«Stratégies d'élimination de l'azote d'un effluent urbain dans un réacteur discontinu séquentiel (SBR)»



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Article «Stratégies d'élimination de l'azote d'un effluent urbain dans un réacteur discontinu séquentiel (SBR)» M. Casellas, C. Dagot et M. Baudu Revue des sciences de l'eau / Journal of Water Science, vol. 15, n 4, 2002, p. 749-765. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/705479ar DOI: 10.7202/705479ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'uri https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'université de Montréal, l'université Laval et l'université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'érudit : info@erudit.org Document téléchargé le 11 October 2015 01:05

REVUE DES SCIENCES DE L'EAU, Rev. Sci. Eau 15/4(2002) 749-765 Stratégies d'élimination de l'azote d'un effluent urbain dans un réacteur discontinu séquentiel (SBR) Stratégies of nitrogen removal from urban wastewater in a sequencing batch reactor M. CASELLAS 1-2, C. DAGOT * \ M. BAUDU Reçu le 24 janvier 2002, accepté le 8 juillet 2002** SUMMARY Wastewater treatment by a Sequencing Batch Reactor (SBR) provides an alternative solution to activated sludge treatment, by carrying out carbon treatment, liquid-solid séparation and nutrient removal in a single tank, thanks to the appropriate management of the temporal reaction cycles. Alternating the aération and anoxie phases, followed by a décantation period, leads, in theory, to the almost total removal of nitrate ions formed during the aérobic nitrification phase. However, depending on the applied load, the carbon that is totally degraded during the preliminary aération phase, cannot be used as a source of carbon for exogenic denitrification. Several solutions are possible in order to accelerate denitrification: one consists of lengthening sufficiently the second anoxie phase to treat the residual nitrate ions during the endogenous denitrification process; another strategy involves reducing the aérobic reaction time, while increasing the frequency of aerobic/anoxic séquences in order to préserve residual carbon during denitrification. A third solution lies in the addition of a source of exogenic carbon after the nitrification stage, to allow a quicker and more efficient assimilation of the nitrate ions that are formed (exogenic denitrification). This article compares the results of reducing carbon and nitrogen in wastewater, using three types of opération. The cycle of référence has been established starting from previous bibliographical results (WUN JERN and DROSTE, 1989) and simulations using the model ASM1 (HENZE et al, 1986). It consists of an anoxie feeding, followed by an anoxie phase, then an aérobic phase and another anoxie phase. The 1. Laboratoire des sciences de l'eau et de l'environnement, Faculté des sciences ENSIL, Parc ESTER, 16 rue Atlantis, 87068 Limoges cedex, France. 2. HERMEXZI, 45270 Bellegarde. * Correspondance. E.mail : dagot@ensil.unilim.fr ** Les commentaires seront reçus jusqu'au 30 juillet 2003.

750 Rev. Sci. Eau, 15(4), 2002 M. Casellas et al. cycle ends by the settling and decanting phases. The lengths of thèse différent phases are: 1 h, 0.5 h, 4.5 h, 3.25 h, 1 h, 1 h. This référence cycle, carried out at the laboratory, leads to the élimination of 90% of the Chemical Oxygen Demand (COD), 95% of the Biological Oxygen Demand (BOD 5 ) and more than 80% of total nitrogen, i.e. with residual concentrations of 60 mg-l -1 for the Dissolved Organic Carbon (DOC), 5 mg-l -1 for the Biological Oxygen Demand, and 10 mg-l" 1 for total nitrogen. Thèse results are comparable with those in the literature (IRVINE et al, 1987 ; MELCER et al, 1987 ; YANG et al, 1999). The results obtained during the référence cycle enabled us to reach a rate of total nitrogen removal of 85% and a global nitrogen concentration in the effluent of 11 mg-l -1. Nitriflcation and denitrification rates yielded values of 0.8 mg N-NHJ-gMVS- 1 * 1 and 0.8 mg N-NOj-gMVS^-h 1 respectively. Total nitrogen removal was not completely achieved because of the lack of available carbon. This lack of carbon favours endogenic denitrification, characterized by a slow denitrification rate 0.8 mg N-NOj-mgMVS^-h" 1, compared to exogenic denitrification characterized by a higher nitrogen réduction rate (about 2 mg N-NOj-mgMVS^-h" 1 ). This fact was experimentally confirmed with carbon addition in the form of acétate at the beginning of the second anoxie phase. In this case, carbon addition significantly improves the denitrification rate compared to the same experiment without exogenic carbon addition: 2 mg N-NOj-mgMVS^h" 1 versus 0.8 mg N-NOj-mgMVS" 1 *- 1. However, this method raises operating costs for the process. In order to reach complète nitrogen removal without the addition of synthetic carbon, it is possible to increase the anoxie phase time scale f'roni 3 hours to 15 hours. Although the results in term of carbon and nitrogen removal are satisfactory when the anoxia phase is lengthened, the concentration in the discharged effluent is 0.33 mg total N-L" 1, and thus this technique decreases the productivity of the SBR. The feeding cycles of a biological reactor being variable, a régulation based on the use of the évolution of the ph, or the redox potential, can be considered (PAVELJ et al, 2001; ANDREOTTOLA étal, 2001). This régulation would make it possible to adapt the duration of the phases of anoxia to the necessary treatment. To overcome this drawback, a possible approach consists in replacing the aerobic/anoxic phase in the référence cycle by five aerobic/anoxic phases during the same time. Unfortunately, this method leads to a decrease in nitrogen removal and in the nitriflcation rate, compared to classical cycle (65% versus 85%, and 0.4 mg N-NOj-mgMVS-^h" 1 versus 0.8 mg N- NOj-mgMVS" 1^-1, respectively). The nitriflcation rate is, in this case, half that obtained in the référence cycle, probably due to delays related to the induction of nitriflcation and denitrification. This strategy, consisting of increasing the aeration/no aération frequency, has to be optimized in term of nitriflcation and denitrification ratios. A better solution from the économie and productivity points of view is the addition of wastewater at the beginning of anoxie phase. This strategy implies the modification of the cycle. First, after the anoxie feeding, an aérobic phase allows carbon and nitrogen oxidation. In order to supply an available carbon source for exogenic denitrifeation, a second feeding is introduced at the beginning of the second anoxie phase. This addition also contains ammonium ions and implies new nitriflcation and denitrification steps. This last denitrification phase is then endogenic. Carbon addition in the form of wastewater leads to an improvement in nitrogen removal. The exogenic denitrification rate is twice the value for endogenous denitrification for the same cycle of opération (1.6 mg N-NOj-gMVS-^h" 1 versus 0.9 mg N-NOj-gMVS^h" 1 respectively). This strategy yields a final concentration of 3 mg N-L" 1 and the nitriflcation and denitrification rates are similar to those of the traditional processes.

