CAHORS. (LOT) CATHÉDRALE Saint-Étienne PORTAIL NORD Sommaire Étude Illustrations NOTE COMPLÉMENTAIRE I. EMPLACEMENT Situé au nord de la cathédrale, le portail roman, par ses dimensions mêmes, aurait dû se trouver sur la façade. Telle est l'hypothèse que Raymond Rey allait argumenter en 1925 au nom d'une architecture idéale (R. Rey, La cathédrale de Cahors et les origines de l'architecture à coupoles d'aquitaine, Cahors, 1925, p. 104-106.). L'hypothèse avait eu pour origine le souhait des "antiquaires" locaux en 1908 de faire placer le beau portail roman sur la façade occidentale, "en bien meilleure perspective", au lieu de le laisser dans une rue étroite (M. Durliat, La cathédrale Saint-Étienne de Cahors, Architecture et Sculpture, dans Bulletin Monumental, t. 137, IV, 1979, p. 311). De là à démontrer que son véritable emplacement avait été la façade occidentale, il n'y avait qu'un pas qui fut franchi par R. Rey ; il proposa la datation de ce transfert à la fin du XII e siècle, qu'il finit par repousser à la fin du XIII e siècle, au moment de la construction de la façade actuelle. Depuis 1925, l'idée faisait autorité. Or, en 1977, Elke Bratke, dans sa thèse sur le portail nord (Das Nord-portal der Kathedrale Saint-Étienne in Cahors) réfuta de tels arguments. Elle démontra, par l'étude de la topographie des abords de la cathédrale, que le portail était bien à son emplacement d'origine. En 1979, M. Marcel Durliat en vint à la même conclusion par l'analyse archéologique (Bulletin Monumental, op. cit., p. 315-331.). Depuis, d'autres indices l'ont confirmé : la réfection intérieure de la nef et d'une chapelle latérale nord en 1982 révéla que celle-ci fût bâtie à partir du piédroit du portail et que, par conséquent, il lui était antérieur. Par ailleurs, la photographie de la fenêtre haute romane, située au-dessus du portail, indique bien la solidarité entre les éléments romans de la structure (fig. 3). L'emplacement du portail roman avait donc été choisi en fonction de la topographie urbaine : donnant sur une place où aboutissait la voie principale nord-sud de la ville, il avoisinait l'entrée du premier palais épiscopal, situé contre le flanc nord de la cathédrale. En outre, les emplacements latéraux des portails romans étaient fréquents en Languedoc et en Aquitaine.
L'affirmation de R. Rey ne relève plus désormais que de la légende. II. CHRONOLOGIE Le portail roman fut réalisé après 1140, succédant à la porte sud (1130) (cf. argumentation de M. Durliat dans Bulletin Monumental, t. 137, p. 325-331.). Il fut consolidé, à la fin du XII e siècle ou au début du XIII e siècle, par deux arcs en plein-cintre décorés de motifs empruntés au portail. Un mouvement de tassement était survenu à cet endroit (cf. M. Durliat, Bulletin Monumental, t. 137, P. 315). Il fut muré en 1732, lors de la construction de la tribune intérieure dans la travée occidentale. Le tympan, les ébrasements sculptés furent redécouverts en 1840 par F.-A. Calvet (cf. Rapport de F.-A. Calvet, p. 68). En 1862, le portail fut débouché, sous l'initiative de l'architecte diocésain J.-Ch. Laisné (cf. Bulletin Monumental, T. 137, p. 315). Malgré la dislocation des dalles du tympan et l'affaissement de certains voussoirs, le portail ne fut pas restauré avant 1908. La consolidation du tympan entraîna dès lors l'enlèvement des arcs intermédiaires (doc. 4). Les travaux de restauration se prolongèrent jusqu'en 1913. Ils ne furent pas menés avec sérénité : une certaine pression locale ne permit pas à l'inspection des Monuments historiques de maîtriser toute la situation. Les soubassements furent restaurés "abusivement" et, en 1911, le décor de rosaces fut prolongé sur toute la hauteur de la façade du portail (cf. Bulletin Monumental, t. 137, p. 239). III. COMPOSITION DU PORTAIL ROMAN DE CAHORS ET PARENTES Le portail ne forme pas un ensemble avec la façade nord de la cathédrale. Il s'en détache, au contraire, et affirme sa disparité par un avant-corps saillant. L'entrée, surmontée d'un tympan qui, à l'origine, s'appuyait sur un linteau que remplacent deux pierres lisses, est logé en retrait, en arrière d'un profond ébrasement. L'avant-corps est décoré d'une corniche et de modillons sculptés (fig. 4). La face extérieure est ornée de voussures et d'une archivolte sculptée (fig. 5-25) qui forment, à distance, l'encadrement du tympan. Les piédroits et les ébrasements sont décorés d'arcatures et de colonnettes engagées que séparent des gorges décorées de motifs de "têtes de clous" cantonnant les rangées de rosaces réparties, à l'origine, seulement dans la partie