Mieux connaître l islam L objectif de cette série est de favoriser une meilleure compréhension de l islam à travers deux références le Coran et la sunna, deux courants théologiques particuliers le chiisme et le soufisme, deux figures Abraham et Jésus.
Mieux connaître l islam (1) : le Coran, le Livre de Dieu L objectif de cette nouvelle série est de favoriser une meilleure compréhension de l islam à travers deux références le Coran et la sunna, deux courants théologiques particuliers le chiisme et le soufisme, deux figures Abraham et Jésus. 31 Mai 27
Mieux connaître l islam (2) : La sunna, norme de conduite Ensemble des pratiques et des enseignements du Prophète, la sunna règle la vie du croyant. 7 Juin 27
Mieux connaître l islam (3) : les imams chiites L opposition entre sunnites et chiites remonte au moment de la disparition du Prophète. Retour sur une longue histoire de luttes de pouvoir et de désirs de fidélité aux paroles du Prophète. 14 Juin 27
Mieux connaître l islam (4) : le soufisme Comment est né le soufisme, forme de mystique musulmane, où la relation maître-disciples est essentielle? 21 Juin 27
Mieux connaître l islam (5) : Abraham, père des musulmans En islam, Abraham est une figure exemplaire du croyant, le témoin de la volonté originelle de Dieu pour l homme. 28 Juin 27
Mieux connaître l islam (6) : Jésus, envoyé de Dieu En islam, Jésus s inscrit dans la lignée des prophètes monothéistes. Il opère des miracles mais demeure un envoyé de Dieu comme les autres. 5 Juil 27
Mieux connaître l islam (2) : La sunna, norme de conduite Ensemble des pratiques et des enseignements du Prophète, la sunna règle la vie du croyant. Jason Dean est chercheur associé au Centre de sociologie des religions et d éthique sociale, faculté de théologie protestante, université Marc-Bloch, Strasbourg. Le lecteur habitué aux évangiles s étonne du peu de place accordé à Muhammad dans le Coran. Destinataire d un discours direct tenu par le locuteur divin, le Prophète s efface derrière le message qu il doit transmettre. Mais cela ne veut pas dire, loin s en faut, que la personne de Muhammad soit sans importance pour les musulmans. La première génération, celle des «Compagnons» du Prophète, s est souvenue avec ardeur de celui qui les avait appelés à la foi, organisés en communauté et menés à la bataille. Elle a transmis cette mémoire à la deuxième génération. C est parmi ces «Suivants» que se recrutèrent ceux qui, les premiers, allaient faire de la transmission des faits, gestes et dires du Prophète une spécialisation. Afin de conférer un maximum de crédit aux données qu ils transmettaient, ces «traditionnistes» (muhaddith-s) mirent au point une méthode associant au texte proprement dit (matn) une chaîne de transmetteurs (isnâd) remontant au Prophète ; ces deux éléments composaient le hadith, «rapport authentifié», «tradition».
Au milieu du IIe/VIIIe siècle, les hadiths formaient une masse de matériel disparate. Comment l organiser pour produire une œuvre qui soit utile à la communauté musulmane? Deux érudits apportèrent des réponses différentes à cette question. Complétant les données traditionnelles par sa propre enquête historique, Ibn Ishâq (mort en 768) composa un récit suivi de la vie du Prophète (sîra). Quant à Mâlik b. Anas (mort en 795), il proposa une classification thématique des hadiths. Son Kitâb al-muwatta («Le Chemin aplani») est le premier traité du droit musulman (fiqh). Le principe fondateur du fiqh discernable déjà dans le Coran, qui demande aux musulmans d obéir au Prophète et de prendre exemple sur lui (Q 3,132 ; 33,21) est que l ensemble des pratiques et des enseignements du Prophète, la sunna, constitue une norme sur laquelle le croyant doit régler sa conduite. Ceux qui ont voulu marquer leur strict attachement à l exemple laissé par le Prophète et à l unité de la communauté qu il a fondée se sont désignés par l expression «Gens de la sunna et du rassemblement», sunnites, par opposition aux chiites, «partisans» de Alî (voir le troisième article de cette série). Stabilisation contre modernisation Au IIIe/IXe siècle, les deux tâches que s est données Mâlik b. Anas (collecter des hadiths, y appliquer un raisonnement juridique) se sont autonomisées. Les «traditionnistes» ont développé des critères pour juger de l