Raphaël Les dernières années



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Dossier de presse Exposition Du 11 octobre 2012 au 14 janvier 2013 Hall Napoléon Les dernières années Contact presse Céline Dauvergne celine.dauvergne@louvre.fr Tél. 01 40 20 84 66 1

Sommaire Communiqué de presse page 3 Préface d Henri Loyrette et Miguel Zugaza page 7 Parcours de l exposition page 8 Regards sur quelques œuvres page 11 Autour de l exposition page 19 Publications Manifestations à l auditorium du Louvre Films sur l art Visites-conférences Audioguide Deux expositions en lien avec «, les dernières années» Liste des œuvres exposées page 25 Visuels disponibles pour la presse page 38 Lettres des mécènes page 45 2

Communiqué de presse Exposition 11 octobre 2012-14 janvier 2013 Hall Napoléon, Portait de Bindo Altoviti. Vers 1516-1518. Huile sur bois. 59,5 x 43,8 cm. Washington, National Gallery of Art, Samuel H. Kress Collection, 1943.4.33 Image courtesy of The National Gallery of Art, Washington Cette exposition est organisée par le Museo Nacional del Prado, Madrid et le musée du Louvre, Paris. Cette exposition a été réalisée grâce au mécénat principal de Eni et au soutien du cabinet Gide Loyrette Nouel. Catalogue de l exposition Sous le direction de Tom Henry et Paul Joannides. Coédition Hazan / musée du Louvre éditions. Avec le soutien d Arjowiggins Graphic, les dernières années En partenariat avec le musée du Prado, le Louvre réunit à l occasion d une exposition historique les œuvres réalisées par à Rome durant les dernières années de sa courte vie. Cette période, qui est celle de son plein épanouissement stylistique, constitue le sommet de la Renaissance italienne. Retables d église, délicats tableaux de dévotion privée, portraits d apparat et portraits intimes pleins de subtilité, ainsi que certains de ses plus beaux dessins, montrent l extraordinaire esprit d invention de l artiste, la perfection de sa touche et son sens inégalable de la grâce. Mais n est pas un génie solitaire. Il travaille avec l aide d un important atelier à la réalisation des commandes qui lui sont passées. Ainsi, d autres mains se joignent souvent à la sienne, notamment celles de ses collaborateurs de confiance, Giulio Romano et Gian Francesco Penni. Autour de chefs-d'œuvre encore jamais présentés en France, une centaine de peintures, dessins et tapisseries issus des collections de près de quarante institutions retracent le parcours artistique de et de ses deux principaux élèves, de 1513, date de l accession au trône pontifical de Léon X, jusqu à 1524, quatre ans après la mort du génie d Urbino, au moment du départ de Giulio Romano pour Mantoue. Les sept dernières années de la vie de voient la réalisation des œuvres qui vont le plus profondément influencer l art européen. Pourtant, les peintures de chevalet de cette époque posent des questions, en raison de leur datation problématique et de leur diversité déroutante, mais aussi et surtout parce que n y travaillait pas forcément lui-même. L importance de l atelier, le rôle déterminant de ses principaux assistants, Giulio Romano et Gian Francesco Penni, sont donc au cœur des questions posées par l exposition, la première à s intéresser exclusivement à la fin de la carrière de l artiste. Outre leur participation aux travaux de, Romano et Penni ont également poursuivi une activité indépendante dans son atelier. Grâce à une confrontation inédite des œuvres du maître et de celles de ses élèves - produites du vivant de et dans les années qui suivent immédiatement sa mort -, l exposition cherche à faciliter la compréhension du degré respectif d intervention de et de ses disciples, tout comme elle éclaire la contribution intellectuelle et esthétique de ces derniers à l œuvre de. Commissariat scientifique : Paul Joannides, Cambridge University, et Tom Henry, University of Kent. Commissaires : Vincent Delieuvin, conservateur au département des Peintures, assisté de Cécile Beuzelin, collaboratrice scientifique, département des Peintures, musée du Louvre, et Miguel Falomir, chef du département des peintures italiennes, musée du Prado. Direction de la communication Anne-Laure Béatrix Contact presse Céline Dauvergne celine.dauvergne@louvre.fr -Tél. 01 40 20 84 66 3

A l exception de celle présentée à Mantoue et Vienne en 1999 et qui était axée essentiellement sur l œuvre graphique, les dernières expositions consacrées à se sont toutes intéressées à ses années de jeunesse. Aujourd hui, les musées du Louvre et du Prado, qui possèdent ensemble l essentiel des tableaux de et de son atelier réalisés à l époque de la maturité de l artiste, proposent donc de faire le point sur cette période capitale de sa production artistique et tentent de définir le plus précisément possible la frontière entre les œuvres autographes de et celles de ses deux principaux assistants, Giulio Romano et Gian Francesco Penni. L introduction rappelle brièvement les débuts de à Florence, autour de l emblématique Belle Jardinière (Paris, musée du Louvre), avant son arrivée à Rome en 1508. Les six sections construisent ensuite un parcours thématique, qui explore l ensemble des grandes réalisations de l artiste et l émergence sur la scène artistique de ses deux élèves préférés. à Rome Le propos de l exposition débute en 1513, alors que travaille depuis cinq ans à Rome, principalement aux décors des Chambres du palais du Vatican. Il côtoie, entre autres, Michel-Ange, son principal rival, en charge de la Chapelle Sixtine et le Vénitien Sebastiano del Piombo. Engagée dans de grands travaux de reconstruction et d embellissement, la ville papale est alors le principal centre artistique d Italie, le creuset d une âme italienne jusqu à présent morcelée, le lieu où se réinvente le langage des formes et des couleurs. La Renaissance connaît, après Florence, un véritable âge d or romain, bénéficiant de la présence simultanée des peintres, sculpteurs et architectes les plus éminents de la péninsule dans une cité en pleine effervescence. Lorsque Léon X succède à Jules II, les commandes passées à par le pape et d autres grands mécènes en France, à Naples, Palerme et Bologne, augmentent de manière exponentielle, au point que l artiste se voit contraint de recruter un grand nombre d assistants. Près de cinquante élèves et collaborateurs forment ce qui est alors très probablement le plus grand atelier dirigé par un seul peintre. Il faut dire que, tout juste trente ans en 1513, ne se contente pas de peindre des tableaux de chevalet, sujets de la présente exposition. Il travaille à la conception et à la réalisation de fresques monumentales et éblouissantes, au Vatican bien sûr, mais également à la Villa Farnésine ; il dessine des cartons pour la réalisation des tapisseries de la Chapelle Sixtine ; il reprend en tant qu architecte, après la mort de Bramante en 1514, le chantier de la reconstruction de la Basilique Saint-Pierre ; il se trouve chargé du relevé des monuments de la Rome antique dans un but conservatoire, etc. Courtisan et lettré, parfaitement intégré aux cercles humanistes au sein desquels il noue de solides amitiés, incarne parfaitement le prototype de l artiste universel et les idéaux de la Renaissance. Au sommet de son art Après avoir suivi Pérugin, admiré Léonard de Vinci, observé Michel-Ange, regardé les statues antiques, atteint à Rome la parfaite maîtrise de son art, fondée sur un sens inné de l équilibre. Car dans l ultime phase de sa carrière, c est bien le génie de la composition qui frappe chez lui. Il a le don de l image harmonieuse, tout à la fois forte et évidente, même si derrière cette aisance et cette simplicité apparentes se cachent des études approfondies de chaque détail et un important travail de recomposition, dont il ne craint pas d augmenter la complexité à mesure qu il s affirme. Bien qu une grande partie des œuvres les plus célèbres et novatrices réalisées par au cours de cette période soit composée de fresques (évoquées dans l exposition grâce aux dessins préparatoires pour les Chambres du Vatican), les retables, les tableaux de dévotion privées représentant essentiellement la Sainte Famille ou la Vierge à l Enfant, et les portraits, tous réalisés entre 1513 et 1520, sont de la plus grande importance historique et artistique. Les tableaux d autel offrent un parfait exemple de la volonté de de bouleverser les schémas traditionnels, en y introduisant le langage dramatique qu il développe au même moment dans les fresques et les cartons pour les tapisseries : si la Vierge au poisson (1513-1514, Madrid, musée du Prado) répond encore au canon du genre, la Montée au calvaire, dite Lo Spasimo (1515-1516, Madrid, musée du Prado), ou le grand Saint Michel (1518, Paris, musée du Louvre) incarnent de manière spectaculaire sa recherche narrative et sa quête de l expression des passions. Quant aux tableaux de dévotion privée, de format plus modeste, même si le maître a peu de temps à leur consacrer, c est avec toujours autant d inventivité et de renouvellement qu il continue d en concevoir l iconographie : La Perla et la Madone à la rose (tous deux : Madrid, musée du Prado), chefs-d œuvre de tendresse, illustrent merveilleusement son art de la variation. L impression laissée par les Madones de, dont la douceur et l élégance ont tant séduit la postérité, a sans doute contribué à faire oublier qu il a révolutionné l art du portrait, en explorant le premier des possibilités jusque-là délaissées par ses contemporains. 4

