Risque pour les herbivores associé à la consommation de plantes ayant accumulé des radionucléides



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Transcription:

Centre d'expertise en analyse environnementale H IISII Québec an Direction des expertises et des études Note DESTINATAIRE: Monsieur Louis-Gilles Francoeur, président Commission du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement sur les enjeux de la filière uranifère au Québec DATE: Le 14 novembre 2014 OBJET: Risque pour les herbivores associé à la consommation de plantes ayant accumulé des radionucléides À la demande du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) sur les enjeux de la filière uranifère au Québec, nous avons procédé à l'évaluation du risque associé à la présence de radionucléides dans des plantes, sur ou à proximité d'un site minier uranifère, pour les oiseaux et les mammifères herbivores. Une évaluation du risque associé à la toxicité chimique, appelée évaluation du risque écotoxicologique (ÉRÉ}, a été réalisée pour l'uranium. Cette évaluation n'a pu être menée pour les descendants de l'uranium, également présents dans les minerais d'uranium, par manque de données spécifiques sur leur toxicité chimique. Le risque radiotoxique associé à l'uranium et à ses descendants a été évalué à l'aide d'une évaluation des risques radiotoxiques (ÉRR). L'évaluation du risque, écotoxicologique ou radiotoxiq ue, a pour objectif d'estimer les probabilités d'effets néfastes chez des récepteurs écologiques susceptibles d'être affectés à la suite de l'exposition à une ou plusieurs substances, selon les caractéristiques propres à la source de contamination et au site à l'étude (CEAEQ, 1998). La démarche suivie pour la réalisation de I'ÉRÉ est basée sur la Procédure d'évaluation du risque écotoxicologique (PÉRÉ ; CEAEQ 1998). La démarche suivie pour la réalisation de I'ÉRR est basée sur la Procédure d'évaluation du risque radiotoxique pour l'environnement, actuellement en révision, qui sera disponible d'ici la fin de l'année 2014 (CEAEQ, en révision). Afin de mener à bien ces évaluations, plusieurs hypothèses ont été posées. Par la suite, la contamination des. différents médias et organismes a été estimée par l'utilisation d'équations mathématiques et le risque a été déterminé en comparant la valeur de l'exposition estimée à la valeur de référence applicable. Cette valeur de référence correspond au niveau d'effet tolérable pour l'organisme, c'est-à-dire qui n'induit pas de stress biologique non acceptable.... 2 Ministère du Développement durable, de l'environnement et de la lutte contre les changements climatiques Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec 2700, rue Einstein, bureau E-2-220 Québec (Québec) G 1 P 3W8 Téléphone: 418 643-1301 poste 341 Télécopieur : 418 528-1 091 Courriel: gaelle.triffaultbouchet@mddelcc.gouv.qc.ca www.ceaeq.gouv.qc.ca

1. PORTÉE DE CETTE ANALYSE La présente étude est purement théorique et le scénario retenu est hypothétique. Les risques écotoxicologiques et radiotoxiques associés à l'uranium et à ses descendants pour les récepteurs écologiques, autour d'une mine d'uranium, dépendront fortement des conditions environnementales (ex. orientation des vents) ainsi que des conditions d'exploitation de la mine (ex. gestion des haldes de stériles et de résidus, ainsi que des poussières). Par conséquent, les informations présentées dans ce document sont fournies à titre indicatif. Elles ne correspondent à aucun cas concret. Les risques écotoxicologiques et radiotoxiques seront étudiés en détail lors des processus d'évaluations environnementales des projets miniers qui impliqueraient la présence de radionucléides. 2. MODÈLE.CONCEPTUEL La première étape d'une évaluation du risque consiste à generer un modèle conceptuel du scénario étudié. Il consiste en une représentation ou définition du système environnemental, à savoir les processus qui déterminent le devenir des contaminants dans le milieu et leurs transports, depuis la source de contamination vers les récepteurs écologiques. Le scénario considéré pour cette analyse est le suivant. Du fait d'activités minières uranifères, des haldes de résidus ont été mises en place et celles-ci contiennent des résidus fortement contaminés. Des plantes ont malgré tout réussi à pousser sur ces résidus. L'uranium présent, ainsi que ses descendants ont pu se bioaccumuler dans ces plantes, qui pourraient être consommées par différents organismes herbivores. Les mécanismes de transport de l'uranium et de ses descendants, à partir du sol ou des résidus, retenus pour cette étude, sont les suivants : l'érosion éolienne, la volatilisation à partir des sols ainsi que la bioaccumulation 1 bioamplification. Ils sont décrits en détail dans le document joint. L'évaluation ne tient pas directement compte des mécanismes d'oxydation/réduction et de complexation de l'uranium et de ses descendants. Les récepteurs écologiques sélectionnés pour représenter les organismes potentiellement présents autour d'un site minier situé au Québec sont 1 es suivants : les plantes et les invertébrés terrestres; les oiseaux granivores (représentés par le Bruant des prés); les oiseaux omnivores de niveau trophique intermédiaire (représentés par le Merle d'amérique); les oiseaux herbivores (représentés par la Bernache du Canada); les oiseaux prédateurs (représentés par la Crécerelle d'amérique); les oiseaux prédateurs de niveau trophique supérieur (représentés par le Grand-duc d'amérique); les petits mammifères terrestres herbivores (représentés par le Campagnol des champs); 2

