CRUES DE PROJET OU COTES DE PROJET? EXEMPLE DES BARRAGES ECRETEURS DE CRUE DU DEPARTEMENT DU GARD



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Transcription:

CRUES DE PROJET OU COTES DE PROJET? EXEMPLE DES BARRAGES ECRETEURS DE CRUE DU DEPARTEMENT DU GARD Design flood or design water level? The département du Gard s flood attenuation dams example Jacques Lavabre, Patrick Arnaud, Paul Royet Cemagref, unité de recherche «ouvrages hydrauliques et hydrologie», 3275 route de Cézanne CS 40061 13182 Aix en Provence, Tél: +33 (0)4 42 66 99 10, Fax: +33 (0)4 42 66 88 65, e-mail: prenom.nom@cemagref.fr Jean-Alain Fine HYDRIS-Hydrologie, 5 avenue du Grand Chêne 34270 St Mathieu de Tréviers Tél: +33 (0)4 67 66 02 14, e-mail: jean-alain.fine@hydris-hydrologie.fr Stéphane Delichère, Zhong-Xue Fang BRL Ingénierie, département «aménagement et gestion des eaux» 1105 avenue Pierre Mendès-France BP 4001 30 001 Nîmes Cedex 5 Tél: +33 (0)4 66 87 50 85, Fax: +33 (0)4 66 87 51 09, e-mail: stephane.delichere@brl.fr, zhong-xue.fang@brl.fr Francis Foussard Conseil Général du Gard, Service de l eau et des rivières, hôtel du département, rue Guillemette, 30044, Nîmes Cedex 9 Tél: +33 (0)4 66 76 31 28, Fax: 04 66 76 79 31, e-mail: foussard_f@cg30.fr Suite à l événement exceptionnel de septembre 2002, le Conseil Général du Gard, propriétaire de 5 barrages écrêteurs de crue, a décidé de procéder à la révision des études hydrologiques de ces ouvrages. Les méthodes SHYPRE et SHYREG ont été mises en œuvre par HYDRIS Hydrologie, parallèlement à une approche classique utilisée par BRLi. Sur l exemple de la retenue de Sénéchas, la communication s attache à montrer l impact important de la forme des hydrogrammes de crue sur les cotes atteintes dans la retenue. Afin de lever l ambiguïté de détermination de la cote des Plus Hautes Eaux de période de retour 5000 ans, les auteurs introduisent la notion de cotes de projet, notion complémentaire à celle de crues de projet. Les cotes de projet sont déterminées statistiquement par construction de la distribution de fréquence des cotes atteintes dans la retenue. Ces cotes sont obtenues par simulation du fonctionnement hydraulique du barrage,sur la base des scénarios de crue proposés par la méthode SHYPRE. Outre le fait de s affranchir des hypothèses de construction d un hydrogramme de projet, l étude directe des cotes de projet présente différents avantages, notamment la détermination d une distribution de fréquence des cotes qui peut être comparée avec les cotes observées, l attribution d une fréquence d apparition à une cote donnée, la possibilité de tester différentes hypothèses de dimensionnement des ouvrages évacuateurs de crue After the remarkable event of September 2002, the Conseil Général du Gard, owner of 5 flood attenuation dams, decided to proceed to the hydrological studies revision of these dams. SHYPRE and SHYREG Methods were implemented by HYDRIS Hydrologie, parallel to a traditional approach used by BRLi. On the Sénéchas s dam example, the communication attempts to show the flood hydrographs form impact on the maximum water level reach in the dam. In order to determine the 5000 years return period maximum water level, the authors introduce the design water level concept, complementary to the design flood concept. The design water level is statistically given by the maximum water level frequency distribution construction. These maximum water levels are obtained by the hydraulic simulation in the dam of each floods generated by the SHYPRE method. In addition to freeing the engineer from the design hydrograph choice, studying directly the design water level has various advantages: the water level frequency distribution determination which can be compared with observed water levels, the return period attribution to a given water level, the possibility of testing various dimensioning assumptions for the flood weir I INTRODUCTION En septembre 2002, le Gard a connu un phénomène pluvieux exceptionnel. Ponctuellement, les cumuls de pluie en 24 heures ont excédé 600 mm (712 mm à Anduze, source : Direction Départementale de