Une différence existe cependant entre les portraits officiels et les portraits d amis. Malgré la qualité de ses commanditaires, semble avoir accordé une importance relative aux premiers, dont une partie de l exécution picturale pouvait être confiée à l atelier. En revanche, les portraits d amis ou de proches témoignent, moins dans la forme que dans la manière de peindre, d une acuité psychologique et d une profondeur dans le rendu de la personnalité du modèle. Les exceptionnelles représentations que sont le Baldassare Castiglione, l énigmatique Autoportrait avec Giulio Romano, probablement le dernier portrait peint par le maître (tous deux : Paris, musée du Louvre), La Velata (Florence, Galerie Palatine) et Bindo Altoviti (Washington, National Gallery of Art) attestent chacune de l accomplissement atteint par dans ce domaine. L atelier de, Portrait de femme, dit La Donna velata. Vers 1512-1518. Huile sur toile. 82 x 60,5 cm. Florence, Palazzo Pitti, Galleria Palatina Scala, Florence Le succès considérable de l empêche de faire face seul à toutes les commandes qu il reçoit. Il met en place durant les dernières années un système particulièrement efficace, qui servit de modèle aux grands ateliers du XVII e siècle. Le travail au sein de l atelier répond à un fonctionnement très collaboratif. invente les compositions, Penni se charge de les mettre au propre, raison pour laquelle il est souvent fait mention de lui comme du fattore, c est-à-dire le «recopieur», et les élèves réalisent les cartons. Le maître intervient de nouveau au moment de l exécution picturale mais c est régulièrement Giulio Romano qui l assiste, voire le remplace pour les commandes les plus prestigieuses. Cette délégation de plus en plus fréquente de la réalisation à ses assistants les plus brillants n empêche pas d exercer un contrôle rigoureux sur l ensemble de la production de son atelier, dont il assure ainsi l homogénéité. Dans l ombre du maître : Giulio Romano et Gian Francesco Penni Deux artistes étroitement liés au maître se distinguent parmi les collaborateurs de : dans les œuvres rassemblées à l occasion de cette exposition, ce sont les tableaux de dévotion privée qui permettent le mieux d identifier et d apprécier les contributions personnelles de Giulio Romano et Gian Francesco Penni. En plus de réaliser des œuvres au nom de, comme la Petite Sainte Famille et son couvercle (Paris, musée du Louvre) destinée au cardinal Bibbiena, ils exécutent également des tableaux composés à partir de motifs raphaélesques hors de toute demande du maître. Giulio fait preuve de plus de personnalité, apportant progressivement des aspects de sa propre esthétique dans l œuvre de. Il est son principal collaborateur, le plus polyvalent et le plus ambitieux. Son talent s exprime dans des œuvres complexes, dont le style commence à échapper aux influences de son maître, comme la Déisis (Parme, Galerie Nationale) ou le grand carton pour la Lapidation de saint Etienne (Cité du Vatican, Musées du Vatican). La figure artistique de Gian Francesco est en revanche moins évidente. S il existe un consensus autour de ses dessins, son œuvre picturale semble aujourd hui lentement sortir de l ombre et l exposition permet de l éclairer d une façon nouvelle. et atelier, La Montée au calvaire, dite Lo Spasimo di Sicilia. 1515-1516. Huile sur bois, transposé sur toile. 318 x 229 cm. Madrid, Musée du Prado Museo nacional del Prado, Madrid Avec le départ de Giulio Romano pour Mantoue en 1524, puis le sac de Rome en 1527, l atelier de se disperse et, en gagnant les autres cours italiennes, où ils diffusent la manière moderne, ses élèves contribuent à la naissance du maniérisme. 5

Autour de l exposition Publications - Catalogue de l exposition, sous la direction de Tom Henry et Paul Joannides, coéd. Hazan / musée du Louvre éditions. 400 pages, relié, 24 x 30 cm, 300 illustrations. 45. Le musée du Prado a publié les versions espagnole et anglaise. - Album de l exposition, coéd. Hazan / musée du Louvre éditions. 48 pages, broché, 24,5 x 28,5 cm, 40 illustrations. 8. Ces deux ouvrages sont réalisés avec le soutien d Arjowiggins Graphic. - Comment parler de aux enfants, de Cécile Beuzelin. Coédition Le baron perché / musée du Louvre éditions. 80 pages. 13,30. Applica on téléchargeable / audioguide Sélection d œuvres commentées par les commissaires de l exposition. Application mobile téléchargeable, compatible avec iphone, ipod Touch et Android., Sainte Cécile avec quatre saints. Vers 1515-1516. Huile sur bois, transposé sur toile. 238,5 x 155 cm. Bologne, Pinacothèque Nationale Bologna, Pinacoteca Nazionale Deux expositions en lien avec «, les dernières années» au musée du Louvre, du 11 octobre 2012 au 14 janvier 2013 : Giulio Romano. Elève de et peintre des Gonzague. Aile Denon, 1 er étage, salles Mollien Luca Penni, un disciple de à Fontainebleau. Aile Sully, 2 e étage, salles 20-23. Informations pratiques Horaires Tous les jours, sauf le mardi, de 9h à 17h45, les mercredi et vendredi jusqu à 21h45. Tarifs Billet spécifique pour l exposition, les dernières années : 12 Billet jumelé (collections permanentes + exposition, les dernières années) : 15 Accès libre pour les moins de 18 ans, les chômeurs, les titulaires des cartes Louvre jeunes et Louvre professionnels ou de la carte Amis du Louvre. Renseignements Tél. 01 40 20 53 17 - www.louvre.fr A l auditorium du Louvre Conférence Vendredi 12 octobre à 12h30 Présentation de l exposition, par Tom Henry, University of Kent, et Vincent Delieuvin, musée du Louvre. Cycle de conférences : «et Pinturicchio. Les grands décors des appartements du pape au Vatican», par Arnold Nesselrath, Musées du Vatican et université Humboldt, Berlin - Jeudi 11 octobre à 18h30 Le prélude : Pinturicchio et les appartements du pape Alexandre VI Borgia - Lundi 15 octobre à 18h30, les deux papes et leurs appartements - Jeudi 25 octobre à 18h30 Politique et théologie. et les papes dans les fresques des Stanze - Lundi 29 octobre à 18h30 L univers sous le pinceau de Films sur l art - Dans l alvéole 7 de l accueil des groupes, du 11 octobre au 14 janvier : La vie cachée des œuvres,. Réal. : Juliette Gracias et Stan Neumann, Fr., 2012, 43 min. Coproduction Caméra Lucida / le musée du Louvre. DVD, coédition Arte développement / musée du Louvre. 24, 99. - Dans la salle audiovisuelle, les mercredi et vendredi, du 11 octobre au 14 janvier, de 10 h à 14h : Portrait de l ami en homme de cour., Portrait de Baldassare Castiglione. Réal. : Alain Jaubert, Fr., 1994, 30 min, coul., série «Palettes». Visites conférences «L influence de dans les arts décoratifs» : le 26 novembre à 14h et le 6 décembre à 14h30, et «, un modèle pour les artistes?» les 3 décembre à 14h et 13 décembre à 14h30. 6