Stratégies d'élimination de l'azote d'un effluent urbain dans un réacteur discontinu séquentiel (SBR) 751 In conclusion, the addition of synthetic carbon in the form of acétate must be preserved as a means of acting quickly in the event of dysfunction (that can be detected by monitoring the redox potential or the ph), although this technique significantly increases the cost of opération. Although the best économie solution to improve denitrification is carbon addition in the form of wastewater, other stratégies can be undertaken according to the goals of the treatment process. When the wastewater load is sufficiently weak (night period), the endogenous phase of denitrification can be lengthened. In the event of an important load, carbon addition (in synthetic form or as waste water) makes it possible to eliminate the nitrate ions exogenically. Key-words: SBR, nitrogen, nitrification, denitrification. RESUME Le traitement des effluents urbains par réacteurs discontinus séquentiels (SBR : Sequencing Batch Reactor) constitue une solution alternative aux traitements par système à boue activée en effectuant le traitement du carbone, la séparation liquide solide et l'élimination des nutriments au sein d'un bassin unique grâce à une gestion adéquate des cycles temporels de réaction. L'alternance de phases aérées et anoxiques suivie d'une période de décantation conduit en théorie à l'élimination quasi totale des ions nitrate formés lors de la phase de nitrification aérobie. Cependant, selon la charge appliquée, le carbone totalement dégradé lors de la phase préliminaire d'aération ne peut servir de source de carbone pour la denitrification exogène. Afin d'accélérer la denitrification, plusieurs solutions sont possibles : l'une consiste à allonger la deuxième phase d'anoxie suffisamment longtemps pour traiter les ions nitrate résiduels au cours d'un processus de denitrification endogène, l'autre à diminuer le temps de réaction aérobie tout en augmentant la fréquence des séquences aérobie/anoxie afin de conserver du carbone résiduel lors de la denitrification. Une troisième solution réside dans l'ajout d'une source de carbone exogène suite à l'étape de nitrification de manière à permettre une assimilation plus rapide et plus efficace des ions nitrate formés (denitrification exogène). L'article compare les résultats d'abattement sur le carbone et l'azote d'une eau usée urbaine en utilisant les trois types de fonctionnement. Il en résulte la définition d'une stratégie globale de contrôle du procédé, chacun des scénarii pouvant être privilégié en fonction de la qualité de l'effluent de départ et des contraintes de traitement. Mots clés : SBR, azote, nitrification, denitrification. 1 - INTRODUCTION La présence d'ions nitrate dans les eaux engendre trois principaux impacts : 1) sanitaire en étant cause potentielle de methemoglobine et source de nitrosamines ; 2) écologique en contribuant aux phénomènes d'eutrophisation ; 3) économique en augmentant le coût de production d'eau potable. La réduction de la concentration en composés azotés dans les eaux de surface ou les eaux souterraines a engendré la définition de stratégies nationales