l Equipement du Gard). Des crues exceptionnelles ont été observées. Suite à cet événement et sur recommandation du service de contrôle (Direction Départementale de l Agriculture et de la Forêt du Gard), le Conseil Général du département du Gard, propriétaire des barrages écrêteurs de crue, a décidé de procéder à une révision des études hydrologiques. Cinq ouvrages sont concernés : Sénéchas (bassin versant de la Cèze), Ste Cécile d'andorge (bassin versant du Gardon d'alès) et sur le bassin versant du Vidourle : la Rouvière, Conqueyrac et Ceyrac. BRLi a effectué les études hydrologiques par la méthode du Gradex et par une modélisation de la pluie en débit méthode SCS et hydrogramme unitaire, méthodes usuelles en hydrologie. HYDRIS Hydrologie a parallèlement mis en œuvre la méthode SHYPRE. La présente communication ne présente pas l ensemble des résultats, notamment les estimations des débits de crue obtenues par les différentes approches. Elle se consacre à la présentation des méthodes SHYPRE et SHYREG mises en œuvre pour générer les hydrogrammes de crue et rapporte les interrogations qui se sont posées lors du calcul des cotes des plus hautes eaux dans les retenues, à partir des scénarios d hydrogrammes générés. Dans un but de clarté, l article ne présente en détail que les résultats obtenus sur la retenue de Sénéchas (barrage voûte en béton) et se borne à rappeler les informations acquises pour les autres retenues. II LES METHODES SHYPRE ET SHYREG. La méthode SHYPRE a été développée par le Cemagref, [1] [2] [3] [5]. La méthode associe un générateur de pluies horaires à une modélisation de la pluie en débit. Le générateur permet de simuler de très longues chroniques de pluies. La méthode permet ainsi d'obtenir différents scénarios de crue, d'où se déduisent directement les distributions des quantiles de débits de différentes durées. Sa mise en oeuvre implique : - la connaissance locale des pluies horaires pour caler le générateur de pluie, - le calage du modèle de transformation de la pluie en débit, ce qui implique la disponibilité de couples averses crues sur le bassin. La méthode SHYREG a été développée à la suite de SHYPRE, avec pour objectif la connaissance régionale des débits de crue. Son développement a demandé : - La régionalisation du générateur de pluie, sur la base de caractéristiques des pluies journalières. Ce travail a abouti à la cartographie des pluies de la France Métropolitaine et des DOM. - La régionalisation du modèle de transformation de la pluie en débit. Pour ce faire, nous avons simplifié le modèle et reporté toute la variabilité du comportement hydrologique des bassins versants sur un seul paramètre (l'état initial moyen en début de crue du réservoir de production du modèle de transformation de la pluie en débit qui est assimilable à un coefficient d'écoulement). Les problèmes d'abattement des pluies et de routage hydrologique ne sont pas abordés dans un premier temps car le travail de modélisation s'effectue sur chacun des pixels de 1 km 2 de l'espace, qui sont identifiés à des bassins versants virtuels. SHYREG génère donc, dans un premier temps, des débits spécifiques géo référencés. Cette information est ensuite utilisée pour estimer les quantiles de débit d'un bassin versant donné par le biais d'une Fonction de Transfert Statistique (FTS). La FTS est uniquement paramétrée par la superficie du bassin versant. Avec un paramètre unique, SHYREG aboutit à une bonne reproduction statistique des quantiles des débits de pointe et journalier de la gamme courante (périodes de retour entre 2 et 10 ans), sur l ensemble des bassins versants jaugés de la zone géographique étudiée. Ce travail a été conduit sur des climatologies variées : tropical humide (La Réunion, La Martinique, La Guadeloupe); tempéré (région Bretagne); méditerranéen (régions Provence-Alpes-Côte d'azur, Corse, Languedoc-Roussillon) et contrôlé sur environ 400 bassins versants jaugés dans une gamme de superficie de 1 à 1000 km 2. Le portage de la méthode pour l'estimation des débits de fréquence rare et exceptionnelle a fait l'objet de nombreuses recherches, notamment sur l équifinalité (faculté à bien assurer la transformation de la pluie en débit sur l ensemble de la plage de fréquence) du modèle de transformation de la pluie en débit. Après comparaison avec les résultats obtenus par d autres méthodes d extrapolation, notamment la méthode du gradex, SHYREG est en mesure de proposer des estimations des quantiles de débits de différentes durées pour des fréquences d apparition exceptionnelles. Ces quantiles peuvent ensuite être utilisés pour construire un hydrogramme monofréquence synthétique.

