CATÉCHÈSE 2 ABRAHAM HISTORICITÉ D ABRAHAM? «PÈRE» DES CROYANTS

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Transcription:

CATÉCHÈSE 2 ABRAHAM HISTORICITÉ D ABRAHAM? «PÈRE» DES CROYANTS Dans la mentalité qui est la nôtre, nous aimerions pouvoir nous appuyer sur l «histoire réelle» : des faits attestés, des dates précises, une géographie, une chronologie crédible. Nous pourrions alors nous dire : «Abraham vécut il y a 3800 ans en Basse Mésopotamie, à Our, il remonta par les routes de caravanes etc. Malgré toutes les tentatives (croiser le récit biblique et l archéologie, l épigraphie, remonter à des traditions orales), reconstituer une «préhistoire» du peuple d Israël, telle que nous l entendons, une histoire patriarcale, s avère plus qu aléatoire. Tout comme pour les récits de création qui demeurent insensés si l on veut leur appliquer une lecture scientifique, les récits patriarcaux ne sont pas à lire selon les critères de l histoire contemporaine : ils sont des récits d ancêtres. Ils répondent à l interrogation d un groupe humain, une nation, qui cherche ses origines, pour mieux comprendre son identité présente, sa place au milieu des nations, son originalité. Pour Israël : sa foi au Dieu unique, son cheminement, ses tribulations aux côtés de ce Dieu, dans le fracas de l histoire. L «invention» de l ancêtre est l acte constitutif d une communauté. Abraham, Isaac, Jacob ne portent pas le nom d une tribu d Israël. En sens, ils sont bien les ancêtres qui permettent de remonter si j ose dire une «généalogie de la foi». C est cette foi qui est constitutive de la conscience d Israël, de son rôle dans le concert des nations : Abraham engendre Ismaël et Isaac, ce dernier engendre Jacob qui devient l Israël qui engendre les douze fils qui feront les douze tribus constitutives de cette nation. Ces récits ne sont pas d abord des documents d histoire même si des indices historiques s y glissent, ils sont les récits des traditions ancestrales pour y enraciner sa propre vie et son expérience croyante. En ce sens, ils sont bien les récits des ancêtres des Chrétiens aussi. - Indices historiques : Abraham offre directement des sacrifices sans présence de prêtres, question du sacrifice humain, pas de référence à des interdits alimentaires, pas de référence à une loi, au sabbat Est-on devant un fond plus ancien que la religion juive? - Saga familial (comme on parle de légende familiale) qu on se raconte à partir d une histoire mais avec des invraisemblances qu on se répète pourtant. Des faits merveilleux. Plusieurs récits d un même événement - Des passages qui ne relèvent ni de l histoire possible ni de l invraisemblance parce qu ils échappent à toute vérification : vocation, appel de Dieu. Ainsi, par-delà des événements pittoresques et plein d une humanité rusée (marchandage d Abraham pour l achat du terrain de son tombeau GN 23, ou façon dont Jacob acquiert un troupeau au détriment de son beau-père GN 30, 25-43), c est un itinéraire global qui fait sens. Dans cet itinéraire, c est le caractère de la relation de ces hommes avec celui qu ils nomment Dieu qui devient exemplaire, symbolique de la foi qui nous anime. Foi en Dieu au cœur de l incompréhensible, confiance par-delà l immédiat et la liberté de chacun, initiatives et limites personnelles. Exemple d une lecture moins «naïve» des récits patriarcaux : si l on prend la géographie du récit d Abraham, on s aperçoit qu il part de l orient mésopotamien (GN 11,31) pour aller vers l occident égyptien (GN 12, 10) avant de se fixer sur la future terre de Juda. Des sanctuaires célèbres : Sichem, Mambré, Bersabée sont cités. On voit combien cette toponymie permet de reconnaître celle du peuple d Israël sur plusieurs siècles : exil à Babylone, retour d Égypte, lieux de culte et de pèlerinage sur la terre de Canaan. On voit donc comment Abraham