752 Rev. Sci. Eau, 15(4), 2002 M. Casellas étal. de limitation des intrants (utilisation rationnelle des engrais, Code des bonnes pratiques agricoles (arrêté du 22 novembre 1993)) et le traitement des effluents rejetés en zone sensible. Notamment, l'arrêté du 22 décembre 1994 (JO du 10 février 1995) prévoit de limiter dans les zones sensibles la concentration en azote global (NGL) en sortie de stations d'épuration à 10 à 15 mg-lr 1 selon la capacité de la station, ou d'assurer un rendement minimum de 70 % à 80 % de réduction de la charge azotée. L'élimination biologique de l'azote d'une eau usée nécessite deux phases distinctes : 1) Une nitrification autotrophe aérobie, correspondant à l'oxydation des ions ammonium en ions nitrite (réaction de nitritation effectuée notamment par les micro-organismes du genre Nitrosomonas) ; les ions nitrite sont ensuite oxydés en ions nitrate (réaction de nitratation effectuée notamment par les micro-organismes du genre Nitrobacter) selon les réactions proposées (1) et (2) (EDELINE, 1993) : Nitritation : 55NH + 4 + 76Q, +109HCO 3 -> C 5 H T N0 2 + 54A/0 2 + 57H 2 0 +104H 2 CO 3 (1 ) Nitratation : 400A/O 2 + A/H; + 4H 2 C0 3 + HCO~ +1950 2 -* C 5 H 7 N0 2 + 3H 2 0 + 400A/O 3 (2) 2) La denitrification hétérotrophe consiste en la réduction des ions nitrate en diazote gazeux par une flore banale anaérobie facultative (certains Pseudomonas sp.). Elle nécessite une source de carbone pouvant provenir soit de l'effluent à traiter (on parlera de denitrification exogène, réaction 3), soit d'une source de carbone associée aux micro-organismes dénitrifiants (on parlera alors de denitrification endogène, réaction 4). La denitrification endogène est considérée classiquement jusqu'à cinq fois plus lente que la denitrification exogène (METCALF et EDDY, 1991). Denitrification exogène : A/0 3 + 0,345C 10 H 19 A/O 3 + H + + 0,267HC0 3 + 0,267A/H 4 + (3) -* 0,5A/ 2 +0,655CO 2 +0,612C s H 7 O 2 W + 2,3H 2 O Denitrification endogène (CHRISTENSEN et HARREMOES, 1978) : /V0 3 + H + + 0,25C 5 H 7 N0 2 -> 0,5N 2 +1,25C0 2 + 0,25/VH 3 + H 2 0 (4) Les procédés de denitrification de l'azote contenu dans les eaux usées urbaines proposent généralement de favoriser la denitrification exogène par l'utilisation du carbone contenu dans l'effluent d'entrée. Les systèmes traditionnels consistent en la succession d'un bassin anoxique en tête de traitement suivi d'un bassin aéré, couplé à un recyclage important de la liqueur mixte (de l'ordre de 400 % (VA/)) du bassin aéré vers le bassin anoxique. Un deuxième type de procédé consiste en un syncopage de l'aération afin de conserver du carbone disponible pour la denitrification : il s'agit alors d'al-

Stratégies d'élimination de l'azote d'un efficient urbain dans un réacteur discontinu séquentiel (SBR) 753 terner des périodes d'aération et de non aération au sein du même bassin afin de stimuler des phases de nitrification aérobie et de dénitrification anoxique (PLISSON-SAUNE étal., 1996 ; CHEN étal., 2001). Les procédés séquentiels type SBR («Sequencing Batch Reactor»), alternant des phases de réaction et de décantation, offrent une alternative viable au couplage du traitement du carbone avec l'élimination de l'azote : la nitrification et la dénitrification peuvent être conduites dans une même cuve, simultanément au traitement du carbone selon deux étapes séparées dans le temps et correspondant à des périodes d'aération ou d'arrêt de l'aération (KELLER et al., 1997). Plusieurs stratégies de conduite du SBR sont possibles selon que le cahier des charges impose le traitement du carbone et l'élimination plus ou moins rapide de l'azote, voire du phosphore. Cependant le principe même du fonctionnement en SBR impose une phase de traitement du carbone et de nitrification de l'azote ammoniacal préalablement à l'étape de dénitrification. Il en résulte un manque crucial de carbone pour favoriser une dénitrification exogène rapide. Les utilisateurs du SBR contournent ce problème par différentes stratégies : - en gérant l'apport de la source de carbone par des remplissages multiples (YALMAZefa/., 2001) ; - par des phases de remplissage judicieusement choisies pendant les phases de décantation et de vidange (KELLER et al., 2001) ; - par l'ajout de carbone exogène (sous forme de méthanol) lorsque l'effluent est très chargé en azote (LOUKIDOU étal., 2001) ; - par la gestion de la disponibilité du carbone via l'optimisation de l'apport d'oxygène en alternant des phases aérobies et anoxiques (RODRIGUES et al., 2001). L'objectif de l'étude est de proposer des voies de gestion de la vitesse d'élimination de l'azote dans un réacteur unique par une comparaison des différentes techniques. Dans un premier temps, nous confirmons que la limitation de la vitesse d'élimination de l'azote se situait dans le mode de réduction de l'azote : utilisation ou non de carbone extracellulaire au cours de la phase de dénitrification. Dans un second temps, trois types de gestion du SBR sont proposés afin d'optimiser la dénitrification : - gestion du temps par l'allongement de la phase d'anoxie ; - gestion de l'aération par séquençage de l'apport d'oxygène ; - gestion du carbone disponible par séquençage de l'apport d'eau usée. Ce travail compare les résultats d'abattement sur le carbone et l'azote contenus dans une eau usée urbaine dans ces différents cas. Il en résulte la définition d'une stratégie globale de contrôle du procédé, chacun des scénarii pouvant être privilégié en fonction de la qualité de l'effluent de départ et des contraintes de traitement.