Un retour vers SHYPRE est effectué si des scénarios d'hydrogrammes de crue sont nécessaires. Le paramétrage de SHYPRE est calé afin de respecter les quantiles régionaux SHYREG. Nous avons mis en route cette façon de procéder pour l'approche des crues de projet des barrages du Gard. III APPLICATION DE LA METHODOLOGIE SUR LES BARRAGES DU DEPARTEMENT DU GARD L étude a été conduite par HYDRIS Hydrologie [4] sur commande du Conseil Général du département du Gard et expertisée par le Cemagref dans sa mission d assistance aux services de contrôle de l Etat. Les bassins versants étudiés sont reportés sur la figure 1. En fond, nous avons fait figurer, à titre d exemple, les débits spécifiques SHYREG de période de retour 1000 ans : ils atteignent, pour cette période de retour, des valeurs de l ordre de 35 m 3 /s/km 2 pour les bassins versants de Sénéchas et de St Cécile (en haut de la figure) et de 25 m 3 /s/km 2 pour les bassins versants des barrages du Vidourle. Figure 1 L utilisation de ce type d information a permis une estimation des quantiles de débits de crue pour les 5 barrages pour des périodes de retour de 5000 ou 10 000 ans selon les barrages. Nous avons ensuite vérifié que la modélisation de la pluie en débit (qui aboutit selon la méthode SHYPRE, à des quantiles de débits comparables), reproduise correctement les quelques hydrogrammes de crue disponibles (figure 2). Figure 2 In fine, un modèle unique identiquement paramétré pour les cinq barrages a été retenu. Sa mise en œuvre à l aval du générateur de pluie horaire permet d obtenir des hydrogrammes de crue, tels que présentés figure 3. Figure 3 IV «CRUES DE PROJET» OU «COTES DE PROJET»? [6] IV.1 Simulation hydraulique des hydrogrammes de crue. Les caractéristiques des ouvrages d évacuation du barrage de Sénéchas sont reportées tableau1. Le volume stockable à la cote du seuil du déversoir de crue est important, de l ordre de 100 mm d écoulement et la capacité de stockage totale atteint 135 mm à la cote de la crête. Le débit total évacuable à la cote de la crête est de 2250 m 3 /s. Nous verrons par la suite, que cette valeur qui peut paraître très élevée pour un bassin versant de 113 km 2 est nécessaire pour la sécurité de l ouvrage. Tableau 1 La connaissance des lois hauteurs / volumes et hauteurs / débits permet de simuler le comportement de la retenue lors des crues. Le niveau initial de la retenue est fixé à la cote NGF 243.8 (seuil du pertuis de demi fond). Le calcul est classiquement effectué à partir d un hydrogramme de projet unique. Cependant, la méthode SHYPRE est plus riche que les méthodes «paramétriques» classiques car elle permet de disposer d'un large catalogue de scénarios de crue, que l on peut utiliser pour simuler le comportement des retenues. Mais elle pose le problème suivant : quelles crues choisir parmi tous ceux générés? Dans un premier temps, pour chaque ouvrage, ont été sélectionnés : - Les vingt six premières crues simulées dont le volume en 24 heures est proche (+/-5%) de la valeur de période de retour 5000 ou 10 000 ans selon les ouvrages et aucune condition sur le débit de pointe. Dans ce cas, les débits de pointe de crue sont généralement de période de retour plus faible que la période de retour du volume en 24 heures (figure 4). - Les vingt six premières crues simulées dont le débit de pointe est proche (+/-5%) du débit de pointe de période de retour 5000 ou 10 000 ans selon les ouvrages et aucune condition sur le volume. Généralement ces crues sont pointues et présentent un volume inférieur au volume de projet (figure 5). Dans un second temps, le traitement hydraulique de ces cinquante deux crues est effectué, pour les cinq retenues.

