remettre en place tous les fauteuils d origine devenus trop encombrants. Seuls les sièges des magistrats professionnels et du greffier sont anciens alors que les sièges réservés aux jurés sont contemporains.

La salle Montesquieu Anciennement salle de la première chambre de la cour d appel, la salle Montesquieu est particulièrement majestueuse. Le plafond en caissons, d une hauteur de 10 mètres, particulièrement ouvragé et doré à la feuille, est rehaussé de lambris en noyer vernis au tampon donnant au bois l aspect du cuir. D une superficie de 155 m2, la salle est éclairée par six verrières (trois de part et d autre) encadrées chacune par deux médaillons en pierre comportant les effigies, telles des figures tutélaires veillant sur les magistrats de la cour, d illustres juristes dont les noms ont été gravés. Sur le mur ouest : De Lamoignon, D Aguesseau, Montesquieu, Pothier, Dumoulin et Cochin. Sur le mur est : Mathieu Molé (garde des Sceaux et président du parlement de Paris au 17ème siècle, dont il est possible de penser que Baltard a placé l effigie à la droite même des juges afin de plaire à Louis-Mathieu Molé, l un de ses descendants, alors Premier ministre de Louis-Philippe), De L Hopital, Cujas, Domat, Gerbier et Portalis. Dans le prolongement de la rénovation du bâtiment, leurs noms ont été attribués à des salles d audience, galeries ou chambres du conseil du palais. Comme dans chacune des salles d audience, une tribune destinée à l origine à permettre aux invités des magistrats d assister aux audiences à l écart des justiciables, s avance au-dessus de la porte d entrée. Similaire à une loge de théâtre, dotée d un garde-corps en bronze doré, elle permet d accueillir une vingtaine de personnes mais elle n est plus accessible au public en raison de l exiguïté de l escalier qui la dessert. Dans chaque salle, la tribune a permis de dissimuler les conduits d amenée d air nécessaires à la climatisation. branche gauche d un rameau d olivier, symbole de la sagesse. Les trophées ont reçu une couronne identique mais sous laquelle sont entrecroisés le sceptre et la main de justice du roi de France. Enfin chaque écusson ou trophée est surmonté d une étoile à cinq branches, symbole de la perfection selon Pythagore. Le bureau à pilastre du procureur général, en noyer, reprend le motif du trophée : la main de justice évoquant la sagesse et le sceptre du roi représentant la force exécutoire que le roi délègue à ses procureurs. Le bureau du premier président comporte un livre de loi encerclé d une couronne de feuillage de chêne et d olivier et encadré de la main de justice et d un glaive rappelant qu il doit trancher les litiges, le tout surmonté d une étoile. A l inverse des autres sièges qui sont en noyer, les fauteuils du premier président et du procureur général sont en acajou et leur dossier est entouré d un rameau d olivier. Pour marquer encore la prééminence de ceux qui y siègent, leurs fauteuils sont confortés par des têtes de lion en bout d accoudoir et un piètement en forme de pattes de lion. Sur chaque pupitre, des lampes «Art Nouveau» à piètement en bronze et coupole d opaline blanche qui, comme l ensemble du mobilier, ont été restaurées. La loi est doublement représentée : au niveau du sol, sur le bureau du premier président, par le livre évoqué ci-dessus comportant la mention LEX, et au niveau des verrières, surplombant le premier président, sous la forme sculptée de deux tables accolées du décalogue de Moïse comportant la mention LA LOI. A l inverse de la salle de la première chambre du tribunal civil (désormais salle D Aguesseau, lire ci-après) qui impressionne par son faste, la salle de la première chambre de la cour d appel apparaît plus sévère notamment dans son mobilier moins ouvragé. C est à la demande même des magistrats de la cour royale qui, reprochant à Baltard sa fantaisie et ses goûts luxueux, réclamèrent officiellement davantage de sévérité et de convenance. Le décor, tout entier en noyer, hormis les pilastres de marbre de carrare intercalés entre les panneaux de lambris, impressionne par sa majesté. Chaque panneau lambrissé est formé de trois parties : au centre un trophée ou un écusson rehaussé d une frise d où se détachent des têtes de lion alors que sous et au-dessus du panneau central a été sculptée la fleur de Baltard. Les écussons représentent à l est la Bresse, à l ouest le Forez et au sud, derrière les magistrats, le Lyonnais, marquant ainsi le ressort de la cour d appel. Chaque emblème est cerclé d une couronne de feuillage dont la branche droite est formée d un rameau de chêne, symbole de la justice, et la

