UNESCO, le 28 octobre 2008

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Transcription:

Discours de M. Koïchiro Matsuura, Directeur général de l UNESCO, à l occasion de la cérémonie d ouverture de la quinzième session (ordinaire) du Comité international de bioéthique (CIB) UNESCO, le 28 octobre 2008 Monsieur le Président du Comité international de bioéthique, Mesdames et Messieurs les membres du Comité international de bioéthique, Excellences, Je suis très heureux d ouvrir aujourd hui à l UNESCO cette quinzième session ordinaire du Comité international de bioéthique (CIB). Comme vous le savez, il s agit là d un rendez-vous très important pour l Organisation, qui permet de faire un état des lieux, de façon ouverte et pluridisciplinaire, des réflexions et nouveaux défis en matière de bioéthique. C est ainsi que nous aurons à entendre le résultat de vos réflexions sur des sujets aussi complexes que la vulnérabilité humaine et l intégrité personnelle, la responsabilité sociale et la santé, le clonage humain et la gouvernance internationale. Au fur et à mesure des années, vous le savez, nous sommes rejoints par de nouveaux membres, qui enrichissent toujours davantage nos discussions. Au début de cette année, conformément aux statuts du CIB, j ai renouvelé la moitié des membres du Comité. Aussi est-ce un très grand privilège d accueillir ces nouveaux membres que je tiens à saluer de façon collective, en les remerciant de bien vouloir mettre leur savoir, leur expérience et leur expertise au service de la communauté internationale. DG/2008/093 Original : français

Je constate avec plaisir que les différentes séances de cette session portent en grande partie sur des thèmes de réflexion inscrits au cœur de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l homme, adoptée par l UNESCO en 2005. Je m en félicite très vivement, car il est essentiel pour nous de continuer à nourrir la réflexion internationale sur les principes reconnus dans cette Déclaration, et de proposer de nouvelles pistes d action et de réflexion pour l avenir. Ces principes, de fait, ne sont pas seulement des principes théoriques ou abstraits. Ils concernent aussi la vie réelle, avec des implications importantes sur nos valeurs, nos discours, nos pratiques, ainsi que sur nos représentations individuelles et collectives. C est notamment le cas du principe de «responsabilité sociale et santé», qui fera l objet d un rapport d étape d un de vos groupes de travail, placé sous la présidence du Président du CIB lui-même, Monsieur Adolfo Martinez Palomo. Ce principe, qui fait l objet des débats du CIB depuis sa douzième session à Tokyo en 2005, est en effet l un des plus innovants de la Déclaration, et aborde des thèmes hautement sensibles, aux dimensions à la fois politiques, économiques et sociales. Le Comité, conscient de ces enjeux, a décidé de se concentrer fort opportunément sur les dimensions éthiques et juridiques de ce principe, en essayant d articuler ensemble les principes de solidarité internationale, ceux de la bioéthique, et les politiques actuelles menées dans les domaines de la santé et de la science. Je forme donc l espoir que le CIB saura poursuivre ses réflexions sur ce sujet important, en vue de l adoption d un rapport final l année prochaine. DG/2008/093 - Page 2

Le CIB, vous le savez, a aussi pour l UNESCO une fonction d analyse et de veille intellectuelle, afin de nous éclairer sur les grands défis auxquels la communauté internationale fait face. Cette session aura ainsi également pour mission d organiser des auditions publiques sur la question des relations entre gouvernance internationale et clonage humain. Ce débat n est pas nouveau : on se souvient ainsi qu en 2005, au terme de quatre années de débats, l Assemblée générale des Nations Unies avait adopté une Déclaration sur le clonage humain. Cette Déclaration, qui prohibait toutes les formes de clonage, avait alors été adoptée par 84 voix pour, 34 voix contre, et 37 abstentions, sans recueillir de consensus. La question du lien entre l interdiction du clonage à des fins de reproduction et celle du clonage à des fins thérapeutique était ainsi apparue comme une source de désaccord entre les Etats. Ce débat s est également tenu dans cette même enceinte de l UNESCO, il y a plus de dix ans, alors même que nous achevions la rédaction de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l homme, avant son adoption en 1997. C était l époque de la naissance de la première brebis clonée, et les Etats membres avaient alors adopté une position consensuelle sur le clonage humain à des fins de reproduction, telle que reflétée dans l article 11 de la Déclaration, qui stipule clairement : «Des pratiques qui sont contraires à la dignité humaine, telles que le clonage à des fins de reproduction d'êtres humains, ne doivent pas être permises». La parution en 2007 de l important Rapport de l Institut d études avancées de l Université des Nations Unies, intitulé en anglais «Is Human Reproductive Cloning Inevitable: Future Options for UN Governance», a de nouveau amené la communauté internationale à se demander s il convenait de reconsidérer nos approches du clonage humain. Parce que ce rapport interpelle à plusieurs reprises l UNESCO et le CIB, en faisant mention du travail pionnier de l Organisation en matière normative, j ai donc DG/2008/093 - Page 3