754 Rev. Sci. Eau, 15(4), 2002 M. Casellas et al. 2 - MATERIELS ET METHODES 2.1 Efficient L'effluent utilisé est une eau usée urbaine (Limoges, France) dégrillée et dessablée. La qualité de l'effluent est variable hebdomadairement en raison de la présence d'une fraction d'eau industrielle (figure 1).! % o E O O Q 700 600 500 - -. m. 400 - - 300 200 100 0-liMJ, 1 Mar Me J V S Jours de la semaine 1 I ^ 60 - ë, 50 - <p S 40-1 30- >. 1 20- lio. Z o - ["> [ > n - r, -.. - -n 'i' M h *> V M U 'i 1 M M M* M M ' Mar Mer J V S Jours de la semaine Figure 1 Variabilité des concentrations de l'eau d'entrée de la station d'épuration de Limoges. Variability of the incoming water concentrations at the Limoges wastewater treatment plant. 2.2 Réacteurs 2.2.1 Laboratoire (expériences 1 à 4) Le SBR est constitué d'un réacteur de 2 L utiles agité (80 rpm), instrumenté (ph, potentiel redox, température, oxygène), régulé en oxygène (20 % de la saturation) et en température (15 C) et muni d'un système d'acquisition. L'alternance des phases d'alimentation, de réaction, de décantation, de purge et de soutirage des boues est assurée par un programme de commande. La concentration en biomasse est stabilisée à 2 gmvs-l -1 par une purge de boues décantées. Le taux de renouvellement du réacteur est fixé à 45 %. Le cycle noté ci-après «cycle de référence» est réalisé au laboratoire (tableau 1). Il est comparé aux expériences d'allongement de la phase d'anoxie (tableau 2) et d'augmentation de la fréquence des phases aérobies /anoxiques (tableau 3). 2.2.2 Echelle semi-industrielle (expérience 5) Le SBR a un volume utile de 1 320 L, est agité (40 rpm en aérobie et 30 rpm en anoxie), instrumenté (ph, potentiel redox, oxygène dissous, turbidité, conductivité, température) et muni d'un système d'acquisition (OPC Data Ser-

Stratégies d'élimination de l'azote d'un effluent urbain dans un réacteur discontinu séquentiel (SBR) 755 Tableau 1 Table 1 Cycle de référence. Décomposition des étapes du cycle exprimées en pourcentage de la durée totale. Référence cycle. Individual steps in the cycle are expressed as a percentage of the total duration. Anoxie 1 (dont remplissage) 12,5% (dont 8,2% pour le remplissage) Aérobie 1 Anoxie 2 Aérobie 2 Décantation Vidange Repos 37,5 % 27,1 % 2,1 % 20,8 % Tableau 2 Table 2 Allongement de la phase d'anoxie. Décomposition des étapes du cycle exprimées en pourcentage de la durée totale. Lengthening of the anoxie phase. Individual steps in the cycle are expressed as a percentage of the total duration. Anoxie 1 (dont remplissage) 6,3 % (dont 2,1 % pour le remplissage) Aérobie 1 Anoxie 2 Aérobie 2 Décantation Vidange Repos 18,75% 63,54 % 1 % 10,4% Tableau 3 Table 3 Augmentation de la fréquence des phases aérobie/anoxie. Décomposition des étapes du cycle exprimées en pourcentage de la durée totale. Increase in the frequency of aérobic/anoxie phases. Individual steps in the cycle are expressed as a percentage of the total duration. Anoxie 1 (dont remplissage) Motif Aérobie 1/Anoxie 2 répété 5 fois au cours du cycle de 12 h Décantation Vidange Repos 12,5% (dont 8,3% pour le remplissage) 66,7 % 20,8 % ver Schneider). L'apport d'oxygène est régulé entre 2 et 5 mg0 2 -L~ 1. Les différentes étapes du cycle sont commandées par un automate (TSX Premium, Télémécanique). La concentration en biomasse et le taux de renouvellement sont identiques aux expériences de laboratoire. Une quantité de carbone, sous forme d'eau usée, peut être ajoutée au début de la phase anoxie 2 du cycle de référence, dans une proportion steechiométrique selon la réaction n 3. La décomposition des différentes étapes du cycle est reportée dans le tableau 4. Les durées globales des différents cycles, les charges massiques appliquées et les temps de séjour hydrauliques sont reportés dans le tableau 5.