On note figures 4 et 5, sur l exemple du barrage de Sénéchas, la variabilité des cotes obtenues. Pour cet ouvrage, les cotes du plan d eau varient linéairement avec le débit de pointe lorsqu on simule son comportement pour des crues ayant un volume d ordre de grandeur 5000 ans. Il est remarquable de constater la grande variabilité des cotes atteintes (plus de 3 mètres) pour un même volume de crue. Ceci montre la grande sensibilité de cet ouvrage au débit maximum de la crue entrante dans la retenue. C est aussi le cas pour les quatre autres retenues. Figure 4 La variabilité des cotes simulées pour des crues ayant un débit de pointe d ordre 5000 ans est un peu moindre, mais l on note une croissance logique avec le volume de crue (figure 5) Figure 5 Cette information est certes riche mais pose le problème de détermination de la crue à retenir. Selon la forme des hydrogrammes de crue, ayant tous une caractéristique hydrologique d ordre 5000 ans, les simulations font apparaître des variations significatives de cotes maximales atteintes dans la retenue, dont certaines dépassent la crête de l ouvrage! Il est possible d effectuer un classement des cotes atteintes pour les cinquante deux crues et la valeur médiane, qui a une chance sur deux d'être dépassée, peut être retenue comme cote des PHE (plus hautes eaux). Pour le barrage de Sénéchas, la cote médiane est de 270.9 NGF. Nous restons toutefois confronté à l arbitraire du choix qui est fait de retenir la valeur médiane et aussi du choix des cinquante deux crues! IV.2 Notion de cotes de projet Pour contourner la difficulté précédente, la notion de «crue de projet» ayant montré ses limites nous proposons d introduire la notion de «cote de projet» en étudiant directement la distribution de fréquence des cotes atteintes dans la retenue. Pour cela le comportement de l ouvrage est simulé pour l ensemble des crues générées par la méthode SHYPRE. Soit environ 75 000 crues par simulation, sachant que 100 simulations sont nécessaires pour stabiliser la distribution des cotes. La distribution de fréquence des cotes pour le barrage de Sénéchas est présentée figure 6. Figure 6 On remarque la courbe présente une discontinuité lorsque la cote atteint la cote du déversoir de crue et que la cote des PHE (271.47 NGF pour la période de retour 5000 ans) n est inférieure de la crête que de 3 cm pour cet ouvrage. Noter aussi que la cote simulée de cette manière est supérieure de 0.50 m à la cote médiane calculée sur les cinquante deux crues de «période de retour 5000 ans». On constate systématiquement que c est aussi le cas pour les quatre autres retenues. A titre de contrôle, nous reportons, figure 7, les cotes maximales annuelles atteintes dans la retenue de Sénéchas depuis sa mise en eau. Nous constatons que la distribution de fréquence des cotes simulées est en parfait accord avec les observations. Ce qui conforte l approche tout au moins dans la zone des fréquences courantes. Figure 7 IV.3 Simulation d hydrogrammes de crue mono fréquence Rappelons que la méthode SHYREG permet, à partir des estimations de quantiles de débit disponibles pour toutes durées, de construire un hydrogramme de crue mono fréquence (fréquence identique pour le débit de pointe et les volumes écoulés en 1,2 heures). Sa construction pose cependant le problème de la répartition des volumes écoulés dans le temps, ce qui implique des hypothèses sur le temps de montée de l hydrogramme et sur la position du pic de crue. Nous avons construit, pour la retenue de Sénéchas, deux types d hydrogramme de projet : un avec un pic de crue positionné en début de crue et un autre avec un positionnement arrière du pic de crue. La simulation hydraulique de ces deux crues aboutit à des cotes différentes : 270.85 pour l hydrogramme «avant» et 271.55 pour l hydrogramme «arrière» (figure 8). Figure 8 Les hypothèses de construction de l hydrogramme de projet ont un impact important sur la détermination de la cote atteinte dans la retenue. Notons que ces estimations encadrent la cote des PHE, qui est estimée à 271.47. Ceci est d ailleurs le cas pour les autres retenues, mais avec des écarts variables en fonction de la géométrie du déversoir. Les différences des cotes, calculées depuis le seuil du déversoir, peuvent être

