Atomistique & Structure électronique des molécules

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Transcription:

D1 CP4028 Atomistique & Structure électronique des molécules Année universitaire 2011-2012 C. Crespos (c.crespos@ism.u-bordeaux1.fr 05.40.00.63.10)

Chapitre 0 Les postulats de la mécanique quantique Nous avons vu qu il n'est pas possible de déterminer exactement la trajectoire des particules. On peut cependant accéder à la probabilité de trouver le système en un point donné de l'espace. Cet aspect probabiliste de la théorie quantique conduit à une formulation mathématique totalement différente de celle de la mécanique déterministe de Newton. Au lieu de parler de la position des particules, on introduit une fonction de distribution de leurs positions possibles : la fonction d'onde. Cette fonction d'onde est une fonction de probabilité qui représente en quelque sorte la généralisation de la notion d'onde aux particules matérielles. Elle est définie dans le premier postulat de la mécanique quantique. I. Premier postulat : la fonction d onde L'état dynamique d'une particule quantique est défini par la donnée d'une fonction "convenable" de ses coordonnées ainsi que du temps : Ψ( x, y, z, t ) Ψ est appelée fonction d'onde du système. On entend par fonction convenable une fonction continue ainsi que sa dérivée première, et dont le carré du module Ψ = Ψ. Ψ est intégrable. De manière générale, Ψ est une fonction complexe, et Ψ* est la fonction complexe conjuguée de Ψ. Pratiquement, on se ramène toujours à n'utiliser que des fonctions réelles. Dans ce cas, Ψ* = Ψ. Il n'est pas possible d'obtenir d'autres renseignements sur le système que ceux contenus dans la fonction d'onde. I.1. Interprétation de la fonction d'onde La fonction d'onde n a pas de sens physique en elle-même. Elle permet d'accéder à la probabilité de présence des particules en tout point de l'espace. On interprète le module au carré de la fonction d'onde comme la densité de probabilité de présence (probabilité de présence par unité de volume) de la particule ponctuelle au point M ( x, y, z ) à l'instant t : Ψ 2 = dp dv C'est une propriété ponctuelle. En chaque point de l'espace, on peut calculer cette densité volumique à partir de l'expression de la fonction d'onde. dv peut être associé à un élément de volume infinitésimal. La probabilité de présence élémentaire dp de la particule à l'intérieur de ce volume dv est : dp = Ψ 2 dv - 1 -

La probabilité de présence dans un volume donné fini V est donnée par l'intégrale sur tout le volume : I.2. Condition de normalisation P = V Ψ 2 dv L'intégration de Ψ 2 sur tout l'espace donne une probabilité égale à 1 puisque l'on est certain de trouver la particule. C'est la condition de normalisation : Ψ 2 dv = 1 Ψ 2 dv espace espace est appelée norme de Ψ La norme de Ψ doit être égale à 1. Cette condition de normalisation de la fonction d'onde doit être vérifiée pour que l'on puisse lui donner le sens de densité de probabilité de présence. II. Second postulat : les grandeurs physiques Le fait que l'on ne puisse plus définir à chaque instant la position et la vitesse de la particule conduit à une nouvelle manière d'appréhender les grandeurs physiques telles que moment cinétique, énergies cinétique et potentielle etc... On ne peut alors plus considérer que ce sont des fonctions de la position et de la vitesse. La théorie quantique fait apparaître deux concepts liés aux grandeurs physiques : celui des opérateurs décrivant les grandeurs physiques et celui des valeurs propres associées à ces opérateurs. II.1. Notion d'opérateur Un opérateur est un objet mathématique qui agit sur une fonction et la transforme en une autre fonction. On note conventionnellement les opérateurs par un symbole alphabétique surmonté d'un accent circonflexe. L'opérateur transforme une fonction Ψ portée à sa droite : Ψ = ξ On distingue plusieurs types d'opérateurs : Les opérateurs différentiels : Les opérateurs multiplicatifs : Ex : = Ψ = Ex : =. Ψ =. Ψ Les opérateurs vectoriels qui transforment une fonction scalaire en fonction vectorielle. Ex : = + + Ψ = + + - 2 -

II.2. Propriétés des opérateurs Produit de deux opérateurs : L'action du produit Ĝ ˆF de deux opérateurs Ĝ et ˆF sur une fonction Ψ s'obtient en faisant agir ˆF puis Ĝ : Ĝ ˆF Ψ = Ĝ ( ˆF Ψ) Somme de deux opérateurs : L'action de la somme Ĝ + ˆF de deux opérateurs Ĝ et ˆF sur une fonction Ψ s'obtient comme suit : ( Ĝ + ˆF )Ψ = ĜΨ + ˆFΨ Linéarité : Soit la combinaison linéaire Ψ = aψ 1 + bψ 2 de deux fonctions Ψ 1 etψ 2. L'opérateur Ĝ est linéaire si : ĜΨ = aĝψ 1 + bĝψ 2 L'opérateur Ĝ = x est linéaire. L'opérateur Ĝ = n'est pas linéaire. Hermiticité : L'opérateur Ĝ est hermitique si : * ( ) Ψ *ĜΨ2 1 dv = Ψ *ĜΨ1 2 espace dv espace Ψ 1,Ψ 2 En pratique, on ne manipule que des opérateurs linéaires et hermitiques. II.3. Opérateurs décrivant une grandeur physique (principe de correspondance) Toute grandeur physique mesurable G est décrite par un opérateur Ĝ agissant sur la fonction d'onde Ψ. Principe de construction des opérateurs associés aux grandeurs physiques : On exprime la grandeur classique en fonction de la position et de la quantité de mouvement. Les expressions classiques de la position et de la quantité de mouvement sont ensuite remplacées par les opérateurs correspondants de la manière suivante : - 3 -

Variable dynamique ; ; Opérateur. ;. ;. = ; = ; = ħ ; ħ ; ħ Remarque : Un point à droite de l'opérateur indique que celui-ci est simplement multiplicatif. L'association de l'impulsion = à l'opérateur différentiel ħ n'est pas intuitif. Ce point n'est pas démontrable, mais trouve une justification dans le postulat de De Broglie, liant la quantité de mouvement d'un corpuscule à la longueur de l onde associée. L'équation générale d'une onde propagée suivant la direction x est donnée par : Ψ, = () avec = / et = 2 = 2/ et sa dérivée partielle par rapport à x s'écrit: (,) =. () = Ψ(, ) En appliquant la relation de De Broglie, = h/, on obtient : (,) = 2 Ψ(, ) soit. Ψ, = ħ (,) On retrouve alors l'expression de l'opérateur associé à la composante suivant x de la quantité de mouvement. Exemples d'opérateurs usuels : L'expression classique de l'énergie cinétique d'une particule de masse m est donnée par : = = = ( + + ) L'opérateur correspondant s'écrit : = ħ + + = ħ Δ L'opérateur différentiel est appelé opérateur Laplacien. L'énergie potentielle coulombienne d'attraction d'un électron de charge e par une charge +Ze placée à l'origine : = - 4 -

est remplacée par l'opérateur multiplicatif : = r est la distance électron-noyau ( r = x 2 + y 2 + z 2 ) et ε 0 la permittivité du vide. L'opérateur correspondant à l'énergie totale = + est égal à la somme des opérateurs énergie cinétique et énergie potentielle : = + Cet opérateur est appelé opérateur Hamiltonien. III. Le postulat de la mesure En mécanique quantique, la mesure d une grandeur physique G s exprime par l action de l opérateur sur la fonction d onde de la particule. De cette action résultent d une part une perturbation (modification) de l état quantique et une valeur mesurée. Les notions de fonctions propres et de valeur propre des grandeurs physiques permettent d exprimer le résultat de la mesure. III.1. Fonctions et valeurs propres d'un opérateur Ψ k est une fonction propre de l'opérateur G associée à la valeur propre g k si : ĜΨ k = g k Ψ k Cette équation est appelée équation aux valeurs propres de G. Elle peut avoir plusieurs solutions (en général une infinité) indicées par le nombre k. k est le nombre quantique caractérisant la fonction propre Ψ k. Il numérote conventionnellement les valeurs propres dans l'ordre croissant. L'ensemble des valeurs propres de G est en général discontinu (discret) : toutes les valeurs possibles de G ne sont pas permises. On dit alors que G est quantifiée. L'ensemble des fonctions propres de forme une base : n'importe quelle fonction convenable Ψ peut être exprimée sous forme de combinaison linéaire des Ψ k. Cette base est orthonormée : * Ψ k Ψ l dv = δ kl avec δ kl = 1 si k = l 0 si k l où dv est l'élément de volume et δ kl est appelé symbole de Krönecker. G - 5 -

Quelle que soit la fonction d onde, on sait donc qu elle est exprimable comme une combinaison linéaire des fonctions propres Ψ k d un l opérateur G (supposées connues). On peut donc écrire : Ψ = a k Ψ k ici, k est un indice muet de sommation Exprimons la norme de cette fonction : k Ψ * Ψ dv = a * * k Ψ k k * = a k a l δ kl = a * 2 k a k = a k = 1 k l k k l a l Ψ l dv = a * * ka l Ψ k Ψ l dv k l On peut alors interpréter le terme a k 2 comme le poids de la fonction propre Ψ k dans l état quantiqueψ. Autrement dit, dans l état réel Ψ, la probabilité d être en fait dans l état propre Ψ k vaut a k 2. La somme de ces probabilités ak 2 vaut 1. Retenons donc qu un état quantique quelconque peut toujours être interprété comme une superposition d états propres. Le coefficient a k d un état propre Ψ k est alors associé à une probabilité a k 2. III.2. Postulat de la mesure Lorsque l'on mesure G, on ne peut obtenir que l'une des valeurs propres de G. Dans un état propre Ψ k, on a : ĜΨ k = g k Ψ k Cette équation indique alors que la grandeur physique G est un invariant du mouvement prenant la valeur g k lorsque le système est dans l'état Ψ k. Autrement dit, Si le système est dans l'état propre Ψ k, alors quand on mesure G, on est certain de trouver la valeur g k. Considérons maintenant un état quantique quelconqueψ. Nous voulons mesurer la grandeur G pour une particule dans cet état. Quelle que soit la fonction Ψ, on sait qu elle est exprimable comme une combinaison linéaire des fonctions propres Ψ k de l opérateur G (supposées connues). On peut donc écrire : Ψ = k a k Ψ k Nous avons vu que a k 2 donne la probabilité que l état quantique soit Ψ k. La probabilité d obtenir la valeur propre g k est donc a k 2. - 6 -

Lors d une mesure de G, on peut obtenir n importe quelle valeur propre g k, mais avec la probabilité a k 2 III.3. Valeur moyenne d'une grandeur physique Si la fonction d'onde Ψ n'est pas fonction propre de l'opérateur G, la mesure de G permet d obtenir n'importe quelle valeur propre g k et on ne sait pas a priori laquelle (c'est une manifestation du principe d'incertitude). On ne peut connaître que la probabilité d obtenir une des valeurs propres, si on connaît les coefficients a k. Dans ce cas, il est préférable de raisonner sur la valeur moyenne de G, obtenue en faisant un grand nombre de mesures. La fonction d'onde permet de calculer cette valeur moyenne notée G : G = Ψ * ĜΨdV On peut, connaissant Ψ, connaître la probabilité d'obtenir telle valeur plutôt que telle autre. Il faut pour ce faire utiliser le développement de Ψ dans la base des fonctions propres : Ψ = k a k Ψ k On accède à la probabilité P(g k ) de trouver la valeur g k par la formule : P(g k ) = a k * a k On retrouve alors, en insérant le développement en combinaison linéaire dans la formule de la valeur moyenne, que cette dernière peut se mettre sous la forme : G = k P(g k )g k Ce qui est la formule habituelle d'une valeur moyenne : somme des valeurs possibles pondérées par les probabilités. - 7 -

IV. L équation de Schrödinger La fonction d'onde,,, d'un système caractérisé par l'opérateur hamiltonien est une fonction "convenable" satisfaisant à l'équation de Schrödinger :,,,,,, = ħ. Cette équation détermine l'évolution temporelle de l'état quantique. Elle permet d'accéder à la variation de la densité volumique de probabilité de présence dans l'espace au cours du temps. Pour la résoudre, il faut disposer de conditions initiales, à savoir la fonction d'onde à un instant donné. IV.1. Cas des systèmes conservatifs Dans le cas des systèmes conservatifs pour lesquels l'opérateur ne dépend pas explicitement du temps, il est commode de rechercher les solutions pour lesquelles les variables d'espace et de temps se séparent : Ψ,,, = Φ,,. () En remplaçant cette expression dans l'équation de Schrödinger, on obtient : Φ,,. () = ħ.,,.() Puisque l'opérateur hamiltonien ne fait pas intervenir explicitement le temps, f(t) est une constante pour, d'où :. Φ,, = Φ,,. ħ. () ou encore, en divisant les deux membres par le produit Φ,,. () :,,,, = ħ () () Les deux membres dépendent de variables différentes et doivent être égaux pour toutes valeurs de ces variables. Ils sont donc forcément égaux à une constante. Ceci conduit donc aux deux équations : Φ,, =. Φ,, (1) - 8 -