inférieure des piédroits. La polychromie des pierres souligne la richesse du décor. La composition du portail de cahors est apparentée à celle des portails de Moissac et de Beaulieu : ils sont conçus comme un espace spécifique, "une dilatation" du seuil, répondant à leur propre logique. Il faut également les rapprocher d'un groupe secondaire situé en Limousin et en Auvergne : Collonges, la Graulière, Sérandon, en Corrèze, ainsi que Ydes et Mauriac dans le Cantal. C'est à Cahors que se déploie tout un décor sculpté sur la face extérieure du portail et ses ébrasements : une telle prolifération, alliée à la délicatesse du style, confirme une chronologie tardive par rapport à Moissac et Beaulieu. D'autres parentés peuvent être établies entre Cahors et Moissac avec les motifs sculptés : les rosaces des entrecolonnements, les "fruits globuleux parsemés de boules", et les palmettes aux lobes perlés. Si de tels motifs permettent de cerner la marque d'un atelier créatif, il fut intéressant de retrouver, dans la salle capitulaire du prieuré de Catus, l'un de ses jalons (cf. Bénéjeam-Lère, Le prieuré Saint-Jean de Catus,
dans Bulletin de la Société des Études du Lot, t. CII, 1981, p. 196-199). IV. ICONOGRAPHIE DU DÉCOR DE L'ARCHIVOLTE C'est en rapprochant le portail de Cahors du groupe secondaire des portails de Mauriac, Ydes et Sérandon, que M. Durliat a pu constater qu'ils offraient la même particularité : "les scènes historiées quittent la zone des arcades basse des murs latéraux (...) pour se développer le long de l'archivolte extérieure" (M. Durliat, Bulletin Monumental, t. 137, p. 329). La frise de l'archivolte se prolonge sur les piédroits du portail en bandeau sculpté. A Cahors, les scènes historiées paraissent ordonnées selon une composition d'ensemble : sur les bandeaux latéraux, s'étirent de part et d'autre des scènes de chasse, cavaliers, chiens, archers à pied poursuivant un gibier butant avec l'angle que forme l'archivolte. Dans l'angle même s'embusquait un chasseur avec filet à l'est, un archer bandant son arc à l'ouest, face au cerf. Puis, sur la partie orientale de l'archivolte, se développent des scènes de lutte et de cruauté implacable, tandis que sur l'autre moitié des scènes moins barbares évoquent les travaux quotidiens, tel que le ferrage d'un cheval (fig. 19-20). Au sommet de la frise, il faut remarquer la sculpture d'un tailleur de pierre (fig. 16). Son emplacement ne paraît pas dénué de sens : c'est lui qui est à l'origine des "images", le thaumaturge en quelque sorte, qui peut montrer le déchaînement de la violence comme l'évocation de la paix que suggèrent les travaux du maréchal-ferrant, du porteur d'eau ou du berger (fig. 22). mais au-delà des détails sadiques ou pittoresques, il faut remarquer qu'en fin de compte, la frise de l'archivolte de Cahors offre "un des ensembles les plus rares de la sculpture romane méridionale" (M. Durliat, Bulletin Monumental, t. 137, p. 330). Un tel décor sculpté est sans doute à mettre en relation avec l'extension de la sculpture sur les portails ou avec une autre formule, comme celle pratiquée en Aquitaine, où seules les voussures étaient sculptées, les tympans étant absents. A Cahors, les deux formules furent exploitées. Une telle extension apparut également en Bourgogne (cf. M. Durliat, L'Art Roman, 1981, p. 135). Maurice Scellès 1996. Sommaire Étude Illustrations ILLUSTRATIONS Pl. I Centre Recherche M.H., S. 344. Relevé photogrammétrique, éch. 1/50e I.G.N., 1975
Élévation extérieure du portail nord. Pl. II Centre Recherche M.H., S. 344. Relevé photogrammétrique, éch. 1/50e I.G.N., 1975 Ébrasement est du portail. Pl. III Centre Recherche M.H., S. 344. Restitution photogrammétrique, éch. 1/50e I.G.N., 1975 Ébrasement ouest du portail. Doc. 1 Photographie ancienne du fonds de la Société des Études du Lot. Cl. Inventaire Midi-Pyr. : IVR73_91460109VC Portail nord avant la restauration de 1908. Doc. 2 Carte postale ancienne. Repro. Inv. : IVR73_87460066X Tympan et archivolte du portail nord avant 1908. Doc. 3 Cl. M.H. 108 167
Portail nord avant restauration de 1908. Fig. 1 Photo. IVR73_87460106V Façade nord de la cathédrale. Partie orientale du portail roman. Fig. 2 Photo. IVR73_87460109X Partie supérieure du portail roman. Vue prise de l'ouest. Fig. 3 Photo. IVR73_89460251X Fenêtre haute située au-dessus du portail roman. Fig. 4 Photo. IVR73_88460381X Portail roman : corniche, sommet de l'archivolte, partie occidentale. Fig. 5 Photo. IVR73_88460382X Portail roman. Vue partielle, partie supérieure occidentale. Archivolte sculptée : le ferrage du cheval.