Préface par Henri Loyrette et Miguel Zugaza Si de grandes expositions ont déjà été consacrées à la jeunesse de en Ombrie et à Florence, il n en va pas de même des œuvres de ses dernières années. Cette exposition s intéresse justement à cette dernière période de la carrière du maître d Urbino : en réunissant pour la première fois les tableaux que l artiste et ses élèves exécutèrent durant sept années, entre 1513 date de l accession du cardinal Jean de Médicis à la papauté sous le nom de Léon X et 1520 année de la mort de. Durant le pontificat de Léon X, est engagé dans de nombreux et ambitieux projets commandés par le pape principalement la décoration des chambres du Vatican ou par des membres éminents de sa cour. Nommé architecte de Saint-Pierre en 1514, il étend plus que jamais le champ de ses activités, et, malgré de lourdes responsabilités, parvient à peindre un grand nombre de tableaux de chevalet retables, Madones, Saintes Familles, ainsi que quelques très beaux portraits, en y introduisant d étonnantes innovations qui exerceront par la suite une influence considérable. Si, au XVI e siècle, l influence de est considérable dans l art de la fresque, au XVII e, ce sont ses peintures à l huile qui sont davantage prisées. La Vierge à l Enfant avec sainte Anne et saint Jean Baptiste du Prado, tableau que le roi d Espagne Philippe IV nommera la «perle» (La Perla) de sa collection, en est une belle illustration. Les peintres de l époque sont tout autant fascinés, tel Nicolas Poussin, pour qui la Transfiguration est l un des plus beaux tableaux du monde, ou Rubens et Rembrandt, qui n hésitent pas à copier le portrait de Balthazar Castiglione. Aux XIX e et XX e siècles, toutefois, les goûts évoluent, et le prestige d une œuvre comme La Perla, par exemple, connaît une phase de déclin dont elle n est que récemment sortie. L une des principales ambitions de la présente exposition est de réévaluer la période romaine de, et pas seulement à travers des œuvres entièrement autographes. En son temps déjà, on savait que recourait pour la conception et l exécution de commandes importantes aux compétences de ses élèves, principalement Gian Francesco Penni et Giulio Romano. Ainsi l étude des travaux de à Rome oblige-t-elle à clarifier le rôle de ses assistants et à identifier leur style. C est pourquoi l exposition inclut plusieurs œuvres attribuées à Giulio et à Penni exécutées à titre personnel du vivant de ou, dans le cas de Giulio, avant son départ pour Mantoue, à la fin de 1524, mais également des dessins du maître et de ses assistants, qui ont un lien direct avec la genèse des tableaux exposés. Giulio Romano, qui devint un grand artiste indépendant, éclipsa rapidement Penni, qui n eut qu une brève carrière après la mort de et fut un assistant moins talentueux. Toutefois, cette exposition est une occasion unique d apprécier la qualité de son œuvre sous la direction de. Opération ambitieuse, l exposition aurait été impensable sans l excellente coopération qui s est instaurée entre le musée du Louvre et le Museo del Prado, deux institutions qui détiennent un grand nombre d œuvres essentielles de la période romaine de. Grâce à la générosité d un certain nombre de musées et d institutions, ce corpus de tableaux s est enrichi d œuvres aussi importantes que la Sainte Cécile, conservée à la Galleria Nazionale à Bologne. Nous adressons nos remerciements les plus vifs à tous les prêteurs, y compris à ceux qui ont bien voulu se séparer des dessins de l atelier de, indispensables pour comprendre les processus complexes qui ont abouti à la création de la plupart des œuvres ici exposées. Nos deux musées tiennent également à rendre hommage au travail d expert accompli par les commissaires scientifiques, Paul Joannides et Tom Henry, qui ont fait bénéficier ce projet de leur prestige et de leur connaissance approfondie de la période étudiée. Ils ont étroitement collaboré avec les équipes du Prado et du Louvre pour veiller à ce que les deux événements et le catalogue qui les accompagne répondent aux critères d excellence que nous attendons tous et que le sujet mérite. Nous les remercions donc sincèrement l un et l autre, ainsi que les commissaires de l exposition, Miguel Falomir pour le Museo del Prado, Vincent Delieuvin et Cécile Beuzelin pour le musée du Louvre. Le musée du Louvre exprime également sa gratitude à Eni et au cabinet Gide Loyrette Nouel, qui, en renouvelant leur précieux soutien, ont permis que le projet de cette exposition devienne réalité. Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre Miguel Zugaza, directeur du Museo Nacional del Prado Ce texte est extrait du catalogue, les dernières années, sous la direction de Tom Henry et Paul Joannides, coédition Hazan / musée du Louvre éditions. 7

Parcours de l exposition Texte des panneaux didactiques de l exposition Le 6 avril 1520, mourait à Rome d une violente fièvre, à l âge de trente-sept ans. Conséquence d un excès de «plaisirs amoureux» affirmait Vasari en 1550, mais peut-être également d une épuisante effervescence créatrice. Depuis l année 1508 où, alors qu il était à peine âgé de vingt-cinq ans, le pape Jules II della Rovere lui avait confié l exclusivité du chantier de décoration de ses appartements au Vatican, l artiste n avait cessé de multiplier ses activités : d abord peintre, il était bientôt devenu architecte et conservateur des antiquités de Rome. L abondance des commandes l obligea dès lors à se consacrer principalement à la conception des œuvres et à se faire aider, pour l exécution picturale, de collaborateurs capables de respecter fidèlement ses idées. En douze ans,, assisté de son atelier, parvint notamment à décorer d immenses salles du Vatican pour le pape et son entourage, à livrer les cartons des dix tapisseries de la chapelle Sixtine et à peindre une quinzaine de portraits et plus de vingt tableaux de dévotion. Sont réunis ici, pour la première fois, la majorité de ses chefs-d œuvre ceux du moins qui peuvent être déplacés. Marquant l apogée de la Renaissance italienne, ils ont très vite été considérés comme les fondements du classicisme puis vénérés par des générations d artistes et d amateurs. parvient à faire la synthèse de la douceur de Léonard, de la force expressive de Michel-Ange, et de la noblesse de l antique, avec une inventivité exceptionnelle et un sens naturel de la narration, de l équilibre et de la beauté. À travers ce parcours, se dessinent l évolution stylistique de l artiste dans ses dernières années et la diversité de sa manière que l étiquette de classicisme a trop simplifiées. Se révèle également la personnalité de ses assistants, particulièrement Giulio Romano et Gian Francesco Penni qui, à la mort du maître, héritèrent de ses dessins et achevèrent ses commandes. De Pérugin à Michel-Ange, la formation de Raffaello Santi (ou Sanzio) naît le 6 avril 1483 dans la région des Marches, à Urbino, siège de la cour des Montefeltre, l une des plus cultivées d Italie. Son père, Giovanni Santi, était peintre mais également homme de lettres, l auteur d un discours très informé sur la peinture et les principaux maîtres. Giovanni Santi meurt en 1494, trop tôt pour enseigner l art à son fils qui se forme alors à l école des grands peintres actifs dans les Marches et en Ombrie, tels que Luca Signorelli, Pinturicchio et surtout Pietro Perugino, dit le Pérugin, qui fut son principal modèle. commence sa carrière vers 1500, peignant principalement de petits tableaux de dévotion et quelques retables pour des églises de Città di Castello et de Pérouse, dans un style profondément influencé par Pérugin. A Urbino, il reçoit également plusieurs commandes de la cour du duc Guidobaldo di Montefeltro et de son épouse Elisabetta Gonzaga, un brillant cercle humaniste mis en scène par Baldassare Castiglione dans le Livre du Courtisan. Après ces premiers succès, décide de rejoindre la capitale artistique, Florence, où il réside principalement à partir de 1504. Il y achève sa formation en étudiant aussi bien les maîtres anciens, comme Donatello, que ses contemporains, particulièrement Léonard de Vinci et Michel-Ange qui s affrontent alors pour le décor de la salle du Grand Conseil au Palazzo Vecchio. Il assimile rapidement leurs styles dans les œuvres de dévotion privée et les portraits qu il peint pour l exigeante clientèle florentine. Cependant, il n obtient la commande que d un seul grand retable, la Madone au baldaquin, encore inachevé à son départ pour Rome en 1508. à Rome, les retables de la maturité Appelé à Rome en 1508 pour participer au chantier de décoration de l appartement du pape Jules II della Rovere, se voit rapidement attribuer la direction exclusive des opérations. Léon X Médicis, successeur de Jules II, lui confie même de nouveaux chantiers, faisant de lui l artiste le plus sollicité de la Ville éternelle. Malgré ces nombreux engagements, continue à concevoir des tableaux d autel pour de prestigieux commanditaires. Destinés pour la plupart à l extérieur de Rome, ces retables contribuent à la réputation du peintre dans toute l Italie et même en Europe : Léon X envoie notamment, en guise de cadeau diplomatique, quatre peintures à François I er, dont le Grand Saint Michel. Dans ces œuvres, reprend parfois la composition traditionnelle de la sainte conversation à laquelle il apporte un souffle nouveau grâce à la profondeur psychologique et à l interaction des personnages, comme dans la Sainte Cécile. Il développe également des narrations dynamiques sur de grands formats, ainsi dans le Spasimo. En concurrence directe avec Michel-Ange, son seul rival, il imite ses figures de la chapelle Sixtine, dont il parvient à égaler la force et la terribilità. 8

