Débat sur l élargissement de l Union Européenne : l adhésion de la Turquie à l UE. Caricature de Haddad, paru dans le quotidien Al Hayat en 2005 «Tout État européen peut se porter candidat. L adhésion requiert du pays candidat : qu il ait des institutions stables, garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l homme, le respect des minorités et leur protection ; L existence d une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l intérieur du pays ; La capacité du pays candidat à assumer les obligations de l adhésion et notamment de souscrire aux objectifs de l Union, politique, économique et monétaire.» Conseil européen de Copenhague, 1993. «L Europe, une construction historique» Caricature de Marc Chalvin. Page 1 sur 6
Synthèse des Principaux arguments : http://www.dossiersdunet.com Page 2 sur 6
Synthèse : Pour ou contre l adhésion de la Turquie à l UE mercredi 6 octobre 2004, par P.A. 1 http://www.dossiersdunet.com La Turquie est le premier des 13 pays en attente d intégration dans l UE (Slovénie, Hongrie, Slovaquie, Tchéquie, Pologne, Pays baltes, Malte, Chypre, Roumanie, Bulgarie et Turquie) à avoir déposé sa demande d entrée dans l organisation européenne (CEE puis UE). Ainsi la première demande de candidature a été présentée en 1963. Celle ci a été formalisée après le retour de la démocratie dans le pays en 1987. Depuis la Turquie attend la mise en place effective de négociations pour son adhésion. Du fait de son statut de plus ancienne nation en attente, de la reconnaissance de sa vocation européenne lors du Conseil d Helsinki en 1999 et la reconnaissance par la Commission des efforts des différents gouvernements à satisfaire aux critères de Copenhague (critères d adhésion), Ankara considérait comme acquise son entrée dans l UE lors du Conseil Européen de Copenhague. L avenir de la Turquie dans l UE s est assombri dès lors que la victoire islamiste aux législatives semblait acquise. Ainsi au lendemain de la victoire écrasante du Parti de la justice et du développement, le président de la Convention, Valéry Giscard d Estaing (VGE), affirmait que l entrée de la Turquie dans l Union signerait la fin de cette dernière. Dès lors, les partisans et les adversaires à l entrée de la Turquie se sont opposés par articles interposés dont voici un résumé des arguments. Argument géographique «La Turquie n est pas européenne, sa capitale n est pas en Europe, elle a 95% de sa population hors d Europe.» Voici l un des principaux arguments de VGE. Le problème est que la définition des frontières européennes est absolument artificielle et a varié dans le temps ; l argument géographique (argument que les français privilégieraient à 40%) n est qu un prétexte. A terme, quels sont les pays qui auront le droit à l entrée dans l Union? Quelles sont les frontières extrêmes acceptables de l Europe? 1 L objectif de l association Pollens est de continuer à mobiliser les énergies et les consciences réveillées par le choc du 21 avril 2002, et de faire revivre à l ENS un espace politique en sommeil depuis trop longtemps. L association POLLENS propose une approche informée, réfléchie et active de la chose publique. Refusant toute orientation partisane a priori, elle cherche à encourager face aux problèmes politiques une attitude engagée, critique et constructive. Elle regroupe des personnes d opinons diverses réunies par le désir de promouvoir sous toutes ses formes la participation à la vie publique et par une exigence de rigueur intellectuelle, de débat argumenté et d action pratique. Il s agit bien sûr pour nous de comprendre et de combattre les facteurs qui ont rendu possible l inquiétante situation du 21 avril, mais aussi et plus généralement de jouer notre rôle de citoyens actifs et responsables, informés et concernés. Notre conviction est que le bon fonctionnement de la démocratie requiert l exercice entier par chacun de son droit à participer aux affaires politiques. Page 3 sur 6
Dominique Strauss Kahn affirme que sa conception de l Europe est un grand groupe de pays regroupant non seulement les pays du continent mais aussi l ensemble des pays méditerranéens (quand ceux ci seront démocratiques, bien sur) comme le Maroc et Israël. Argument historique et culturel La Turquie ne serait pas historiquement européenne, affirment certains. Ceci est totalement faux. En effet, la Turquie, depuis la chute de l empire romain d orient, s est toujours imposée en Europe : à la mort de Soliman II, en 1566, les frontières de l Empire ottoman s étendaient jusqu au nord de Budapest, englobant la Hongrie, la Moldavie, la Serbie, la Bulgarie et la Grèce. D autres ne contestent pas l histoire commune entre nos peuples mais font remarquer que la Turquie a toujours été l ennemie de l Europe (en faisant référence à l empire ottoman). Doit on rappeler que les ennemis historiques de la France sont les anglais et plus récemment les allemands? De plus le but de l Europe est de regrouper des pays pour leur trouver des points communs et empêcher une guerre entre eux (origine de l Europe avec l axe franco allemand). Enfin certains disent que l on ne pourra trouver de points de convergence entre nos pays car la Turquie n a pas de culture commune avec les pays de l Union (les bases culturelles se résumant pour certains à l héritage des Lumières et du Christianisme). Remarquons que la Turquie à plus de points culturels communs avec la Grèce que celle ci avec les pays baltes. Argument religieux Ainsi l argument de la culture se rapproche davantage de l argument religieux et la volonté de créer une Europe «club de pays chrétiens» chère à E. Kohl. Rappelons qu un certain nombre de pays de l Europe et la Turquie en témoigne la polémique actuelle