les petits mammifères insectivores (représentés par la Grande musaraigne); les mammifères terrestres omnivores (représentés par le Raton laveur); les mammifères terrestres omnivores prédateurs (représentés par le Renard roux); les grands mammifères terrestres herbivores (représentés par l'orignal). La justification de ces choix est présentée en détail dans le document joint. Les voies d'exposition considérées sont, pour les plantes et les invertébrés du sol, le contact direct avec celui-ci. Pour les oiseaux et les mammifères, l'inhalation, l'ingestion de sol et l'ingestion d'eau ont été prises en compte ainsi que l'ingestion de plantes terrestres (partie aérienne ou racinaire), d'invertébrés ou de vertébrés, selon le régime alimentaire des organismes. Pour les oiseaux, le contact dermique est considéré comme négligeable, car la présence de plumes limite considérablement le contact avec le sol (Sample et collab., 1997). Il en va de même pour les mammifères du fait de la présence de fourrure qui limite le contact du spi avec la peau (Sample et collab., 1997). Notons que les radionucléides ont été considérés comme étant 100% biodisponibles et que nous avons considéré que les organismes passaient 100 % de leur temps sur le site contaminé. Ces hypothèses maximisent l'exposition des organismes à l'uranium. 3. ÉVALUATION DU RISQUE ÉCOTOXICOLOGIQUE Une évaluation du risque écotoxicologique a été réalisée pour l'uranium. L'évaluation a pour objectifs de s'assurer que la présence d'uranium dans les sols ne provoque pas d'effets toxiques pour: les communautés de plantes ou d'invertébrés en contact direct avec les sols; les oiseaux ou les mammifères (croissance, survie ou reproduction), en particulier les organismes herbivores, qui consommeraient des plantes ayant accumulé de l'uranium. Les détails de cette évaluation du risque sont fournis dans le document joint. Un résumé est présenté dans les sections suivantes. Cette démarche n'a pu être réalisée pour les descendants de l'uranium, également présents dans les minerais d'uranium, par manque de données spécifiques sur leur toxicité chimique. 3.1. VALEURS DE RÉFÉRENCE ÉCOTOXICOLOGIQUES Les valeurs de référence écotoxicologiques retenues pour cette analyse ont été déterminées à partir d'une revue de littérature sur la toxicité et la bioaccumulation de l'uranium dans les organismes terrestres (CEAEQ, 2014a). Nous avons constaté un manque important de données pour chaque catégorie de récepteurs, une grande étendue des concentrations avec ou sans effet et, 3