apparaît comme en microcosme, celui qui vit l itinéraire de tout un peuple qui peut se reconnaître ainsi en un seul homme. De plus, l histoire de ce peuple révèle des tensions politiques, religieuses, territoriales etc Au retour de l exil à Babylone, fallait-il exclure toute épouse étrangère? Adopter une ligne morale très rigoriste? Faut-il voir cette terre comme donnée par Dieu à un peuple nomade dans le désert? Ou faut-il se situer dans des traditions plus indigènes qui ont défendu cette terre contre des envahisseurs? Que faire des tensions entre royaume du nord (Galilée Samarie) et royaume du sud (Juda)? Une remontée à une origine «pure», à un père unique, à une référence qui permette de dépasser les clivages peut s avérer «utile». On comprend comment au V et VIème av JC ces récits vont trouver leur composition définitive et unifiante. LA VOCATION D ABRAHAM : APPEL ÉCOUTE RÉPONSE Récits bibliques : question du sens. Ici, pourquoi ai-je été mis au monde et qui m a mis au monde? Ai-je une raison d être par-delà l accomplissement des tâches quotidiennes? Ai-je une mission? Que puis-je espérer (question des promesses portées sur une vie)? Quels sont les compagnonnages qui vont donner sens à mon existence (mon conjoint, ma descendance, l autre que je ne connais pas et que je vais croiser, Dieu)? Ces questions amènent à une réflexion sur l homme : - L homme est écoute. C est la prière fondamentale d Israël : «écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu». L homme ne choisit pas d exister. Pourquoi est-il au monde? Il écoute l appel de ses parents, il est nommé. Il découvre donc qu il est un être attendu, un être désiré, un être aimé par une présence, un désir, un amour qui le précède et qui lui permet donc de grandir, d être. Il écoute cette parole, ce que l on désire et attend dans cette parole. Par cet appel, on sollicite sa réponse à lui. Sa liberté se met en œuvre peu à peu. Mais par-delà la filiation charnelle, demeure la question du pourquoi l humanité existe? Un désir la précède-t-elle? Une volonté l a-t-elle voulue? Qu elle est la nature de ce désir et de cette volonté? Aimante? L humanité peut-elle compter sur cette présence? On voit ici que l écoute se fait intérieure. L homme doit être alors à l écoute de son cœur, de ce que lui dit son esprit, son propre désir. Comment il y découvre peu à peu celui qu il va nommer Dieu (on découvrait déjà cette parole qui appelle à être dans le récit des origines : Dieu dit et cela fut, c était bon). Le récit d Abraham est ce récit de l écoute d un appel plus originel, de sa volonté sur sa vie, de la mission qui lui est confiée. Ainsi, écoute appel, réponse sont intimement liés. Elle désigne l homme qui ne vit pas à l extérieur de lui-même mais l homme qui intériorise, médite et découvre le secret de son existence. Cette écoute, appel et réponse déplacent l homme, l invite à de nouveaux horizons de compréhension de sa vie. Comment mieux dire cette quête, ce déplacement essentiellement intérieur, que par un déplacement extérieur, un «exode» en quelque sorte. L homme découvre sa condition de nomade sur cette terre. Les exemples sont nombreux dans chacune de nos vies, de ces appels que nous avons écoutés et qui ont bougé notre existence, l ont déplacée. L appel amoureux est sans doute un exemple très fort. Mais il y en a beaucoup d autres : nos études, notre orientation professionnelle Comme dans la filiation charnelle qui nous inscrit dans une généalogie, on reçoit une identité qui est le fruit d une relation, d une histoire, qui se construit jour après jour, reconnaître une filiation nouvelle en Dieu qui est Père donne une identité nouvelle. Cette identité nouvelle donne une mission nouvelle. Le nom Abram est lui-même porteur de signification. Attesté en Mésopotamie (racine Ab, abba, père) et pourrai signifier «le père aime «ou «aime le père» ou «le père est magnifié». Reconnaître sa filiation en Dieu, c est élargir le champ de la généalogie, de la famille (aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel). Il est extrêmement