ħ. () =. () (2) L équation (1) montre que Φ,, est fonction propre de. La recherche des fonctions propres convenables conduit à ne retenir que certaines solutions Φ,, de cette équation, associées aux valeurs propres E n :,, =.,, Cette équation est appelée équation de Schrödinger indépendante du temps. Pour chaque valeur de E n, la fonction f n (t) donne l'évolution temporelle de l'état quantique. La résolution de l'équation temporelle donne : = exp ( ħ ) Les solutions générales de l'équation de Schrödinger sont donc de la forme : Ψ,,, = Φ,,. = Φ,,. exp ( ħ ) IV.2. Etats stationnaires Considérons la densité de probabilité de présence associée à un état quantique obtenu suivant la procédure précédente. Il vient alors : Ψ = Ψ Ψ = Φ. exp ħ. Φ. exp (+ ħ ) soit : Ψ = Ψ Ψ = Φ Φ = Φ Ψ dépend du temps mais son module au carré n'en dépend plus : la densité de probabilité de présence est constante au cours du temps ; l'état quantique que l'on vient de dériver pour un système conservatif est un état stationnaire. Outre la constance de la densité de probabilité de présence au cours du temps, la caractéristique principale d'un état stationnaire est d'être un état propre de l'opérateur hamiltonien, d'énergie totale également invariante. Pour ces états, l'équation de Schrödinger indépendante du temps suffit donc et on peut se limiter à ne rechercher que la partie spatiale Φ de la fonction d'onde pour obtenir les énergies possibles du système. Les états stationnaires ne représentent cependant qu'une classe des états quantiques que l'on privilégie dans l'étude de systèmes qui ne sont pas soumis à des perturbations variables. Ainsi l'étude des fonctions d'onde stationnaires des électrons d'un atome ou d'une molécule isolée permet d'obtenir ses niveaux d'énergie électronique qui constituent son "empreinte digitale" : - 9 -

ces états gouvernent en effet sa capacité d'absorption et d'émission lumineuse dans une certaine gamme du rayonnement. On accède ainsi à la compréhension de la "signature spectroscopique" des édifices moléculaires. On peut aussi être amené à étudier des processus dynamiques pour lesquels l'énergie potentielle varie au cours du temps et il est alors important dans ce cas de pouvoir suivre l'évolution temporelle de la fonction d'onde : dans une réaction chimique par exemple, la position des noyaux des atomes évolue au cours du processus réactionnel ; il en découle une variation du champ électrostatique auquel sont soumis les électrons. L'évolution de la fonction d'onde des électrons dans ce processus fournit des informations propres à la nature dynamique de la réaction chimique. IV.3. Niveaux d'énergie En général l'ensemble des valeurs propres est discontinu et le système ne peut avoir une énergie comprise entre deux valeurs de E n successives. On dit dans ce cas que l'énergie est quantifiée et les niveaux d'énergies discrets. Le spectre énergétique du système est la représentation de ses niveaux d'énergie : E 6 E 5 E 4 E 3 E 2 E 1 absorption émission Spectre d'énergie discret. Le niveau E 1 est appelé niveau fondamental. Le niveau fondamental est celui d'énergie la plus basse. L'état stationnaire correspondant est appelé état fondamental. Les niveaux supérieurs sont dits niveaux excités. L'interaction matière rayonnement se produit par absorption ou émission de photons d'énergie : E = hν = hc / λ L'énergie du photon absorbé ou émis est telle que l'énergie échangée correspond à la différence entre deux niveaux d'énergie du système matériel permis : E = E f E i Le système n'absorbe donc la lumière que pour des valeurs particulières de la fréquence ou de la longueur d'onde. La spectroscopie est l'étude de l'absorption ou de l'émission du rayonnement par la matière. Elle permet de déterminer expérimentalement les fréquences, longueurs d'onde ou nombres d'onde d'absorption et d'émission ainsi que les intensités correspondantes qui sont caractéristiques de chaque système et permettent de remonter à d'autres propriétés (polarisabilité, moment dipolaire, géométrie et nature moléculaire,...). Elle constitue un outil fondamental de l'analyse physico-chimique. - 10 -

Chapitre 1 Les atomes polyélectroniques L'état du nuage électronique dans les atomes peut être décrit de manière approchée dans le cadre d'un modèle faisant appel aux orbitales atomiques. La forme de ces orbitales atomiques s'adapte pour tenir compte de la répulsion entre les électrons. L'état du nuage s'analyse en terme de configurations électroniques qui sont les modes d'affectation des électrons aux orbitales. Les règles de remplissage régissent l'établissement de la configuration de l'état fondamental des atomes. Elles forment le fondement de la classification périodique des éléments. I. L'équation de Schrödinger pour plusieurs électrons Pour un atome neutre de numéro atomique Z, on considère, de la même manière que pour les atomes hydrogénoïdes, l'hamiltonien décrivant les Z électrons dans le champ du noyau portant Z charges +e, supposé fixe et au centre du référentiel atomique. La présence de plusieurs électrons gravitant autour du noyau conduit à un opérateur couplé qui décrit non seulement les effets cinétiques et d'interaction attractive avec le noyau, mais aussi les effets de répulsion entre électrons qui dépendent des positions simultanées de deux particules : Z H ˆ el = 1 2 Z µ r + µ=1 µ termes hydrogénoïdes Z 1 Z 1 µ=1 ν=1 r µν termes de couplage (en u.a.) Les solutions de l'équation de Schrödinger indépendante du temps sont des états quantiques décrivant simultanément les électrons. Ils sont décrits mathématiquement par une fonction d'onde "polyélectronique" dépendant des coordonnées d'espace et de spin des Z électrons, soit 4Z coordonnées. Par souci de simplification, on la note en ne gardant que les numéros des électrons : Ψ(1,2,..., Z) II. Le modèle orbitalaire En raison de la complexité de l'opérateur hamiltonien, qui couple le mouvement des électrons, il n'y a pas de solution analytique connue de l'équation de Schrödinger correspondante. On recherche donc des solutions approchées qui ne soient pas seulement mathématiques, mais portent en elles des concepts utiles au chimiste et applicables quelle que soit la nature de l'atome considéré. On se place alors dans le cas des modèles orbitalaires pour lesquels les fonctions d onde sont construites à partir de fonctions à un seul électron (les orbitales). - 11 -

On peut retrouver l inspiration de ces modèles orbitalaires si on néglige les termes d'interaction entre électrons (modèle des électrons indépendants). L'hamiltonien électronique pour N électrons indépendants s'écrit alors comme une somme d'opérateurs hydrogénoïdes découplés agissant sur des variables distinctes. On note cet hamiltonien approché H ˆ 0 pour le distinguer de l'opérateur exact : N H ˆ 0 = 1 2 µ Z r = µ=1 µ N h ˆ µ Les fonctions propres des ˆ h µ sont connues; ce sont les spin-orbitales hydrogénoïdes : µ=1 χ ni,l i,m i,ms i (µ) = χ i (µ) = φ i (µ) ξ i (µ) µ représente les coordonnées spatiales ou de spin de l'électron µ. φ i (µ) est l'orbitale, fonction des coordonnées d'espace de l'électron µ. ξ i (µ) = α ou β est la fonction de spin. Les spin-orbitales hydrogénoides constituent les "briques" qui vont permettre de construire la fonction d'onde totale des électrons de l'atome. Une fonction propre de H ˆ 0 peut en effet s'écrire sous la forme d'un produit de spin-orbitales : Ψ(1,2,...,N) = χ µ (µ) N µ =1 Démonstration dans le cas de deux électrons : H ˆ 0 = h ˆ 1 + h ˆ 2 En tirant parti du fait que ˆ h 1 ne porte que sur les fonctions des coordonnées de l'électron 1 et ˆ h 2 sur celles de l'électron 2, il vient : ( h ˆ 1 + h ˆ 2 )χ i (1) χ j (2) = h ˆ 1 χ 1 (1) χ 2 (2) + h ˆ 2 χ 1 (1) χ 2 (2) = χ 2 (2) h ˆ 1 χ 1 (1) + χ 1 (1) h ˆ 2 χ 2 (2) = χ 2 (2)ε 1 χ 1 (1) + χ 1 (1)ε 2 χ 2 (2) = ( ε 1 + ε 2 )χ 1 (1) χ 2 (2) Le produit des spin-orbitales est donc bien fonction propre de ˆ h 1 + ˆ h 2. Dans ce modèle simplifié, il suffit de décrire chaque électron par une spin-orbitale pour obtenir l'énergie totale électronique qui est la somme des énergies des spin-orbitales (que l'on obtient exactement comme pour les ions hydrogénoïdes). - 12 -

On pourrait généraliser pour un système comportant N électrons ; la fonction d'onde serait alors le produit de N spin-orbitales. Ce résultat est caractéristique des particules indépendantes sans interactions mutuelles pour lesquelles il est légitime de trouver que l'énergie totale est simplement la somme d'énergies individuelles. On obtient là un modèle très simple, dans lequel il suffit de choisir un jeu de spin-orbitales pour décrire les électrons de l'atome et de bâtir le produit de ces fonctions pour obtenir l'état quantique qui décrit mathématiquement le nuage électronique. Evidemment, ce modèle simpliste conduit à un très mauvais accord avec l'expérience sur les niveaux d'énergie des atomes polyélectroniques. Prenons le cas du niveau fondamental de l'hélium dans sa configuration 1s 2. Si on utilise l'orbitale hydrogénoïde 1s de He + et son énergie, E = 2ε 1s = Z 2 = 4,0 u.a., alors que l'énergie exacte vaut 2,904 u.a. On commet donc une erreur d'environ 1.1 u.a. soit presque 30 ev! On ne peut donc pas utiliser les orbitales hydrogénoïdes et l opérateur hamiltonien ˆ H 0 si l'on veut un accord quantitatif avec l'expérience. Une telle erreur est d'autant plus grave qu'elle est supérieure à l'ordre de grandeur des énergies de liaison chimique. Le modèle des électrons indépendants pêche par le fait qu'il néglige les termes d'interaction répulsive entre les électrons. Ces termes dépendent simultanément des coordonnées de deux électrons, ce qui signifie qu'il y a une influence réciproque d'une des particules sur l'autre et qu'en conséquence, les électrons ne se meuvent pas indépendamment les uns des autres. Ce modèle permet néanmoins d appréhender de manière intuitive les bases de la construction d une fonction d onde polyélectronique à partir des spin-orbitales hydrogénoïdes, monoélectroniques. Cependant, même en négligeant les interactions entre électrons, la fonction d'onde ne peut se présenter sous une forme aussi simple. Il faut en effet, tenir compte de la propriété d indiscernabilité des électrons, qui impose un certain nombre de contraintes sur l expression de la fonction d onde. III. Fonctions d onde polyélectroniques : contraintes nécessaires III.1. Antisymétrie Indiscernabilité des électrons Considérons deux particules quantiques de même type (numérotées 1 et 2) se croisant à l'intérieur d'un volume dont la dimension est de l'ordre de x 3, où x est l'incertitude quantique sur la position des particules. A l'intérieur de ce volume, il est donc impossible d'identifier chacune des deux particules. A l'issue de cette rencontre les deux particules continuent leur chemin, mais on ne peut plus leur attribuer de numéro. Il faut alors admettre qu'à l'échelle quantique les particules de même espèce sont indiscernables et tenir compte de ce fait pour bâtir les fonctions d'onde. - 13 -

La fonction d'onde des deux particules 1 et 2 est une fonction des coordonnées d'espace et de spin de 1 et 2 ; elle est notée Ψ(1,2). Son module au carré donne la densité de probabilité de présence simultanée de la particule 1 à un endroit donné avec un spin donné et de la particule 2 à un autre endroit avec un spin donné. L'indiscernabilité des particules impose que cette densité de probabilité de présence reste constante si on intervertit les deux particules : Ψ(1,2) 2 = Ψ(2,1) 2 ce qui conduit aux deux possibilités : Ψ(1,2) = Ψ(2,1) ou Ψ(1,2) = Ψ(2,1). La fonction d'onde doit donc être symétrique ou antisymétrique vis à vis de l'échange des deux particules. La première possibilité s'applique au cas des bosons (particules de spin entier) ; la seconde aux fermions (particules de spin demi-entier). On peut généraliser aux cas de N particules identiques, et on obtient pour n'importe quelle paire (q,p) parmi les N particules : - pour des fermions : Ψ(1,2,..., p,...,q,...n) = Ψ(1,2,...,q,...,p,...N) - pour des bosons : Ψ(1,2,...,p,...,q,...N) = Ψ(1,2,...,q,..., p,...n) Les électrons étant des fermions, leur fonction d'onde doit respecter le principe d'antisymétrie. Le déterminant de Slater Pour deux électrons, le produit de spin-orbitales n'est pas convenable au sens de l'indiscernabilité : χ 1 (1) χ 2 (2) χ 1 (2) χ 2 (1) Pour construire cette fonction d'onde antisymétrique dans le cas de deux particules, il suffit de retrancher au produit des deux spins-orbitales ci-dessus, le même produit dans lequel les coordonnées des deux électrons ont été permutées. En tenant compte de la constante de normalisation, la fonction d'onde s'écrit alors : Dans ce cas, on a bien : Ψ(1,2) = 1 2( χ 1 (1) χ 2 (2) χ 1 (2) χ 2 (1)) Ψ(1,2) = Ψ(2,1) - 14 -

Cette fonction peut s'écrire sous la forme du déterminant d'une matrice dont les lignes et les colonnes contiennent les spin-orbitales : Ψ(1,2) = 1 2 χ 1 (1) χ 2 (1) χ 1 (2) χ 2 (2) Ce type de fonction est appelé déterminant de Slater. Par construction, le déterminant de Slater respecte la propriété d'antisymétrie de la fonction d'onde, à condition que toutes les spin-orbitales occupées soient différentes. Dans le cas contraire, le déterminant s'annule. De manière générale, pour N électrons, le déterminant représentant la fonction d'onde est construit en plaçant les spin-orbitales par colonne et les électrons par ligne, ou inversement : Ψ(1,2,...,N) = 1 N! χ 1 (1)... χ N (1)......... χ 1 (N)... χ N (N ) Les déterminants de Slater sont notés de manière abrégée à l'aide des seuls symboles des spinorbitales : Ψ(1,2,...,N) = χ 1 χ 2...χ N Exemple : état fondamental de He Ψ(1, 2) = 1sα 1sβ = 1s 1s = 1s 2 Le symbole de l'orbitale surligné signifie que la fonction de spin attachée à l'orbitale est β. Conséquence : le principe de Pauli La propriété d'antisymétrie de la fonction d'onde impose que les spin-orbitales occupées soient toutes différentes. Dans le cas contraire, le déterminant s'annule. Exemple pour deux électrons : si χ 1 = χ 2 = χ, Ψ(1,2) = 1 2 ( χ(1) χ (2) χ(2) χ(1) ) = 0 Il s'en suit donc que dans un déterminant, deux spin-orbitales ne peuvent être égales et doivent donc différer par au moins un nombre quantique. Une orbitale ne peut donc être au plus que doublement occupée (avec un spin α et un spin β). Cette manifestation de l'indiscernabilité des électrons est appelée principe de Pauli. - 15 -

III.2. Equivalence en spin L équation de Schrödinger électronique que nous utilisons ne porte pas sur la variable spin. On pourrait en déduire que la description de cette variable dans les états quantiques est sans importance, mais il n en est rien : l équation d indiscernabilité porte, elle, sur toutes les variables électroniques et impose donc une contrainte sur le spin des électrons qui induit un effet énergétique. Nous n abordons pas dans ce cours la théorie des états convenables de spin, mais nous pouvons cependant illustrer cette question pour dégager quelques règles sur des cas simples. Considérons la configuration fondamentale 1s 2 de l atome d hélium avec 2 électrons attachés à la même orbitale 1s. Le déterminant de Slater correspondant s écrit : Ψ(1,2) = 1sα 1sβ = 1 α(1)β(2) α(2)β(1) 2 [ ] 1s(1)1s(2) Dans cette fonction, l électron 1 et l électron 2 ont autant de chance de se trouver avec un spin α ou β et la fonction ci-dessus rend compte de cette équivalence nécessaire. La partie de spin de la fonction : 1 α(1)β(2) α(2)β(1) 2 [ ] est caractéristique d une paire d électrons appariés et indiscernables en spin. Considérons maintenant la configuration excitée 1s 2s de l atome d hélium. Si on veut décrire 2 électrons de spins différents, 2 déterminants de Slater sont possibles : Ψ 1 (1,2) = 1sα 2sβ et Ψ 2 (1,2) = 1sβ 2sα Ces fonctions ne sont pas individuellement convenables au sens de l équivalence en spin. En effet, dans la première par exemple, l électron attaché à l orbitale 1s est systématiquement de spin α. Pour obtenir un état convenable on doit combiner les deux déterminants. La fonction décrivant les 2 électrons appariés est : Ψ(1,2) = 1 [ 2 Ψ 1 (1,2) Ψ 2 (1,2) ] En développant cette fonction, on retrouve en effet la partie de spin d une paire d électrons appariés. Il faut donc 2 déterminants dans ce cas pour construire un état convenable. Ce type d état de spin est appelé état «singulet». On la visualisera par 2 flèches opposées reliées par un trait (le trait est facultatif quand les électrons sont affectés à la même orbitale). 1 α(1)β(2) α(2)β(1) 2 [ ] Pour deux électrons de même spin, les parties de spin possibles et leurs symboles sont : 1 α(1)β(2) + α(2)β(1) 2 [ ] - 16 -

