NOTRE-DAME DE GRÂCE DE PASSY Pour le carême 2016, nous proposons à ceux qui le souhaitent de se regrouper à quelques uns pour trois temps d échanges et de prière, chez l un ou chez l autre. Ce peut être dans un immeuble ou à proximité. Le document que vous avez entre les mains constitue un guide, aux instructions légères. Un texte de François, un texte d Evangile, quelques questions pour favoriser un échange fructueux. Vous pouvez vous adresser à un des membres de l équipe pastorale si vous souhaitez des compléments d information, mais nous ne pourrons pas passer dans les équipes. L année jubilaire de la miséricorde divine fournit un thème qu il n est pas inutile d approfondir un peu. Pour beaucoup, le mot ne désigne pas une réalité très claire, sans doute aussi parce qu il n appartient pas au vocabulaire courant. On identifie souvent «miséricorde» à «pardon». Ce n est pas faux, mais cela est trop restrictif. Les deux mots hébreux que traduit le mot «miséricorde» ont une signification plus large. Ceux-ci expriment à la fois la fidélité à une parole donnée et l affection viscérale envers quelqu un. On peut donc dire que le mot «miséricorde», dans la tradition biblique, est un mot qui désigne l action de Dieu qui se fait proche en vue de prendre soin de quelqu un, de le sauver d une situation périlleuse qui le met en danger ou qui avilit sa dignité. La miséricorde est donc d abord divine, puisqu elle désigne une action divine. Pour faire bref, le premier à bénéficier de cette action miséricordieuse, c est le peuple hébreu, sorti de l esclavage en Egypte. Mais ce peut aussi être Caïn, protégé de la vengeance meurtrière, ou Abraham, car Dieu se fait proche de lui en l appelant. Vous pouvez ainsi revoir les différentes figures de l histoire sainte et découvrir de quelle manière Dieu s est ainsi fait proche. Derrière ses interventions, on discerne qu il est question de vie ou de mort. Mais, il y a aussi davantage. Ces diverses manières de proximité divine préparent la manière la plus étroite, celle destinée à être la plus puissante : Jésus, Fils de Dieu fait homme. C est ainsi que commence le texte qui institue l année de la miséricorde : «Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier. ( ) Nous avons toujours besoin de contempler le mystère de la miséricorde» (n 1 et 2).
1. Connaître Dieu Dieu, «qui habite une lumière inaccessible» (1 Tm 6, 16), parle aussi à l'homme à travers l'image du cosmos : en effet, «ce qu'il a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité» (Rm 1, 20). Cette connaissance indirecte et imparfaite, œuvre de l'intelligence qui cherche Dieu dans le monde visible à travers ses créatures, n'est pas encore la «vision du Père». «Nul n'a jamais vu Dieu», écrit saint Jean pour donner plus de relief à la vérité selon laquelle «le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l'a révélé» (Jn 1, 18). Cette «révélation» manifeste Dieu dans l'insondable mystère de son être -un et trineentouré «d'une lumière inaccessible» ; cependant, dans cette «révélation» du Christ, nous connaissons Dieu d'abord dans son amour envers l'homme, dans sa «philanthropie» (cf. Tt 3, 4). Là, «ses perfections invisibles» deviennent «visibles», incomparablement plus visibles qu'à travers toutes les autres œuvres «accomplies par lui» : elles deviennent visibles dans le Christ et par le Christ, dans ses actions et ses paroles, et enfin dans sa mort sur la croix et sa résurrection. Ainsi, dans le Christ et par le Christ, Dieu devient visible dans sa miséricorde, c'est-à-dire qu'est mis en relief l'attribut de la divinité que l'ancien Testament, à travers différents termes et concepts, avait déjà défini comme la «miséricorde». Le Christ confère à toute la tradition vétérotestamentaire de la miséricorde divine sa signification définitive. Non seulement il en parle et l'explique à l'aide d'images et de paraboles, mais surtout il l'incarne et la personnifie. Il est lui-même, en un certain sens, la miséricorde. Pour qui la voit et la trouve en lui, Dieu devient «visible» comme le Père «riche en miséricorde» (Ep 2, 4). Jean-Paul II, Dieu riche en miséricorde, 1980, n 2. I 2. Le bon Samaritain Prendre le texte dans votre Evangile en Saint Luc 10, 25-37 Pourquoi vous semble-t-il important de rappeler à propos de la miséricorde divine qu il s agit d une révélation? Comment se manifeste la miséricorde et à qui? En avez-vous bénéficié? Qu est-ce que la parabole donnée par Jésus apporte pour comprendre le commandement de l amour du prochain : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même»? Est-ce une indication utile? Une interprétation de la parabole associe le Samaritain à Jésus, l homme blessé à l Humanité, l aubergiste à l Eglise. Qu en pensez-vous? En voyez-vous des prolongements pratiques?
