CHAPITRE TH6 : OPTIMISATION D'UN PROCÉDÉ CHIMIQUE IV. DÉTERMINATION DE L'ÉTAT FINAL D'UN SYSTÈME SIÈGE DE PLUSIEURS RÉACTIONS La méthode vue en PCSI pour un système homogène ou hétérogène, siège d'une unique réaction, est toujours valable, il faut s'y référer si besoin! Nous nous intéressons ici au cas d'une transformation chimique modélisée par plusieurs réactions chimiques. 1. Position du problème et méthode de résolution Méthode de détermination de l état final du système :» Si les équilibres sont simultanés, toutes les espèces sont présentes dans le milieu réactionnel et il est possible d écrire la loi de Guldberg et Waage pour chaque équilibre. Afin de déterminer la composition finale du système, il faut alors établir un tableau d avancement global faisant intervenir l avancement de chacune des équations de réaction puis résoudre le système d équations obtenu.» Parfois, les deux équilibres ne peuvent être établis simultanément car les espèces chimiques mises en jeu ne peuvent coexister. On parle alors d équilibres successifs. On étudie une réaction puis l autre. 2. Prévision qualitative» Utilisation de la variance : en calculant la variance du système obtenue en supposant des équilibres simultanés, on peut avoir un indice sur la nature des équilibres. - Si v = 0, les équilibres ne peuvent avoir lieu simultanément que pour des conditions totalement fixées avec une unique température et une unique pression. Sauf cas exceptionnel, ils ne seront donc pas simultanés. - Si v = 1, la pression et la température à l équilibre chimique sont liées. Si l on fixe la pression et la température, alors le système est hors équilibre. A priori, les équilibres chimiques ne seront pas simultanés. - Si v 2, les équilibres devraient être simultanés sauf cas exceptionnel.» Analyse des données : Dans certains cas, deux équations de réaction ont la même expression du quotient réactionnel et des valeurs différentes des constantes d équilibre : les deux équilibres ne peuvent être simultanés.
3. Etude quantitative» Exemple d'étude d équilibres simultanés Un récipient de volume V = 10,0 L contient x moles de FeO(s) et y de CO(g) à T = 950 K. Les quantités x et y sont telles que les équilibres suivants peuvent être établis simultanément : 1 FeO(s) + CO(g) = Fe(s) + CO! (g) K! 950 K = 1,2 2 2CO(g) = C(s) + CO! (g) K! 950 K = 2,0
» Exemple d'étude d équilibres successifs On introduit dans un réacteur maintenu à 850 K 0,010 mole de Fe 3O 4 et n moles de H 2. On donne à 850 K : 1 Fe! O! (s) + H! (g) = 3FeO(s) + H! O(g) K! 850 K = 1,0 2 FeO(s) + H! (g) = Fe(s) + H! O(g) K! 850 K = 0,5
V. OPTIMISATION D'UN PROCÉDÉ CHIMIQUE Nous venons de voir comment déterminer la composition d un système à l équilibre. Dès lors, il convient de se demander s il est possible de contrôler l état d équilibre d un système. 1. Principe général Lors de l optimisation d un procédé chimique, l opérateur cherche les conditions initiales qui lui permettent d atteindre un ou plusieurs objectifs :» maximiser le rendement de la réaction ;» maximiser le taux de conversion de l un des réactifs (souvent le réactif le plus cher) ;» maximiser la fraction molaire d un produit souhaité ;» minimiser la fraction molaire d un produit indésirable. Tous les critères ne pourront généralement pas être respectés simultanément. L optimisation correspondra souvent à trouver un compromis entre ces différents aspects. En pratique, l opérateur peut a priori agir sur la pression, la température ou la composition du mélange réactionnel initial. Le calcul de la variance permet de dénombrer les facteurs d équilibre que l opérateur peut modifier indépendamment. En étudiant leur influence sur la position de l équilibre, il est alors possible de choisir leur valeur initiale afin d optimiser la synthèse. D après la loi de Guldberg et Waage, les conditions expérimentales doivent permettre soit de modifier le quotient réactionnel soit d augmenter K afin de favoriser le produit voulu. 2. Modification de la constante d'équilibre thermodynamique K D après la relation de Van t Hoff, dlnk dt = Δ!H RT! Si la réaction est exothermique (Δ rh < 0), Si la réaction est athermique (Δ rh = 0),
Si la réaction est endothermique (Δ rh > 0), 3. Modification du quotient réactionnel Q r a. Influence de la pression» Cas des équilibres ne faisant intervenir que des phases condensées :» Cas des équilibres en phase gazeuse ou des équilibres hétérogènes : D après la loi de Guldberg et Waage à l équilibre, - Si igaz ν i > 0, - Si igaz ν i < 0, - Si igaz ν i = 0, b. Influence des paramètres de composition