α(1)α(2) β(1)β(2) Les 3 états correspondants sont de même énergie. On dit alors qu on a affaire à un état «triplet», triplement dégénéré. III.3 La symétrie spatiale Considérons la configuration spatiale 1s 2p de l hélium dans un des états triplets (αα par exemple). On peut alors utiliser une des trois orbitales 2p pour construire une fonction indiscernable et convenable en spin. Mais pour un atome isolé, on doit rendre compte de sa symétrie sphérique. Un déterminant tel que Ψ 1 (1,2) = 1sα 2 p x α n est donc pas convenable car il implique une polarisation du nuage électronique dans une direction privilégiée (l axe x dans ce cas). On doit donc considérer simultanément les trois fonctions : Ψ 1 (1,2) = 1sα 2 p x α Ψ 2 (1,2) = 1sα 2p y α Ψ 3 (1,2) = 1sα 2p z α Les états convenables pour la symétrie sphérique sont 3 combinaisons linéaires de ces 3 déterminants. Il sont triplement dégénérés dans l atome isolé. L état triplet convenable pour cette configuration est donc en fait 9 (3x3) fois dégénéré, du fait du spin et de la symétrie spatiale. III.4. Configuration électronique - Cases quantiques De la même manière que pour les ions hydrogénoïdes, on utilise les cases quantiques pour représenter l'occupation des orbitales. Le principe de Pauli est satisfait en ne mettant pas plus de deux électrons par case. L état fondamental est obtenu en occupant les orbitales de plus basse énergie. La configuration électronique constitue une notation abrégée de la fonction d onde polyélectronique. Elle précise la nature (nombres quantiques n et l) des orbitales occupées. Elle est représentée par les symboles des orbitales avec en exposant le degré d'occupation. Connaître la configuration électronique d'un atome est d'une importance extrême si l'on veut comprendre les propriétés chimiques des éléments. Le nombre et le type des orbitales peuplées dans un état électronique donné d'un atome gouvernent sa capacité à interagir avec d'autres atomes. Exemple : configuration de l'état fondamental de l atome de Bore La configuration de l'état fondamental de Bore (Z=5) est donnée par : 1s 2 2s 2 2p 1-17 -

Plusieurs déterminants de Slater peuvent correspondre à la même configuration dans le cas où des sous-couches sont incomplètes. Dans le cas du Bore par exemple, on a 6 possibilités pour occuper la sous-couche 2p. On peut donc écrire 6 déterminants correspondant à la configuration de l'état fondamental : 1s 1s 2s 2s 2px 1s 1s 2s 2s 2py ou 1s 1s 2s 2s 2pz quand l'électron 2pz est α. Dans ce cas, la fonction d onde de l état fondamental est un mélange équiprobable des 3 déterminants. 1s 1s 2s 2s 2px 1s 1s 2s 2s 2p y 1s 1s 2s 2s 2pz, quand l'électron 2pz est β Dans ce cas, la fonction d onde de l état fondamental est un mélange équiprobable des 3 déterminants. III.5. Invariance orbitalaire La forme particulière du déterminant de Slater conduit à une propriété d invariance caractéristique des modèles orbitalaires. Considérons 2 orbitales orthonormées ϕ 1 et ϕ 2. On construit les deux combinaisons orthonormées suivantes : ϕ 1 ' = cosω ϕ 1 + sinω ϕ 2 ϕ 2 ' = sinω ϕ 1 cosω ϕ 2 où est un angle quelconque. On distingue alors deux cas : s écrit : Le cas des couches complètes. Prenons par exemple le cas de la configuration ϕ 1 2 ϕ 2 2. La fonction déterminantale Ψ = ϕ 1 ϕ 1 ϕ 2 ϕ 2 On peut alors montrer la stricte égalité : Ψ = ϕ 1 ϕ 1 ϕ 2 ϕ 2 = ϕ 1 ' ϕ 1 ' ϕ 2 ' ϕ 2 ' ω - 18 -

Le cas des couches ouvertes de haut spin. C est le cas de la configuration ϕ 1 ϕ 2 dans un état de spin triplet. La fonction déterminantale s écrit : On peut alors montrer la stricte égalité : Ψ = ϕ 1 ϕ 2 Ψ = ϕ 1 ϕ 2 = ϕ 1 ' ϕ 2 ' ω Autrement dit, pour ces deux types de structure électronique, on peut choisir une infinité de représentations orbitalaires qui décrivent le même état quantique. L allure d une orbitale moléculaire particulière ne porte donc pas de sens physique en elle même. Seul l ensemble des orbitales intervenant dans la fonction d onde reflète la nature du nuage électronique. IV. Le modèle effectif de Slater Le modèle de Slater propose une correction au modèle des électrons indépendants, tout en conservant la simplicité formelle d un modèle purement monoélectronique. Dans ce modèle, les termes d interaction à 2 électrons sont négligés dans l expression du hamiltonien électronique total. On retrouve alors la propriété d additivité des énergies des orbitales. On tient cependant compte des interactions biélectroniques de manière effective, en remplaçant dans la partie monoélectronique de H ˆ la charge nucléaire Z par une charge nucléaire effective Z*, propre à chaque opérateur h ˆ. Pour deux électrons 1s, on ne considère qu une seule charge nucléaire effective Z*. Chaque électron 1s est soumis à l écran de l autre électron 1s. Le nouvel opérateur hamiltonien s exprime alors comme suit : H ˆ * 0 = h ˆ * 1 + h ˆ * 2 avec h ˆ * 1 = 1 2 1 Z* r 1 h ˆ * 2 = 1 2 2 Z* Les fonctions propres des opérateurs ˆ h 1 * et ˆ h 2 * sont de la forme : 1s(r,θ,ϕ) = Z *3 π 1/ 2 exp( Z * r) r 2 de valeurs propres associées ε 1s = 1 2 Z*2. L énergie totale est alors E = 2ε 1s = Z *2. - 19 -

En ajustant sur la valeur expérimentale de l énergie totale E = 2, 904 u.a., on trouve alors Z * = 1, 7 = Z σ. La constante d écran vaut 0,3 dans ce modèle. Pour les atomes des lignes suivantes, un tableau des constantes d écran empiriques permet de calculer rapidement les énergies des orbitales atomiques et les énergies électroniques totales. Le principe de calcul repose sur l additivité des constantes d écran. Pour chaque électron, connaissant l orbitale à laquelle il est affecté et les orbitales des autres électrons, on détermine alors la constante d écran totale pour cet électron, puis l énergie de son orbitale. Le tableau des constantes d écran est donné ci-dessous. L électron cible est situé sur la couche n. Contribution des autres électrons n-2 n-3 n-1 n n+1 n+2 Electron cible s,p d f s,p 1 0,85 0,35 0 0 0 d 1 1 1 0,35 0 0 f 1 1 1 1 0,35 0 Exemple : le carbone La configuration de l état fondamental est : 1s 2 2s 2 2p 2. Pour calculer l énergie d un électron 2p, il faut évaluer l écran des 2 électrons 1s, des 2 électron 2s et de l autre électron 2p. * Z 2 p = Z 2σ 1s/2 p 2σ 2s/2 p σ 2 p/2 p L énergie de l orbitale 2 p est alors ε 2 p = 1 2 Pour l orbitale 2p du carbone on a donc : * ( Z 2 p ) 2 2 2 * Z 2 p = 6 2 0,85 2 0, 35 0, 35 = 3,25 ε 2 p = 1 2 3,25 ( ) 2 2 2 = 1, 3203 Hartree = 35,925 ev - 20 -

Remarques Le modèle effectif de Slater est construit pour reproduire les énergies électroniques totales. Les énergies des orbitales calculées par cette méthode n ont aucun sens physique. De plus, la simplicité du modèle ne permet pas de distinguer les différentes sous-couches d une même couche. Ce modèle reste néanmoins souvent utilisé pour comparer les atomes et les ions. Les constantes d écran de Slater servent notamment à corréler la charge effective de la couche électronique externe à la taille des atomes et aux potentiels d ionisations. Afin d améliorer le modèle, il est nécessaire de prendre en compte explicitement les interactions entre électrons. Décrire rigoureusement le couplage des mouvements électroniques est mathématiquement impossible. Il faut donc recourir à des méthodes d'approximations. On se base pour cela sur le principe des variations. V. Optimisation des orbitales : principe des variations V.1. Principe des variations Considérons un problème physique défini par son opérateur hamiltonien. L'équation de Schrödinger peut être posée, mais on n'en connaît pas les solutions analytiques. On sait { }et notamment un état fondamental cependant qu'il existe des solutions { Ψ i } d énergies E i Ψ 0 d'énergie E 0 (inconnue). On se propose de chercher une approximation de E 0 et Ψ 0. On se définit alors une fonction d'onde approchée Ψ qui dépend d'un certain nombre de paramètres ajustables α i appelés paramètres variationnels. Cette fonction n'est pas rigoureusement solution de l'équation de Schrödinger. On ne peut lui associer qu'une valeur moyenne de l'énergie qui est la moyenne quantique du hamiltonien sur l'état Ψ : E = Ψ * ˆ H ΨdV Cette énergie approchée dépend donc aussi des paramètres α i. Le principe des variations indique alors que l'énergie approchée est toujours supérieure ou égale à l'énergie exacte de l état fondamental : Démonstration E E 0 On sait que l état approché normé peut être décomposé sur la base des états Ψ i Ψ = Ψ i avec c 2 i = 1 i c i L énergie moyenne est alors aussi décomposable comme moyenne sur les énergies exactes i - 21 -

E = Ψ * H ˆ ΨdV = c i i 2 E i Il vient alors : E E 0 = E c 2 i i E 0 = c 2 i E i E 0 i ( ) Dans cette somme E i E 0 0 car E 0 est l énergie de l état fondamental. La somme est donc positive ou nulle. Il n'y a égalité entre E et E 0 que si la fonction d'onde approchée est la fonction exacte. En conséquence, la meilleure approximation de l'état fondamental (le meilleur jeu de paramètres α i ) est celle qui conduit à une énergie minimale. L application du principe des variations consiste alors à chercher le minimum de l énergie moyenne par rapport aux paramètres variationnels. On remplace alors la résolution d une équation différentielle par la minimisation d une fonction intégrale. Si on applique le principe des variations aux électrons des atomes et molécules, on choisit le plus souvent comme fonction d'onde approchée un déterminant de Slater (ou une combinaison de déterminants si nécessaire) : Ψ(1,2,...,N) = 1 N! χ 1 (1)... χ N (1)......... χ 1 (N)... χ N (N ) Les paramètres variationnels sont contenus dans les orbitales. La "qualité" de cette fonction d'onde peut donc être notablement améliorée si l'on cherche à optimiser les orbitales dans le déterminant, c'est-à-dire à adapter les orbitales à la nature de l'atome ou de la molécule. Les orbitales que l on utilise, manipule et interprète sont alors le résultat de cette optimisation. Il n y a pas de «tables de la loi» les définissant à priori. V.2. Exemple simple : configuration fondamentale de l atome d hélium Dans l'ion hydrogénoïde He + (Z=2) l'électron est sur l'orbitale 1s dans l état fondamental. Il est attiré par les deux protons du noyau. L'expression analytique de l'orbitale 1s est donnée par : φ(r,θ,ϕ) = 1 Z π a 0 3/2 exp( Z a 0 r) - 22 -

Dans l'atome He, on choisit de décrire l état fondamental en affectant les deux électrons à une orbitale de type 1s. La configuration électronique correspondante est 1s 2. La fonction d'onde modèle des deux électrons s'écrit de manière abrégée : Ψ(1, 2) = 1sα 1sβ = 1s 1s Toutefois, il n y a pas de raison que l orbitale 1s de He soit la même que celle de He +. En effet, dans He un électron donné est attiré par les deux protons du noyau, mais il est aussi repoussé par l'autre électron. La fraction du nuage électronique décrivant cet autre électron, située entre le noyau et le premier électron s'oppose à l'attraction du noyau en repoussant ce premier électron vers l'extérieur de l'atome. Cette répulsion entre les deux électron doit donc tendre à les éloigner l un de l autre. Le nuage électronique doit donc être plus diffus, ce qui est décrit par une orbitale 1s plus diffuse que dans l ion hydrogénoïde. Une manière simple d'optimiser cette orbitale 1s est de modifier la partie radiale des orbitales hydrogénoïdes en remplaçant le numéro atomique Z par un paramètre ajustable α que l'on assimile à une charge effective du noyau : c'est la charge globale que "voit" un électron de l'atome. Elle inclut donc la charge du noyau (Z) mais aussi la charge moyenne due aux autres électrons (<0) qui sont ici décrits par des orbitales. On écrit α = Z σ, où σ est la constante d'écran (σ > 0) caractéristique de l'atome et de l'orbitale considérée. On choisit alors pour orbitale approchée une fonction hydrogénoïde 1s dans laquelle on remplace Z par α : φ(r,θ,ϕ) = 1 α π a 0 3/2 exp( α a 0 r) Pour déterminer cette charge effective, on applique le principe variationnel qui indique que la meilleure valeur de α est celle qui conduit à l'énergie totale minimale. On doit donc chercher le minimum de la fonction : E (α) = Ψ * (1,2) ˆ H Ψ(1,2)dV 1 dv 2 (il faut intégrer sur les coordonnées d espace et de spin des 2 électrons) On trouve à l'issue du calcul que E est minimale pour α =1,685. L'écran lié à la présence des deux électrons 1s vaut donc σ = Z α = 0,315.La charge effective étant plus faible que celle du noyau, il faut s'attendre à ce que l'électron sur une orbitale d'un type donné soit moins attiré vers le noyau que dans l'atome hydrogénoïde de même numéro atomique. Ainsi, la densité radiale dans He s'étend plus loin du noyau que la densité de l'orbitale hydrogénoïde de He + : l'interaction entre les deux électrons 1s se traduit par un gonflement de l'orbitale. - 23 -

