hapitre III. Evolution des propriétés des matériaux avec la température L objet de ce chapitre est de présenter les caractéristiques physico-chimiques et mécaniques des deux bétons réfractaires étudiés et de leur matrice, en fonction de la température de traitement. On rappelle que la différence entre les bétons concerne le spinelle de magnésium, présent sous forme synthétique dans la masse sèche de départ (8D) ou issu de la réaction entre l alumine et la magnésie, celle-ci étant incorporée aux matières premières de départ (8DM). Dans ce second cas, la magnésie est présente jusqu à des températures d environ 1000 puis se transforme en spinelle au-delà : on obtient alors un matériau avec formation de spinelle insitu. Dans la première partie, on présente les résultats physico-chimiques et thermomécaniques (uniquement résistance mécanique et module élastique) obtenus pour le béton 8D et sa matrice. On abordera dans la seconde partie le cas du matériau 8DM avec formation in-situ de spinelle. Enfin, dans la troisième partie, nous proposerons une discussion sur les propriétés mécaniques de ces matériaux en les reliant à leurs propriétés physico-chimiques. 3.1. as du matériau avec ajout de spinelle synthétique (8D) 3.1.1. Analyse physico-chimique 3.1.1.1. Evolution des phases et microstructures La microstructure du béton cuit à 110 est présentée sur la figure III.1. On voit clairement l hétérogénéité du matériau, avec ses granulats de toutes tailles et ses nombreux pores. Quelques micrographies de bétons cuits à plus haute température (450 et 900 ) révèlent également la présence de microfissures à l interface pâte-granulats (figure III.2). En effet, lors du traitement thermique, la matrice subit un retrait alors que les granulats d alumine se dilatent. On observe également des sortes de cavités ou de pores à l extrémité des granulats anguleux. Les figures III.3a à III.3j montrent les différentes microstructures obtenues pour la matrice en fonction de la température de traitement. Les phases sont plus facilement observables que dans le cas du béton grâce à l absence des gros granulats. Les différentes phases analysées par diffraction des rayons X après traitement de cure, séchage et traitement thermique d échantillons de matrice du béton 8D sont présentées dans le tableau III.1. La composition des phases apparaît comme fortement dépendante de la température de traitement : de nombreuses transformations chimiques ont lieu, principalement dans la matrice, depuis le processus d'hydratation à température ambiante jusqu'au frittage à 1600. es transformations concernent essentiellement les aluminates de calcium présents dans le ciment et l alumine fine réactive, constituant principal de la matrice. Notons que le spinelle de magnésium ajouté au mélange est inerte chimiquement et se retrouve donc en quantité identique tout au long du traitement. 81
T( ) 110 450 600 900 1000 1100 1200 1300 1400 1500 1600 αal 2 O 3 +++ +++ +++ +++ +++ +++ +++ +++ +++ +++ +++ βal 2 O 3 + + + + + + + + + + + MgO.Al 2 O 3 + + + + + + + + + + + 3aO.Al 2 O 3.6H 2 O ++ 12aO.7Al 2 O 3 + + ao.al 2 O 3 1) ++ +++ ++ + ao.2al 2 O 3 2) + ++ +++ ++ + ao.6al 2 O 3 3) + ++ +++ +++ (+) faible, (++) moyenne et (+++) forte quantité La gibbsite cristalline Al(OH) 3 a été détectée entre 200 et 300 (1) ristallisation du monoaluminate de calcium (A) (2) ao.al 2 O 3 + Al 2 O 3 Æ ao.2al 2 O 3 (A 2 ) (3) ao.2al 2 O 3 + 4Al 2 O 3 Æ ao.6al 2 O 3 ( ) Tableau III.1 : Evolution des phases minéralogiques dans la matrice en fonction de la température de traitement A basse température, l observation des différentes phases est difficile. eci est peut-être dû à la structure peu cristallisée des composés, à leur faible taille ou à la présence de gel d alumine. Quand les processus de recristallisation s opèrent, on obtient des cristaux de plus grande taille dont l observation est plus aisée. Aux faibles températures, il y a coexistence de gel d alumine et d aluminates de calcium hydratés. A 110, on observe principalement l hydrate stable 3 AH 6. Avec l augmentation de température, le changement de structure des hydrates s opère petit à petit et conduit à des aluminates de calcium déshydratés et de la gibbsite cristalline. A 450, le composé 12 A 7 commence à se former à partir des aluminates de calcium déshydratés et d alumine amorphe. Il y a ensuite une augmentation de la cristallinité de la pâte avec la température. A 900, le monoaluminate de calcium (A) apparaît, suite à la réaction entre 12 A 7 et l alumine libre, sous forme de petits cristaux allongés comme on peut l observer sur la figure III.3a. Entre 1000 et 1100, le monoaluminate de calcium (A) réagit avec l alumine pour donner le dialuminate de calcium (A 2 ). La forme des cristaux de A 2 est similaire à ceux de A, c.a.d. relativement allongée (figure III.3b). A 1200, la figure III.3c montre que les cristaux de A 2 deviennent plus gros et plus globulaires. Au delà de 1300, A 2 réagit avec l alumine en excès pour donner l hexaluminate de calcium ( ), sous forme de plaquettes hexagonales caractéristiques (figures III.3d et III.3f). Sur certaines micrographies, on peut distinguer clairement les particules sphériques d alumine qui vont réagir avec le A 2 pour donner de larges cristaux hexagonaux de (figures III.3e et III.3g). 82
En marge des produits bien cristallisés, on observe parfois une phase apparemment non cristalline autour des différents cristaux de A 2 et, comme c est le cas à 1300. On peut penser qu il s agit d une phase vitreuse (figure III.3h et III.3i). A 1400, tout le A 2 est transformé en et les cristaux forment une microstructure dense et homogène (figure III.3j). Il en est de même à 1500 et 1600. On constate, avec l imagerie en mode de contraste chimique (électrons rétrodiffusés), que les grains d alumine présents dans le béton sont véritablement rongés par la réaction. A 1600, les cristaux de transpercent les grains et forment de véritables liaisons avec eux (figure III.3k et III.3l). A t : corindon A t : alumine tabulaire A t A t 200 µm Figure III.1 : Microstructure générale du béton cuit à 110 (a) 450 50 µm (b) 900 50 µm Figure III.2 : Microfissures dans le béton cuit à 450 (a) et 900 (b) 83
A (a) 900 (b) 1000 A/A 2 A 2 (c) 1200 Figure III.3 : Micrographies de la matrice 8D cuite à (a) 900 ; (b) 1000 ; (c) 1200 84
(d) 1300 (e) 1300 A 2 A 2 2 µm (f) 1300 2µm Figure III.3 : Micrographies de la matrice 8D cuite à 1300 (d), (e) et (f) 85
A 2 (g) 1300 A 2 10 µm (h) 1300 5 µm Phase vitreuse (i) 1300 2 µm Figure III.3 : Micrographies de la matrice 8D cuite à 1300 (g), (h) et (i) 86
(j) 1400 (k) 1600 A 80 µm (l) 1600 A 20 µm Figure III.3 : Micrographies de la matrice cuite à 1400 (j) et du béton à 1600, BSE (k-l) 87