Fig. 6 Photo. IVR73_88460659X Portail roman, piédroit oriental, bandeau sculpté, angle nord est : cavalier armé d'une lance. Fig. 7 Photo. IVR73_88460658X Portail roman, piédroit oriental, bandeau sculpté : scènes de chasse. Fig. 8 Photo. IVR73_88460389X Portail roman, piédroit oriental, angle du bandeau sculpté et de la frise d'archivolte : chasseur ayant tendu un filet pour capturer le gibier. Fig. 9 Photo. IVR73_88460387X Portail roman. Frise de l'archivolte. Partie orientale : personnages et animaux agrippés. Fig. 10 Photo. IVR73_88460385X Portail roman. Frise de l'archivolte, partie orientale : un personnage en tient un autre renversé. Fig. 11 Photo. IVR73_88460383X
Portail roman, frise de l'archivolte, partie orientale : personnage armé de boules. Fig. 12 Photo. IVR73_88460398XA Portail roman, frise de l'archivolte, partie orientale : deux personnages en empalent et en égorgent un troisième. Fig. 13 Photo. IVR73_88460397X Portail roman, frise de l'archivolte, partie orientale : deux personnages en émasculent et en égorgent un troisième. Fig. 14 Photo. IVR73_88460391X Portail roman, frise de l'archivolte, partie orientale, claveau restitué : scène d'empalement. Fig. 15 Photo. IVR73_88460392X Portail roman, frise de l'archivolte, partie orientale supérieure : un personnage tire les cheveux d'un deuxième suppliant. Fig. 16 Photo. IVR73_88460393XA Portail roman, frise de l'archivolte, partie occidentale supérieure : un tailleur de pierre, un lapicide? Fig. 17 Photo. IVR73_88460396X
Portail roman, frise de l'archivolte, partie occidentale : deux personnages tenant le même bâton. Fig. 18 Photo. IVR73_88460399X Portail roman, frise de l'archivolte, partie occidentale : détail du deuxième personnage. Fig. 19 Photo. IVR73_88460384X Portail roman, frise de l'archivolte, partie occidentale : ferrage d'un cheval ; le premier personnage, muni d'un tord-nez, retient le cheval. Fig. 20 Photo. IVR73_88460386X Portail roman, frise de l'archivolte, partie occidentale : ferrage d'un cheval ; le deuxième personnage tient le pied du cheval, un troisième fixe le fer au brochoir. Fig. 21 Photo. IVR73_88460388X Portail roman, frise de l'archivolte, partie occidentale : figure érodée, personnage agenouillé. Fig. 22 Photo. IVR73_88460600X Portail roman, frise de l'archivolte, partie occidentale : personnage tenant une oule, berger soufflant dans une trompe, la houlette sur l'épaule.
Fig. 23 Photo. IVR73_88460601X Portail roman, frise de l'archivolte, partie occidentale : deux personnages combattent, l'un avec un gourdin, l'autre avec une lance. Angle de l'archivolte, bandeau du piédroit : un archer face à un cerf. Fig. 24 Photo. IVR73_88460661X Portail roman, bandeau du piédroit occidental : scène de chasse : chiens courant après un cerf, suivis d'un cavalier. Fig. 25 Photo. IVR73_88460662X Portail roman, bandeau du piédroit occidental, angle nord-ouest : scène de chasse, chiens. Fig. 26 Photo. IVR73_88460660X Portail roman, bandeau du piédroit occidental, vue de l'ouest : scène de chasse : cavalier, archer à pied et chiens. Fig. 27 Photo. IVR73_88460455X Portail roman, ébrasement oriental, partie supérieure, vers l'extérieur (restaurée). Fig. 28 Photo. IVR73_88460453X Portail roman, ébrasement oriental, partie supérieure, vers le tympan (non restaurée). Fig. 29 Photo. IVR73_88460456X
Portail roman, angle piédroit oriental et ébrasement : modillon roman soutenant la voussure. Fig. 30 Photo. IVR73_88460457X Portail roman, angle piédroit occidental et ébrasement : modillon roman soutenant la voussure. Fig. 31 Photo. IVR73_88460454X Portail roman, ébrasement occidental, partie supérieure, vers l'extérieur (restaurée). Fig. 32 Photo. IVR73_88460452X Portail roman, ébrasement occidental, partie supérieure, vers le tympan (écoinçons et chapiteaux d'arceaux non restaurés). Fig. 33 Photo. IVR73_88460340X Portail roman, ébrasement occidental, détail écoinçon (aigle). Fig. 34 Photo. IVR73_88460343X Portail roman, ébrasement occidental ; détail écoinçon : personnage agenouillé.
Fig. 35 Photo. IVR73_91460164VA Ensemble du portail après le réaménagement de la rue en 1991. Fig. 36 Photo. IVR73_91460166VA Ensemble du portail après le réaménagement de la rue en 1991. Région Midi-Pyrénées, Service régional de l'inventaire, 2002