2,00 1,50 Z=2 Densité radiale 1,00 0,50 Z=1,69 0,00 0,00 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00 Distance électron-noyau (Å) Pour décrire l'interaction répulsive entre les électrons, on conserve donc la notion d'orbitale, mais on laisse "respirer" ces dernières pour qu'elles intègrent la répulsion électronique. V.3. Développement sur une base On peut utiliser une stratégie plus sophistiquée que celle consistant à optimiser la valeur des constantes d'écran pour construire les orbitales des atomes polyélectroniques. Pour ce faire, on écrit les orbitales comme combinaisons linéaires de fonctions hydrogénoïdes. L'orbitale 1s de l'atome d'hélium peut par exemple s'écrire comme un développement sur la base de deux fonctions 1s hydrogénoïdes, dans lesquelles les coefficients α sont fixés a priori : α 1 = 1et α 2 = 1,6 : φ(r,θ,ϕ) = A 1 1 π a 0 3/2 exp( 1 r) + B 1 a 0 π 1,6 a 0 3/2 exp( 1,6 a 0 r) A et B sont les coefficients du développement, et constituent les deux variables à optimiser. Une telle base, dans laquelle une orbitale est décrite à partir de deux fonctions hydrogénoïdes, est appelée «double-zeta». On utilise également des bases triple ou quadruplezeta, dans lesquelles les orbitales sont respectivement développées à partir de trois ou quatre fonctions hydrogénoïdes. Le nombre de fonctions de base a une influence directe sur la précision des calculs. Plus la base est étendue, plus on améliore la flexibilité de la fonction d'onde, et par conséquent la description de l'état quantique électronique. - 24 -

De plus, il est également possible d'utiliser d'autres fonctions de base dans le développement que les fonctions hydrogénoïdes. Dans un grand nombre de méthodes actuelles de chimie quantique, on préfère utiliser des bases de fonctions gaussiennes au lieu des fonctions de type hydrogénoïdes. Ces fonctions gaussiennes se distinguent essentiellement par le remplacement du facteur exponentiel de Slater en exp( αr) par un facteur «gaussien» en exp( αr 2 ). Elles conduisent à des calculs numériques plus simples et plus rapides. On dispose de bases de fonctions préétablies adaptées à différents types d études sur des édifices moléculaires variés. Le choix d une base plutôt qu une autre repose souvent sur les compromis à faire entre les ressources calculatoires disponibles et la sophistication du niveau de calcul. - 25 -

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Chapitre 2 Les modèles de structure électronique pour les molécules La description de l état quantique du nuage électronique nous permet de remonter aux propriétés physiques et chimiques d un atome ou d une molécule. Cette description qui tend à rendre compte de la répartition des électrons dans les différents états électroniques atomiques ou moléculaires s appuie sur des modèles de structure électronique. Compte tenu de la complexité des problèmes abordés, différents modèles peuvent être utilisés, en fonction des objectifs que l on se donne (quantitatifs ou seulement qualitatifs) et des propriétés que l on souhaite étudier. Dans ce chapitre, nous abordons les modèles basés sur le concept d orbitale, qui sont les plus répandus en chimie. Ces modèles sont divers en ceci qu ils font appel à des orbitales de nature différente : atomique, moléculaire, voir intermédiaire. Ils supposent également des architectures électroniques diverses faisant appel à des fonctions d onde polyélectroniques de structure plus ou moins complexe. Ce chapitre a pour but de présenter les modèles orbitalaires les plus utilisés en chimie quantique. Une grande part de cet exposé est consacré aux méthodes dites des «orbitales moléculaires» bien adaptées aux problèmes spectroscopiques et aux propriétés structurales. On aborde également les modèles dits des «liaisons de valence» qui fondent les concepts de mésomérie très important en chimie. I. Orbitales et fonctions d ondes I.1. Séparation des mouvements électroniques et nucléaires : Approximation Born-Oppenheimer (BO) S'il est relativement aisé par un changement de variable de s'affranchir du mouvement d'ensemble de translation des molécules (3 degrés de liberté externes), les mouvements relatifs des noyaux ainsi que le mouvement de rotation sont formellement couplés aux mouvements des électrons. Mais si l'on considère que les électrons sont beaucoup plus rapides que les noyaux, on peut concevoir que le nuage électronique s'adapte instantanément à la géométrie moléculaire, ou autrement dit que les états stationnaires électroniques ont le temps de s'établir avant que les noyaux n'aient bougé suffisamment pour changer appréciablement l'environnement moléculaire. Il est alors raisonnable de chercher la fonction d'onde de la molécule sous la forme d'un produit d'une fonction d'onde nucléaire et d'une fonction d'onde électronique, et de déterminer la fonction d'onde électronique dans le champ des noyaux fixes. C'est l'approximation de Born - Oppenheimer. - 27 -

I.2. Les hamiltoniens électronique et nucléaire L'hamiltonien électronique s'écrit alors : Hˆ el N N M 1 Z N N p 1 = i + 2 i= 1 i= 1 p= 1 rip i= 1 j> i rij termes cinétiques termes d'attraction termes de répulsion électroniques électrons-noyaux électronique La résolution de Hˆ el Ψ el = E el Ψ el pour chaque valeur des coordonnées nucléaires internes notées Q pour simplifier donne les fonctions E ( Q ) pour chaque état électronique. L'opérateur associé Eˆ el ( Q ) représente alors l'énergie potentielle d'interaction entre le nuage électronique et les noyaux. Il agit sur les fonctions d'onde nucléaires et intervient dans l'hamiltonien nucléaire: ˆ m Z Z H Eˆ ( Q ) M M M e p q nuc = p + + el p= 1 2mp p q> p rpq termes cinétiques nucléaires el termes de répulsion noyau noyau énergie potentielle totalevˆ ( Q ) La fonction V ( Q ) associée à l'opérateur potentiel total est appelée surface d'énergie potentielle (courbe s'il n'y a qu'une variable nucléaire interne, hypersurface s'il y a plus de deux variables nucléaires) correspondant à un état électronique donné. Elle représente l'énergie potentielle de la molécule. Il est donc important pour l'obtenir de pouvoir calculer E et la fonction d'onde électronique Ψ. el el La résolution de Hˆ nuc Ψ nuc = E nuc Ψ nuc donne alors les niveaux d'énergie de vibration/rotation de la molécule. Nous nous concentrerons dans ce cours sur l'équation de Schrödinger électronique. Les solutions exactes analytiques de cette équation sont inaccessibles et seules des solutions approchées sont envisageables. Pour cela, il faut définir a priori des formes acceptables de fonctions d'onde. I.3. Les différents modèles orbitalaires Les fonctions d onde modèles ne sont pas définies de manière unique, le choix des orbitales qui interviennent dans leur construction dépend de la nature du problème, des propriétés que l on souhaite reproduire et du niveau de sophistication du modèle théorique. Il y a donc de nombreux modèles orbitalaires mais on peut les regrouper en deux grandes familles : le modèle des orbitales moléculaires (OM) et le modèle des liaisons de valence (VB = valence bond). - 28 -

Les modèle d orbitales moléculaires (OM) On peut les considérer comme une extension pour les molécules des modèles d orbitales atomiques pour les atomes. Ils utilisent comme fonction modèle un déterminant de Slater ou plusieurs si nécessaires, construits à partir d OM. Ils obéissent à la propriété d orthogonalité : = 0 Dans cette famille, le modèle le plus connu et le plus utilisé est le modèle de Hartree et Fock (modèle HF). Il utilise une seule configuration électronique pour bâtir la fonction d onde modèle. Prenons l exemple de la molécule H 2, on veut décrire son état fondamental par une configuration dans laquelle on affecte les deux électrons à une seule orbitale moléculaire. Si on appelle les atomes A et B, on peut construire une orbitale moléculaire liante par une simple combinaison linéaire de deux orbitales hydrogénoïdes 1s. On appelle l orbitale moléculaire ainsi créée, σ g : = (1 + 1 ) où N est une constante de normalisation L état fondamental de H 2 correspond à la configuration [H 2 ] : σ g 2 et la fonction d onde s écrit à l aide d un déterminant de Slater comme suit : 1,2 = = 1 2 1(1) 1(1) 2(2) 2(2) = 1 2 1 2 12 2(1) On retrouve bien une partie de spin caractéristique d une paire d électrons appariés et indiscernables en spin. Cette fonction traduit bien le fait que la liaison H-H soit vue comme l appariement de deux électrons sur l orbitale moléculaire liante σ g. Les modèle de liaison de valence (VB) Les modèles de liaisons de valence (VB) privilégient le caractère atomique d une liaison chimique. Les fonctions modèles sont construites à partir de déterminants de Slater contenant des orbitales atomiques plus ou moins modifiées (hybridées). Ces modèles n imposent pas l orthogonalité des orbitales. Les fonctions modèles sont souvent plus complexes qu un seul déterminant de Slater (ce sont des combinaisons de plusieurs déterminants) pour respecter les propriétés de symétrie d espace et de spin auxquelles doivent obéir les fonctions d ondes (réf. Chap I.3).Pour reprendre le cas de H 2, la fonctions d onde VB la plus simple est celle dans laquelle on affecte chacun des deux électrons à une orbitale atomique 1s distincte, en appariant les spins. Si on appelle les atomes A et B, la configuration électronique est [H 2 ] : 1s A 1s B. La fonction d onde correcte pour décrire cet état fondamental est obtenue par combinaison linéaire de deux déterminants équivalents : 1s A α 1s B β et 1s A β 1s B α car il n y aucune raison d affecter le spin a à l électron de l orbitale atomique 1sA plutôt que le spin b, la seule contrainte est que les spins des deux électrons soient antiparallèles (appariés). - 29 -

1,2 = 1 1 1 1 = 2 1 11 2 + 1 21 112 2(1) La fonction comporte une partie de spin antisymétrique = paire d électrons appariées. La forme de la partie d espace diffère de la forme proposée par le modèle des OM. Ceci aura une incidence sur la détermination des différents observables, encore une fois chaque modèle est adapté à un type d observable donné. Par exemple la forme VB est utile dès lors que l on souhaite étudier les propriétés de mésomérie et de réactivité chimique. En ce qui concerne les propriétés structurales et spectroscopiques on préférera utiliser la forme OM. II. Détermination des états quantiques : méthode des variations II.1. Méthode des variations linéaires Considérons le cas de fonctions d ondes moléculaires modèles qui s expriment sous la forme de combinaisons linéaires d orbitales atomique (modèle LCAO «Linear Combination of Atomic Orbitals») et dont les coefficients variationnels sont exclusivement les coefficients des combinaisons linéaires. Dans ce cas précis, on peut rationnaliser la démarche variationnelle sous une forme simple. Soit une équation aux valeurs propres insoluble de la forme : ˆ H Ψ = EΨ ˆ H est un opérateur hermitique. On cherche une solution approchée Ψ sous forme de combinaison linéaire normée de M fonctions connues Ω i : Ψ = M i=1 c i Ω i Les Ω i sont normées mais non orthogonales : Ω * i Ω i dv = S ii = 1 Ω * i Ω j dv = S ij 0 La norme de la fonction modèle est : Ψ * * * ΨdV = c i c i S ii + c i c j S ij = 1 (1) i i j On note Ω i * ˆ H Ω j dv = H ij. L hermiticité de ˆ H se traduit par les égalités : H ij * = H ji i, j - 30 -

L énergie moyenne est donnée par : E = Ψ Ψ Ψ Ψ = Les coefficients sont les paramètres variationnels linéaires et indépendants entre eux à déterminer de telle sorte que l énergie soit la plus basse possible. Pour simplifier les développements, on va prendre des fonctions réelles. Les intégrales et ainsi que les coefficients sont réels. On a donc = et =. Il vient alors : E = Wc, c,, c = = c, c,, c c, c,, c Condition de stationnarité de W : = 0 = 1,, M =.. = 0 Ceci implique M conditions de stationnarité : = = = = + = + = 2 de même : par suite : = = 2 pour k=1,, M - 31 -

Soit encore : = 0 avec k=1,, M On aboutit à un système de M équations linéaires et homogènes (pas de termes constants dans le membre de droite). On montre que les M équations à résoudre peuvent se mettre sous la forme matricielle suivante : HC = C H est la matrice hamiltonienne d éléments H ij i, j [ 1,M ]. [ ] [ ] est la matrice de recouvrement d éléments S ij i, j 1,M C est le vecteur des coefficients d éléments c i i 1,M La résolution de l équation aux valeurs propres se transforme donc en celle d une équation matricielle dans laquelle tous les éléments de matrice sont des intégrales. Les avec i sont assimilés aux énergies d interaction entre les fonctions Ω i et Ω j. Les sont assimilés aux énergies des fonctions Ω i. Les vecteurs C décrivent les différents états quantiques, combinaisons linéaires des fonctions de base Ω i. A chaque vecteur solution C on associe son énergie. Les sont les énergies des états quantiques, ce sont ces valeurs qu il faut mettre en rapport avec les énergies mesurables. Le système d équations associé à l équation matricielle admet pour solution = 0, sauf si le déterminant de ce système d équations est identiquement nul, soit : = = 0 Cette condition, dite de «non-trivialité» du système est une équation polynomiale en W de degré M appelée «équation séculaire» du problème. On montre que cette équation possède M racines réelles : Chaque racine W k, portée dans le système d équations conduit à (M-1) équations linéairement indépendantes (M-p si W k est une racine p-uple). A partir de ces (M-1) équations et de la condition de normalisation, on obtient M coefficients,,, associés à la racine W k. - 32 -

Ces coefficients définissent la fonction Ψ. Ψ = c Ω + c Ω + + c Ω On obtient ainsi M solutions au problème initial alors qu a priori on en cherchait une seule (la plus basse en énergie!). Il s avère que ces M solutions sont des limites supérieures de M premiers états du système. Application simple : description de l ion H + 2 (modèle de type «orbitales moléculaires») dans le modèle LCAO Dans le cas, de l ion H 2 + la fonction d onde modèle est une orbitale moléculaire. On la choisit comme une combinaison linéaire de 2 orbitales atomiques 1s, supposées connues, des deux hydrogènes notés A et B. On écrit alors : Ψ = 1 + 1 En appliquant la méthode des variations linéaires, les états quantiques électroniques et les niveaux d énergies associés sont solutions du système d équations pouvant s écrire sous forme matricielle : HC = εc ou encore, = 1 1 H AB est négatif, il représente une énergie de couplage entre les deux orbitales atomiques. Compte tenu de l équivalence entre les deux atomes d hydrogène, H AA =H BB. De même S AB =S BA =S intégrale de recouvrement. On peut montrer (voir TD) que les deux solutions de cette équation matricielle sont de la forme : Ψ = 1s () + 1s et Ψ = 1s () 1s Les énergies associées à ces deux états sont : = et = Le fait que les coefficients soient égaux ou opposés résulte de la symétrie de la matrice hamiltonienne qui ne fait qu exprimer la symétrie du problème : si on intervertit A et B on ne change pas la molécule. - 33 -

Diagramme de corrélation E 2 E 1 Le diagramme de corrélation n est cependant pas symétrique, l état Ψ est plus déstabilisé que l état Ψ n est stabilisé. C est là un effet du recouvrement des orbitales atomiques. 1 1 1 1 d où dans le cas présent 0 1 donc Si on considère un recouvrement des orbitales S non nul on note que le terme de stabilisation de Ψ et plus faible que le terme de déstabilisation de Ψ. - 34 -