756 Rev. Sci. Eau, 15(4), 2002 M. Casellas et al. Tableau 4 Table 4 Ajout de carbone sous forme d'eau usée. Décomposition des étapes du cycle exprimées en pourcentage de la durée totale. Carbon addition in the form of waste water. Individual steps in the cycle are expressed as a percentage of the total duration. Anoxie 1 (dont remplissage 1) 12,5% (dont 1,75%) Aérobie 1 Anoxie 2 (dont remplissage 2) 25% 16,6% (dont 0,3 %) Aérobie 2 Anoxie 3 Aérobie 3 Décantation Vidange Repos 8,3 % 25% 2,1 % 10,4% Tableau 5 Table 5 Durée globale des cycles, temps de rétention hydraulique, charge massique. Overall length of the cycles, hydraulic rétention time, organic load. Cycle Durée globale (h) Temps de rétention hydraulique (j) Charge massique (kgdb0 5 kgmes- 1 Cycle" 1 ) Cycle de référence 12 1 0,06 Allongement de la phase d'anoxie Augmentation de la fréquence des phases aérobie/anoxie Ajout de carbone sous forme d'eau usée 24 2 0,06 12 1 0,06 24 2 0,04 Les suivis horaires des cycles de fonctionnement à l'échelle du laboratoire et à l'échelle semi-industrielle sont réalisés après stabilisation de la concentration en MES afin d'établir un état «pseudostationnaire». 2.3 Méthodes analytiques Les concentrations des différents constituants contenus dans les eaux d'entrée et de sortie sont caractérisées selon les méthodes normalisées : DCO (NF T 90-101), azote Kjeldhal (ISO 5663-1984 (F)), matières en suspension (NF T 90-105-1), ions nitrate et nitrite (NF EN 10304-2). La concentration en ions ammonium est mesurée sur les eaux d'entrée et de sortie par chromatographie ionique (DIONEX DX 100). Les mesures de carbone organique dissous (COD) sont effectuées par un analyseur de carbone (O.l. analytical modèle 1010).

Stratégies d'élimination de l'azote d'un effluent urbain dans un réacteur discontinu séquentiel (SBR) 757 3 - RESULTATS 3.1 Mise en évidence des limites du traitement de l'azote 3.1.1 Cycle de référence (expérience 1) Le cycle de référence (tableau 1) établi à partir de résultats bibliographiques (WUN JERN et DROSTE, 1989) et de simulations utilisant le modèle ASM1 (HENZE et al., 1986) et effectué au laboratoire aboutit à l'élimination de 90 % de la DCO, 95 % de la DBO s, et plus de 80 % de l'azote total, soit à des concentrations résiduelles de 60 mg-l -1 pour la DCO, 5 mg-l" 1 pour la DB0 5, et 10 mg-l -1 pour l'azote total (tableau 6). Ces résultats sont comparables à ceux de la littérature (irvlneef a/., 1987 ; MELCER ef a/., 1987 ; YANGefa/., 1999). f Anoxie 900 -, 1 150 - Aérobie 1 Anoxie 2 Décantation Vidange Repos - 25 -' 50 -, ^V_- 20 0 - B^*"*~^ " 15-50- ^"-n 10 100- f V 100 ] 5 ISO J AUÏfj ' i i i i 1 1 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 % Durée cycle 35 30 8 Figure 2 Cycle de référence. Évolution des concentrations en ions nitrate ( ), ions ammonium (x), carbone organique dissous (C0D) ( ) et du potentiel redox (trait plein). Échelle du laboratoire. Expérience 1. Référence Cycle. Evolution of the concentrations of nitrate ions (m), ammonium ions (x), dissolved organic carbon DOC ( ) and of 0RP (Ml Une). Lab scale. Experiment 1. Au cours de la deuxième phase d'anoxie (anoxie 2), la concentration en ions nitrate diminue, alors que la concentration en carbone organique dissous résiduel (difficilement biodégradable) ne varie pas de manière significative (figure 2). L'élimination de l'azote résulte d'un phénomène de dénitrification endogène, sans utilisation de carbone exogène. Le potentiel redox atteint - 100 mv lors de la première phase d'anoxie, valeur caractéristique de la fin de l'élimination des ions nitrate (figure 2, phase anoxie 1) mais n'atteint qu'une valeur de 0 mv lors de la deuxième phase d'anoxie (anoxie 2). La dénitrification est incomplète dans le temps de fonctionnement dédié à cette phase. La vitesse de réduction des ions nitrate (0,8 mgn-nog-gmvs" 1 -h" 1 ) est dans la gamme des valeurs usuelles rencontrées pour des processus de dénitrification endogène (tableau 6).

Tableau 6 Table 6 Comparaison des taux d'abattement de l'azote global et des concentrations en azote global de sortie obtenus pour les différents modes de fonctionnement. Comparison of total nitrogen abatement rates and of total outgoing nitrogen concentrations for the various operating modes. Cycle de référence : état stationnaire Expérience 1 Ajout d'acétate Expérience 2 Allongement de la phase d'anoxie Expérience 3 Alternance des phases aérobies et anoxiques Expérience 4 Ajout de carbone sous forme d'eau usée pour les procédés Expérience 5 Norme (91271) Vitesses usuelles continus (EDELINE, 1993) Concentration en azote global en sortie (mgn/l) Abattement azote global (%) Vitesse de nitrification (mgl\l-nh 4 + -gmvs- 1 -h- 1 ) 11 0,5 0,33 24 3 10/15 85 99 92 65 92 70/80 0,8(15 C) 0,8(15 C) 0,8(15 C) 0,4(15 C) 1,6(20 C) 2(10 C) 11,5 (25 C) Vitesse de dénitrification (mgl\l-l\lu 3 -gmvs- 1 -h- 1 ) 0,8(15 C) 2(15 C) 0,8(15 C) 0,7(15 C) 0,9 (endogène) (20 C) 1,6(exogène) (20 C) 0,5-1,5(endogène) (15 C) 2,7(exogène) (15 C)