1. Miséricorde et justice «La miséricorde est le propre de Dieu dont la toute-puissance consiste justement à faire miséricorde.» Ces paroles de saint Thomas d Aquin montrent que la miséricorde n est pas un signe de faiblesse, mais bien l expression de la toute-puissance de Dieu. II François, Le visage de la miséricorde, 2015, n 6. Il n est pas inutile de rappeler le rapport entre justice et miséricorde. Il ne s agit pas de deux aspects contradictoires, mais de deux dimensions d une unique réalité qui se développe progressivement jusqu à atteindre son sommet dans la plénitude de l amour. La justice est un concept fondamental pour la société civile, quand la référence normale est l ordre juridique à travers lequel la loi s applique. La justice veut que chacun reçoive ce qui lui est dû. Il est fait référence de nombreuses fois dans la Bible à la justice divine et à Dieu comme juge. On entend par là l observance intégrale de la Loi et le comportement de tout bon Israelite conformément aux commandements de Dieu. Cette vision est cependant souvent tombée dans le légalisme, déformant ainsi le sens originel et obscurcissant le sens profond de la justice. Pour dépasser cette perspective légaliste, il faut se rappeler que dans l Ecriture, la justice est essentiellement conçue comme un abandon confiant à la volonté de Dieu. Pour sa part, Jésus s exprime plus souvent sur l importance de la foi que sur l observance de la loi. C est en ce sens qu il nous faut comprendre ses paroles, lorsqu à table avec Matthieu et d autres publicains et pécheurs, il dit aux pharisiens qui le critiquent : «Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs» (Mt 9, 13). En face d une vision de la justice comme simple observance de la loi qui divise entre justes et pécheurs, Jésus indique le grand don de la miséricorde qui va à la recherche des pécheurs pour leur offrir le pardon et le salut. On comprend alors pourquoi Jésus fut rejeté par les pharisiens et les docteurs de la loi, à cause de sa vision libératrice et source de renouveau. Pour être fidèles à la loi, ils posaient des poids sur les épaules des gens, rendant vaine la miséricorde du Père. Le respect de la loi ne peut faire obstacle aux exigences de la dignité humaine. 2. La femme adultère Prendre le texte dans votre Evangile en Saint Jean 8, 1-11. Même texte, n 20. Quelle différence entre justice et miséricorde? Peut-on concevoir une miséricorde sans justice? Si la miséricorde désigne le propre de Dieu, elle doit être abyssale. En quoi est-elle signe de puissance et non de faiblesse? Qu en pensez-vous?
III 1. Œuvres de miséricorde Il y a des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l agir du Père. C est la raison pour laquelle j ai voulu ce Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, comme un temps favorable pour l Eglise, afin que le témoignage rendu par les croyants soit plus fort et plus efficace. François, Le visage de la miséricorde, n 3. Pour être capable de miséricorde, il nous faut donc d abord nous mettre à l écoute de la Parole de Dieu. Cela veut dire qu il nous faut retrouver la valeur du silence pour méditer la Parole qui nous est adressée. C est ainsi qu il est possible de contempler la miséricorde de Dieu et d en faire notre style de vie. Même texte, n 13 J ai un grand désir que le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l Evangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine. La prédication de Jésus nous dresse le tableau de ces œuvres de miséricorde, pour que nous puissions comprendre si nous vivons, oui ou non, comme ses disciples. Redécouvrons les œuvres de miséricorde corporelles : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. Et n oublions pas les œuvres de miséricorde spirituelles : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts. Même texte, n 15. 2. Comme le Père Evangile selon saint Luc 6, 36. Aussi, se replonger dans l Evangile selon saint Matthieu 5-7. Qu est-ce qui caractérise le Chrétien? Est-il comptable d une Loi ou d autre chose? Où puise-t-il son énergie? Pourquoi parle-t-on d «œuvres de miséricorde»? N est-ce pas un peu désuet? Au contraire, cela est-il éclairant? Cette réflexion vous donne-t-elle des idées pratiques?