intéressant qu un peuple enracine son origine, non pas dans une ethnie, non pas dans une volonté politique, mais dans un appel qui suscite un engagement auprès de Dieu. C est l enracinement dans une liberté spirituelle. Il est aussi extrêmement intéressant que le Dieu qui se découvre dans ce récit ne se donne pas dans une image à adorer, une représentation, mais dans une parole qui suscite la vie, le désir de l homme, son chemin sur cette terre. Ce Dieu vient précisément libérer Abraham de ces anciennes idoles, représentations. Abraham devient juif si l on peut dire, en tout cas fidèle du Dieu unique en sortant de l univers païen, de la fascination pour l idole. N est-ce pas le chemin de chaque croyant que celui qui nous libère peu à peu de nos représentations de Dieu, représentations souvent idolâtrique pour aller vers le Dieu qui rend libre? Comment raconter ce voyage intérieur, ce questionnement? Tel est bien le sens du récit que nous abordons. Donner chair avec des mots, un récit, des images, des situations concrètes à ce qui est le voyage de chacun. Un récit permet à chacun de se retrouver dans une «histoire» et d inscrire sa propre vie, son chemin, dans celui de cet ancêtre nomade. Ainsi chaque tribulation, chaque épreuve, chaque joie, chaque sacrifice fait sens pour nous aussi. PROMESSES DIVINES Qu est-ce qu une promesse? L attente d une crédulité enfantine? Une clause juridique technique? Une parole qui engage et qui crée une histoire, une parole qui fait alliance entre personnes? Le don qui est fait dans la promesse (terre, fils, bénédiction), Abraham ne l accapare pas pour lui, contrairement à celui qu il appelle «son frère», Lot, pour ce qui concerne la terre. Lot en effet, dans le règlement du conflit que lui propose Abraham, regarde la terre et la choisit pour lui et le récit dit bien que ce qu il voit lui fait penser au «jardin» du Seigneur. Il fait main basse sur le don et ce sera sa perte. La promesse faite par Dieu à Abraham lui promet cette terre pour sa descendance, et Abraham est prêt à en faire l offrande, le sacrifice, à son tour pour éviter un conflit. On ne s approprie pas le don de Dieu, on ne s approprie pas ses promesses. Dans les récits de création, l homme avait refusé ce don du paradis avec l interdit et s en était trouvé chassé, et il refuse ensuite le frère (Abel) qu il tue (Caïn). Ce premier sacrifice de la terre permet le second, celui du fils Isaac. L HOSPITALITÉ D ABRAHAM L ÉPISODE DE MAMBRÉ Nous avons vu que cet appel et sa réponse se disent dans un récit. Mais la foi elle-même, nous l avons dit, n est pas dans ce récit. La foi est ce déplacement, cette relation entre moi et cet étranger que je découvre toujours nouveau dans ce cheminement. Le récit, lui, utilise toujours des images, il est «anthropomorphe». Et cela nous gène parfois, avec ce sentiment de réduire Dieu à du semblable. Or Dieu est toujours celui qui se découvre semblable et autre. C est en ce sens là qu il me fait avancer constamment. Il se dévoile et je ne peux jamais me l approprier sous peine de reconstruire une idole. La foi est donc toujours ce clair-obscur, ce mystère qui tout à la fois m enrichit de cette présence et vient me déposséder de mes sécurités antérieures. Abraham à Mambré. Le statut de nomadisme invite à la rencontre, l hôte est de passage. Très souvent, culture de l accueil. Le sédentaire a des voisins, donc souvent des rivalités avec eux.

Devant le passage de l étranger, vais-je me fermer ou m ouvrir, accueillir ou chasser, offrir l hospitalité ou signifier mon hostilité. Affrontement qui se fait dans la même personne : après une inquiétude, Abraham accueille et de cet accueil naît la fécondité (Sarah sera enceinte), l impossible devient possible. Mais Il chasse Agar et Ismaël. La décision n est jamais prise une fois pour toutes. Jacob lutte avec l ange. Jusque dans l étreinte le plus intime, Dieu reste étranger. C est après qu il retrouve son frère rival Esaü, et qu il peut l embrasser. Le divin, en tant qu exilé, est dans chaque autre humain qui demande à être reçu parmi nous (p. 65). Marie Le Christ : accueil de Marie. Le Christ présenté comme l étranger, celui qui n est pas reconnu par les siens, le nomade qui n a pas de terrier ou de nid ou de pierre où reposer la tête. Tout l Évangile (Bon Samaritain, amour de l ennemi) pose la question de la proximité. Qui est le prochain? Même l ennemi, qu il faut aimer. L enjeu de cet accueil de l