Grand admirateur de Léonard de Vinci, présent à Rome entre 1513 et 1516, il lui rend hommage en lui empruntant son doux sfumato et sa manière sombre. Il n est pas insensible non plus aux compositions spatiales et au sens du tragique émanant des gravures de Dürer. Les grands décors romains Appelé à Rome par le pape Jules II en 1508, commence par décorer ses appartements du Vatican : les Chambres (Stanze en italien). Cette vaste entreprise demeurera inachevée à sa mort en 1520 et sera poursuivie par ses deux héritiers, Gian Francesco Penni et Giulio Romano. Pour diriger cet immense chantier, l artiste doit d abord se familiariser avec la technique de la fresque et s entourer des meilleurs assistants. Le maître se réserve l invention des scènes, conçues à travers des études dessinées de l ensemble de la composition et des différentes figures, tandis que les membres de l atelier se voient confier une partie ou l ensemble de la mise au propre de ses idées (le modello) et de la confection des cartons servant à reporter les contours de l image sur les murs de la salle. Ils participent également à l exécution picturale mais sous le contrôle attentif de qui en assure la qualité et l homogénéité. Sous Léon X qui accède au trône pontifical en 1513, le peintre est au sommet de son art. Il conserve la direction du chantier des Chambres et, dès 1514, obtient la commande de dix cartons pour la Tenture des Actes des Apôtres destinée à orner la chapelle Sixtine. Il conçoit aussi le décor du lit d apparat du pape, constitué de trois tapisseries dont le magnifique Dieu le Père exposé ici. Vers 1516, il s attaque aux Loges, une grande galerie attenante à l appartement pontifical, où il imagine un décor à l antique composé d ornements en stuc et de grotesques, encadrant dans chaque voûte des scènes tirées de la Bible. Hors du Vatican, livre également les plans de plusieurs palais et villas dans lesquels il crée des décors antiquisants, comme la Loge de Psyché pour la villa d Agostino Chigi. Les grandes Madones de la maturité Si a consacré l essentiel de ses dernières années à la conception de grands décors picturaux et de projets architecturaux, il n a jamais délaissé l exécution de tableaux de dévotion privée représentant la Vierge à l Enfant avec des saints, qui avaient assuré ses premiers succès à Florence et que lui réclamaient désormais les grands mécènes romains. Les Madones qu il invente alors s inspirent encore de la Sainte Anne de Léonard de Vinci à laquelle travaillait toujours le vieux maître, lors de son séjour dans la Ville éternelle entre 1513 et 1516. en reprend la monumentalité et la disposition harmonieuse, et imagine de virtuoses variations dans l agencement du groupe formé de quatre protagonistes. Il égale son modèle pour l expression de la grâce et de la beauté, qu il enrichit d une plus grande variété d expressions : la joie enfantine de Jésus et du Baptiste, l amour maternel de la Vierge, la réflexion mélancolique de Joseph ou d Anne. Il expérimente également différentes mises en scène, parfois dominées par une rigoureuse architecture inspirée de l antique ou baignées dans une lumière crépusculaire caractéristique de son style tardif. Ces œuvres ont été célébrées dès leur création et durant les siècles suivants, d où les appellations qui leur ont bientôt été données : Madone de l Amour divin, Madone au chêne, Madone à la rose, la Perle À partir du XIX e siècle, les historiens de l art ont cependant émis certaines réserves sur la qualité de l exécution, sans réfuter le rôle de concepteur de. La réunion historique de ces peintures permet enfin de comparer leur facture et de mieux définir la manière ultime du maître d Urbino et celle de ses jeunes assistants. Giulio Romano, l élève prodige Né vers 1499, Giulio Romano entre dans l atelier de vers 1515-1516 et y prend rapidement une place prédominante. Bon dessinateur et déjà expérimenté, il est associé à presque toutes les étapes d élaboration des œuvres, des dessins préparatoires au carton et jusqu à l exécution picturale, bien sûr toujours sous la direction du maître. Sa forte personnalité ne tarde cependant pas à se distinguer. Sa passion de l antique l incite à accorder une grande importance aux contours et au relief des figures et à représenter des architectures observées dans les ruines de Rome. Il a tendance également à forcer la gestuelle et l expression des personnages, parfois jusqu à la caricature. Souvent, il aime ajouter une note de familiarité ou d anecdote dans les scènes d intérieur et privilégie les effets atmosphériques et lumineux dans les paysages. Après la mort de en 1520, Giulio hérite avec Penni de l atelier et des différents projets en cours. Il dirige alors la décoration de la chambre de Constantin au Vatican et mène à bien plusieurs œuvres encore inachevées. Désormais, il n hésite pas à modifier les inventions de son maître, comme dans la Lapidation de saint Étienne destinée à une église de Gênes, et surtout à affirmer son tempérament plus exubérant et capricieux. Il inaugure ainsi l art de la «manière», le style maniériste qu il met au point à la cour des Gonzague à Mantoue où il s installe en 1524, exportant ainsi le nouvel art romain dans le nord de l Italie. 9