sur la place du foulard islamique sont des pays laïcs. Ainsi comment définir un club chrétien : doit on définir un quota de non chrétiens admis dans un pays? Et quelle place pour les musulmans de France et d Allemagne (entre autres)? Doit on leur faire remarquer qu ils ne sont pas les bienvenus dans nos pays? De plus, l Albanie et certains pays des Balkans, qui sont au centre de l histoire de l Europe, seront ils laissés de côté du fait de la majorité de musulmans de ces pays? Il est nécessaire de réaffirmer le principe de laïcité en Europe, l absence de discrimination religieuse et ne pas inscrire (comme le demandent le pape et Berlusconi) la notion de patrimoine religieux catholique dans la constitution à venir en Europe. Argument stratégique Aux arguments religieux et géographique, certains opposent l argument stratégique. Par sa localisation au carrefour des continents, l entrée de la Turquie en Europe replacerait cette dernière au centre de la scène internationale (monopolisée par les USA de nos jours). De plus, la Turquie pourrait devenir le porte parole de l UE dans les pays musulmans. Ces pays écouteront davantage un message délivré par un pays dit frère. De plus, quel formidable message de tolérance vis à vis de la religion musulmane si malmenée de nos jours. Argument institutionnel Page 4 sur 6
* La Turquie attend depuis 15 ans aux portes de l Europe et tente de répondre aux différents critères imposés par les européens pour entrer dans l UE. Il est trop tard pour leur dire qu ils ne pourront jamais entrer en Europe. Sinon l UE perdra toute crédibilité internationale. Ceci serait d autant plus illogique que la Turquie est membre du conseil de l Europe, de l OCDE, l OTAN et de plus la commission s y est engagée en 1999 en affirmant que la Turquie avait (et a toujours) vocation à entrer dans l UE. Cela n empêche pas de dire qu aujourd hui l Europe n est pas prête car ses institutions ne pourraient incorporer un pays aussi grand. Sont elles vraiment capables d incorporer 10 petits pays simultanément? Non, par conséquent il faudrait faire attendre tous les pays et non seulement la Turquie. * Ce qui semble être le plus important pour les états européens c est leur perte de pouvoir au niveau du parlement car ils représentent des pourcentages de population plus faible. La France et l Allemagne perdraient leur place de puissances les plus importantes d Europe étant dépassé en nombre par la Turquie, qui semble avoir moins de légitimité car c est un pays arrivant. Dans ce cas, il faut rompre avec la logique d élargissement. * L entrée de la Turquie entraînerait une dilution du projet européen : nous n aurions pas les mêmes intérêts. N est ce pas encore plus vrai en incorporant 10 nouveaux pays?? Il est plus dur de se mettre d accord à 25 qu à 16. Certains font un procès d intentions à la Turquie, affirmant que celle ci serait le cheval de Troie des USA ; les USA feraient un forcing pour l adhésion de la Turquie en espérant que son entrée inhibe toute construction d une Europe politique. Au contraire, le PS considère que l entrée de ce pays fera une Europe plus grande donc plus à même de s opposer aux USA. Argument économique Quel coût à l entrée de la Turquie en Europe? Les économistes estiment que l entrée des 10 pays coûtera 0.03% du PIB de l Union. Or dans le cas d un élargissement à 28 pays, ce coût devrait être inférieur à 0.05%. Ce coût n est donc pas si important. A long terme se pose la question de la concurrence déloyale de ce pays avec le reste de l Union. De plus, l économie turque étant plus faible que celle de l Union, il risquerait d y avoir un flot d émigration dans nos pays. Enfin les aides attribuées à la Turquie seront autant d aides en moins pour les autres pays (argument du non au traité de Nice par les Irlandais) : en particulier les fonds de la PAC seraient plus faibles pour la France et les autres pays européens. Le problème de ces arguments est qu ils sont applicables non seulement à la Turquie mais aussi aux 10 autres pays, d autant que l économie turque est plus saine et forte que l économie des pays baltes. Argument démocratique C est le seul argument valable énoncé par les opposants de l entrée de la Turquie et pourtant l un des arguments les moins utilisés par les sondés. La Turquie a été et est encore en partie un pays non totalement démocratique. En effet, le pouvoir législatif se sent toujours surveillé par les militaires. Signe positif : les militaires ont finalement joué (ou semblent jouer) le jeu démocratique vu leur opposition au parti islamiste et l absence de révolte. Cette passivité est en partie due au fait que les militaires (proeuropéens) ne voulaient pas nuire à l entrée de la Turquie : ainsi l Europe semble être un gage de stabilité politique pour ce pays. De plus, depuis la promesse d entrée de la Turquie, de nombreuses avancées ont été effectuées : abolition de la peine de mort en temps de paix, interdiction de la torture, reconnaissance des minorités... Page 5 sur 6
Evidemment ceci n est pas suffisant mais la perspective de cette intégration semble faciliter la mise en place d une démocratie saine. Donc la Turquie n est pas prête (comme une minorité des 10 états du traité de Copenhague) mais a vocation, une fois que la démocratie sera stable, à entrer dans l Union. La remarque de VGE a eu deux impacts : stigmatiser la Turquie et obliger l Europe à affirmer qu en 2005 il y aura ouverture des modalités d intégration de la Turquie sans autres négociations! Deux questions se posent donc : quelles limites à l UE? Et aussi quelle place pour la population européenne qui à aucun moment n a été consultée? L Europe s éloigne t elle davantage des européens?? Page 6 sur 6