La pragmatique La pragmatique fait défaut chez l enfant autiste et pourtant elle est essentielle pour pouvoir communiquer adéquatement. Définition: La pragmatique est la compétence qui va permettre de s'adapter à une situation ou de la comprendre en fonction d'un certain contexte. S'il s'agit, par exemple, de repérer parmi un ensemble d'hommes celui qui va à son travail, ce sera celui en costume cravate et non celui en polo. La pragmatique concerne les savoirs implicites, non appris. Face à une situation, nous allons réagir suivant le contexte dans lequel elle se trouve (ex: je demande à un enfant ce qu'on doit dire quand on a renversé son verre. L'enfant me répond : "on dit oups". L'enfant ne comprend pas qu'on ne parle pas à ses copains de la même manière qu'à une grande personne). L'enfant qui a un trouble de la pragmatique ignore donc ce contexte et traite l'information comme un bloc. Deux autres exemples : Nous racontons à un enfant l'histoire suivante : "Paul prend son petit déjeuner dans la cuisine. Quand il a fini, il prend son bol et va la mettre dans la machine à laver et nettoie sa place avec une éponge". Nous demandons ensuite à l'enfant si c'est bien. «Non», répond-il «car maman a défendu de mettre le bol dans la machine à laver». Un enfant doit dire à quoi sert un casque audio. Comme il ne sait pas, nous l aidons en disant : ça sert à écouter la...? "Maîtresse" dit l'enfant. L enfant traite le mot «écouter» en bloc avec le mot «maîtresse».
Dans leur mémoire d'orthophonie 1 Louise LAPLACE et Valérie NEVEU définissent ainsi la pragmatique: "La pragmatique du langage est donc un ensemble de stratégies utilisées pour communiquer et s'adapter à son interlocuteur et à la situation de communication. Les conséquences d'un trouble de la pragmatique sur la communication et le langage: Le regard est souvent absent quand l enfant dit bonjour ou au revoir. L enfant ne se tourne pas vers la personne qui lui dit bonjour. Il peut même dire bonjour en écholalie. Ainsi, si nous disons : «bonjour Kévin» l enfant répond : «bonjour Kévin». Il est fréquent que l enfant fasse des demandes sens regarder ni se tourner vers l adulte. Ce dernier peut ne pas comprendre qu il s agit d une demande et croire que c est un commentaire d autant plus que l intonation de la demande est absente. L'enfant ne sait pas répondre par "oui" à une question du style : "tu veux un bonbon?". L'enfant va répondre en reprenant la question avec la même intonation : "un bonbon?". Quelque fois l'enfant répète la question qu'on lui pose : "donne-moi la gomme?". Cela veut dire qu'il ne comprend pas ce qu on lui dit. L'enfant ne sait pas dire "je ne sais pas" "je ne comprends pas" et va répondre quelquefois par un trouble du comportement, souvent en ayant l'air de dire : "je ne veux pas". 1 Troubles de la communication chez les adultes avec autisme. Enquête sur différents parcours de vie et prises en charge orthophoniques de quatre adultes avec autisme. Juin 2012
Les émotions : Les enfants ne savent pas reconnaître ni exprimer leurs émotions. Ils ont besoin qu'on les verbalise à leur place. Ex : si l'enfant est en colère et crie, vous pouvez lui dire : "je vois que tu es fâché mais je voudrais que tu ne cries pas. Dis plutôt : "je suis fâché". Ils ne savent pas donner une explication sur un comportement, raconter ce qu'ils ont fait à l'école ou un incident qui leur est arrivé. Ils ne savent pas dire qu'ils ont mal, peur d'un bruit (ce sont des enfants très sensibles au bruit, par exemple dans une cantine). Ces enfants ne savent pas demander de l'aide. Ils n'y pensent pas. Idée: on peut placer un objet neutre sur la table de l'enfant et on lui dit que, dès qu'il a des difficultés, il va poser l'objet sur le bureau de la maîtresse. Les gestes : l'enfant a souvent du mal à faire des gestes, à hocher de la tête pour dire «oui» ou pour dire "non". Le geste du pointage n'est pas forcément généralisé à toutes les situations : pointer une image sur une feuille, pointer un objet, pointer quelque chose de loin, pointer alors que la personne ou l'objet pointé ne sont pas dans la pièce ne sont pas forcément des actes identiques pour l'enfant. Le refus : l'enfant ne sait pas refuser quelque chose qu'il n'a pas demandée. S'il veut une gomme et qu'on lui donne un crayon, il va accepter ce qu'on lui donne. Ce qui peut créer, à la longue, un sentiment de frustration. Quelquefois l'enfant fait une crise qui nous paraît disproportionnée par rapport à l incident mais c'est l'accumulation des frustrations précédentes qui crée le trouble du comportement. Exception : L'enfant sait refuser ce qui est alimentaire mais, il ne va pas forcément faire un signe de tête pour cela. Il repousse l'aliment ou il
s'éloigne physiquement. Il y a certains enfants qui ne savent pas refuser autrement que par un trouble du comportement. Les pronoms personnels : je, tu, nous, vous, moi, toi ne sont pas utilisés. La dynamique des jeux compétitifs n'est pas comprise: l'enfant croit que c'est tout le temps lui qui gagne ou qui doit gagner. Perdre pour lui veut parfois dire qu'il a mal travaillé (le jeu, pour lui, est un travail. Il n'a pas de plaisir à jouer). Le jeu : ces enfants ne savent pas jouer, n'ont pas d'imagination pour inventer des histoires. Jouer à faire semblant n'est pas possible ainsi que mimer des actions ou des choses. Exemple: si on joue à la dînette avec l'enfant, il ne mime pas l'action de manger: il met physiquement l'aliment en plastique dans la bouche, il suce la cuillère...etc. Compréhension : ils ne comprennent rien des histoires qu'on leur raconte. Ils ne comprennent pas mieux s'il y a des images. La compréhension reste un domaine très difficile. Ils ne comprennent pas l'humour, les expressions imagées. Ils ne comprennent pas les ordres doubles. Ex : "prends un crayon rouge et écris ton nom", " mets la voiture rouge dans la boîte ". Les enfants ne comprennent pas l'implicite. Si je dis que j'ai soif, l'enfant ne va pas avoir l'idée de donner un verre d eau. L'enfant ne comprend pas les questions par : pourquoi, quand, comment, qui, où?
Il ne comprend pas les notions spatiales et ne peut les exprimer. A la question où est le chat? Il va répondre "là" en montrant le chat et ne saura pas dire "il est dans l arbre". Domitille BLIN Orthophoniste