Gian Francesco Penni, un fidèle assistant Gian Francesco Penni est né vers 1496 à Florence où il entre en contact avec le jeune, sans doute vers 1508, peu avant son départ pour Rome. Il le rejoint rapidement et entre dans l atelier où ses fonctions variées lui valent le surnom de «Fattore», factotum auquel le maître semble avoir surtout demandé d exécuter des modelli de ses compositions, c est-à-dire des dessins de présentation très achevés. Plus d une centaine de feuilles sont aujourd hui attribuées à Penni, dont plusieurs de ces modelli séduisants par leur technique vive et raffinée qui privilégie le lavis et les rehauts de blanc. Si, comme le rapporte Vasari dès 1550, «il aima beaucoup plus le dessin à la peinture», il Fattore participa néanmoins à l exécution des nombreuses commandes reçues par l atelier, principalement la décoration des Chambres et des Loges du Vatican. Après la mort de en 1520, Penni acheva, avec Giulio Romano, plusieurs de ses oeuvres, notamment la salle de Constantin au Vatican et le retable du Couronnement de la Vierge pour l église de Monteluce à Pérouse. Après avoir suivi son collègue à Mantoue, il rejoignit finalement Naples où il mourut probablement vers 1528. Contrairement à l œuvre de Giulio Romano, la critique a échoué à reconstruire celle de cet assistant trop fidèle aux idées de et mort trop tôt pour avoir pu développer sa personnalité. La réunion dans cette salle de tableaux qui pourraient lui revenir permettra sans doute de mieux définir les traits caractéristiques de sa manière., un maître du portrait Dès ses débuts, a reçu la commande de portraits, des ducs d Urbino puis de la bourgeoisie florentine. Ses premiers essais témoignent de son admiration pour le réalisme saisissant des portraits flamands et leur mise en scène efficace, créant un rapport direct avec le spectateur. Il prend également comme modèle son maître Pérugin et surtout Léonard de Vinci dont la Joconde est une merveilleuse synthèse du naturalisme nordique et de l idéalisme italien. À Rome, il devient le portraitiste le plus recherché de la cour pontificale, peignant l effigie des deux souverains, des membres de leur famille et d éminents cardinaux. Si la composition de ces portraits d apparat demeure assez traditionnelle, en accentue la monumentalité et la somptuosité, tout en adaptant le décor au modèle : sombre austérité pour le cardinal Bibbiena, richesse d une étoffe verte pour les Médicis ou luxueux intérieur d un palais pour la vice-reine de Naples. Mais les portraits les plus frappants de sont ceux de ses proches qu il a pris le temps de peindre intégralement. L ostentation du pouvoir y cède la place à la simplicité de l amitié. Sur des fonds uniformes souvent sombres, l artiste saisit sur le vif leurs expressions douces et familières pour révéler la singularité de leur caractère. Si l économie de moyens et la force psychologique de ces chefs-d œuvre s inspirent d exemples vénitiens de Giorgione, de Titien ou de Sebastiano del Piombo, la fermeté du dessin et le sens de la grâce relèvent pleinement de son génie. Rarement le précepte du grand théoricien de l art Alberti sur le portrait, lequel doit «rendre présent l absent» aura été aussi bien illustré. D après et atelier, La Pêche miraculeuse, vers 1640. Tissage : laine, soie, fils d or et d argent, Manufacture de Mortlake. H. 535 ; l. 695cm, Paris, Mobilier National, INV. GMTT 16/4 Mobilier national, Paris / Ph. Sébert 10

Regards sur quelques œuvres (Urbino, 1483 - Rome, 1520) Sainte Cécile Vers 1515-1516 Huile sur bois transposée sur toile H. 238 ; l. 150 cm Bologne, Pinacoteca Nazionale, Inv. 577 Tous les spécialistes s accordent à dire que le retable de Sainte Cécile est en très grande partie de la main de ; en dehors de la Transfiguration (Rome, Pinacoteca Vaticana), c est l un des rares grands tableaux du dernier tiers de la carrière de dont l exécution soit dominée par l intervention du maître en personne. Il a été peint pour la chapelle consacrée à sainte Cécile dans l église San Giovanni in Monte, à Bologne. [ ] Le tableau est étonnamment statique. Il ne ressemble pas aux autres œuvres de, qui séduisent notamment par la disposition gracieuse et les poses complexes de leurs figures, mais il est parfaitement adapté à la chapelle rectangulaire toute simple, avec ses murs blanchis à la chaux et ses éléments structurels en pietra serena ; la clarté de sa composition devait dominer la croisée, la chapelle constituant en fait le transept nord de l église. Le thème dominant du tableau est d ordre auditif. En réaction à la musique divine, produite par les anges (traités de manière particulièrement éthérée) qui occupent une petite partie illuminée en haut du panneau, le mouvement est suspendu et la musique humaine perd son sens. Cécile baisse son orgue portatif, dont les tuyaux commencent à se disloquer ; la viole de gambe est par terre, ses cordes cassées ; le triangle et les tambourins sont abandonnés sur le sol. Cécile est apparemment en extase. Le temporel cède la place au spirituel, et les auditeurs, sous le charme, sont plongés dans une contemplation incarnée par la grande figure impassible de saint Paul. L expérience mystique est évoquée sans gestuelle exagérée, car elle a pour effet non pas d animer mais d apaiser. Seule Cécile est le témoin direct de la manifestation céleste ; elle est la figure centrale, au propre comme au figuré. [ ] Sur le plan des tons et des couleurs, Sainte Cécile marque un tournant chez, qui, manifestement influencé par Léonard, donne là une œuvre très cohérente et très riche. Le ciel bleu profond, qui vire vers le violet (il y a une imprimitura rose et un glacis par-dessus le bleu), atténue le ton ambiant et fait ressortir le flamboiement des figures. Le léger éclaircissement sur la ligne d horizon crée un sentiment de profondeur. Ce ciel sombre et riche dominera dans beaucoup d œuvres ultérieures de, dont les décors, de plus en plus crépusculaires, imprègnent la narration d une ambiance de mystère et d expectative, et présentent une palette dense et chatoyante. [ ] Tous les textes de cette section sont extraits du catalogue, les dernières années, sous la direction de Tom Henry et Paul Joannides, coédition Hazan / musée du Louvre éditions 11

(Urbino, 1483 - Rome, 1520) et atelier (?) Saint Michel terrassant le démon, dit Le Grand Saint Michel 1518 Huile sur bois transposée sur toile H. 268 ; l. 164 cm Inscription : RAPHAEL. VRBINAS. PINGEBAT / M.D.XVIII Paris, musée du Louvre, département des Peintures, INV. 610 Saint Michel terrassant le démon est le plus grand et, pour, certainement le plus important des trois tableaux commandés par le pape Léon X, qui souhaitait en faire don à la cour du roi de France [ ] pour renforcer les relations entre la papauté et la monarchie française. [ ] Saint Michel est un thème particulièrement approprié pour François I er, l un de ses prédécesseurs Louis XI ayant créé en 1469 à Amboise l ordre chevaleresque de Saint-Michel, dont lui-même était naturellement le grand maître. Mais ce n est pas le saint attitré des rois ; il est vénéré par les militaires et bien évidemment associé aux victoires [ ] Sylvie Béguin [ ] donne une excellente description du tableau : «Paré, costumé comme pour un ballet, l archange, tel un danseur céleste, se pose un instant avec une détermination invincible et une grâce parfaite : sans effort, dans une pose d une extrême simplicité, il accomplit le geste de mort mais c est aussi un geste de vie. Les détails rares, l éclat des ailes colorées, qui rappellent les statues chryséléphantines, ajoutent un charme fascinant à sa beauté. Pour les Français, le vaste paysage de montagnes et de mer semblait faire allusion à la devise de l ordre de saint Michel : Immensi tremor oceani.» [ ] Vasari, qui n a jamais vu le tableau, laisse entendre que le Grand Saint Michel est entièrement de la main de, alors qu il insiste sur la participation de Giulio Romano à la Sainte Marguerite. Dans l état actuel du tableau, certains passages ne sont pas totalement convaincants l articulation des jambes du saint, par exemple, est rendue de façon grossière, mais il est difficile de savoir dans quelle mesure les maladresses qui nous frappent aujourd hui s expliquent par le fait que l œuvre a été endommagée et repeinte. Un examen technique récent tend à confirmer le verdict de Vasari, car il apparaît que le dessin sous-jacent, bien que transposé du carton par incision indirecte, est d une précision et d une maîtrise exceptionnelles [ ]. Par sa pureté et sa force, il préfigure Ingres. Diverses modifications ont été apportées entre le dessin sous-jacent et la surface finale : en particulier, l aile supérieure était initialement plus fine et plus pointue, ce qui laisse penser que est intervenu ; de plus le fait est insolite, la surface préparée a, après la transposition à partir du carton, été incisée à main levée à l aide d un stylet dans les cheveux et dans le plastron de la cuirasse, ce qui leur donne une vie et une précision particulières. Prenant la lumière de façon presque subliminale, ces incisions animent la surface, à la façon d un sgraffito. [ ] 12