Chapitre 3 Le modèle Hartree-Fock Le modèle Hartree-Fock (HF), est basé sur le principe des variations et permet de déterminer les orbitales et les énergies associées d'un atome ou d'une molécule, en tenant compte de manière moyenne des interactions électrostatiques entre les électrons. Les méthodes numériques qui en découlent sont couramment utilisées en laboratoire dans les programmes de modélisation quantique. Ce modèle est ainsi au "cœur" des techniques de la chimie quantique moderne. I. Principe du modèle Hartree-Fock I.1. Energie moyenne associée à un déterminant de Slater Le modèle Hartree-Fock consiste à déterminer la meilleure fonction d onde Ψ décrivant l état fondamental d une molécule ou d un atome polyélectronique sous la forme d un déterminant de Slater unique. Pour un système comportant N électrons, on a : Ψ1, 2,, = 1 (1) (1)! (2) (2) () () (1) (2) () où les fonctions () sont des spin-orbitales, formées par le produit d une fonction orbitale des coordonnées d espace de l électron et d une fonction ( ) de la coordonnée de spin de l électron (rappel : = ou et la coordonnée de spin = + ou ). Dans ce modèle, les spins-orbitales sont orthogonales. Nous allons développer l expression de l énergie moyenne dans le cas simple de deux électrons décrits par deux spin-orbitales et pour ensuite donner le résultat dans le cas général à N électrons. Soit la fonction d onde à deux électrons Ψ1, 2 = 1 2 2 1, et l hamiltonien décrivant deux électrons dans le champ d un ensemble de M noyaux : = 1 2 Δ Z r + 1 = h + h + 1 Avec h et h deux opérateurs monoélectroniques, et répulsion électrostatique. l opérateur biélectronique de - 35 -

L énergie moyenne du système s écrit : = Ψ 1, 2 Ψ1, 2 = 1 2 h 1 2 1 2 h 2 1 2 1 h 1 2 + 2 1 h 2 1 + 1 2 h 1 2 1 2 h 2 1 2 1 h 1 2 + 2 1 h 2 1 + 1 2 1 1 2 1 2 1 2 1 2 1 1 1 2 + 2 1 1 2 1 En raison de l orthogonalité des spins-orbitales, les termes monoélectroniques comptés négativement sont tous nuls : =0 1 2 h 2 1 = 2 2 1 h 1 Les quatre termes monoélectroniques restants sont tous non nuls et pour certains égaux, les variables (1) et (2) étant interchangeables dans ces expressions : =1 1 2 h 1 2 = 2 2 1 h 1 = 2 1 h 2 1 = 1 h 1 = 1 2 h 1 2 = 2 h 2 = - 36 -

2 1 h 2 1 = 2 h 2 = L intégrale monoélectronique peut être interprétée comme l énergie moyenne d un électron décrit par l orbitale dans le champ du noyau seul (énergie cinétique de l électron + attraction coulombienne). Les termes biélectroniques peuvent être regroupés en deux catégories : 1 2 1 1 2 = 2 1 1 2 1 = L intégrale coulombienne représente l énergie d interaction de Coulomb entre deux densités de charge électronique et. 1 2 1 2 1 = 2 1 1 1 2 = L intégrale d échange n a pas d équivalent classique : elle provient de la condition d antisymétrie de la fonction d onde (elle n existerait pas en effet si la fonction d onde pouvait être prise sous la forme d un simple produit de spins orbitales). Elle mesure l énergie due à l échange de deux électrons entre les orbitales et. Remarque : si on écrit les spins-orbitales (, ) sous la forme d un produit des fonctions d espace (, ) et de spin (, ). Les intégrales d échanges mettant en jeu deux électrons de spins différents ( ) sont nulles. Par exemple avec = et = on obtient : = 1 2 1 2 1 = 2 1 1 1 2 Avec (+ ) = 1 ; ( ) = 0 ; (+ ) = 0 ; ( ) = 1. = = 0 1 + 1 0 = 0 = = 1 0 + 0 1 = 0-37 -

d où : = 2 1 1 2 =0, si et décrivent deux états de spin différents. On pourra montrer de la même manière que l intégrale d échange est non nulle dés lors que les états de spin sont identiques. Au final l énergie moyenne électronique du système à deux électrons s écrit : = + + Cette relation devient dans le cas général à N électrons : = + Exemple : énergie de l atome de Be (1s 2 2s 2 ) dans son état fondamental = 2 + 2 + + + 4 2 On précisera que les termes de répulsion coulombienne faisant intervenir deux électrons appartenant à la même orbitales (, ) sont plus forts que les termes de répulsion entre électrons de deux orbitales distinctes ( ). I.2. Le modèle Hartree-Fock D après le principe des variations, la meilleure fonction Ψ (déterminant de Slater normalisé) est celle qui rend minimale l expression de l énergie moyenne électronique : = Ψ ΨΓ où l intégration porte sur toutes les coordonnées d espace et de spin des électrons Γ = dvdσ. La minimisation de revient à faire varier les fonctions spin-orbitales qui entrent dans l expression de la fonction Ψ. Toute modification des en + induit une modification de Ψ en Ψ + δψ et par suite une variation de. Prenons le cas simple précédent des deux électrons : la variation de l une quelconque des fonctions (par exemple ) doit conserver la norme de la fonction ainsi que l orthogonalité entre les spins-orbitales. On peut concevoir la modification de de la façon suivante : = + - 38 -

Où est une autre spin-orbitale de la base, orthogonale à et non utilisée dans le déterminant, et un infiniment petit du premier ordre. On obtient : Ψ 1, 2 = 1 2 1 + 1 2 1 2 + 2 Ψ 1, 2 = 1 2 1 2 1 2 + 1 2 2 1 soit Par suite : (, ) = (, ) + (, ) = + = Ψ Ψ Γ Ψ ΨΓ = Ψ ΨΓ + 2ε Ψ Ψ Γ + ε Ψ Ψ Γ Ψ ΨΓ Au premier ordre : On pose : = 2ε Ψ Ψ Γ = Ψ Ψ Γ Une condition pour que l énergie soit minimale est que = 0 = Ψ Ψ Γ = 0 = 1 1 h 1 1 1 1 + 1 1 2 2 1 2 2 1 1 2 1 2 12 1 1 2 2 1 2 1 2 1 2 1 2 = 0 12 = 1 1 h 1 1 1 1 + 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 = 0 = 1 1 1 1 1 1 = 0 Avec opérateur de Coulomb défini comme : = 2 2 et opérateur d échange défini par son action sur une fonction 1 : 1 = 1 2 1 2 A noter qu une fois effectuée l intégration sur les opérateurs et ne portent que sur les coordonnées de l électron (1). - 39 -

On peut alors définir un nouvel opérateur monoélectronique appelé opérateur de Fock : = h + et écrire : = 1 1 = 0 On rappelle que doit s annuler pour que l énergie soit minimale, or il s avère que ce terme est nul dès lors que 1 est fonction propre de l opérateur de Fock. En généralisant à un système à N électrons on peut dire que le problème de minimisation de l énergie du système revient à résoudre les équations aux valeurs propres de l opérateur monoélectronique de Fock : avec = h + = L'opérateur de Fock décrit alors le mouvement d'un électron dans le champ du noyau (terme h ˆ ), mais aussi dans le champ électrostatique moyen des autres électrons (termes ). Ce champ moyen dû aux autres électrons joue le rôle d écran à l attraction du noyau contenue dans h ˆ. Les équations de Fock ne sont cependant pas des équations aux valeurs propres au sens habituel du terme, car l opérateur de Fock est lui-même fonction des orbitales que l'on génère. La résolution de ce type d équation nécessite donc un procédé itératif décrit par les étapes ci-dessous : () - On part d un jeu d orbitales d'essai on calcule l'énergie totale E (0). - On construit l'opérateur de Fock F ˆ (1). - On résout les équations de Hartree-Fock pour obtenir un nouveau jeu d orbitales (). - On calcule une nouvelle énergie totale E (1) et un nouvel opérateur de Fock F ˆ (2). Tant que l énergie totale E ne converge pas vers une limite (condition de stationnarité) on recommence le processus. Lorsque cette condition est satisfaite, il y a cohérence (égalité) entre les orbitales qui ont été utilisées pour construire l opérateur de Fock et celles que celuici a permis de déterminer. Cette méthode itérative, qui permet de déterminer l énergie potentielle moyenne décrivant le mieux le système étudié, est appelée méthode du champ auto-cohérent, ou, en anglais, Self Consistent Field (SCF). Les orbitales convergées, solutions de l équation de Fock convergées sont appelées orbitales canoniques Hartree-Fock. Le modèle de Hartree-Fock conduit à la résolution rigoureuse du problème correspondant à un système hypothétique dans lequel les interactions électroniques sont remplacées par les interactions électrostatiques moyennes données par les opérateurs J ˆ i et K ˆ i. L énergie ainsi obtenue est cependant supérieure à l énergie exacte. La différence entre ces deux énergies est appelée énergie de corrélation. - 40 -

II. Energies orbitalaires et énergie électronique II.1. Non additivité des énergies orbitalaires L énergie d une orbitale () est donnée par : = () En remplaçant l opérateur de Fock par son expression en fonction des opérateurs mono et biélectroniques, et compte tenu de la condition de normalisation de l orbitale (), on montre facilement que : = + Comme dit plus haut, l opérateur de Fock peut être considéré comme l opérateur hamiltonien effectif décrivant l électron ν dans le champ électrostatique moyen des autres électrons. La quantité ε i peut donc être assimilée à l énergie moyenne de cet électron au sein du nuage électronique. Il est cependant important de constater que chaque terme ε i tient compte des interactions électrostatiques (termes de Coulomb et d échange) entre l électron i et les autres électrons du système. Si on sommait ces énergies, on compterait 2 fois l interaction pour chaque paire d électron. Par conséquent, l énergie électronique totale n est pas égale à la somme des énergies orbitalaires, mais à la quantité : = - 41 -

Annexe : illustration de l approximation champ moyen à travers l exemple de He L hamiltonien de l atome d hélium s écrit : = h + h + avec h = ħ Δ et = Considérons le déterminant de Slater à 2 électrons : Φ 1, 2 = 1 2! 2(2) 1(1) 1(1) 2(2) = 1 1(2)1(2) (2)(1) 2 Pour lequel on doit déterminer la meilleure fonction f au sens du théorème des variations. Partons d une fonction approchée () (comme par exemple la fonction 1s de l atome d hydrogène). La densité de probabilité associée à l électron () est donnée par () et la densité de charge est égale à : =. () On rappelle que l énergie d interaction antre deux charges et distantes de est égale à: (en unités SI). Entre une charge ponctuelle et une charge répartie dans l espace avec une distribution, cette énergie d interaction devient : 1 4 Compte tenu de cette remarque, on peut mettre en place la procédure suivante : remplaçons l électron (2) par la distribution statique associée à la fonction (). Il vient que l interaction électrostatique moyenne entre l électron (1) et cette distribution de charge s écrit : 1 (2) 4 L énergie potentielle d interaction (1) entre l électron (1) et l ensemble «électron (2) + noyau» est égale à : 1 = 1 + 1 (2) 4 4 A l aide de (1), on peut bâtir une équation de Schrödinger monoélectronique dans laquelle l opérateur agissant sur (1) est appelé l opérateur de Fock : - 42 -

ħ Δ + 1 (1) = () (1) La fonction, solution de cette équation aux valeurs propres, représente une fonction «améliorée» par rapport à qui a servi à construire. On peut alors construire un nouveau champ moyen dans lequel se meut l électron (1) selon la même approche que précédemment en écrivant que l énergie d interaction est de la forme : 1 (2) 4 Le nouveau potentiel 1 ressenti par l électron (1) sécrit : 1 = 1 + 1 (2) 4 4 Il permet d écrire une nouvelle équation monoélectronique : ħ Δ + 1 (1) = () (1) Apres un certain nombre n d itérations, le champ moyen, créé par l électron (2), n évolue plus d une itération à l autre. On dit qu on a atteint l autocohérence (SCF). La quantité () à l itération n, notée simplement, est appelée énergie de l orbitale f. La procédure ainsi décrite, qui consiste à élaborer progressivement le champ moyen que ressent chaque électron, est exactement celle qui est conduite à partir des équations mathématiques de minimisation de l énergie totale moyenne de la méthode des variations où on cherche la meilleure fonction f à placer dans l expression déterminantale de la fonction d onde de He. Ainsi, la minimisation de conduit à la recherche des solutions d une équation aux valeurs propres d un opérateur monoélectronique. L opérateur en question dépend de la fonction f recherchée d où la nécessité d une procédure itérative de résolution de ce type d équation. Une expression de l énergie de l orbitale peut-être obtenue comme suit : = 111 = 1h11 + 1 (1) (2) 4 = + Où et sont les intégrales mono et biélectroniques apparaissant dans ce développement. L énergie totale obtenue à l autocohérence, est directement reliée à l énergie orbitalaire par la relation : = 2 1 4 0 2 (1) 2 (2) 2 12 1 2 la répulsion électronique moyenne étant comptée deux fois. L énergie ainsi obtenue est appelée la «limite HF» du problème électronique étudiée. En effet, l approche champ moyen ne permet pas de traiter correctement la corrélation des mouvements électroniques. Ce - 43 -

défaut de corrélation entraine une surestimation positive de l énergie «vraie». Ceci, est essentiellement dû à des situations non physiques pour lesquelles deux électrons de spins différents peuvent se retrouver très proches l un de l autre, ces situations seraient évitées dans un traitement correct de la corrélation électronique. La différence d énergie entre l énergie vraie et la limite HF est appelée «énergie de corrélation». L importance relative de l énergie de corrélation par rapport à l énergie vraie est de l ordre de 1%. Malheureusement, il s avère que l énergie vraie est une grande quantité et que du coup l énergie de corrélation est loin d être négligeable en regard des énergies mises en jeu au cours des réactions chimiques (ordre de grandeur des énergies d activation). - 44 -