finalement, un nombre élevé de données du type CMEO (concentration minimale avec effet observable) et du type CSEO (concentration sans effet observable), ce qui a rendu la définition des seuils de toxicité complexe. En conséquence, la méthode recommandée par le CEAEQ (CEAEQ, 2012) pour déterminer des valeurs de référence n'a pu être utilisée pour l'uranium. C'est la méthode décrite pour déterminer les critères de qualité des sédiments au Québec qui a été retenue (Environnement Canada et du ministère du Développement durable, de l'environnement et des Parcs du Québec, 2007). Cette méthode est basée sur la probabilité d'incidence d'effets néfastes et permet l'utilisation des dor:mées de type CMEO. Les valeurs de référence écotoxicologiques provisoires déterminée pour l'uranium pour plusieurs récepteurs terrestres sont présentées dans le tableau 1. Tableau 1 - Valeurs de référence provisoires pour l'estimation du risque écotoxicologique associée à une exposition à l'uranium, Récepteur, Valeur de référence Plantes Invertébrés Mammifères 700 mg/kg 976 mg/kg 1609 mg/kg/jour Il n'a pas été possible de dériver une valeur pour les oiseaux. Néanmoins, des doses de référence pour les oiseaux ont été calculées à partir de celles disponibles pour les mammifères (EPA, 1993). 3.2. MODÉLISATION DES CONCENTRATIONS EN URANIUM DANS LE MILIEU Les teneurs naturelles du sol en uranium dans le monde varient habituellement entre 1,0 et 5,5 mg U/kg (Kabata Pendias et Pendias, 2001). Plusieurs auteurs rapportent une concentration moyenne de 2,0 mg U/kg dans les sols (WHO, 2001; CCME, 2007; Zavodska et collab., 2008). La concentration en uranium dans les sols peut aussi atteindre, localement, des dizaines, voire des centaines de mg/kg de sol du fait d'anomalies géologiques ou d'activités minières qui génèrent des résidus et des dépôts atmosphériques. D'après les documents consultés (CEAEQ, 2014a), dans les résidus miniers les concentrations en uranium varient entre 3 et 572 mg/kg. Par conséquent, la concentration dans le sol retenue pour l'évaluation du risque écotoxicologique associé à l'uranium est de 572 mg/kg. Cette concentration correspond à la concentration maximale rapportée dans la littérature pour les résidus miniers. Elle constitue donc le pire des scénarios possibl es. Les concentrations en uranium dans l'eau de surface et dans l'air ont été estimées à partir de la concentration retenue dans les sols, soit 572 mg U/kg. Les équations retenues pour faire ces estimations sont présentées dans le document joint. Il convient de noter qu'en l'absence d'études précisant les concentrations en uranium qui pourraient être accumulées dans les plantes, les concentrations dans celles-ci ont dû être modélisées. Pour ce faire, une approche conservatrice a été utilisée, à 4

savoir l'application des facteurs de bioconcentration disponibles. sol-plantes maximums 3.3. ESTIMATION DE L'EXPOSITION Le document joint présente les équations et les hypothèses qui ont été retenues pour estimer les concentrations d'exposition pour les invertébrés terrestres et les plantes ainsi que les doses d'exposition pour les oiseaux et les mammifères, à partir de la concentration de 572 mg U/kg dans le sol. 3.4. ESTIMATION DU RISQUE ÉCOTOXICOLOGIQUE La méthode du quotient a été utilisée pour estimer les risques écotoxicologiques associés à l'uranium pour les organismes terrestres. La forme générale de la méthode du quotient est la suivante : ou: IR EEij Vréfij IR= n 2:( EEj/Vréfj) i,j=l indice de risque estimé exposition estimée (dose, concentration) pour le contaminant i et la voie d'exposition j valeur de référence (dose, concentration) pour le contaminant i et la voie d'exposition j Un indice de risque inférieur à 1 indique l'absence d'un risque significatif pour l'espèce concernée. Un indice de risque supérieur à 1 indique un risque probable pour l'espèce concernée. Cette probabilité doit ensuite être analysée, en particulier au regard de l'analyse d'incertitude de l'étude, et éventuellement documentée pour conclure à un risque significatif. Le tableau 2 présente les indices de risques estimés pour les récepteurs écologiques retenus. Ce tableau présente les indices de risque estimés pour une exposition à l'uranium par la consommation de plantes contaminées, ainsi que les indices de risque estimés pour une exposition à l'uranium par l'air, l'eau, le sol et la nourriture. Pour l'ensemble des récepteurs écologiques considérés, les indices de risque estimés sont inférieurs à l'unité. Pour le scénario étudié, il s'avère que la présence de l'uranium dans les sols ne présente pas de risque significatif pour les récepteurs écologiques sélectionnés, qu'ils soient herbivores, omnivores ou carnivores. 5