Afin de déterminer quelle est l influence précise d un facteur d équilibre sur la valeur de Q r et sur la composition du système à l équilibre, il faut étudier l expression donnant le rendement de la réaction (ou la fraction molaire à optimiser) en fonction de T, P et de la composition si la relation est simple ou utiliser des logiciels de simulation donnant l évolution du rendement (ou de la fraction molaire) en fonction de ces paramètres. 4. Exemple : synthèse de l'ammoniac Dans ce paragraphe, on s intéresse à l optimisation de la synthèse de l ammoniac par le procédé Haber-Bosch. L objectif est de maximiser la fraction molaire finale en NH 3(g). Document : Le procédé Haber-Bosch Au 19ème siècle, on savait déjà que la fertilisation des plantes par des «engrais» azotés améliorait leur croissance. A la fin du siècle, l augmentation de la population mondiale faisait redouter un manque d engrais azotés pour l agriculture et donc des difficultés à produire un quantité suffisante de nourriture pour la population. Le diazote N2 est bien extrêmement abondant, puisqu il représente 78% de l atmosphère, néanmoins, il n est pas assimilable par les plantes. A cette époque, les principales sources de fertilisants azotés étaient le guano (excrément d oiseaux marins, riche en ions nitrates NO!! ) et le salpêtre (nitrate de potassium KNO 3) que l on extrayait au Chili. Toutefois, à la fin du 19ème siècle, les réserves s épuisaient en même temps qu augmentaient les besoins pour l agriculture et la fabrication d explosifs. Des recherches intenses s engagèrent alors pour convertir l azote atmosphérique en azote utilisable pour fabriquer des engrais, principalement l ammoniac NH 3. Plusieurs grands scientifiques travaillèrent sur ce problème : Henri Le Chatelier, Friedrich Wilhelm Ostwald... Finalement, l avancée déterminante fut réalisée en 1909 par le chimiste allemand Fritz Haber (pour laquelle il obtint le prix Nobel de chimie en 1918). Dans le procédé développé par Haber, N 2 réagit avec H 2 en présence d un catalyseur selon l équation : N! (g) + 3H! (g) = 2NH! (g) Haber put établir qu un système efficace de production d ammoniac doit : fonctionner à haute pression (de l ordre de 200 bar) ; mettre en œuvre un ou plusieurs catalyseurs pour accélérer la synthèse de l ammoniac ; fonctionner à une température élevée (entre 500 C et 600 C) pour obtenir le meilleur rendement en présence du catalyseur ; recycler les réactifs puisque environ 5% seulement des molécules de N 2(g) et de H 2(g) réagissent à chaque passage dans le réacteur chimique. Figure 1 : Appareil de laboratoire utilisé par Haber pour la synthèse de l'ammoniac
La découverte d Haber présentait à la fois un intérêt militaire, économique et agricole. A peine cinq ans plus tard, une équipe de recherche dirigée par Carl Bosch mettait au point la première application industrielle des travaux d Haber : le procédé Haber-Bosch. Ce procédé servira de modèle à tout un pan de la chimie industrielle moderne, la chimie à haute pression. Pour récompenser ses travaux sur la chimie à haute pression lors de l industrialisation de la synthèse de l ammoniac, Carl Bosch fut le premier ingénieur à recevoir le prix Nobel, qui récompense habituellement uniquement des chercheurs. La production industrielle d ammoniac par le procédé Haber-Bosch prolongea la Première Guerre mondiale en fournissant à l Allemagne le précurseur de la poudre à canon et d explosifs nécessaires à son effort de guerre, alors même qu elle n avait plus accès aux ressources azotées traditionnelles, principalement exploitées en Amérique du Sud. La guerre terminée, les alliés eurent recours à de l espionnage industriel pour s emparer des secrets de l industrie chimique allemande : leur industrie avait en effet un important retard technologique sur les sociétés allemandes. Actuellement, la quasi totalité de l ammoniac est produite grâce au procédé Haber-Bosch. Calcul de la variance : Paramètres intensifs de description du système Paramètres intensifs physiques : Paramètres intensifs de composition : X = Relations indépendantes mettant en jeu ces paramètres intensifs Relations de composition au sein de chaque phase : Conditions d'équilibre associées aux équilibres physico-chimiques établis : Y = Nombre de degrés de liberté du système Conséquences pour l expérimentateur a. Influence de la température N! (g) + 3H! (g) = 2NH! (g) Δ! H = 92,2 kj mol!!
b. Influence de la pression» Visualisation graphique Evolution du rendement de la synthèse de l ammoniac à partir d une quantité stœchiométrique de N2 et H2 en fonction de la température et pour différentes valeurs de la pression dans le réacteur» Détermination par le calcul c. Influence de la composition initiale» Visualisation graphique Evolution du rendement de la synthèse de l ammoniac en fonction de la composition initiale du système pour une température de 450 C et pour une pression de 300 bar
» Détermination par le calcul (pour information)» Cas particulier : ajout d un constituant solide ou liquide seul dans sa phase dans le milieu réactionnel 5. Bilan de méthodes d'optimisation Influence de la température Optimisation par modification de la constante d équilibre K Δ rh < 0 Bon rendement pour T basse Δ rh = 0 Pas d effet sur le rendement Optimisation par modification de la valeur du quotient réactionnel Q Δ rh > 0 Bon rendement pour T élevée Influence de la pression Influence de la composition initiale du système!"#$ ν! < 0 Bon rendement pour P élevée Pas d effet sur le rendement par ajout d un constituant solide ou liquide seul dans sa phase!"#$ ν! = 0 Pas d effet sur le rendement!"#$ ν! > 0 Bon rendement pour P basse Pour les autres cas, pas de généralités. Raisonner d après l expression de Q r