Paul VAILLANT-COUTURIER (1892-1937), écrivain, journaliste et homme politique communiste français La Chanson de Craonne Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé Que sans nous on prend la pile Mais c'est bien fini, on en a assez Personne ne veut plus marcher Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot On dit adieu aux civ'lots Même sans tambours, même sans trompettes On s'en va là-haut en baissant la tête Adieu toutes les femmes De cette guerre infâme C'est à Craonne sur le plateau Qu'on doit laisser sa peau Car nous sommes tous condamnés Nous sommes les sacrifiés Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance Pourtant on a l'espérance Que nous attendons sans trêve Soudain dans la nuit et dans le silence On voit quelqu'un qui s'avance C'est un officier de chasseurs à pied Qui vient pour nous remplacer Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes - Refrain C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards Tous ces gros qui font la foire Si pour eux la vie est rose Pour nous c'est pas la même chose Au lieu d'se cacher tous ces embusqués Feraient mieux d'monter aux tranchées Pour défendre leur bien, car nous n'avons rien Nous autres les pauv' purotins Tous les camarades sont enterrés là Pour défendr' les biens de ces messieurs là Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront Car c'est pour eux qu'on crève Mais c'est fini, car les trouffions Vont tous se mettre en grève Ce s'ra votre tour messieurs les gros De monter sur l'plateau La Chanson de Craonne, texte définitif, 1919, France Car si vous voulez faire la guerre Air : Valse à succès de 1911 + texte de la chanson de Lorette Payez-la de votre peau Chanson des poilus évoquant la lassitude de cette guerre de tranchées, meurtrière et inutile. Chanson entonné par les mutins
La Chanson de Craonne Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé Que sans nous on prend la pile Mais c'est bien fini, on en a assez Personne ne veut plus marcher Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot On dit adieu aux civ'lots Même sans tambours, même sans trompettes On s'en va là-haut en baissant la tête Adieu toutes les femmes De cette guerre infâme C'est à Craonne sur le plateau Qu'on doit laisser sa peau Car nous sommes tous condamnés Nous sommes les sacrifiés Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance Pourtant on a l'espérance Que nous attendons sans trêve Soudain dans la nuit et dans le silence On voit quelqu'un qui s'avance C'est un officier de chasseurs à pied Qui vient pour nous remplacer Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes - Refrain - C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards Tous ces gros qui font la foire Si pour eux la vie est rose Pour nous c'est pas la même chose Au lieu d'se cacher tous ces embusqués Feraient mieux d'monter aux tranchées Pour défendre leur bien, car nous n'avons rien Nous autres les pauv' purotins Tous les camarades sont enterrés là Pour défendr' les biens de ces messieurs là Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront Car c'est pour eux qu'on crève Mais c'est fini, car les trouffions Vont tous se mettre en grève Ce s'ra votre tour messieurs les gros De monter sur l'plateau Car si vous voulez faire la guerre Payez-la de votre peau
Paul VAILLANT-COUTURIER Il participe à la Première Guerre mondiale (oct 1914-1918). Entré dans la guerre dandy et croyant, il en sort pacifiste et socialiste. Pendant la guerre de tranchée qu'il vit sur le front en Champagne, il est blessé une première fois par un éclat d'obus en septembre 1915, au début de la grande offensive de Champagne. Il l'est une seconde fois en juillet 1918, par les gaz, à bord de son char. Ces faits d'armes, dont il ne se vantait pas, lui ont inspiré des pages assez critiques et sombres dans son livre Lettres à mes amis paru en 1919. Le pacifisme qu'il manifeste à partir de 1916 à travers des articles de presse dans les différents journaux pacifistes proches du Parti socialiste et des milieux anarchisants, est sanctionné par la hiérarchie militaire in extremis le 2 novembre 1918 par 30 jours de forteresse. Les paroles de La Chanson de Craonne3 ont été retranscrites et publiées par Vaillant-Couturier dans son livre La Guerre des soldats, publié avec son ami Raymond Lefebvre. Cette chanson, chantée par les soldats sur le front, puis peut-être par les mutins lors des événements d'avril-juin 1917, interdite par le commandement, est devenue ensuite l'un des grands hymnes du pacifisme4. Pour ses faits d'armes, il reçoit plusieurs distinctions, cinq citations à l'ordre de l'armée, la médaille militaire (dont il s'en veut immédiatement de l'avoir accepté) et la Croix de guerre 1914-1918, mais pas la Légion