Tableau 2 - Indices de risque écotoxicolgique estimés pour l'exposition des récepteurs écologiques terrestres à l'uranium Plantes 8, 17E-01 Invertébrés 5,86E-01 Merle d'amérique 3,36E-02 2,63E-01 Bruant des prés 7,97E-03 7,87E-02 Bernache du Canada 1,31 E-01 2,16E-01 Crécerelle d'amérique 6,92E-02 Grand-duc d'amérique 1,14E-02 Campagnol des champs 1,91E-02 2,40E-02 Grande musaraigne 4,96E-04 4,08E-02 Raton laveur 1,81 E-02 3,90E-02 Renard roux 2,99E-03 3,01 E-02 Orignal 1,36E-03 1,42E-03 4. ÉVALUATION DU RISQUE RADIOTOXIQUE Une évaluation du risque radiotoxique associée à la présence de radionucléides dans des plantes, sur ou à proximité d'un site minier uranifère, a été réalisée pour les oiseaux et les mammifères herbivores 4.1. VALEURS DE RÉFÉRENCE RADIOTOXIQUE La valeur de référence radiotoxique utilisée est un débit de dose de 40 1JGy/h pour les mammifères et les oiseaux. Ce débit de dose représente 10 % de celui engendrant une mortalité et, à ce débit de dose, aucun effet sur la reproduction n'a été observé (UNSCEAR, 1996). 4.2. ACTIVITÉS DES RADIONUCLÉIDES DANS LE MILIEU Les radionucléides retenus pour cette évaluation du risque radiotoxique sont l'uranium-238 et ses descendants ayant des demi-vies supérieures à 10 jours et pour lesquels nous disposons de données pertinentes, c'est-à-dire le thorium-230, le radium-226 et le polonium-21 O. Le plomb-21 0 n'a pas été retenu, mais celui-ci ne représente pas un risque significatif pour la faune et la flore puisqu'il s'agit d'un émetteur bêta, largement moins nocif que les émetteurs alpha. Les revues de littérature sur la toxicité et la bioaccumulation de l'uranium, du thorium, du radium et du polonium, réalisées par le CEAEQ (2014a, b, c et en préparation) ont mis en évidence une possible accumulation de ces.radionucléides dans les végétaux lorsque les concentrations dans le milieu sont significatives. Les activités maximales dans les plantes répertoriées dans ces revues de littérature sont présentées dans le tableau 3. 6

Tableau 3 - Activités maximales des radionucléides dans des plantes d'après les revues de littérature réalisées par le CEA EQ (2014a, b, cet en préparation) Uranium-238 10 044 Shahandeh et H ossner, Racines de tournesol 2002 1, cité dans C EAEQ, (Helianthus annuus) 2014a Thorium-230 159 Shtangeeva et collab., Feuilles de plantain 2006 2, cité dans CEAEQ, (Piantago major) 2014b Radium-226 635 Tronc de bouleau Dave et collab., 1985 3, blanc cité dans CEAEQ, 2014c (Betu/a e_ae_y_rifera) Karunakara et collab., Polonium-210 125 Feuilles de karmal 2000 4, cité dans CEAEQ, (Dillenia pentagynal) en préparation 1 Ëtude réalisée en laboratoire; 2 Ëtude réalisée en laboratoire; 3 Donnée Issue de la mine d'uranium Elliot Lake en Ontario; 4 Donnée mesurée à proximité d'une centrale nucléaire en Inde. A la demande du BAPE, ces concentrations ont été retenues pour estimer les risques reliés à l'ingestion de végétaux pour les organismes herbivores 4.3. ESTIMATION DE L'EXPOSITION L'exposition n'est pas estimée par des concentrations ou des doses, mais par des débits de la dose à laquelle l'organisme est exposé. Pour ce faire, les concentrations mesurées ou estimées dans un milieu donné doivent être transformées en débit de dose. L'hypothèse d'additivité de toutes les voies et sources d'irradiation est appliquée pour le calcul du débit de dose total d'exposition des récepteurs écologiques. En effet, puisque les radionucléides ont le même mode de toxicité, les débits de dose sont additifs. La démarche utilisli!e pour établir ces débits de dose est décrite dans la Procédure d'évaluation du risque radiotoxique pour l'environnement (CEAEQ, en révision), 4.4. ESTIMATION DU RISQUE RADIOTOXIQUE La caractérisation du risque radiotoxique consiste à comparer les débits de doses d'exposition (ODE) totale estimées pour chaque récepteur écologique sélectionné à la valeur de référence (VR) radiotoxique applicables. La méthode utilisée est la méthode du quotient : IR =DDE /VR avec: IR ODE VR : indice de risque estimé pour un organisme; : débit de dose d'exposition totale; : valeur de référence radiotoxique. 7