II.2. Théorème de Koopmans Si une molécule à couches complètes (comportant N électrons) est ionisée, elle est caractérisée par un nouvel opérateur hamiltonien et une nouvelle fonction d onde. En supposant que les orbitales moléculaires de l ion sont identiques aux orbitales de la molécule neutre, on peut écrire la fonction d onde approchée de l ion sous la forme : Ψ 1, 2,, = 1 (1) (1)! (2) (2) ( 1) ( 1) (1) (2) ( 1) De la même manière que pour la molécule neutre, on peut montrer que l énergie correspondante peut s écrire sous la forme : = + L énergie d ionisation (EI) de la molécule est alors : = = = ε N peut donc être assimilée en valeur absolue à l énergie d ionisation mesurable de la molécule. On peut généraliser à toutes les orbitales occupées : ε i donne en valeur absolue l énergie d ionisation ( ) correspondant à l éjection d un électron de la spin-orbitale. Cette association porte le nom de théorème de Koopmans. Il associe une grandeur expérimentale à l énergie des orbitales. En pratique, les énergies d ionisation moléculaire sont souvent évaluées de cette manière. Il faut cependant bien avoir en tête qu il ne s agit que d une approximation, qui ne tient pas compte des perturbations inévitables du nuage électronique dues au changement du nombre d électrons lors de l ionisation. Elle est cependant raisonnable dans la plupart des cas. De façon générale, l énergie d ionisation donnée par le théorème de Koopmans est supérieure à celle que l on obtiendrait en optimisant séparément les orbitales dans la molécule et le cation et en calculant la + différence des énergies SCF totales EI SCF = E SCF E SCF, car l optimisation des OM dans le cation abaisse l énergie E +. Mais d un autre coté, l énergie d ionisation exacte est aussi supérieure à EI SCF car l énergie de corrélation est plus grande pour la molécule que pour le cation (un électron de plus). C est cette compensation d effets qui rend l approximation de Koopmans efficace pour un grand nombre de molécules. - 45 -

III. Développement des OM sur une base : méthode de Roothan III.1. Développement sur une base de fonctions atomiques Les équations de Hartree-Fock ne portent pas sur la variable de spin de sorte qu il est possible de simplifier notre raisonnement en ne prenant en compte que la partie d espace des fonctions spin-orbitales. Roothan propose en 1959 de développer les orbitales sur une base de fonctions Ω préalablement choisie : = Ω (ν) où M est la dimension de la base et les facteurs sont les coefficients du développement. La détermination de revient alors à chercher les valeurs optimales des paramètres variationnels. En toute rigueur, la base de fonctions Ω doit être une base complète (M = ). Dans ce cas seulement les calculs aboutissent à la fonction d'onde ψ correspondant à l'énergie totale E HF la plus basse possible. Cette valeur limite E HF est appelée limite Hartree-Fock. En pratique, il est bien entendu impossible de mener un calcul en utilisant une base de dimension infinie. Cependant, on sait à l'avance que les OM ne prendront des valeurs importantes qu'au voisinage des atomes ou sur les liaisons interatomiques. On peut donc restreindre le nombre de fonctions de base, et utiliser une base de dimension M finie, à condition de choisir des fonctions de base décrivant les orbitales des différents atomes de la molécule (on notera que le nombre de fonctions de base doit être au moins égal au nombre N d orbitales de manière à pouvoir accommoder tous les électrons). III.2. Les différents types de base L énergie obtenue par la méthode de Roothan est toujours supérieure à la valeur limite E HF, à moins d utiliser une base de dimension infinie, ce qui est inconcevable en pratique. La qualité du résultat dépend donc directement du nombre et de la nature des fonctions Ω. On utilise principalement deux types de fonctions de base pour les calculs numériques : les orbitales de Slater et les fonctions gaussiennes. Bases de Slater Les fonctions de Slater sont directement déduites des orbitales hydrogénoïdes (qui sont les solutions exactes pour l'atome d'hydrogène), en remplaçant dans les expressions hydrogénoïdes la charge Z du noyau par une charge effective α (α < Z) traduisant l'effet d'écran dû à la présence de plusieurs électrons sur l'atome. Elles sont de la forme (en coordonnées sphériques) : S ( n 1) Ω ( r, θ, ϕ) = N. Y ( θ, ϕ). r.exp( αr) p l m - 46 -

L'inconvénient de ce type de fonctions est que le calcul des intégrales biélectroniques J ij et K ij est très complexe dès que les orbitales atomiques intervenant dans ces intégrales sont centrées sur des atomes différents. Bases de gaussiennes Pour contourner ces difficultés calculatoires, on utilise des fonctions gaussiennes, dont l'expression (en coordonnées sphériques) est donnée par : Ω G p ( r, θ, ϕ) = N. Y l m ( θ, ϕ). r (2n 2 l).exp( αr L'usage des fonctions gaussiennes s'est imposé dans la plupart des programmes standards de chimie quantique, car le calcul des intégrales biélectroniques peut se faire de manière analytique. Elles ont par contre le désavantage d'être moins bien adaptées à la description de la forme des orbitales atomiques, notamment sur deux points : i) au noyau (r = 0), la dérivée d une fonction gaussienne est nulle, alors qu une fonction de Slater présente une discontinuité (couramment appelée «CUSP») ; ii) à grande distance ( r ), une fonction gaussienne décroit plus rapidement qu une fonction de Slater. L extension de la fonction d onde est par conséquent moins bien décrite. Pour obtenir une précision équivalente, une fonction de Slater doit être remplacée par plusieurs fonctions gaussiennes. La dimension de la base croît donc très rapidement avec la taille de la molécule. Afin de limiter le nombre de paramètres variationnels à déterminer, une solution consiste à fixer préalablement les rapports entre certains coefficients C pi, c'est-à-dire construire une nouvelle base de fonctions, appelées contractées, de la forme : 2 ) Ω x, y, z = Ω (x, y, z) Ω x, y, z est appelée primitive. Les coefficients A pq sont les coefficients de contraction de l'orbitale Ω x, y, z sur la base des primitives Ω x, y, z, et restent constants au cours du processus itératif. La qualité d'une base d'orbitale dépend donc : - du nombre de fonctions utilisé (nombre de contractées et nombre de primitives par contractée) - du choix des paramètres intervenant dans l expression d une fonction contractées α et A pq Il existe différents types de bases standardisées auxquelles se rattache une nomenclature ésotérique reflétant la qualité de la base. Le choix d une base plutôt qu une autre repose souvent sur les compromis à faire entre les ressources calculatoires disponibles et la sophistication du niveau de calcul. L ensemble des modèles reposant sur le développement des orbitales sur des bases de fonctions et pour lesquels les calculs sont effectués explicitement sont appelés modèles ab initio. Ces modèles conduisent à des propriétés calculées comparables quantitativement aux propriétés mesurées. En raison de la complexité des calculs, un bon accord quantitatif théorie- - 47 -

expérience n est envisageable que pour des molécules de petite taille. Pour des systèmes plus importants, on se contente d un accord qualitatif et de lois de tendances correctes. III.3. L approximation LCAO L approximation LCAO consiste à écrire les OM comme des combinaisons linéaires des orbitales atomiques des différents atomes constituant la molécule. Chaque OA est décrite par une fonction de Slater unique. Il s agit donc d un cas particulier du formalisme de Roothan. Le développement sur une base de M orbitales atomiques donne M orbitales moléculaires : = Ω (ν) III.4. Equations de Roothan En tenant compte du développement des orbitales moléculaires sur la base des fonctions Ω, le système d équations de Fock résultant de l application des variations linéaires comporte M équations (M=dimension de la base). Il peut s écrire sous forme matricielle : FC = εsc Cette équation matricielle doit être résolue à chaque itération, jusqu à convergence. La matrice F est représentative de l opérateur de Fock dans la base des fonctions Ω et contient les intégrales de Fock : = Ω ν()ω νdv S est la matrice des recouvrements, avec pour éléments : = Ω νω νdv. C contient les coefficients C pi. Ce système d équations admet des solutions non triviales si : det F εs = 0 Cette équation de compatibilité est un polynôme en ε de degré M dont les M racines sont réelles par suite de l hermiticité de l opérateur de Fock. Pour chacune des racines ε, on peut déterminer les coefficients C pi correspondant en s aidant des relations de normalisation des orbitales. On obtient ainsi M orbitales orthonormées (propriété également due à l hermiticité de l opérateur de Fock). - 48 -

IV. La densité électronique La méthode Hartree-Fock-Roothan permet d'accéder aisément à la densité électronique globale ρ du nuage électronique de la molécule, définie comme la densité de probabilité de présence d'un électron quelconque, quelle que soit la position des autres. Cette densité électronique est mesurable par exemple à l'aide de techniques rayons X. Elle s écrit comme la somme des densités orbitalaires : = où ni est le nombre d'électrons (0, 1 ou 2) sur l'om. En intégrant la densité sur tout l espace, on retrouve le nombre d électrons : = = = IV.1. La matrice densité de premier ordre Si on remplace les orbitales par leurs développements sur la base des fonctions Ω, on obtient une somme de contributions de paires : = Ω Ω = Ω Ω où les termes D pq sont les éléments de la matrice densité de premier ordre dans la base des fonctions Ω : D pq = M i=1 n i C * pi C qi Cette décomposition de la densité électronique en contributions de paires exprime les multiples effets d interférences entre fonctions atomiques qui conduisent à l établissement du nuage électronique de la molécule. Le terme D pq définit l indice de liaison entre les deux OA Ω et Ω. IV.2. Analyse de population de Mulliken En intégrant la densité, on peut faire apparaître un découpage du nombre d électrons disponibles entre toutes les paires Ω et Ω. = Ω Ω dv = = - 49 -

Le produit D pq S pq donne la contribution du recouvrement entre les fonctions Ω et Ω à la densité électronique. Si les fonctions sont centrées sur le même atome, la contribution est dite atomique. Si les fonctions Ω et Ω appartiennent à deux atomes différents, D pq S pq est une contribution de liaison. On peut réorganiser la double somme pour faire apparaître une somme des contributions de chaque fonction Ω. = = + = = Q p est la population électronique de Mulliken associée à la fonction Ω. Cette quantité est associée à la population moyenne de Ω dans un nuage électronique décrit par les orbitales. IV.3. Charge atomique nette La somme des populations de Mulliken des fonctions Ω centrées sur un même atome A permet d obtenir la population électronique moyenne de l atome : n A = Q p p A La charge partielle ou charge nette de l'atome A dans la molécule est alors (en nombre d'électrons) : δ A = Z A n A Si δ A < 0, A se charge négativement. C'est le signe que le nuage électronique de la molécule est déformé vers A. La méthode Hartree-Fock permet ainsi de prévoir l'existence d'un déplacement de charge et donc d'un moment dipolaire. L'existence de ce moment dipolaire reflète la différence d'électronégativité des deux atomes, qui est intimement liée à la nature et à l'énergie relative des fonctions atomiques. Plus un atome est électronégatif et plus les énergies de ses orbitales son basses. IV.4. Cas particulier : on néglige le recouvrement entre OA Dans le cas où les recouvrements S pq entre fonctions Ω sont négligés, les expressions ci-dessus se simplifient. La population moyenne d une fonction Ω s écrit alors comme la somme des modules au carré des coefficients C pi, pondérés par les occupations d OM : = = = - 50 -

V. Analyse des couplages entre fonctions atomiques V.1. Nature liante, non liante ou anti-liante d un couplage La répartition électronique optimale dans la molécule rend compte de l apparition des liaisons chimiques. Si on considère une liaison particulière, on dit que le nuage a un effet liant si les effets d interférence sont globalement constructifs sur cette liaison. En analysant les effets d interférence sur chaque paire de fonction Ω et Ω, on dit alors que : le couplage entre les deux fonctions Ω et Ω est liant si l effet d interférence est constructif, c est à dire le signe du produit D pq S pq est positif le couplage entre les deux fonctions est antiliant si l effet d interférence est destructif, c est à dire le signe du produit D pq S pq est négatif le couplage entre les deux fonctions est non liant si l effet d interférence est nul, c est à dire le signe du produit D pq S pq est nul En général, une liaison chimique met en jeu plusieurs paires de fonctions atomiques. Il peut donc y avoir compétition entre effets liants et antiliants sur une même liaison chimique conduisant à un caractère non liant par compensation. Signe conventionnel de Spq On considère deux fonctions atomiques centrées sur deux noyaux différents A et B. A est à gauche de B. Une fonction 1s étant positive, l intégrale de recouvrement S pq entre deux OA 1s est donc toujours positive : S pq > 0 Une orbitale 2p i est orientée selon l axe i, du lobe négatif vers le lobe positif dans le sens de l axe. Le signe du recouvrement S pq entre une OA 1s et une orbitale 2p dépend donc de leur position relative. - 51 -

Dans le cas d un recouvrement axial (symétrie de type σ) : Si l OA 1s est à droite de l OA 2p, le recouvrement S pq est positif. Si l OA 1s est à gauche de l OA 2p, le recouvrement S pq est négatif. S pq > 0 S pq < 0 Dans le cas d un recouvrement latéral (symétrie de type π) : Il y a exacte compensation entre les contributions positives et négatives : l intégrale S pq est nulle. S pq = 0 Le recouvrement axial ou latéral entre deux fonctions 2p est négatif : S pq < 0 S pq > 0 Exemples de couplages On considère le couplage entre deux fonctions atomiques centrées sur deux noyaux différents A et B. A est à gauche de B. Les deux noyaux sont le long de l axe x. 1s A + 1s B ; Spq > 0 ; Dpq > 0 caractère LIANT - 52 -

1s A 1s B ; Spq > 0 ; Dpq < 0 caractère ANTI-LIANT 1s A + 2px B ; Spq < 0 ; Dpq > 0 caractère ANTI-LIANT 1s A 2px B ; Spq < 0 ; Dpq < 0 caractère LIANT 2py A ± 1s B ; Spq = 0 ; Dpq > 0 ou < 0 caractère NON LIANT ou 2py A + 2py B ; Spq > 0 ; Dpq > 0 caractère LIANT 2py A 2py B ; Spq > 0 ; Dpq < 0 caractère ANTI-LIANT V.2. Nature liante ou antiliante d une OM Cette notion n'a pas rigoureusement de sens puisque c'est l'état multiélectronique qui est liant ou antiliant au vu de sa courbe d'énergie potentielle. Mais il n'en demeure pas moins que plus seront peuplées des OM dans lesquelles les couplages liants sont forts, plus l'état sera liant. - 53 -