Les salles Domat et Pothier Attenantes à la salle Montesquieu, les salles Domat et Pothier, anciennement deuxième et quatrième chambres de la cour d appel, sont de dimensions plus modestes (100 m2 de surface et 8 m de hauteur) mais présentent des lambris en noyer d aussi bonne facture, surmontés, sur les faces latérales, d un décor de fausses pierres. Deux toiles du 17ème siècle attribuées au peintre lyonnais Thomas Blanchet qui ornaient l ancien palais de Roanne, ont été intégrées en 1854 au plafond de chacune des salles. Elles faisaient partie d un triptyque dont l élément central représentant «Le châtiment des vices» se trouve à présent au musée des beaux arts de Lyon. Salle Domat : «Le triomphe éternel de la vérité». Réalisée en 1687, la toile présente la vérité sous les traits d une femme coiffée d une couronne de lauriers. A ses pieds, une autre femme tenant une main de justice représente l autorité alors qu un homme armé d une pique représente l acte vertueux et qu une figure ailée dont le coeur s orne d un soleil représente la vertu. Ainsi, la vérité triomphe éternellement grâce à l autorité servie par la vertu et l acte vertueux. Salle Pothier : «La séparation du juste et de l injuste». Réalisée à la même époque, la toile représente la distinction du juste et du faux. La justice y a les traits d une femme tenant un tamis. Son action est soutenue par le temps (vieillard ailé muni d une faux et d un sablier), la prudence (une femme tenant dans sa main droite un miroir et dans sa main gauche un serpent) et le conseil (un second vieillard). Ainsi, la justice sépare le juste de l injuste ou le vrai du faux avec l appui du temps, de la prudence et du conseil. L une et l autre ont été restaurées en atelier avant d être remises en place. La salle d Aguesseau Anciennement salle d audience de la première chambre du tribunal civil, réalisée par Baltard en début de chantier alors qu il n était pas encore confronté aux contraintes budgétaires, elle est celle qui offre au regard la décoration la plus variée. Tant au niveau du plafond à caissons sculptés que sur les murs et sur le sol, l architecte a alterné des boiseries sombres et claires par l utilisation de différentes essences (chêne clair, chêne foncé, érable moucheté). Des colonnes corinthiennes en marbre supportent la salle alors que des panneaux de soieries couvrent les murs latéraux. Le mur par devant lequel siègent les magistrats est entièrement lambrissé alors qu à l opposé le mur au fond de la salle côté public est couvert de faux marbre d une qualité exceptionnelle. Au centre de chaque caisson du plafond, un couronne de chêne dorée à la feuille comportant des glands à grandeur réelle et comportant les creux de véritables glands : un détail qui force d autant plus l admiration qu il n est pas visible depuis le sol de la salle. A l entrée de la salle, le sol où stationne le public debout est constitué, de même que dans chaque salle, d une alternance de carreaux de marbre de deux couleurs différentes à la manière des auditoires de justice du Moyen Age où le «carreau» regroupait les personnes étrangères à la cause tandis que les parties accédaient au «parc» ou «parquet». Les premiers bancs sont d ailleurs disposés sur un parquet de bois et le parquet d origine en marqueterie est encore en place au niveau du prétoire. L estrade et les bureaux d audience, en noyer, présentent plusieurs symboles. Devant le président, une balance particulièrement ouvragée dont l axe, entouré du caducée d Hermès, jaillit d une tête de lion d où sortent latéralement deux cornes d abondance. Ainsi, l équité de la justice lyonnaise assure la prospérité générale. Quant au procureur, des griffons à bec d aigle veillant sur un flambeau sont là pour lui rappeler qu il doit veiller à l exécution des lois et des décisions de justice. Uniques par leur forme dans le mobilier du palais, les fauteuils du président et du procureur, tout en noyer façon acajou, présentent un impressionnant piètement constitué de quatre pattes de lion dont les deux avant remontent pour devenir des montants à la forme du torse de l animal dont la tête reçoit, de part et d autre, l extrémité d un accoudoir en forme de corne d abondance. Le dossier, de velours mohair pourpre, a été réalisé en forme de médaillon sur le modèle du trône de Louis-Philippe.