Lorsque cet indice de risque est inférieur à 1, l'étude conclut à l'absence de risque radiotoxique significatif pour l'organisme. Lorsqu'il est supérieur à 1, ceci indique un potentiel de risque découlant de l'exposition aux r adionucléides. Étant donné l'absence de facteurs de transfert spécifiques plante-herbivores, il n'a pas été possible d'évaluer spécifiquement le risque radiotoxique associé à la consommation de plantes contaminées. Les indices de risque totaux ont été estimés à l'aide de l'outil ERICA (Environmental risks from ionising radiation: assessment and management; Commission européenne; Beresford et collab., 2007, 2008). Ainsi, à partir des activités maximales mesurées dans les plantes (Tableau 4), le modèle ERICA a dérivé des activités dans les sols. Les activités des quatre radionucléides ont ensuite été estimées dans les différentes corn posantes de l'écosystème et un indice de risque global a été établi pour plusieurs récepteurs écologiques tenant compte de toutes les voies d'exposition, internes et externes. La méthode détaillée est décrite dans la Procédure d'évaluation du risque radiotoxique pour l'environnement (CEAEQ, en révision). Les espèces sélectionnées pour représenter les organismes pour l'évaluation du risque écotoxicologique n'ont pu être utilisées ici. Ces espèces ne sont pas retenues par défaut dans le modèle ERICA et nous n'avons pas à l'heure actuelle les connaissances nécessaires pour introduire de nouvelles espè'ces dans le modèle. En conséquence, les espèces sélectionnées pour estimer le risque relié à l'ingestion de radionucléides pour les organismes herbivores sont les oiseaux (espèce non précisée dans le modèle), les petits mammifères, représentés par le rat, et les grands mammifères, représentés par le cerf. Le rat et le cerf sont de bonnes espèces indicatrices du fait, notamment, de leur domaine vital restreint. Les indices de risque estimés sont présentés dans le tableau 4. De faibles indices de risque, légèrement supérieurs à l'unité, ont été obtenus pour les trois récepteurs écologiques sélectionnés. Ainsi, dans l'éventualité où des plantes, situées sur et autour d'une mine d'uranium, accumuleraient des concentrations aussi élevées de radionucléides que celles que nous avons considérées ici, un risque potentiel est attendu pour les organismes herbivores. Tableau 4- Indices de risque radiotoxique associé à l'uranium et ses descendants pour les récepteurs écologiques herbivores, estimés à l'aide du modèle ERICA. Oiseaux Petits mammifères (rat) Mammifères herbivores (cerf) 2,4 1,8 1,6 8