Stratégies d'élimination de l'azote d'un effluent urbain dans un réacteur discontinu séquentiel (SBR) 759 Ce mode de fonctionnement privilégie un phénomène de dénitrification endogène à vitesse lente au dépend d'une dénitrification exogène plus rapide (2 mgn-n0 3 "-gmvs" 1 -rr 1 ). Ce phénomène est lié à la non disponibilité d'une source de carbone exogène facilement biodégradable comme le démontre l'expérience suivante. 3.1.2 Ajout d'une source de carbone assimilable (expérience 2) Afin de pallier le déficit de substrat carboné constaté lors de l'expérience précédente, une source de carbone assimilable est ajoutée au début de la deuxième phase d'anoxie sous forme d'acétate (figure 3). La dénitrification est alors décrite par l'équation (5). CH 3 COOH +1,14HN0 3 -» 0,1C 5 H 7 A/0 2 +1,5C0 2 +1,08H 2 O + 0,52A/ 2 +1,14H 2 0 (5) La figure 3 montre que cet ajout améliore sensiblement l'élimination des ions nitrate par un processus de dénitrification exogène, le taux d'azote total éliminé avoisinant les 99 %. Anoxiel 10 20 30 40 50 60 % Durée cycle 70 80 90 100 Figure 3 Identification de la limitation à la dénitrification. Évolution des concentrations en ions nitrate avec ou sans rajout d'acétate de sodium (a, ) et du potentiel redox avec (trait fin) ou sans (trait gras) rajout d'une source de carbone. Échelle du laboratoire. Expérience 2. Identification of factors limiting denitrification. Evolution of the concentrations of nitrate ions with or without sodium acétate addition (m, a) and 0RP with (thin Une) or without (bold Une) addition of a carbon source. Lab scale. Experiment2. Le potentiel redox lors de la phase anoxie 2 atteint - 100 mv comme dans la phase d'anoxie 1 de l'expérience précédente (figures 2 et 3). La vitesse de dénitrification obtenue avec ajout d'acétate est 2,5 fois plus grande que celle obtenue précédemment (2 mgn-n0 3 "-mgmvs" 1 -h" 1 contre 0,8 rngn- N0 3 "-mgmvs" 1 -rr 1 ) et voisine des valeurs de vitesses de dénitrification exogène usuellement rencontrées en station d'épuration (tableau 6). Ainsi, la vitesse de dénitrification dans un cycle classique de fonctionnement d'un SBR étant limitée par la quantité de carbone disponible facilement assimilable, il est nécessaire d'établir de nouvelles stratégies de gestion des phases.

760 Rev. Sci. Eau, 15(4), 2002 M. Casellas et al. L'amélioration de l'élimination de l'azote passe par la mise en place de différentes stratégies ; ces différentes stratégies sont : - une gestion du temps de réaction ; - une gestion de la source de carbone assimilable par la gestion de l'apport d'oxygène ; - une gestion de la source de carbone par la gestion de l'alimentation. Le potentiel redox indique sur les figures 2, 3, 4, 6, 7 l'avancement de l'élimination des ions nitrate. 3.2 Gestion de la dénitrification 3.23.1 Gestion du temps de réaction : allongement de la phase d'anoxie (expérience 3) L'allongement de la durée de la phase d'anoxie permet de passer de 85 % à 92 % d'abattement de l'azote total (tableau 6 et figure 4). Les valeurs des vitesses de nitrification et de dénitrification endogène reportées dans le tableau 6 sont identiques à celles du cycle de référence. Figure 4 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 % Durée cycle Allongement de la phase d'anoxie. Évolution du potentiel redox (trait plein) et de la concentration en ions nitrate ( ). Échelle de laboratoire. Expérience 3. Lengthening of the anoxie phase. Evolution of 0RP (MI Une) and of nitrate ion concentrations (m). Lab scale. Experiment 3. La stratégie ainsi définie permet à moindre coût de dénitrifier totalement l'effluent, le temps nécessaire pour le traitement des ions nitrate pouvant être contrôlé par l'évolution du potentiel redox (KATSOGIANNIS et al., 1999). Cependant cette stratégie conduit à une diminution de la productivité globale du système. Cette conduite n'est intéressante que si elle ne nuit pas à l'efficacité des autres taux d'abattement (carbone, MES, phosphore) ou à la décantation des boues. Bien que ces faits ne soient pas démontrés dans nos conditions expérimentales, l'augmentation du temps d'anoxie peut provoquer une défloculation partielle des flocs bactériens, un relargage du phosphore ou une lyse bacté-