Les salles Lamoignon et Cujas Les escaliers d honneur Plus sobres et de taille plus modeste (superficie de 100 m2, hauteur de 8 m) que l ancienne salle d audience de la première chambre du tribunal civil qu elles jouxtent, les salles Lamoignon et Cujas, anciennement deuxième et troisième chambres du tribunal, ont conservé leurs faux marbres d origine sur lesquels apparaissent entre autres symboles des cornes d abondance. Elles marquent par leurs panneaux de soierie tendue, de couleur verte dans la salle Lamoignon, rouge dans la salle Cujas, incorporés à des boiseries en noyer. Avant la restauration des salles, sous les tribunes, de part et d autre de l entrée, se trouvait un décor de faux marbre vert foncé probablement réalisé dans les années 1970. Sous celui-ci, ont été retrouvés les faux marbres d origine, de bien meilleure qualité, verts dans la salle Lamoignon, rouges dans la salle Cujas. D où la couleur des soieries choisies pour chaque salle. Deux escaliers permettant d accéder aux deux premiers étages des ailes nord et sud du palais marquent par leur monumentalité et la taille considérable des pierres de Villebois utilisées pour leur construction. Ainsi, une volée de 2 mètres de largeur, comportant 14 marches, deux limons et une sous-face entièrement sculptée, est-elle constituée d une seule pierre. Deux colonnes monolithes, de marbre de Crussol ou de pierre de Villebois selon les escaliers, soutiennent les paliers d étage. Deux tableaux aux dimensions impressionnantes ajoutent à la majesté des lieux : l un de Ranvier représentant «Promethée délivré» (escalier d honneur Josserand), l autre de Joanny Chatigny représentant les célébrités lyonnaises de tous âges regroupées en 1873 sur la place Bellecour (escalier d honneur Garaud). Les plafonds en plâtre ont été peints, l un en harmonie avec la pierre de Villebois (escalier d honneur Garaud), l autre en faux bois orné des blasons des trois départements du ressort de la cour d appel (escalier d honneur Josserand). De part et d autre, un ascenseur a pu être incorporé au décor existant. Les galeries et bureaux de prestige Dans le prolongement des escaliers d honneur, six galeries que Baltard avait imaginées ouvertes sur l extérieur permettent la distribution des bureaux des ailes nord et sud. Les dalles du sol sont en pierre épaisse dont la sous-face sculptée constitue le décor du plafond inférieur. La rénovation des lieux a permis de dissimuler les réseaux électriques qui jusque là nuisaient au décor que plusieurs tableaux de Crétey et Chabry sont venus compléter. Mais la plus majestueuse des galeries du palais est assurément celle située sous le péristyle que la restauration qui vient de s achever a permis de redécouvrir. Dotée de part et d autre de pilastres réguliers en pierre, d un plafond à caissons et d un sol en pierre de taille, son éclairage naturel est assuré par de véritables puits de lumière au moyen de dalles de verre incorporées au sol même de la galerie supérieure. Au centre un vestibule vitré s ouvre sous les voûtes de la salle des pas perdus et permet d accéder aux cours intérieures du palais ainsi qu aux nouvelles salles d audience du rez-de-chaussée. Bordée notamment par les locaux d accueil et d information du public, elle constitue le nouveau hall d entrée dans la cour et porte désormais le nom de Louis-Pierre Baltard. Constitué de près de 600 pièces entièrement restaurées, le mobilier dessiné pour partie par Baltard lui-même a repris place dans les salles d audience, salles de réunion, bibliothèque et bureaux de prestige. Parmi ces derniers les bureaux du premier président et du procureur général ainsi que la bibliothèque historique qui abrite encore partie du fonds d ouvrages anciens de la cour (plus de 2 000 volumes, essentiellement des 18ème et 19ème siècles, dont le plus ancien date de 1539).

Des lieux chargés d histoire Quatre années de chantier : des chiffres et des hommes Les 24 colonnes, et avant elles, le palais de Roanne ont été le théâtre de procès majeurs de l histoire de France : - dès le 12 septembre 1642, Cinq Mars et son compagnon du Thou y furent condamnés à mort par une juridiction d exception spécialement constituée par Richelieu pour avoir, à ses yeux, entraîné dans une conjuration contre la couronne, le frère du Roi, Gaston d Orléans - le 2 août 1884, l anarchiste italien Santo Caserio y fut jugé pour avoir assassiné à Lyon, le 24 juin de la même année, le président de la République Sadi Carnot. Condamné à mort, il fut guillotiné dès le 16 août 1884 - le 9 janvier 1943, le général Jean de Lattre de Tassigny y fut poursuivi du chef de trahison pour avoir refusé d obéir à l ordre reçu de Vichy de ne pas intervenir devant la progression des armées allemandes - le 24 janvier 1945, Charles Maurras y fut jugé et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour intelligence avec une puissance ennemie - du 11 mai au 4 juillet 1987, Klaus Barbie y fut jugé pour crime contre l humanité. Une entreprise menée conjointement par l Etat et le département du Rhône qui a assuré la maîtrise d ouvrage Une maîtrise d œuvre confiée en 2005 à une équipe composée notamment du cabinet Metropolis Architectes associés (Denis Eyraud), du cabinet Didier Repellin, architecte en chef des monuments historiques, et de Gaël Robin, architecte du patrimoine Un bâtiment de 11 391 m2 sur cinq niveaux Une opération de près de 60 millions d euros Plus de 550 000 heures de travail Près de 350 professionnels issus de tous les corps de métiers Plus de 500 pièces de mobilier historique restaurées Une livraison intervenue le 15 mai 2012 Initiée en mai 2005, l opération a été conduite dans le respect des délais et du budget impartis.