5. INCERTITUDES Les hypothèses retenues pour cette étude maximisent l'exposition des organismes herbivores aux radionucléides et sont éloignées de la réalité. Le risque associé aux radionucléides est très certainement surestimé ici par: l'utilisation de données issues d'installations nucléaires situées en Inde pour le polonium, ce qui n'est pas représentatif de ce qui pourrait être mesuré autour d'un site minier, au Québec; l'utilisation de données provenant d'espèces non représentatives de l'environnement québécois pour le thorium et le polonium; l'utilisation de données issues d'études de laboratoires où les concentrations testées sont largement supérieures à celles potentiellement retrouvées autour des mines uranifères; le fait que nos hypothèses supposent que les oiseaux et les mammifères se nourrissent exclusivement de plantes contenant la plus forte concentration en radionucléides, ce qui n'est pas représentatif de la réalité. En effet, les organismes herbivores s'alimenteront de tous les végétaux qu'ils trouveront, sans distinction de l'espèce. Puisque l'accumulation varie d'une espèce à l'autre, les concentrations ingérées vont également varier. De plus, le domaine vital des herbivores est habituellement supérieur à la superficie d'une mine. Ces organismes s'éloigneront donc des installations pour trouver leur nourriture, ce qui signifie qu'ils ingéreront des plantes avec des concentrations bien inférieures à celles utilisées dans la modélisation. 6. CONCLUSION Pour ce scénario du pire cas, l'uranium ne présenterait pas de risque lié à sa toxicité chimique pour les organismes herbivores, les indices de risque étant inférieurs à 1,O. L'uranium et ses descendants présenteraient un risque potentiel pour les organismes herbivores du fait de leur radiotoxicité, les indices de risques étant légèrement supérieurs à 1. Bien que le scénario conservateur laisse croire à la présence de risques, l'estimation des risques mérite d'être raffinée afin de tenir davantage compte de la réalité. D'autant plus que ce risque ne tient pas compte de la mise en place de mesures de gestion des activités de la mine qui permettraient de limiter l'exposition des récepteurs écologiques aux radionucléides. Une évaluation des risques quantitative, qui tiendrait compte d'un scénario réaliste, conclurait vraisemblablement à une absence de risques pour les herbivores. Enfin, il convient à nouveau de préciser que la présente étude est purement théorique et que le scénario retenu est hypothétique et maximise l'exposition des organismes herbivores aux radionucléides. Par conséquent, les informations 9

présentées dans ce document sont fournies à titre indicatif. Elles ne correspondent à aucun cas concret. Nous demeurons disponibles pour toutes questions ou besoin d'information. Nathalie Paquet Écotoxicologue Division de l'écotoxicologie et de l'évaluation du risque Gaëlle~el Écotoxicologue, chef de division Division de l'écotoxicologie et de l'évaluation du risque c. c. M. Louis Martel, directeur des expertises et des études P.j.(1) 10

BERESFORD, N.A., C.L. BARNETI, B.J. HOWARD, W.A. SCOTI, J.E. BROWN et D. COPPLESTONE. 2008a. «Derivation of transfer parameters for use within the ERICA Tool and the default concentration ratios for terrestrial biota», Journal of Environmental Radioactivity, 99: 1393-1407. BERESFORD, N., J. BROWN, D. COPPLESTONE, J. GARNIER-LAPLACE, B. HOWARD, C.M. LARSSON, D. OUGHTON, G. PROHL et 1. ZINGER. 2007. D-ER/CA: An integrated approach to the assessment and management of environmental risks from ionising radiation. ERICA EC Project Contract FI6R-CT -2004-508847. CEAEQ (Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec). En révision, Procédure d'évaluation du risque radiotoxique pour l'environnement, Québec, Ministère du Développement durable, de l'environnement, de la Faune et des Parcs, 27 p. et annexes. CEAEQ (Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec). 2014a. Toxicité chimique de l'uranium sur les organismes terrestres - Revue de littérature. Québec, Ministère du Développement durable, de l'environnement, de la Faune et des Parcs, 131 p. CEAEQ (Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec). 2014b. Toxicité du thorium vis-à-vis des organismes terrestres et àquatiques - Revue de littérature, Québec, ministère du Développement durable, de l'environnement, de la Faune et des Parcs, 33 p. CEAEQ (Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec). 2014c. Toxicité du radium vis-à-vis des organismes terrestres et aquatiques - Revue de littérature, Québec, Ministère du Développement durable, de l'environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, 111 p. CEAEQ (Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec). En préparation. Toxicité du polonium vis-à-vis des organismes terrestres et aquatiques - Revue de littérature, Québec, Ministère du Développement durable, de l'environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. CEAEQ (Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec). 2012. Valeurs de référence pour les récepteurs terrestres. Québec, Ministère du Développement durable, de l'environnement et des Parcs, 28 p. 11