(Urbino, 1483 - Rome, 1520) Vierge à l Enfant avec le petit saint Jean Baptiste et sainte Anne, dite La Perla 1519-1520 Huile sur bois en trois sections verticales en peuplier H. 147,4 ; l. 116 cm Madrid, Museo Nacional del Prado, P-301 Le tableau doit son surnom à Philippe IV d Espagne, qui, selon Antonio Ponz, y voyait la perle de sa collection («He aquí la perla de mis cuadros!»). Cette collection de peinture italienne étant d une exceptionnelle qualité, l appréciation du roi n est pas un mince compliment. [ ] Les combinaisons de couleurs parmi les plus riches que ait jamais conçues sont uniques par leur densité. La pâte est également très épaisse, sauf sur les visages. Le lapis du manteau de la Vierge, le riche vert émeraude de la tunique de sainte Anne et le brun-jaune de son manteau reprennent, sous une forme enrichie, les couleurs de la Grande Sainte Famille. Un élément particulièrement remarquable est la tunique de la Vierge, qui évolue d un ton presque rose sous la lumière vers un rouge profond dans les ombres ; un passage difficile à décrire mais saisissant par son effet est le drapé sur son épaule droite, où les nuances de rose en pleine lumière virent à des tons de bleu dans les parties ombrées. [ ] L organisation de l architecture est en accord avec le ciel, et les bâtiments sont placés parallèlement au plan de la surface pour mieux accrocher le regard. Les éléments archéologiques ainsi le temple de Vesta à Tivoli s intègrent en douceur dans la composition d ensemble. [ ] L entrée d une ville à gauche, adaptée, comme le note Arnold Nesselrath [ ], d une vue des bains de Dioclétien, s inscrit facilement dans l organisation du tableau, et ces vignettes illustrent l un des talents constants de, à savoir sa capacité à donner de l ampleur à des sites réels en y ajoutant des éléments imaginaires, comme on le voit dès 1503 environ dans son dessin de Saint Jérôme à l Ashmolean à Oxford [ ], où une vue topographique de Pérouse est raccordée à un paysage de fantaisie. On a toujours dit que La Perla devait beaucoup à Léonard de Vinci. Le tableau a été peint bien après le départ de Léonard de Rome, peut-être même après que eut appris la nouvelle de sa mort, mais il se pourrait qu il ait été partiellement conçu en hommage au maître. Le clair-obscur accentué [ ] et l organisation de la composition reprennent une formule fondamentalement léonardesque qui consiste à fusionner plusieurs figures en un groupe géométrique compact à l intérieur d un champ rectangulaire. [ ] Le tableau reprend certains des buts et objectifs des Saintes Familles les plus élaborées de la fin de la période florentine de, mais avec beaucoup plus d invention, comme si le peintre voulait synthétiser, à l intérieur d une même composition rigoureusement organisée, les multiples aspects de son ambition visuelle. nous montre exactement et avec force détails la nature des choses, depuis les plantes et les pierres au premier plan jusqu au modeste berceau en osier, assemblé par des chevilles en bois et garni de draps luxueux ornés de fines broderies et de franges soyeuses. [ ] 13

Atelier de Pieter van Aelst (Bruxelles), d après un carton de Tommaso Vincidor Dieu le Père accompagné des symboles des Évangélistes (La Trinité) 1521 Tapisserie H. 425 ; l. 347 cm Madrid, Museo Nacional des Artes Decorativas, CE 26806 La Vision d Ézéchiel, à la Galleria Palatina, est une œuvre unique dans la production romaine de et de son école, et une invention sans précédent. Comme l indique son titre, le tableau représente la vision du prophète Ézéchiel, mais celui-ci n est qu un minuscule personnage en bas à gauche, accompagné de son cheval et d une seconde figure, peut-être un témoin ou un ange révélateur. Autrement dit, c est le spectateur qui a l impression d avoir la vision sous les yeux, et cette image troublante de l apparition divine est renforcée par la présence d un grand arbre, qui paraît tout petit sous un ciel de tempête. [ ] L apparition de Dieu le Père, accompagné des anges et soutenu par les Évangélistes, est visiblement une somptueuse idée qui convient bien à une œuvre de grandes dimensions ; elle sera d ailleurs reprise dans une grande tapisserie mentionnée dans les inventaires de la papauté sous le nom de Trinité (titre inexact puisque l œuvre ne comprend ni le Christ ni la colombe du Saint-Esprit), acquise en 2005 par le Museo des Artes Decorativas à Madrid et exposée ici pour la première fois. La réapparition de cet original, connu jusqu ici par de vieilles photos d une copie tardive, non localisée, constitue une découverte majeure. Ce chefd œuvre du tissage flamand, d une magnifique facture, porte aux angles les armes de Léon X ; il faisait partie à l origine d un ensemble aujourd hui dispersé et qui n a été reconstitué de façon plausible que récemment [ ]. [ ] À une date indéterminée, mais certainement après 1516, Léon X a commandé un letto di para-mento (lit d apparat) pour la Sala dei Pappagalli, aussi appelée salle des Palefreniers. [ ] Le lit devait être tendu d un certain nombre de tapisseries, parmi lesquelles plusieurs pièces mineures, mais, d après une série d inventaires du Vatican dont les dates s échelonnent de 1544 à 1602 [ ], il semble qu il y avait là trois pièces majeures : un «sopracielo» (ciel de lit) avec une «Trinità», un «lato» (panneau latéral) figurant une «visitatione di san Giovanni» [ ] et, à la tête du lit («capo») une «Natività» qui, est-il précisé dans l inventaire de 1608, incluait le pape Léon X. Il ressort de ces éléments que la Trinité faisait partie du ciel de lit et était conçue pour être vue directement d en bas. La tapisserie de la Trinité diffère du tableau de la Galleria Palatina par son format, qui est plus carré et ne montre que le groupe céleste (omettant ainsi toute la partie terrestre), et par sa composition, encadrée de chérubins et d anges pour lesquels on n a retrouvé aucune étude par ou un membre de son atelier, et qui ne semblent pas non plus avoir été empruntés à des motifs existants. [ ] [ ] L on pourrait imaginer que durant la décoration de la salle des Palefreniers, ou peu après son achèvement, Léon X ait demandé à de concevoir une tapisserie qui serve de ciel de lit pour son letto, et que ce motif, mis en contexte, ait été immédiatement reproduit par Giulio Romano sous la forme d un petit tableau. La commande a ensuite été mise en veilleuse pour n être reprise qu après la mort de, et Léon X décida alors d ajouter d autres tapisseries, dont il confia la conception à Vincidor sur la base de dessins de. Cette hypothèse ou cette suite d hypothèses pourrait expliquer l existence même de la Vision d Ézéchiel, difficile à comprendre en tant qu invention ex novo en petites dimensions. Et elle expliquerait aussi le succès artistique de la Trinité, qui dépasse de loin celui des autres tapisseries du letto, et qui serait surprenant s il ne s agissait que d une adaptation d un motif conçu à d autres fins. 14