Stratégies d'élimination de l'azote d'un effluent urbain dans un réacteur discontinu séquentiel (SBR) 761 rienne nuisant à la qualité globale du rejet (CHARMOT ef al., 1997). Cette conduite peut cependant être appliquée lors de fonctionnement du SBR à faible charge (en fin de semaine dans le cas de la station d'épuration de Limoges voir figure 1). 3.2.2 Gestion de l'aération : augmentation de la fréquence des phases aérobie/anoxie (expérience 4) Afin de conserver une concentration résiduelle de carbone utilisable comme source de carbone exogène pour la dénitrification, on procède à une aération syncopée (figures 5 et 6). La fréquence de l'alternance des phases anoxiques et aérobies est passée de 2 à 5 par cycle. Anoxie (Aérobie/Anoxie)5 Décantât 50-, 1 Vidange "4 ~ 40 - /S " Repos 1! 3 - / ' ^ ^ - ^ T ^ ^ ^ jr + ss 8 2 i u z io- U^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ x f 0-1 I I I I I I 1 1 10 20 30 40 50 60 % Durée cycle 70 80 90 100 Figure 5 Augmentation de l'alternance des phases aérobies/anoxies. Évolution de la concentration en ions ammonium (x) et carbone organique dissous COD ( ). Échelle du laboratoire. Expérience 4. Increase in the alternation of aerobic/anoxic phases. Evolution ofthe concentration of ammonium ions (x) and dissolved organic carbon DOC ( ). Lab scale. Experiment 4. 40 50 60 % Durée cycle Figure 6 Augmentation de l'alternance des phases aérobies/anoxies. Évolution du potentiel redox et de la concentration en ions nitrate ( ). Échelle du laboratoire. Expérience 4. Increase in the alternation of aerobic/anoxic phases. Evolution of 0RP and of nitrate Ion concentrations (m). Lab scale. Experiment 4.

762 Rev. Sci. Eau, 15(4), 2002 M. Casellas et al. On constate que l'utilisation de cette politique de fonctionnement conduit à des taux d'abattement d'azote total et de DB0 5 inférieurs aux taux obtenus dans les cas précédents {tableau 6). La nitrification est incomplète et une forte présence d'azote ammoniacal est mesurée dans l'eau de sortie (figure 6). Si la vitesse de dénitrification est dans ce cas de l'ordre de grandeur de la vitesse calculée pour le cycle de référence, la vitesse de nitrification est quant à elle deux fois plus faible (tableau 5). Différentes hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ces mauvais résultats : - mauvaise ammonification liée à l'indisponibilité de l'oxygène ; - pas de prise en compte des temps d'induction de la dénitrification. Cette stratégie de conduite peut cependant être appliquée après optimisation des rapports des phases anoxiques et aérobies et en contrôlant la nitrification (via le suivi de la concentration en oxygène dissous). 3.2.3 Gestion du carbone disponible : ajout d'une source de carbone sous forme d'eau usée au moment de la dénitrification (expérience 5) Un ajout d'eau usée est réalisé au début de la phase de dénitrification (phase anoxie 2) afin de palier le manque de carbone disponible pour la dénitrification, constaté lors du cycle de référence (dénitrification exogène). Cette phase est complétée par un court cycle aérobie/anoxie afin d'oxyder le carbone et les ions ammonium apportés par le nouvel ajout et de réduire les ions nitrate ainsi formés (dénitrification endogène) (figure 7). Décantation I 10 20 30 40 50 60 % Durée totale 70 80 90 100 Figure 7 Ajout de carbone sous forme d'eau usée. Évolution des concentrations en ions nitrate ( ), ions ammonium (x) du potentiel redox (trait plein). Échelle semi-industrielle. Expérience 5. Carbon addition in the form of wastewater. DC0 Evolution of the concentrations of nitrate ions (m), ammonium ions (x), DC0 ( ) and of 0RP (full Une). Full scale. Experiment 5. et Le taux d'abattement de l'azote global obtenu est de 92 % et la concentration en azote global de sortie est égale à 3 mgn-l~ 1 (tableau 5). Le potentiel redox atteint la valeur de - 100 mv caractéristique de la fin de la dénitrification. L'évolution du potentiel redox en ce point présente une allure caractéristique,