d'honneur contrairement à ce qui est parfois écrit5. Contexte a) Avril-Oct. 1917 : batailles de la Somme dont celle du Chemin des Dames est extrêmement meurtrière côté français : la volonté de percer le front allemand est un échec. Des mutineries éclatent : 500 mutions sont condamnés à mort. 26 seront suivis d effet. Les mutins entonnent cette chanson b) Elle est contemporaine de la révolution bolchevique de 1917 qui a entraîné, en France, la mutinerie des soldats communistes russes à La Courtine et, sur le front de l'est, la débandade et le retrait des troupes russes (alors alliées à la France). Donc référence à la désobéissance : -des Russes en révolution -de l arrière en grève -du front par les mutins Origine de la Chanson de Craonne Cette chanson anonyme a sûrement plusieurs auteurs. Plusieurs titres pour une chanson : Elle a continuellement évolué au cours de la guerre en fonction des lieux principaux de combat. Elle apparaît sous le nom de La Chanson de Lorette, «complainte de la passivité triste des combattants» évoquant la bataille de Notre-Dame de Lorette à Ablain-Saint-Nazaire se déroulant entre septembre 1914 et septembre 1915. Ensuite, la chanson est transformée pour évoquer le plateau de Champagne au cours de l'automne 1915. En 1916, elle devient une chanson sur Verdun, le refrain devient : Adieu à toutes les femmes
De cette guerre infâme C'est à Verdun, au fort de Vaux Qu'on a risqué sa peau [...] 1919, le texte est stabilisé mais censuré jusqu en 1974 Musique La chanson a été écrite sur l'air de la chanson Bonsoir M'amour, procédé fort utilisé pendant la Grande Guerre. Valse lente de 1911, paroles de Raoul Le Peltier, musique de Adelmar Sablon (pseudonyme de Charles Sablon). Chanson obtient un grand succès avant la guerre.. Les reprises contemporaines de La chanson de Craonne sont souvent exécutées dans le style de la valse musette, avec accompagnement d'accordéon.. La Chanson de Craonne est une chanson contestataire aux paroles antimilitaristes («on s'en va là-bas en baissant la tête», «nos pauvr' remplaçants vont chercher leurs tombes»), défaitistes («c'est bien fini, on en a assez, personne ne veut plus marcher») et incitant à la mutinerie («c'est fini, nous, les troufions, on va se mettre en grève»). Cette chanson politiquement engagée (à l'extrême-gauche) a des visées anticapitalistes quand elle fustige «les gros», «ceux qu'ont le pognon» et «les biens de ces messieurs là». Liens avec d autres œuvres - Jacques Tardi exécute 3 toiles au fusain pour le 90 ème anniversaire de la bataille de Craonne La Chanson de Craonne est mentionnée dans deux albums de Jacques Tardi : Les Aventures extraordinaires d'adèle Blanc-Sec, tome 8 : Le mystère des profondeurs (Casterman, 1998, p. 4), et Putain de guerre! tome 2 (Casterman, 2009, p. 9). - Le refrain de la Chanson de Craonne est chanté par un condamné à mort dans le film Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet (2004).
Quand au bout d huit jours, le repos terminé, Que sans nous on prend la pile. Mais c est bien fini, on en a assez, Personn ne veut plus marcher, Et le cœur bien gros, comm dans un sanglot On dit adieu aux civelots. Même sans tambour, même sans trompette, On s en va là haut en baissant la tête = personnes protégées Refrain : Adieu la vie, adieu l amour, Adieu toutes les femmes. C est bien fini, c est pour toujours, De cette guerre infâme. C est à Craonne, sur le plateau, Qu on doit laisser sa peau Car nous sommes tous condamnés, C'est nous les sacrifiés! = plateau de Californie, surplombant le village, occupé par les All Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance, Pourtant on a l espérance Que nous attendons sans trêve. Soudain, dans la nuit et dans le silence, On voit quelqu un qui s avance, C est un officier de chasseurs à pied, Qui vient pour nous remplacer. Doucement dans l ombre, sous la pluie qui tombe, Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes (au refrain) C est malheureux d voir sur les grands boul vards =l arrière parisien Tous ces gros qui font leur foire ; Si pour eux la vie est rose, Pour nous c est pas la mêm chose. Au lieu de s cacher, tous ces embusqués, = pour les combattants, les hom échappant au conflit F raient mieux d monter aux tranchées Pour défendr leurs biens, car nous n avons rien, Nous autr s, les pauvr s purotins. = soldats exposés Tous les camarades sont enterrés là, Pour défendr les biens de ces messieurs-là. (au refrain) Ceux qu ont l pognon, ceux-là r viendront, Car c est pour eux qu on crève. Mais c est fini, car les troufions Vont tous se mettre en grève. Ce s ra votre tour, messieurs les gros, De monter sur l plateau, Car si vous voulez faire la guerre, Payez-la de votre peau! = les soldats Appel à la rébellion