Giulio Romano (Rome, 1492 ou 1499 - Mantoue, 1546), peut-être avec l intervention de (Urbino, 1483 - Rome, 1520) Portrait de Doña Isabel de Requesens y Enríquez de Cardona-Anglesola 1518 Huile sur bois transposée sur toile H. 120 ; l. 95 cm Paris, musée du Louvre, département des Peintures, INV. 612 Pendant très longtemps, on a pensé que ce portrait représentait Jeanne d Aragon. Vasari y fait référence, mais il parle simplement de la vice-reine de Naples, et ce n est qu en 1997 que Michael Fritz a établi que le modèle était en réalité Doña Isabel de Requesens y Enríquez (1498-1534), femme du vice-roi de Naples [ ]. Cette clarification est importante, mais elle ne modifie pas notre point de vue général sur ce portrait d une femme de rang élevé, célèbre par sa beauté, qui a exercé une influence considérable sur le genre du portrait de femme, notamment en France, où le tableau a été immédiatement envoyé et rapidement reproduit. [ ] Vasari qui a manifestement évoqué cette question avec l intéressé précise que (Giulio Romano) a exécuté le tableau à l exception du visage. Il arrive que certains spécialistes contestent cette attribution, mais c est aller contre les évidences, dont certaines conséquences méritent d ailleurs d être examinées. Ce modus operandi montre en effet que trouvait naturel de déléguer l exécution d un portrait, même dans le cas d un personnage important : sans le témoignage de et de Vasari, les historiens de l art auraient estimé que le rang du modèle supposait une intervention personnelle de [ ]. On voit aussi que, vers le milieu de l année 1518, appréciait le travail de Giulio Romano au point de lui confier non seulement le stade préliminaire d un portrait mais aussi son exécution. Il n est donc pas surprenant de savoir que Giulio a participé à des commandes de la plus haute importance. Dans la mesure où n a exécuté ni le carton ni le tableau (à l exception possible du visage), on peut se demander quel rôle il a joué dans sa conception. Or, là encore, il semble que cette étape ait été confiée à Giulio, et, si cette hypothèse était vérifiée, ce portrait constituerait un témoignage très précieux des capacités de Giulio deux ans avant la mort de, et il nous offrirait un point de départ pour l analyse d une des qualités qui le définissent à l époque, à savoir l extraordinaire précision de la facture. Les détails du premier plan sont rendus avec une extrême netteté, dans une finition presque laquée. En revanche, les textures sont peu différenciées [ ]. Les rehauts glissés sont typiques de Giulio, de même que l absence de variété dans la touche. L empâtement jaune de la doublure de la manche est, certes, animé et fondu, mais, même là (c est une autre caractéristique de Giulio), le pigment semble dessiner des motifs à la surface plutôt que véritablement définir la structure de la manche. Ce tableau illustre en tout cas ce qui est peut-être le talent suprême de Giulio Romano : sa maîtrise des objets durs, de préférence métalliques ; on pourrait dire que tout chez lui aspire à devenir une nature morte. Il illustre corollairement l une de ses faiblesses, à savoir sa tendance à sacrifier l unité générale pour privilégier l effet local. Une autre caractéristique de l art de Giulio est une certaine absence de modulation dans les transitions ; dans son «esthétique», les formes sont soit profondément sculpturales, soit plates, ce en quoi il se distingue nettement de. Par exemple, la doublure en satin jaune de la robe en velours rouge rappelle la Donna velata, exécutée par la même année peut-être, mais elle est traitée de façon totalement différente, sans variations internes dans l étoffe et sans les subtilités de lumière qui, chez, font ressortir la mobilité et la sensibilité de la personnalité du modèle. La loggia à l arrière-plan semble illustrer des scènes de l histoire de Cupidon et Psyché, mais leur traitement est très différent de ce que l on observe dans la loge de Psyché peinte pour Agostino Chigi. Cette divergence atteste d ores et déjà la volonté de Giulio de s écarter de l esthétique de, ne serait-ce que dans les aspects secondaires d un tableau, tendance qui s exprimera radicalement immédiatement après la mort du maître. Il est intéressant de noter que le traitement des compartiments du plafond dans la loggia annonce celui de la Sala di Psiche que Giulio exécutera sept ou huit ans plus tard au palais du Te à Mantoue. 15

(Urbino, 1483 - Rome, 1520) Portrait de Bindo Altoviti Vers 1516-1518 Huile sur bois H. 59,5 ; l. 43,8 cm Washington, National Gallery of Art, Samuel H. Kress Collection, 1943.4.33 [ ] Bindo Altoviti (1491-1557) était un banquier florentin qui, à l époque où ce portrait a été peint, était un proche allié des Médicis. [ ] Bindo semble avoir été l ami d un certain nombre d artistes, dont Michel-Ange, qui lui donna le carton de l Ivresse de Noé pour la chapelle Sixtine, malheureusement aujourd hui perdu. Grand amateur d art, il commanda notamment un retable à pour la chapelle privée de son palais florentin. Connu sous le nom de Madone de l impannata, ce retable a donné lieu à de nombreux débats et, de toute évidence, son exécution a duré un certain temps. Il est clair que fréquentait alors Bindo depuis plusieurs années, et l on peut faire confiance à Vasari (qui connaissait bien Bindo et a travaillé pour lui) quand il dit que les deux hommes étaient amis. La nature autographe du portrait de Bindo par a été mise en doute à différentes époques, [ ] mais, aujourd hui, ce portrait est à peu près unanimement attribué à. En 2005, il a donné lieu à une étude approfondie par David Brown et Jane Van Nimmen, qui notent que ce type de pose est peut-être vénitien à l origine. La figure en buste, de profil ou de trois quarts sur un fond sombre et abstrait, la tête tournée vers le spectateur, est une invention qui remonte probablement à Antonello da Messina et à Léonard de Vinci. [ ] Par sa finition soignée et laquée qui a conduit à attribuer l œuvre à Giulio Romano, ce portrait rappelle beaucoup le saint Jean du retable de Sainte Cécile, qui est un exemple du raffinement stylistique de à la fin de 1516. Les bleus saturés du manteau, qui correspondent à ceux de la Madone de l amour divin, semblent capter la lumière de la lampe et créer un effet que a expérimenté dans ses dernières années. Les tons de la carnation, qui tirent vers le gris et que Giulio imitera dans une certaine mesure, sont également typiques de à ce stade de sa carrière. Rien dans l œuvre de avant 1516 n annonce ce tableau par la palette, les tonalités, les effets de surface ou l ambiance. Son clair-obscur a une fonction psychologique et pas seulement formelle. Dans son immédiateté, le tableau évoque l ami plus que le personnage public ; il montre que aborde très différemment les portraits d amis et les portraits officiels. [ ] 16

(Urbino, 1483 - Rome, 1520) Portrait de Baldassare Castiglione 1519 Huile sur toile H. 82 ; l. 67 cm Paris, musée du Louvre, département des Peintures, INV. 611 [ ] Dans sa pose, le portrait de Castiglione n est pas plus inventif que celui des autres amis de. Le peintre montre Baldassare tel qu il devait être dans l ambiance détendue d une soirée passée en sa compagnie. Ses vêtements n expriment pas sa situation sociale mais son caractère chaleureux et profond. Autrement dit, le modèle ne prend pas la pose ; sa seule présence suffit à exprimer l amitié entre deux hommes qui, à l époque, collaboraient très étroitement. Comme dans la plupart des portraits de ses amis, rend magistralement la vivacité du regard de son modèle. n a pas besoin d amplifier la présence du personnage, bien qu il emprunte à Jan van Eyck peut-être le plus grand maître des portraits réalistes le procédé qui consiste à agrandir légèrement la tête par rapport au corps. [ ] (Urbino, 1483 - Rome, 1520) Autoportrait avec Giulio Romano 1519-1520 Huile sur toile H. 99 ; l. 83 cm Paris, musée du Louvre, département des Peintures, INV. 614 [ ] Exécuté sur une toile préparée avec une imprimitura ocre beige mais sans gesso, le tableau est daté par tous les spécialistes de 1519 ou 1520, c est-à-dire très tard dans la carrière de. La disposition est plus énergique et moins subtile que dans Baldassare Castiglione, mais elle présente la même maîtrise extraordinaire : les plis des manches de Giulio Romano sont très proches de ceux de la chemise de Castiglione. [ ] La relation entre les deux hommes paraît très étroite, intellectuellement et affectivement, et les gestes y prennent tout leur sens. Dans son mouvement énergique, le jeune homme ne manque apparemment ni d ardeur ni d enthousiasme ; il n est pas le destinataire passif des conseils de, qui, ici, est relativement réservé. [ ] Ce portrait du Louvre est de grandes dimensions, comme celui de Léon X, et les figures y affirment leur présence en occupant tout le plan du tableau. Il confirme aussi la position de Giulio comme héritier artistique de.[ ] 17