demandé au CIB de bien vouloir examiner ce rapport et de me faire part de ses réflexions. Je suis donc très reconnaissant au CIB, et à son Président, d avoir accueilli favorablement ma demande, et d avoir prévu de nombreuses auditions publiques, de façon transparente et participative, avec des experts, des comités nationaux de bioéthique et des organisations scientifiques. J attendrai naturellement avec un immense intérêt le résultat de ces discussions et échanges. Comme à l accoutumée, je suis très satisfait de constater que cette session du CIB sera immédiatement suivie d une session conjointe avec le Comité intergouvernemental de bioéthique (CIGB), afin de poursuivre les discussions sur ces différents sujets. Ces deux instances, en effet, peuvent et doivent continuer de jouer ensemble un rôle charnière dans la réflexion internationale, chacun apportant des analyses et perspectives complémentaires. Je ne serai malheureusement pas en mesure d ouvrir cette session conjointe, mais je sais que M. Pierre Sané, qui me représentera à cette occasion, transmettra aux membres des deux comités mon souhait de voir se poursuivre entre eux un dialogue constant et constructif. Il me reste à présent à souligner combien ce temps de la réflexion est utile et nécessaire. Il nous permet de prendre du recul, et nous aide également à mieux mettre en œuvre les nombreuses activités concrètes prévues aujourd hui par l UNESCO, tels que l Observatoire mondial d éthique (GEObs), les projets d assistance à la création de comités nationaux de bioéthique, notamment en Afrique, ou le Programme d éducation à l éthique. De fait, je suis très heureux de constater que cette session du CIB sera marquée par le lancement simultané au Siège d une nouvelle base de données de l Observatoire sur les ressources en bioéthique, ainsi que d un nouveau «Curriculum principal en bioéthique» à destination des étudiants des universités. En explicitant ce lien entre analyse, recherche, enseignement, renforcement des capacités et partage de l information, je crois que nous montrons ainsi à quel point DG/2008/093 - Page 4

les travaux du CIB s insèrent dans une chaîne cohérente d actions et d activités qui sont toutes liées entre elles, permettant une vision holistique des enjeux de la bioéthique. De fait, je dois souligner que le rapport du groupe de travail du CIB sur le clonage humain et la gouvernance internationale identifie des champs de réflexion et d action nouveaux qui, à la lumière des bouleversements scientifiques récents, méritent toute notre attention. Je pense en particulier à ce qu on appelle les cellules souches pluripotentes induites («IPS» en anglais), qui ouvrent des possibilités très utiles de traitement thérapeutique sans utilisation d embryons. En même temps, elles peuvent donner lieu à des manipulations à des fins de reproduction, et posent donc des questions éthiques inédites. La possibilité de créer des cellules germinales à partir des cellules somatiques par l intermédiaire des cellules dites «IPS» nous oblige ainsi à repenser les frontières entre les différentes étapes constitutives du développement humain et de la reproduction. L UNESCO, avec le CIB, devra sans doute se pencher à l avenir sur ces questions nouvelles qui bouleversent notre connaissance du vivant. La dernière session ordinaire du CIB s est tenue à Nairobi, au Kenya, en mai 2007, pour tenir compte des préoccupations de l Afrique. La prochaine aura lieu au mois de mai 2009 à Mexico, à la généreuse invitation des autorités mexicaines, que je remercie vivement, et nous permettra de porter nos regards vers l Amérique Latine. Bien que située au Siège, je ne doute pas que cette session offrira elle aussi un moment unique de travail et de débat, ouvert sur l universalité des idées et des cultures. Je vous souhaite des travaux très fructueux et vous remercie de votre attention. DG/2008/093 - Page 5