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Transcription:

Monsieur le Maire de Genève, Monsieur le Président du comité des droits de l Homme, Madame la Présidente de la Coalition mondiale contre la peine de mort, Excellences, Mesdames et Messieurs, Je suis très honoré de participer à cet événement destiné à célébrer le 25 ème anniversaire du protocole international visant à abolir la peine de mort. Je constate avec satisfaction que ce combat, qui constitue une priorité pour la France, est l objet d une mobilisation toujours plus soutenue au vu du grand nombre de participants à cette rencontre, ce dont je me réjouis. Je tiens à remercier tout particulièrement les organisateurs de cet événement : - la Ville de Genève, tout d abord, représentée par son Maire, M. Sami Kanaan, dont l engagement en faveur de l abolition de la peine de mort en particulier et des droits de l Homme en général n est plus à démontrer,

- la Coalition mondiale contre la peine de mort représentée par sa Présidente, Florence Bellivier, et le centre pour les droits civils et politiques, ensuite, qui réalisent, chacun, un travail essentiel de mobilisation de l opinion publique en faveur de l abolition. Je souhaite aussi adresser une attention particulière au Président du Comité des droits de l Homme, Sir Nigel Rodley, qui accomplit un travail remarquable, avec les autres membres de ce comité, pour veiller au plein respect par les Etats parties du Pacte international relatif aux droits civils et politiques mais aussi pour forger une doctrine commune concernant son interprétation. Je tiens enfin à saluer la Suisse et la Belgique, représentés par leurs Représentants Permanents auprès de l Office des Nations Unies à Genève, qui sont des partenaires essentiels de la France pour promouvoir efficacement l abolition de la peine de mort au sein du Conseil des droits de l Homme. Excellences, Mesdames, Messieurs,

L abolition de la peine de mort est une question de principe. Inefficace, injuste, sujette aux erreurs, la peine de mort ne peut être une décision de justice : elle n a rien à voir avec la justice. Ce n est qu au XX ème siècle que la peine de mort a commencé à être légitimement récusée pour ce qu elle est : un acte cruel, inhumain et dégradant. Au cours des dernières décennies, elle a continué de reculer. Deux tiers des Etats de la planète l ont désormais abolie ou ont adopté un moratoire, contre seulement 16 en 1977. La France salue à cet égard les ratifications récentes par le Salvador, le Gabon, la Guinée-Bissau et la Pologne. Mais, chaque année, à travers le monde, des milliers de femmes et d hommes sont encore condamnés à la peine capitale. Les chiffres restent accablants : une cinquantaine de pays l applique et plusieurs Etats sont revenus récemment sur leur moratoire. D autres continuent les exécutions, parfois en secret. En 2013, le nombre d exécutions a augmenté de presque 15 % par rapport à 2012, selon le dernier rapport d Amnesty International. Face à cette réalité, il faut refuser le fatalisme ou le découragement et redoubler d efforts, ensemble.

* ** La France a, comme une centaine d Etats, aboli la peine de mort au nom de l universalité des droits de la personne. Oui, la peine de mort est fondamentalement une violation des droits de l Homme. C est pourquoi aujourd hui, la France continue le combat. C est pourquoi l abolition universelle de la peine de mort est une priorité de la diplomatie française qui conduit une campagne mondiale. Que faisons-nous? Nos ambassades et nos centres culturels agissent en partenariat et à destination des médias, d associations, d intellectuels, d étudiants. Nous sensibilisons les législateurs, qui constituent des acteurs décisifs. Nous agissons surtout en direction des jeunes, parce qu ils sont les citoyens et les décideurs de demain. Aujourd hui, pour cette journée mondiale contre la peine de mort, nous avons réuni à Paris une centaine de ces jeunes venus du monde entier pour lancer un appel en faveur de l abolition.

Nous sommes aussi mobilisés dans les enceintes multilatérales avec nos partenaires. A l Assemblée générale, les résolutions adoptées ces dernières années montrent que la cause de l abolition progresse. Au Conseil des droits de l Homme, le panel que nous avons organisé sur la peine de mort en mars dernier a constitué une première étape importante. Elle s est concrétisée par l adoption d une résolution en juin dernier, que nous avons portée avec nos partenaires : la Suisse, la Belgique, le Bénin, le Costa Rica, la Moldavie et la Mongolie. Cette résolution permet d inscrire de manière durable la question de la peine de mort à l agenda du Conseil des droits de l Homme, mais aussi de maintenir une dynamique en faveur du moratoire et, à plus long terme, d une abolition universelle. Cette résolution du Conseil des droits de l Homme que nous avons fait adopter au mois de juin est la première adoptée par les Nations unies qui déplore les violations des droits de l Homme découlant de l application de la peine de mort : c est une avancée très significative.

*** Excellences, Mesdames, Messieurs, La France veut insister sur le rôle individuel de chacun, sur la responsabilité personnelle de chaque dirigeant. Tous les pays qui ont mené à bien le combat contre la peine de mort n y sont parvenus qu au prix d une volonté politique forte et de la détermination de quelques-uns. C est notamment ce qu illustre l exemple de la France. Vous le savez, notre cheminement vers l abolition fut particulièrement long. Cette question a divisé la France jusqu en 1981. A l époque, l opinion était majoritairement en faveur de la peine de mort. L impulsion est venue du plus haut niveau et, trente-trois ans après, l abolition fait partie de notre patrimoine et est inscrite dans notre Constitution.

L opinion publique ne peut servir de prétexte pour maintenir la peine capitale. Pour abolir la peine de mort, il faut savoir précéder la société, lui montrer le chemin. Il faut faire preuve de courage, de détermination et de persévérance. Mais ce «leadership» doit aussi être collectif. Il y a des batailles que nous ne pouvons pas gagner seuls, et la lutte contre la peine de mort est de celles-ci. C est ensemble que tous, gouvernements, organisations internationales et régionales, parlementaires, élus locaux, société civile, ONG et citoyens, nous y parviendrons. Excellences, Mesdames et Messieurs, Il y a quelques siècles, le père du droit pénal contemporain, Beccaria, écrivait : "Si je prouve que la mort n est ni utile ni nécessaire, j aurai gagné la cause de l humanité". Nous devons convaincre qu il est juste et qu il est possible d abolir la peine de mort, quelles que soient les circonstances. La publication diffusée il y a quelques jours par le Haut-Commissariat aux droits de l Homme, qui réunit des analyses et des témoignages

reflétant une large diversité géographique de parcours nationaux, est un outil utile. Je tiens à remercier à cette occasion le nouveau Hautcommissaire aux droits de l Homme pour son engagement déterminé en faveur de la cause de l abolition de la peine de mort. *** Nous savons tous ici que la route vers l abolition est longue et difficile. Mais nous savons aussi qu au regard de nos idéaux partagés de justice et de dignité de la personne humaine, chaque condamné à mort est un condamné de trop. Le combat contre la peine de mort est un combat qui doit être gagné. Tous les pays qui s engagent sur cette voie trouveront la France à leurs côtés. Abolir la peine de mort, la France en est convaincue, c est faire progresser la justice et l Humanité toute entière. C est ce message que portent la France et sa diplomatie. Je vous remercie.