authenticité des hadiths. Six collections, comprenant entre trois et six mille hadiths, ont été reconnues comme faisant autorité. Ces recueils, dont le plus célèbre est le Sahîh de Bukhârî (mort en 87), constituent la principale source textuelle de la sunna, devant les ouvrages de sîra. Quant aux juristes (fuqahâ ), ils se sont employés à codifier les obligations cultuelles ( ibâdât) et sociales (mu âmalât) des fidèles ces obligations incluent mais ne se limitent pas aux «cinq piliers» de l islam : la confession de foi (shahâda), la prière rituelle (salât), le jeûne du mois de ramadân (sawm), le pèlerinage (hajj) et l aumône légale (zakât) afin de permettre à la communauté musulmane de remplir la mission que Dieu lui a assignée : «Ordonner ce qui est convenable, interdire ce qui est blâmable.» (Q 3,14). Cette codification s est faite sur la base de principes de droit (usûl l-fiqh) dont l application est à l origine de la différenciation des écoles juridiques (madhhab voir ci-dessous). Le droit islamique reflète les conditions historiques de son élaboration. La législation concernant l apostasie, par exemple, traduit l interdépendance du religieux et du pouvoir à l époque du califat abbasside à Bagdad (75-1258). En effet, si le Coran se contente de promettre un châtiment éternel à celui qui renie la religion musulmane, la plupart des juristes de l époque classique estimeront que l apostat non repenti devrait être mis à mort. Pour justifier cette peine, ils se sont fondés sur l argument selon lequel l hérétique représente une menace pour la société. Quant à la lapidation de la femme adultère, elle est sans base coranique. Cette peine doit son introduction dans la jurisprudence musulmane à des hadiths qui se sont inspirés du droit coutumier des peuples qui composaient l empire musulman. A partir du IVe/Xe siècle, les quatre écoles de l islam sunnite se sont partagé le champ de la pensée juridique. Ce consensus a contribué à la stabilisation des sociétés musulmanes, mais en a retardé la modernisation. A la fin du XIXe siècle, le mouvement réformiste animé par Jamâl al-dîn al-afghani (1838-1897) et Muhammad Abduh (1849-195) a appelé à un nouvel «effort interprétatif» (ijtihâd) afin de penser l adaptation de l islam à la modernité économique, politique et sociale. Ce mouvement s est ensuite scindé en deux tendances encore nettement perceptibles aujourd hui : ceux qui réclament une séparation entre religion et pouvoir politique et ceux qui militent pour l établissement d une théocratie sur le modèle de la première communauté musulmane. La recherche d une forme de pratique religieuse compatible avec une participation aux institutions
laïques des sociétés au sein desquelles vivent les musulmans en Europe et en Amérique du Nord (parfois appelée «charia de minorité») représente une tentative de sortir de cette polarisation. Bénéficiant de la sollicitude de certains acteurs politiques, ce courant de pensée ne fait pas l unanimité des élites musulmanes, dont certaines craignent une tentative déguisée de restaurer le pouvoir des ulémas (spécialistes du savoir religieux). Les quatre écoles juridiques de l islam sunnite L école mâlikite de Mâlik b. Anas (712-795) privilégie l opinion personnelle (ra y) et le raisonnement par analogie (qiyâs). Le mâlikisme s est répandu en Afrique du Nord, au Soudan et sur la côte orientale de la péninsule arabique. Fondée par Abû Hanîfa (699-767), l école hanafite se caractérise par l importance accordée au Coran et par un effort de limiter le recours au raisonnement par analogie. Le hanafisme est pratiqué aujourd hui en Turquie, en Asie centrale turque, en Afghanistan et au Pakistan. En réaction au hanafisme, Muhammad b. Idrîs al-shâfi î (767-82) accorda une place prépondérante aux hadiths et au consensus (ijmâ ). L école shaféite s est développée en Afrique orientale, en Indonésie et dans certaines régions d Arabie. L école hanbalite de Ahmad b. Hanbal (78-855) est la plus dogmatique des quatre. Se fondant quasi exclusivement sur le Coran et la sunna, elle rejette toute interprétation personnelle et restreint la notion de consensus à la seule génération des Compagnons. Appliqué dans plusieurs Etats du Golfe arabo-persique, le hanbalisme est la doctrine juridique officielle de l Arabie Saoudite.