autre capital dans toute la Bible. Dieu se présente sous des figures très étonnantes. Il est presque toujours celui que l on a du mal à reconnaître (les identités du Christ sont multiples dans les évangiles : enfant, inconnu qui chemine à nos côtés, jardinier, gardien de tombeau, celui qui prépare le plat, rabbin, messie ). Dieu seul n a pas d ennemi, c est ce qui permet au Christ de demander à ses disciples, s ils veulent être parfaits comme leur Père des cieux, de prier pour les ennemis et d aimer ceux qui les haïssent. En chaque rencontre se profil cet enjeu : l autre sera-t-il prochain, frère ou étranger, ennemi? La fécondité de la vie dépend de cet enjeu de l accueil. LE SACRIFICE D ISAAC L épisode du sacrifice d Isaac par Abraham est pour dérangeant. Comment le comprendre? On peut avoir une approche historique du texte et penser que Dieu interdit désormais tout sacrifice, et donc un sacrifice humain a fortiori. Toute la bible va mener à cette certitude que Dieu n attend pas de sacrifices extérieurs (des sacrifices d animaux, des holocaustes). Les prophètes déjà rappelaient avec véhémence que Dieu n avait que faire de sacrifices alors que l homme pratiquait l injustice et bafouait le droit du plus faible. Ceci culminera avec la lettre aux Hébreux dans le Nouveau Testament qui dit : «Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, mais tu m as fait un corps alors j ai dit : voici, je viens». Ainsi, fort de l exemple de Jésus, c est tout être humain qui se présente devant Dieu son Père pour lui dire, «je viens faire ta volonté», que je connais désormais par l enseignement du Fils, Jésus. Chaque eucharistie rappelle donc désormais que l unique sacrifice est l offrande de Jésus lui-même et que chaque Chrétien est invité à unir sa vie à celle de Jésus en offrande d amour pour la vie des hommes. C est ainsi que désormais chaque baptisé est «prêtre» mais que comme prêtre, le seul «sacrifice» qu il peut offrir à Dieu est celui de sa propre vie dans cet amour vécu au quotidien. C est donc un long, très long chemin qui part d Abraham pour arriver jusqu à Jésus et à la compréhension nouvelle qui en jaillit pour le croyant. Cependant, on peut aussi comprendre, ainsi que nous l avions vu pour les textes de la création, que l enjeu pour l homme est son attitude devant le don qui lui est fait : don de la vie, don de ce monde, don de la terre, don de la descendance ici avec Issac, don du frère dans l épisode de Caïn et Abel. L homme accueillera-t-il le don, en n oubliant jamais qu il ne peut faire main basse sur le don, et qu il doit rendre grâce au donateur? Ou bien s appropriera-t-il le don comme s il était son bien propre, voire refusera-t-il le don : meurtre du frère Abel par Caïn? Nous avons vu que pour la terre, Abraham a pu se dessaisir du don. Il fera de même avec le fils : il n en est pas propriétaire. Le Père de ce fils est Dieu lui-même.

Enfin, la tradition chrétienne n a pas manqué de faire le parallèle entre Isaac, le fils d Abraham, père des croyants, et Jésus le Fils de Dieu. Ici, c est l attitude d Isaac qui est montrée, celui qui consent à la volonté du père. Ce qui permettra au Nouveau Testament de dire que «Dieu a tant aimé le monde qu il a donné son Fils». Tout comme Abraham, dans un geste déraisonnable qui semblait annuler la promesse de Dieu était prêt à l offrande de son fils, Le Père, Lui, donne ce qu il a de plus cher, son Fils, son unique, son bien-aimé, pour que le monde connaisse sa volonté, et ait la vie. PLAN DU CYCLE D ABRAHAM 1 Appel à partir (GN 12, 1-9) 2 Le cheminement dans la foi (GN 12, 10-23, 20) les promesses : a) le pays (GN 12, 10-13, 18) b) la bénédiction (GN 14, 1-24) c) la descendance (GN 15, 1 18, 16a) b ) la bénédiction (GN 18, 16 19, 29) c ) la descendance (GN 19, 30 21, 21) b ) la bénédiction (GN 21, 22 34) c ) la descendance (GN 22, 1-24) a ) le pays (GN 23, 1-20) 3 Vieillesse et postérité d Abraham (GN 24,1 25,11) Quelques versets sur la descendance d Ismaël (GN 25, 12-18) On voit donc dans cette construction littéraire que les promesses sont centrales, qu elles sont au nombre de trois et se répètent.