Pour évaluer la nature liante ou anti-liante d'une OM on procède comme suit : On associe à chaque couplage d'oa le produit des coefficients LCAO c pi c qi correspondant (p appartient à l'atome A, q à B). On fait alors la somme de ces contributions pour les couplages liants et antiliants. Si c'est la contribution liante qui l'emporte, on dit que l'om est globalement liante ; dans le cas contraire elle est globalement anti-liante. Si tous les couplages sont liants, l'om est totalement liante (inversement totalement anti-liante). Cette façon de procéder reste cependant très qualitative et peut se révéler inexacte si l'importance des recouvrements change fortement avec la nature des orbitales atomiques mises en jeu. on peut ainsi classer les orbitales suivant leur symétrie et leur caractère liant. Nomenclature : σ et π pour les OM liantes σ * et π * pour les anti-liantes et on rajoute l'indice g ou u pour les molécules homonucléaires. V.3. Diagramme de corrélation Les diagrammes de corrélation portent l'énergie des OM et les relient aux niveaux d'énergie des OA qui les composent. En règle générale les OM liantes ont une énergie plus basse que celles des OA qui les composent et inversement les anti-liantes ont une énergie plus haute; ceci est dû à l'effet d'écran respectivement stabilisant et déstabilisant. C'est systématiquement vrai de la première OM qui est toujours totalement liante (et de symétrie σ) et de la dernière totalement antiliante (σ ). Les prédictions sont cependant plus délicates quand le caractère n'est que partiellement liant ou anti-liant. La configuration de l'état fondamental est obtenue en remplissant les niveaux dans l'ordre croissant d'énergie en respectant le principe de Pauli. La règle de Hund s'applique aussi car les OM sont orthogonales ; elle permet ainsi de prévoir l'état de spin de la molécule. On distingue alors les molécules diamagnétiques pour lesquelles tous les spins sont appariés, et les molécules paramagnétiques pour lesquelles certaines OM sont simplement occupées. L'action d'un champ magnétique permet de distinguer entre ces deux types. V.4. Intensité des couplages entre OA Considérons deux OA χ A et χ B d'énergies E A et E B (E A < E B ) ; elles forment deux OM ϕ et ϕ * d'énergies E et E* ( E < E * ), avec E < E B et E * > E B. La résolution de l équation matricielle de Fock montre que le couplage entre χ A et χ B est d'autant plus - 54 -

important que leurs énergies sont proches. Si E A E B est grand, le couplage est peu intense. L'OM liante est alors peu stabilisée et l'om antiliante peu déstabilisée. Le mélange des OA est faible, et les OM sont alors essentiellement les OA originelles. Dans le cas contraire où les OA ont des énergies voisines, les OM sont très différentes des OA de base. j, E * j, E * c B, E B c A, E A c A, E A c B, E B Couplage faible ( ) avec ε << 1 ( ) ϕ = A χ A +εχ B j, E ϕ * = A εχ A + χ B Dans l OM ϕ, le poids de χ B (égal à 0 ) est négligeable et le poids de χ A (égal à ) est proche de 1. j, E Couplage intense ϕ = A 1 χ A + A 2 χ B avec A 1 > A 2 ϕ * = B 1 χ A + B 2 χ B avec B 1 < B 2 Dans l OM ϕ, le poids de χ A (égal à ) est plus fort que le poids de χ B (égal à ). Dans l OM ϕ *, le poids de χ A (égal à 0 ) est négligeable et le poids de χ B (égal à ) est proche de 1. V.5. Analyse simple des effets de transfert de charge Dans l OM ϕ *, le poids de χ A (égal à ) est plus faible que le poids de χ B (égal à ). On raisonne en général sur des problèmes à deux fragments A et B qui se combinent pour former une nouvelle molécule. En toute rigueur, il faut regarder comment s'est déformée la densité électronique dans AB par rapport à la somme des densités dans A et dans B. On peut cependant raisonner qualitativement en ne considérant que la forme générale des orbitales que l'on crée. On utilise une orbitale par fragment ainsi que les deux OM liante et antiliante formées par ces deux orbitales de fragment. L'effet de transfert de charge (effet inductif) dépend alors de la position relative en énergie des orbitales des fragments ainsi que du nombre d'électrons mis en jeu (1, 2 ou 3). - 55 -

Considérons le schéma suivant, caractéristique d'un couplage faible : j 2 c A ϕ 1 = A 1 χ A + A 2 χ B avec A 1 < A 2 ϕ 2 = B 1 χ A + B 2 χ B avec B 1 > B 2 j 1 c B ϕ 1 «ressemble» plus à χ B qu'à χ A. ϕ 2 «ressemble» plus à χ A qu'à χ B. Problème à 1 électron : A AB B A AB B Dans le premier cas, l'électron à l'origine sur B se délocalise partiellement sur A en passant sur l'orbitale moléculaire ϕ 1 : il y a un léger transfert de charge de B vers A. Dans le second cas, l'électron à l'origine sur A se délocalise fortement sur B en passant sur l'orbitale moléculaire ϕ 1 : il y a fort transfert de charge de A vers B. Problème à 2 électrons : A AB B A AB B A AB B Dans le premier cas, les deux électrons à l'origine répartis sur A et B se retrouvent sur ϕ 1, où ils sont en moyenne plus souvent sur B : il y a transfert de charge de A vers B. Dans le second cas, les deux électrons sur ϕ 1 sont en moyenne plus souvent sur B : il y a fort transfert de charge de A vers B. Dans le troisième cas, les deux électrons sur ϕ 1 sont partiellement délocalisés sur A : il y a faible transfert de charge de B vers A. - 56 -

Problème à 3 électrons : A AB B A AB B Dans le premier cas, les deux électrons sur ϕ 1 (que l'on peut considérer comme venant de B) sont partiellement délocalisés sur A ; l'électron sur ϕ 2 (que l'on peut considérer comme venant de A) est partiellement délocalisé sur B : le transfert de charge résultant se fait de B vers A. Dans le second cas, il y a transfert de charge de A vers B. La méthode des OM permet ainsi de prévoir l'existence d'un déplacement de charge et donc d'un moment dipolaire. L'existence de ce moment dipolaire reflète la différence d'électronégativité des deux atomes, qui est intimement liée à la nature et à l'énergie relative des orbitales atomiques. VI. Le modèle HF : limites et extensions VI.1. Dissociation de H 2 L'énergie potentielle de la molécule H 2 obtenue dans l'approximation LCAO est calculable analytiquement. Elle est tracée ci-dessous en comparaison du résultat exact issu d'un modèle plus sophistiqué. Energie (ev) -22,00-23,00-24,00-25,00-26,00-27,00-28,00-29,00-30,00-31,00-32,00-33,00 0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50 3,00 3,50 4,00 R (Å) OM-LCAO IC 2E(H) Le modèle HF prédit bien l'existence d'un puits d'énergie potentielle et donc la stabilité de la molécule. La distance d'équilibre dans l'approximation LCAO simple est de 1,6 Bohr, soit 0,84 Angström. La profondeur du puits relative à deux atomes d'hydrogène séparés à l'infini l'un de l'autre vaut 2,65 ev. Les valeurs expérimentales sont 0,74 Angström et 4,75 ev - 57 -

respectivement. Le modèle doit donc être amélioré pour reproduire les valeurs expérimentales. Pour un accord plus quantitatif avec les données expérimentales, il faut notamment utiliser un développement des OM utilisant des fonctions atomiques supplémentaires. L'asymptote horizontale aux grandes distances internucléaires ne correspond pas à la somme des énergies de deux atomes d'hydrogène. Le modèle ne prédit pas correctement la rupture homolytique de la liaison covalente. C'est un défaut intrinsèque au modèle : la forme de la fonction d'onde est inadaptée pour décrire deux atomes d'hydrogène éloignés. Le modèle des orbitales moléculaire permet donc de traduire la stabilité de la liaison covalente mais n'est pas adapté à la description de sa rupture et de sa formation. La limitation de la méthode de Hartree-Fock provient du fait que la fonction d onde ne contient aucune information sur la corrélation électronique autre que celle introduite par le principe d'antisymétrie (principe d exclusion de Pauli). La fonction d onde monoconfigurationnelle décrite par un déterminant de Slater unique correspond à une configuration électronique figée, dans laquelle les électrons sont affectés une fois pour toute à un jeu d orbitales. Ce manque de flexibilité de la fonction d onde, interdisant tout mouvement électronique d une orbitale à l autre, est à l origine de l échec du modèle Hartree-Fock lorsque l on cherche à décrire des effets électroniques fins intervenant par exemple dans la formation/rupture de liaisons covalentes ou la description de liaisons intermoléculaires faibles. Les modèles multi-configurationnels, dans lesquels la fonction d onde s écrit non pas comme un déterminant de Slater unique mais comme une combinaison de plusieurs déterminants, chacun correspondant à une configuration électronique, permettent de pallier ce défaut en offrant la possibilité aux électrons de se déplacer sur les différentes orbitales. Ainsi, dans le modèle des Interactions de Configurations (IC), la fonction d onde est une superposition de différents déterminants de Slater correspondant aux différentes occupations possibles des orbitales. Dans ce modèle, les orbitales ne dépendent pas de la configuration électronique dans laquelle elles interviennent : on utilise les orbitales issues du calcul Hartree-Fock. Mais ceci reste une approximation. En effet, on conçoit que les orbitales peuvent s adapter aux variations d occupation électronique. Un raffinement supplémentaire consiste donc à optimiser non seulement les coefficients de mélange des déterminants, mais aussi les différentes orbitales, simultanément. On parle alors de modèle MC-SCF (Multi Configurational Self Consistent Field). Dans cette approche, la forme des OM est alors influencée par la corrélation des mouvements électronique. - 58 -

VI.2. L interaction de configurations La méthode d IC consiste à déterminer, pour décrire l'état fondamental électronique d un système, la meilleure fonction d'onde approchée Ψ à N électrons sous la forme d'une combinaison linéaire de déterminants de Slater correspondant à toutes les occupations possibles des orbitales déterminées par la méthode Hartree-Fock. On écrit alors : Ψ = a 0 Ψ 0 + a (n) (n ) (m 1 Ψ 1 + a ) (m ) 2 Ψ 2 +... n (n) où Ψ 0 correspond au déterminant de référence de la méthode HF, Ψ 1 est un déterminant caractérisant une monoexcitation (obtenu par promotion d'un électron d une orbitale occupée (m ) vers une orbitale virtuelle), Ψ 2 est un déterminant caractérisant une diexcitation, et ainsi de suite On parle d IC totale lorsque la fonction d'onde s écrit comme le mélange de tous les (p ) déterminants possibles. Les coefficients a i du mélange sont appelés coefficients d IC, et constituent les paramètres à optimiser lors du traitement post Hartree-Fock. Dans la méthode d IC, les coefficients C pi des orbitales moléculaires sont fixes, et seuls les coefficients a i (p ) sont determinés variationnellement. On utilise donc la méthode des variations linéaire, et on obtient alors non seulement l état électronique fondamental mais aussi un certain nombre d états électroniques excités. Cette méthode est adaptée à la description des propriétés spectroscopiques électroniques (UV/Visible). Un calcul combinatoire montre cependant que le nombre d excitations possibles croît très vite en fonction du ratio nombre d électron (N) / dimension de la base (M.). En pratique, il est généralement impossible d effectuer un calcul d IC total. On procède alors à une sélection du type d excitation que l on désire prendre en compte (on se limite très souvent aux simples et doubles excitations responsables à elles seules d une grande partie de l énergie de corrélation) et/ou à une sélection des orbitales moléculaires intervenant dans l IC (on élimine généralement les OM de cœur, les OM de valence occupées profondes et les OM vacantes externes de haute énergie). La plage des OM utilisées dans l IC est appelée espace actif. VI.3. La méthode MCSCF La méthode MCSCF (Multi Configurational Self Consistent Field) propose une correction à la méthode d IC en optimisant simultanément les coefficients a i (p ) et la forme des orbitales moléculaires. La fonction d onde MCSCF s écrit donc de la même façon la même que la fonction d onde d IC, mais cette fois les coefficients a i (p ) ainsi que les coefficients C pi des orbitales moléculaires sont déterminés variationnellement et simultanément. Si on prend en compte les mêmes excitations et le même espace actif, cette méthode permet de rendre compte d une plus grande partie de l énergie de corrélation que ne le permet la méthode d IC. Parmi les méthodes de type MC-SCF existantes, une des plus utilisées est la méthode CAS-SCF (Complete Active Space SCF). La fonction d onde CAS-SCF est développée sur l ensemble complet des configurations correspondant à toutes les excitations possibles (simples, doubles, triples ) dans l ensemble des OM actives. Dans ce cas, l interaction de configuration est limitée seulement par la taille de l espace actif, et non pas par le type des excitations retenues. m - 59 -

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Chapitre 6 Modèles semi-empiriques de valence Dans ce chapitre, on aborde les méthodes de calcul simplifiées pour bâtir des représentations en orbitales moléculaires des états électroniques des molécules. Ces méthodes permettent de dépasser les limites des techniques ab initio qui requièrent d énormes capacités calculatoires pour traiter de molécules et d assemblages supramoléculaires que l on souhaite les plus variés et de taille toujours croissante, car la chimie crée, organise, observe et manipule des objets toujours plus complexes. Les limites des simulations ab initio sont cependant vite atteintes. Prenons par exemple le cas d une molécule comportant 100 atomes lourds (C, N, O, ). Un traitement ab initio fin du nuage électronique conduit à retenir une vingtaine de fonctions atomiques par atome, soit au moins 2000 fonctions pour construire la matrice de Fock (2000x2000) dont il faut trouver les vecteurs propres itérativement. On atteint là les limites des algorithmes numériques de traitement des équations matricielles. Pire encore, ces 2000 fonctions atomiques conduisent au calcul de 2000 4 intégrales biélectroniques, nécessaires pour construire les éléments de la matrice de Fock. On voit ainsi poindre une autre limitation : le volume de données à manipuler. Une autre raison toute aussi importante pour se tourner vers des modélisations plus simples et plus qualitatives tient à un besoin de rationaliser les comportements physico-chimiques à l aide du plus petit nombre possible d objets théoriques. On ne peut raisonnablement et efficacement envisager de décrire simplement des lois de comportements à partir de fonctions développées sur des bases gigantesques, comportant une multitude de paramètres. Il faut rechercher la simplicité qui par exemple préside à l interprétation des propriétés des éléments dans la classification périodique, au travers des configurations électroniques atomiques, de valence et de cœur. On aborde donc dans ce chapitre une version simplifiée du modèle des orbitales moléculaires. L objectif est de relier les propriétés du nuage électronique à sa constitution à partir des orbitales de valence des atomes constituant la molécule. I. Les modèles semi-empiriques de valence Les modèles semi-empiriques de valence ne portent que sur les électrons de valence, Ils supposent que ces électrons sont soumis à un écran connu et constant des électrons de cœur. Ils se fondent aussi sur un espace actif minimal : l espace de valence. Il n y a pas d espace de cœur ni d espace externe. Le développement des orbitales se limite alors à une base minimale de valence comportant autant de fonctions atomiques que d orbitales atomiques de valence des atomes constituant la molécule. Par abus de langage, on appelle ces fonctions atomiques les orbitales atomiques (OA), bien qu a priori, on puisse considérer que ces fonctions atomiques soient différentes de celles obtenues pour un atome isolé. - 61 -