Stratégies d'élimination de l'azote d'un effluent urbain dans un réacteur discontinu séquentiel (SBR) 763 mieux connue sous le nom de «nitrate knee» (PLISSON-SAUNE ef al., 1996 ; HAKER, 1999 ; PAVEU étal., 2001). Deux vitesses de dénitrification peuvent être calculées, l'une en condition exogène au cours de la phase anoxie 2 et l'autre en condition endogène au cours de la phase anoxie 3 (tableau 5). Les deux vitesses sont comparables à celles des procédés continus de référence. La vitesse de nitrification, deux fois plus importante que celle obtenue lors du cycle de référence s'explique principalement par un phénomène d'échelle (amélioration du transfert d'oxygène), de régulation de l'apport d'oxygène et d'absence de régulation de la température sur le pilote semi-industriel (température légèrement supérieure). Cette stratégie de conduite, bien que plus complexe, permet l'optimisation de l'utilisation du réacteur par l'augmentation de la vitesse de dénitrification. 4-CONCLUSION Trois stratégies de conduite d'un SBR sont comparées à un cycle de référence dans l'objectif d'améliorer l'élimination de l'azote, soit en terme d'efficacité (i.e. de vitesse) soit en terme de concentrations résiduelles, sans perturber le traitement des autres polluants (carbone, matières en suspension, phosphore). Les résultats obtenus au cours du cycle de référence nous ont permis d'atteindre un taux d'abattement sur l'azote global de 85 % et une concentration de sortie de 11 mg d'azote global-l -1. Les calculs des vitesses de nitrification et de dénitrification nous ont amenés respectivement à des valeurs de 0,8 mgn-nh 4 + gmvs- 1 -h- 1 et 0,8 mgn-noj-gmvs- 1 -rr 1. Si les résultats en terme d'élimination du carbone et de l'azote sont satisfaisants lorsqu'on allonge la phase d'anoxie, la concentration de sortie obtenue est alors de 0,33 mgn_ 0ba -L -1, cette technique diminue la productivité du SBR. Les cycles d'alimentation d'un réacteur biologique pouvant être variables, une régulation fondée sur l'utilisation de l'évolution du ph, ou du potentiel rédox peut être envisagée (PAVELJ et al., 2001 ; ANDREOTTOLA et al., 2001). Cette régulation permettrait d'adapter la durée des phases d'anoxie au traitement requis. L'expérimentation consistant en l'accélération des fréquences d'aération/non aération aboutit à une dégradation des résultats de l'épuration et semble devoir être optimisée en terme de rapport des temps nitrification et de dénitrification. D'autre part, la vitesse de nitrification est deux fois plus faible que celle obtenue lors du cycle de référence (0,4 mgn-nh -gmvs~ 1 -h~ 1 contre 0,8 mgn-nh^-gmvs~ 1 -rr 1 ), probablement à cause de retards liés à l'induction de la nitrification et de la dénitrification. L'ajout d'une source de carbone sous forme d'eau usée lors de la phase d'anoxie 2 (figure 7) a conduit à l'amélioration de l'élimination de l'azote, en induisant partiellement un phénomène de dénitrification exogène plutôt qu'une dénitrification endogène, la vitesse de dénitrification exogène étant deux fois plus importante que la valeur de la dénitrification endogène pour le même cycle de fonctionnement (1,6 mgn-nog-gmvs^-h -1 en exogène contre 0,9 mgn-

764 Rev. Sci. Eau, 15(4), 2002 M. Casellas et al. N03-gMVS" 1 -rr 1 en endogène). On atteint une concentration de sortie de 3 mg-l" 1 et les vitesses de nitrification et de dénitrification sont comparables à celles des procédés classiques. L'ajout de carbone exogène sous forme d'acétate doit être conservé comme un moyen d'agir rapidement en cas de dysfonctionnement (celui-ci peut être décelé par le contrôle du potentiel redox ou du ph) bien que cette technique augmente sensiblement le coût de fonctionnement. Les quatre stratégies de conduite sont envisageables afin d'ajuster l'élimination de l'azote en fonction du cahier des charges défini pour le procédé. Lorsque la charge d'entrée est suffisamment faible (période nocturne), la phase de dénitrification endogène peut être allongée. En cas de forte charge, un ajout de carbone exogène (sous forme synthétique ou d'eau usée) permet d'éliminer les ions nitrate par voie exogène. REMERCIEMENTS Les auteurs remercient la ville de Limoges et la société HERMEX. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ANDREOTTOLA G., FOLADORI P., RAGAZZI M., 2001. On-line control of a SBR System for nitrogen removal from industrial wastewater. Wat. Sci. and Technol., 43 (3), 93-100. CHARMOT M.L., ROCHE N., PROST C, 1997. Influence des cycles d'alimentation sur la décantabilité des boues activées. Revue des Sciences de l'eau, 10 (3), 377-394. CHEN A.C., CHANG J.S., YANG L, YANG Y.H., 2001. Nitrogen removal from sewage by continuous flow SBR System with intermittent aération. Environ. Technol., 22, 553-559. CHRISTENSEN M.H., HARREMOES P., 1978. Nitrification and dénitrification in wastewater treatment. The chemistry and microbiology of pollution, Edition Willey, N.Y., 391-394. EDELINE F., 1993. L'épuration biologique des eaux théorie et technologie des réacteurs. CEBEDOC éditeur. HAKER R., 1999. Expériences with online measuring instruments for SBR-operation in Kalmar. Vatten, 55, 33-39. HENZE M., GRADY C.P.L. Jr, GUJER W., MARAIS G.v.R., MATSUO T., 1986. Activated sludge model no 1 IAWPRC Scientific and Technical Report, No 1, IAWPRC, Londres. IRVINE R.L., MURTHY D.V.S., ARORA M.L, COPEMAN J.L., HEIDMAN J.A., 1987. Analysis of full scale opération at Grundy center IOWA. JWPCF, 59 (3), 132-138. KATSOGIANNIS A.N., KORNAROS M.E., LYBERATOS G.K., 1999. Adaptive optimization of a nitrifying sequencing batch reactor. Wat. Res., 33 (17), 3569-3576. KELLER J., SUBRAMANIAM K., GSSWEIN J., 1997. Nutrient removal from industrial wastewater using single tank sequencing batch reactor. Wat. Sci. Technol., 35 (6), 137-144. KELLER J., WATTS S., BATTYE-SMITH W., CHONG R., 2001. Full-scale demonstra-

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