élevées. C est par exemple le cas de la retenue de Conqueyrac, pour laquelle l écart excède 20% (tableau 2), ce qui est quelque peu préoccupant au regard de la haute importance de ces calculs pour la sécurité de l ouvrage. Tableau 2 Cela nous amène à constater que outre le débit de pointe et le volume, la forme de l hydrogramme, qui conditionne la distribution des volumes écoulés dans le temps, a un impact que l on ne peut négliger sur le calcul de la cote de projet. V CONCLUSION Parallèlement à des approches classiques mises en œuvre par BRLi, HYDRIS Hydrologie a utilisé les méthodes SHYPRE et SHYREG pour la révision des études hydrologiques des barrages du Gard. Les simulations hydrauliques du fonctionnement des retenues en crue ont mis en évidence le fort impact de la forme des hydrogrammes de crue sur l estimation de la cote des plus hautes eaux (PHE). Confrontés à une forte indétermination de la cote des PHE, les auteurs proposent une étude statistique directe des cotes atteintes dans la retenue obtenues par simulation hydraulique des scénarios de crue élaborés par la méthode SHYPRE, pour proposer une approche originale qui conduit à la détermination directe de la cote des PHE à laquelle n est pas directement associé un hydrogramme de projet. A nos yeux, l'étude directe de la cote des PHE présente plusieurs avantages : on s'intéresse directement à la variable qui est déterminante pour la sécurité de l'ouvrage ; on obtient une distribution de fréquence, donc une courbe continue et univoque qui permet d'affecter une fréquence d'apparition à chaque cote (avec possibilité de lui affecter un débit sortant); elle offre, dans le cas d un ouvrage existant, la possibilité de confronter la distribution de fréquence des cotes simulées aux cotes observées dans la retenue dans un but de contrôle de l approche ; elle permet de tester différentes hypothèses de dimensionnement des ouvrages d'évacuation et d'en analyser finement leurs conséquences sur la distribution de fréquence des cotes; on évite des réflexions toujours difficiles sur les formes de crue entrantes qui affectent sensiblement les résultats des simulations hydrauliques du comportement en crue des retenues ; et la simulation du fonctionnement des retenues en crue fournit des courbes d évolution de la cote en fonction du temps qui sont très précieuses pour estimer les délais entre différents seuils d alerte, notamment lors de l élaboration des Plans Particuliers d Intervention. Et bien entendu, l approche présentée ici sur l exemple d un barrage écrêteur de crue existant, est tout aussi applicable pour tout autre type d ouvrage existant ou en projet. VI REMERCIEMENTS Nous remercions le Conseil Général du département du Gard de sa collaboration pour la mise en œuvre des méthodes SHYPRE et SHYREG et de la mise à disposition des résultats utilisés dans cette communication. VII RÉFÉRENCES ET CITATIONS [1] Arnaud, P. & Lavabre, J. (1999). - Nouvelle approche de la prédétermination des pluies extrêmes. C. R. Acad. Sci., Sciences de la Terre et des planètes, Géosciences de surface, hydrologie hydrogéologie 328, 615 620. [2] Arnaud, P. & Lavabre, J. (2002). - Coupled rainfall model and discharge model for flood frequency estimation. Water Resour. Res. 38(6), doi: 10.1029/2001WR000474. [3] Arnaud P., Lavabre J., Sol B. & Desouches C. (2006). Cartographie de l aléa pluviographique de la France. La Houille Blanche. (5)2006, 102-111. [4] HYDRIS Hydrologie (2008). Barrages écrêteurs du département du Gard ; élaboration d hydrogrammes de crue et de la Cote Projet par la méthode SHYPRE, rapport d étude pour le Conseil Général du Gard.