I.1. L approximation LCAO de valence Les orbitales de la molécule sont développées en combinaisons linéaires des orbitales atomiques (OA) de valence : M ϕ i (ν) = C pi χ p (ν ) où les ϕ i sont les orbitales de valence, et les χ p les OA de valence. Les intégrales énergétiques nécessaires pour évaluer les matrices hamiltoniennes et de recouvrement sont de type monoélectronique : I pq = χ p (ν) h ˆ (ν)χ q (ν)dv ν (interaction monoélectronique entre OA) I pp = χ p (ν) h ˆ (ν)χ p (ν)dv ν (énergie monoélectronique d une OA) S pq = χ p (ν)χ p (ν)dv ν (recouvrement entre OA) où h ˆ représente l énergie cinétique d un électron et son attraction par les cœurs atomiques (noyaux + électrons de cœur) de la molécule, ou biélectronique : ( pq rs)= p χ p (µ)χ q (µ)χ r (ν)χ s (ν) dv µ dv ν (interactions à 2 électrons) r µν Les différentes approximations sur le modèle de structure électronique, sur l évaluation de ces intégrales et le choix d une technique de résolution des équations conduisent à différentes «méthodes» de calcul implémentées dans des programmes de simulation numérique, disponibles commercialement ou en licence libre. On aborde dans ce chapitre les deux plus répandues. I.2. Modèles semi-empiriques de type NDDO Ces modèles décrivent explicitement les interactions à 2 électrons, quoique sous une forme simplifiée et paramétrée. On se limite ici à la présentation des méthodes couramment utilisées, basées sur l approximation NDDO (Neglect of Diatomic Differential Overlap). Cette approximation consiste à négliger toutes les intégrales biélectroniques ( pqrs) contenant un produit du type χ A p (µ).χ B q (µ) dans lequel les OA χ A p et χ B q sont centrées sur deux atomes différents A et B. On considère donc uniquement des intégrales de Coulomb et d'échange centrées sur seul un atome (intégrales monocentriques) ou sur deux atomes (intégrales bicentriques). Toutes les autres interactions à 3 et 4 atomes sont négligées. Les intégrales de recouvrement entre OA distinctes S pq = χ p (µ)χ q (µ) dv µ sont également négligées lors de la résolution des équations matricielles. Ainsi, dans le cas d une résolution de type Hartree-Fock, l équation matricielle à résoudre itérativement devient : espace - 62 -

F 11 F 12 F 13... C 1i C 1i F 21 F 22 F 23... C 2i = ε C 2i F 31 F 32 F 33... C 3i i C 3i.................. où F pq = χ p (µ) F ˆ χ (µ) dv q µ espace Les F pq dépendent des I pq, des intégrales ( pqrs) et des éléments de la matrice densité. La paramétrisation des intégrales I pq est similaire à celle employée dans la méthode EHT. Les intégrales biélectroniques non nulles sont également paramétrées. En outre, l énergie de répulsion entre les cœurs atomiques est aussi paramétrée. On peut alors obtenir une énergie potentielle moléculaire - somme de l énergie électronique de valence et de la répulsion des cœurs qui traite explicitement et de façon équilibrée les interactions coulombiennes (électron/électron, électron/cœur, cœur/cœur). Pour cette raison, les méthodes basées sur l approximation NDDO sont beaucoup plus efficaces pour la prédiction des géométries moléculaires et des chemins réactionnels. Il existe différents types de paramétrisation NDDO (MNDO, AM1, PM3 ) qui diffèrent par la valeur des paramètres utilisés et le traitement de certaines interactions, et donnent des résultats plus ou moins proches de l expérience selon l observable étudiée. Ces paramétrisations sont obtenues par ajustement de propriétés calculées sur les propriétés expérimentales d un ensemble de molécules de référence. Le modèle MNDO (Modified Neglect of Diatomic Overlap) date de 1977. Il n est plus guère utilisé que dans sa version comportant des orbitales d (MNDOd), permettant de traiter de certains composés organométalliques. Il est utilisé au niveau Hartree-Fock (méthodes SCF/MNDO ou SCF/MNDOd), parfois au niveau Interaction de Configuration. Le modèle AM1 (Austin Model 1), date de 1985. Il est adapté à la détermination des géométries, des répartitions de charges, des chaleurs de formation. Sa paramétrisation rend compte des liaisons hydrogène. Il est utilisé au niveau Hartree-Fock et Interaction de Configurations (méthodes SCF/AM1 et CI/AM1), plus rarement en Liaisons de Valence. Le modèle PM3 (Parametrized Model 3) date de 1989. C est une variante du modèle AM1 dont la fiabilité est cependant l objet de controverses. D autre paramétrisations peuvent être utilisées dans des problèmes spécifiques. On citera par exemple la paramétrisation ZINDO (Zerner s Intermediate Neglect of Diatomic Overlap) pour simuler les spectres d absorption UV. Des paramétrisations plus récentes tentent de reproduire plus fidèlement les propriétés de composés organométalliques (orbitales d) et de s adapter à des niveaux de calcul post Hartree-Fock. Elles sont cependant trop récentes pour pouvoir prouver leur bien fondé. Dans tous les cas, le niveau de calcul retenu, l échantillonnage et la procédure d ajustement sont des facteurs importants dans l obtention de paramètres fiables pour des molécules ne faisant pas partie de l échantillon de référence. Une méthode semi-empirique peut alors conduire à des résultats aberrants dans certains cas de figure, non considérés lors de l échantillonnage. Il faut donc manier ces méthodes semi-empiriques avec circonspection. Il est en général conseillé de valider les résultats en utilisant différentes paramétrisations et par comparaison avec des traitements plus sophistiqués de type ab initio. - 63 -

I.3. Calcul des populations électroniques L approximation NDDO entraîne des simplifications lors du calcul des populations orbitalaires. Dans les modèles semi-empiriques de valence, la population moyenne Q p d'une OA χ p est directement identifiable à l élément diagonal correspondant de la matrice densité du premier ordre : Q p = D pp = i n i ( C pi ) 2 Comme dans le modèle RHF ab initio, le nombre moyen d'électrons de l'atome A est la somme des populations moyennes des ses OA : n A = Q p = p A p A i n i ( C pi ) 2 et la charge partielle de l'atome A dans la molécule est alors (en nombre d'électrons) : δ A = Z A n A II. Les modèles réduits Au-delà des modèles de valence, on peut être amené à des simplifications encore plus radicales, pour décrire des systèmes chimiques dans lesquels les propriétés que l on souhaite modéliser ne font pas appel à l ensemble du nuage électronique de valence. Pour ce faire, on procède de manière similaire, en considérant que certaines OM de valence ne sont pas affectées par la propriété que l on étudie. Elles sont alors incluses dans un cœur étendu. Il reste à ne décrire explicitement que les interactions entre les électrons actifs. II.1. Séparation σ π : modèle de Pariser-Parr-Pople et modèle de Hückel Cette séparation est couramment utilisée pour les systèmes conjugués plans, les systèmes graphitiques, voire même les nanotubes et fullerènes. Dans ces systèmes, on peut en effet identifier des OM occupées dites σ, dans lesquelles les recouvrements d OA sont essentiellement axiaux. Ces OM sont composées d OA 2s et d OA 2p dont les axes sont dans le plan moléculaire. Elles sont doublement occupées et d énergie relativement basse par rapport aux OM formées d OA 2p perpendiculaires au plan moléculaire. Ces OM sont appelées OM π, les OA qui les composent sont appelées les OA 2p π. Dans le cas des nanotubes et fullerènes, les OM σ sont tangentielles, les OM π sont radiales, c est à dire formées essentiellement d OA 2p π dont l axe est radial par rapport à la courbure de la surface moléculaire. - 64 -

Orbitales radiales Orbitales tangentielles On réduit le problème à celui des électrons portés par ces OM π. Comme pour les modèles de valence, les interactions entre OA 2p π ainsi que l interaction avec le cœur étendu sont paramétrées de manière empirique. Les deux modèles importants pour les électrons π sont ceux de Hückel (1930) et de Pariser-Parr-Pople (PPP - 1953). Dans le modèle de Hückel, les interactions monoélectroniques ne sont considérées qu entre OA voisines et paramétrées empiriquement. On néglige les recouvrements. I pq = χ p (ν) h ˆ (ν)χ q (ν)dv ν = β pq β pq est appelée intégrale de résonance ou de transfert entre OA voisines I pp = χ p (ν) h ˆ (ν)χ p (ν)dv ν = α p α p est appelée intégrale de Coulomb de l OA χ p S pq = χ p (ν)χ p (ν)dv ν = δ pq On néglige l interaction coulombienne biélectronique. C est un modèle purement monoélectronique d électrons indépendants. Dans le modèle PPP, on tient compte de l interaction coulombienne biélectronique : ( ppqq)= χ p (µ)χ p (µ)χ q (ν)χ q (ν) dv µ dv ν = Γ pq Pariser et Parr ont proposé de paramétrer l interaction monocentrique comme la différence entre l énergie d ionisation et l affinité électronique : r µν Γ pp = EI(χ p ) AE(χ p ) - 65 -

L interaction coulombienne bicentrique est paramétrée en fonction de la distance R entre les atomes. La paramétrisation de Mataga Nishimoto (1957) est la plus couramment utilisée : Γ Γ pq (R) = pp + Γ qq 2 + R Γ pp + Γ qq ( ) II.2. Les OM frontières Nous avons jusqu ici abordé les modèles simplifiés permettant de réduire la complexité du problème électronique moléculaire au plus petit nombre possible d électrons actifs fournis par les atomes constituant la molécule. Cette simplification se justifie par le fait que la répartition électronique moléculaire est essentiellement le fait d un nombre réduit d électrons. Les électrons de cœur ont ainsi été éliminés, puis dans les systèmes conjugués, on s est limité aux électrons π responsables des effets mésomères. Dépassant la problématique des effets électroniques dans les molécules, on peut s intéresser aussi au problème de la répartition électronique entre plusieurs molécules en interaction, comme par exemple dans les métaux ou supraconducteurs organiques, et plus généralement dans tout assemblage supramoléculaire dans lequel se pose la question de savoir s il possède des propriétés de transport électronique. On aborde là le domaine des nanosciences, des propriétés de conduction électronique et optique dans les matériaux, de transport d énergie et de charge dans les systèmes biochimiques. Dans la mesure où ces phénomènes n affectent pas véritablement l intégrité structurale de ces systèmes, on peut raisonnablement avancer que la majeure partie des électrons «ne servent qu à assurer» les liens chimiques sans contribuer au phénomène de transport. Il est alors légitime d essayer d isoler les quelques électrons/orbitales responsables pour obtenir un modèle simple permettant de reproduire au moins qualitativement les propriétés observées. C est en fait la même démarche que celle suivie dans la séparation σ-π, poussée plus loin encore. Elle conduit alors à ne retenir qu un espace actif limité à une ou deux OM par molécule composant l édifice supramoléculaire. On retient alors en général les OM les plus susceptibles de voir leur population varier : la plus haute occupée (HO) et la plus basse vacante (BV). Ce sont les orbitales frontières. - 66 -

Réduction de la complexité pour l étude du transport électronique dans l ADN : Pour l étude du transport d une lacune électronique, on passe de la considération de tous les électrons de l enchaînement des nucléosides à un modèle à une seule orbitale de site par nucléoside (la HO est représentée de façon symbolique). On procède alors comme pour les molécules, mais à l échelle supramoléculaire : Pour l agrégat de molécules, le cristal ou le brin d ADN, les OM frontières jouent le rôle des OA de valence ou des OA π dans une molécule. Tout se passe comme si on réduisait chaque fragment moléculaire à un «site élémentaire décrit par 2 orbitales au plus. II.3. Les modèles de la physique et de la chimie du solide La philosophie simplificatrice exposée ci-dessus est couramment utilisée dans l étude des propriétés électroniques des phases condensées. Ainsi l approximation des OM frontières est commune pour traiter des cristaux organiques. Par exemple, considérons les sels de Bechgaard. Ce sont des sels moléculaires de formule M 2 X, où M est une molécule organique plane et X est un anion. Les molécules M s empilent en colonnes dans le réseau cristallin. La stœchiométrie impose que le groupe M 2 est chargé +. Cette charge + est itinérante et rend ce composé conducteur sous certaines conditions de pression et température. La molécule M est à couches complètes (OM doublement occupées), le cation M + possède un seul électron sur sa HO. Il dispose donc d une lacune électronique qui peut être comblée par un électron de la HO de la molécule M voisine. Le recouvrement des HO de molécules voisines permet ce transfert électronique qui revient à transférer la charge le long de l empilement moléculaire. Cette charge + est donc potentiellement mobile. Suivant les conditions de pression et température, ces composé peuvent devenir semi-conducteur, métallique et supraconducteur. En réduisant le problème à la considération des électrons des HO, on définit alors un modèle de «cellule quantique» minimale à une orbitale par site moléculaire, permettant d interpréter les propriétés de transport électronique. - 67 -

+ + + + Réduction de la complexité pour l étude du transport électronique dans un sel de Bechgaard de formule M 2 X : On ne conserve qu une orbitale de site par molécule. Deux orbitales de site portent 3 électrons. La lacune électronique est mobile par transfert d électrons d un site à l autre. Le modèle simplifié courant pour ce type de problème est le modèle de Hubbard. Il peut être considéré comme une variante du modèle PPP. L interaction coulombienne biélectronique se réduit à la répulsion entre 2 électrons sur la même orbitale de site : ( pp pp)= χ p (µ)χ p (µ)χ p (ν)χ p (ν) dv µ dv ν = U p r µν U p est appelée la répulsion intrasite du site p. Les notations pour les intégrales monoélectroniques sont typique de la physique du solide : I pq = χ p (ν) h ˆ (ν)χ q (ν)dv ν = t pq t pq est appelée intégrale de transfert entre les sites p et q I pp = χ p (ν) h ˆ (ν)χ p (ν)dv ν = ε p ε p est appelée énergie du site p S pq = χ p (ν)χ p (ν)dv ν = δ pq On donne des valeurs empiriques à toutes ces intégrales. Le modèle de Hubbard étendu décrit en plus la répulsion entre sites voisins : ( ppqq)= χ p (µ)χ p (µ)χ q (ν)χ q (ν) dv µ dv ν = V pq r µν V pq est la répulsion intersite. En général, on ne considère que la répulsion entre sites premiers ou second voisins. On donne ici encore des valeurs empiriques à ces intégrales. Dans le domaine des matériaux inorganiques et par exemple des oxydes de métaux de transition, la cellule quantique est un peu plus riche : on y admet les OA d des métaux et les OA p de l oxygène. Dans la mesure ou on traite plusieurs orbitales sur un même atome, il faut tenir compte des interactions biélectroniques entre celle-ci. Ainsi, pour les OA d des - 68 -

éléments de transition, on adopte souvent le modèle de Kanamori-Brandow : on rajoute les interactions biélectroniques de Coulomb et d échange entre les électrons d. Ces grandeurs ne sont pas non plus calculées à partir d expressions mathématiques des orbitales mais paramétrées empiriquement. ( ppqq)= ( pp pp)= ( pqqp)= χ p (µ)χ p (µ)χ q (ν)χ q (ν) dv µ dv ν = V pq répulsion entre 2 OA d r µν χ p (µ)χ p (µ)χ p (ν)χ p (ν) dv µ dv ν = U p répulsion sur une OA d r µν χ p (µ)χ q (µ)χ q (ν)χ p (ν) dv µ dv ν = K pq échange entre 2 OA d r µν Remarque : dans ce genre de modèle, la paramétrisation empirique des interactions fait que la nature mathématique de l orbitale de site n intervient nulle part dans la résolution des équations. Cette orbitale n est plus en fait qu un auxiliaire conceptuel sans que l on puisse en extraire autre chose que les interactions qu elle développe et, après résolution, sa contribution aux niveaux d énergie et à l analyse de population. - 69 -

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