(Urbino, 1483 - Rome, 1520) Portrait de femme, dit La Donna velata Vers 1512-1518 Huile sur toile H. 82 ; l. 60,5 cm Florence, Galleria Palatina, Palazzo Pitti, inv. 1912, n. o 245 La Donna velata est souvent considérée comme l un des plus beaux portraits de, à l égal de Baldassare Castiglione, et c est assurément son plus beau portrait de femme. [ ] Vasari ne donne pas le nom du modèle mais, précise-t-il, il s agit de la femme que «aima jusqu à la mort», et il y voit à la fois un portrait et un souvenir intime. [ ] Certains spécialistes, faisant fi des propos de Vasari, ont pensé, au vu du luxe des vêtements, que le modèle était une aristocrate. [ ] Rappelons que était un homme riche ; il résidait dans un palais et, avant sa mort, prévoyait d en construire un plus grand. Il avait donc les moyens d offrir à son amante de magnifiques vêtements. L explication la plus commune est qu il s agit de Marguerita Luti, fille d un boulanger de Sienne, qui, semble-t-il, entra au couvent après la mort de et mourut ellemême peu de temps après. [ ] Il semble évident que a peint la Donna velata sous le coup d une forte émotion. Le caractère direct et complice de la confrontation implique la proximité d amants ou d amis comme dans le Baldassare Castiglione, une immédiateté qui évoque une profonde intimité. Vasari trouve le modèle «deux fois» vivant («che pareva viva viva»), et Carol Plazzotta (dans Londres 2004-2005) souligne la force de sa présence et de sa communication silencieuse dans le geste qu elle fait, que l on retrouve dans le Noli me tangere. [ ] Contrairement aux autres modèles féminins de, la Donna velata porte un voile, ce qui est une façon indirecte de l associer à la Vierge, et peut-être même à la scène de l Annonciation comme dans l exemple célèbre de l Annonciation d Antonello da Messina (Palerme, Museo Nazionale). La grâce et la modestie de la Vierge sont évoquées ici sur le mode subliminal ; le caractère et l esprit du modèle inspirent l artiste, qui, en retour, représente ces deux qualités avec une extrême délicatesse. Grâce au rendu rigoureux de la texture et à l évocation de nuances infinies de couleurs dans les limites d une palette limitée, le charme physique du modèle dans la magnificence de ses vêtements s inscrit dans l harmonie plus grande qui est celle de son esprit. Le mouvement du voile est une réponse de la femme à l amour de l artiste ; elle signifie l acceptation de même que la Vierge accepte le don de Dieu, une acceptation de l esprit et pas seulement de la chair. [ ] Apparemment simple, la conception d ensemble est poétique et magistrale. Les draperies qui, chez Sebastiano, ont une fonction décorative, expriment ici la délicatesse de la relation entre l artiste et son modèle. La femme a le visage en grande partie dans l ombre de son voile, qu elle vient de relever ou qu elle s apprête à fermer, ce qui donne au tableau une structure pyramidale stable tout en permettant un jeu entre des ombres et des lumières subtiles. Tout attribut est absent, et, comme dans le Baldassare Castiglione, l artiste ne recherche pas l inventivité formelle ; il se concentre sur les textures, les vêtements et l expression du modèle. La surface picturale est à la fois plus limitée dans ses couleurs et plus variée dans l emploi qui en est fait. De ce point de vue, les portraits féminins de sont en avance sur ceux de Titien, et peut-être ce dernier a-t-il tiré des enseignements du chef-d'œuvre de. [ ]. En dehors de la doublure en satin jaune du vêtement qui, chez et son atelier, ne se rencontre que dans Isabel de Requesens, de 1518 et des bruns et des rouges ternes de son collier en pierreries, le tableau est un camaïeu de tons crème et beige rosé ; il y a quelque chose de somptueux dans ces coloris. [ ] On ne retrouve rien d équivalent dans le reste de l œuvre de. Les monochromes de ses grands portraits, le Baldassare Castiglione et l Autoportrait avec Giulio Romano, sont, en comparaison, des séquences plus simples de noirs et de bruns, beaucoup plus limitées dans leurs nuances. [ ] Dans la Velata, profite 18

Autour de l exposition - sommaire Publications page 20 Manifestations à l auditorium du Louvre page 22 Films sur l art, visites-conférences, audioguide page 23 Deux expositions en lien avec «, les dernières années» page 24 (?) et atelier, Saint Jean Baptiste dans le désert, vers 1517-1518. Huile sur toile. H. 163 ; l. 147 cm. Florence, Galleria degli Uffizi, Soprintendenza Speciale per il Polo Museale Fiorentino, inv. 1890, n.1446 2012 Photo Scala, Florence 19

Publications Catalogue de l exposition, les dernières années Sous la direction de Tom Henry et Paul Joannides AUTEURS Textes de Tom Henry, Paul Joannides, Ana González Mozo, Bruno Mottin, Élisabeth Ravaud, Gilles Bastian, Myriam Eveno. SOMMAIRE Coédition : Hazan / musée du Louvre éditions Pages : 400 Format : 24 x 30 cm Relié 300 illustrations Prix (TTC) : 45 Ouvrage réalisé avec le soutien de Arjowiggins Graphic RAPHAËL ET SON ATELIER ENTRE 1513 ET 1525 1.1 L exposition et son ambition 1.2 à Rome : présentation générale 1.3 Les grands cycles décoratifs 1.4 L atelier 1.5 Les tableaux 1.6 La période sombre 1.7 La commande pour la cour du roi de France 1.8 Les portraits de 1.9 Les garzoni de 1.10 Après 1520 GRANDES COMPOSITIONS RELIGIEUSES GRANDES MADONES ET SAINTES FAMILLES PETITES MADONES ET SAINTES FAMILLES PORTRAITS APRÈS LA MORT DE RAPHAËL Et aussi : Album de l exposition de Vincent Delieuvin et Cécile Beuzelin Coédition : Hazan / musée du Louvre éditions Pages : 48 Format : 24,5 x 28,5 cm Broché 40 illustrations Prix (TTC) : 8 Ouvrage réalisé avec le soutien de Arjowiggins Graphic ŒUVRES SUPPLÉMENTAIRES EXPOSÉES AU LOUVRE LA TECHNIQUE PICTURALE DE RAPHAËL À ROME 8.1 La bottega de 8.2 La composition de l œuvre 8.3 Le processus graphique 8.4 Le dessin sous-jacent 8.5 Les préliminaires à l exécution picturale 8.6 La couche picturale 8.7 L image peinte 8.8 Le dernier et son atelier : les Saintes Familles de format moyen 8.9 Giulio Romano 8.10 Après : la copie de la Transfiguration 8.11 Conclusions AUTOUR DE RAPHAËL A ROME. L ÉTUDE DE LABORATOIRE DES TABLEAUX CONSERVÉS AU MUSÉE DU LOUVRE 9.1 La commande pontificale pour François I er 9.2. Un groupe de tableaux de petits formats 9.3 Les portraits 9.4 Les préparations de tableaux de et de son atelier à partir de 1508 20