[5] Lavabre J, Fouchier C., Folton N. & Gregoris Y. (2003). SHYREG : une méthode pour l'estimation régionale des débits de crue. Application aux régions méditerranéennes françaises. Ingénierie EAT, n spécial Risque naturel et aménagement du territoire 2003 : 97-111. [6] Royet P., Degoutte G., Peyras L. & Lavabre J.(2009) Cotes et crues de protection, de sûreté et de danger de rupture, colloque CFBR-SHF, Lyon, janvier 2009. Département du Gard Figure 1 : les 5 bassins versants étudiés et en arrière plan répartition géographique des débits spécifiques millénaux SHYREG de la zone d étude. Débit (m3/s) 400.000 350.000 300.000 250.000 200.000 150.000 100.000 Pluie radar Qrural Qcal : GR3H 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Pluie horaire (mm) Débit (m3/s) 400.000 350.000 300.000 250.000 200.000 150.000 100.000 Pluie de bassin pluviographes Q entrant Qcal : GR3H 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Pluie horaire (mm) 50.000 90 50.000 90 0.000 1 5 9 131721252933374145495357616569737781858993 Durée (heure) 100 0.000 1 5 9 131721252933374145495357616569737781858993 Durée (heure) 100 Figure 2 : Bassin versant du barrage de Sénéchas. Contrôle des performances de la modélisation de la pluie en débit pour les événements du 4 octobre 1995 (à gauche) et du 6 novembre 1997 (à droite) ; l information pluie de la crue du 6 novembre 1997 est affectée par une lacune en fin de période pluvieuse.

Figure 3 : Barrage de Sénéchas; exemples d hydrogrammes de crue, simulés par SHYPRE, ayant un volume écoulé en 24 heures de période de retour 5000 ans. Cotes maximales atteintes (NGF) 275 274 273 272 271 270 269 268 Qp 5000 ans 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 Débit de pointe (m3/s) Figure 4. Barrage de Sénéchas. Cotes atteintes dans la retenue pour des crues ayant un volume en 24 heures d ordre de grandeur 5000 ans Cotes maximales atteintes (NGF) 275 274 273 272 271 270 269 268 Lame 24h 5000ans 0 200 400 600 800 1000 1200 Lames écoulées en 24 heuresm24 (mm) Figure 5. Barrage de Sénéchas. Cotes atteintes dans la retenue pour des crues ayant un débit de pointe d ordre de grandeur 5000 ans

275 270 265 Cotes NGF 260 255 Crête Déversoir 250 245 240 0.1 1 10 100 1000 10000 Période de retour (années) Figure 6. Barrage de Sénéchas. Distribution de fréquence des cotes simulées dans la retenue 275 270 cotes NGF 265 260 255 250 Crête Déversoir distribution des cotes simulées 245 maxima annuels observés 240 0.1 1 10 100 1000 10000 Période de retour (années) Figure 7. Barrage de Sénéchas. Distribution de fréquence des cotes observées et simulées dans la retenue. 3000 2500 Qentrant(m3/s) Qlaminé(m3/s) Z(mNGF) 273 268 3000 2500 Qentrant(m3/s) Qlaminé(m3/s) Z(mNGF) 273 268 2000 263 2000 263 Q (m3/s) 1500 1000 258 253 Z (mngf) Q (m3/s) 1500 1000 258 253 Z (mngf) 500 248 500 248 0 0 12 24 36 48 60 Temps (heures) 243 0 0 12 24 36 48 60 Temps (heures) 243 Figure 8. Barrage de Sénéchas. Simulation hydraulique d un hydrogramme de projet pointe avant à gauche et arrière à droite) Ouvrages d évacuation Cote des ouvrages (NGF) Longueur (m) Volume stocké (hm 3 ) à la cote des seuils Débit sortant à la cote 271.5 NGF (m 3 /s) Pertuis demi fond 243.8 5 2.5 300 Déversoir de crue 266.2 72 11.7 1950 Crête 271.5 15.4 Tableau 1. Barrage de Sénéchas ; caractéristiques des ouvrages d évacuation Hydrogramme pointe avant Hydrogramme pointe arrière Sénéchas -10.6 % 2.9 % Conqueyrac -23.0 % 17.7 % Tableau 2. Ecarts sur les cotes atteintes, calculées depuis le seuil du déversoir, par rapport à la cote de projet avec un hydrogramme de projet pointe avant et un hydrogramme de projet pointe arrière.