AGIR EN SENTINELLES POUR LA PRÉVENTION DU SUICIDE

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Transcription:

Est du Bas-Saint-Laurent Bulletin de liaison Juin 2008 Vol. 4, No. 2 AGIR EN SENTINELLES POUR LA PRÉVENTION DU SUICIDE Sommaire Des nouvelles p. 2 Testez vos connaissances p. 3 Le suicide chez les aînés p. 4 1 866 APPELLE (277-3553) Le porteur d eau p. 12 Réponses du questionnaire p. 13 Un appel à la vie!

Bonjour à vous chères sentinelles, C est avec beaucoup de plaisir que je vous annonce que nous avons dépassé le cap des 500 sentinelles pour la seule région de l Est du Bas-Saint-Laurent! Nous sommes près du jour où nous pourrons compter 1000 sentinelles pour l ensemble du territoire Bas-Laurentien. Depuis les débuts du programme, nous avons reçu officiellement près d une centaine de références et je peux vous assurer que dans plusieurs situations votre implication a permis de faire renaître l espoir! Grâce à des personnes comme vous qui ont cru en l importance de se doter d outils en prévention du suicide, nous voyons des résultats concrets et nous pouvons même croire que la diminution des taux de suicide enregistré en 2006 chez les hommes (diminution du tiers des décès) et chez les jeunes (diminution des deux tiers) est en partie attribuable à des programmes de prévention du suicide tel que celui des sentinelles. Évidemment, il faut continuer de garder nos oreilles et nos yeux grands ouverts afin de repérer les personnes en détresse et développer encore plus, si ce n est pas déjà le cas, le RÉFLEXE d amener la personne vers les services d aide. Le cadre de référence provincial propose un processus décisionnel qu il est essentiel d appliquer. Il ne faut jamais perdre de vue l importance de contacter l intervenant désigné (tout intervenant de l équipe du Centre de crise) via le 1 866 APPELLE dans toute situation où un potentiel suicidaire peut être décelé chez une personne. L intervenant évaluera la situation à la lumière des informations que vous lui transmettrez et pourra vous donner les moyens de soutenir une personne présentant un niveau d urgence suicidaire faible (coaching) et dans les autres cas, verra à prendre la situation en charge en s assurant qu un contact sera établi par un professionnel et que la personne recevra l aide des ressources appropriées à sa situation À tous, bonne lecture et bon été! Christiane Michaud, Coordonnatrice du programme Centre de prévention du suicide et d intervention de crise du Bas-St-Laurent 2

Le suicide chez les aînés : Tester vos connaissances Vrai ou faux? En général, les chercheurs s entendent sur le fait que les taux officiels de décès par suicide chez les personnes âgées sont inférieurs aux véritables taux, plus que dans d autres groupes d âge. Les aînés sont ceux qui complètent le plus leur suicide, c est à dire qu ils décèdent plus souvent suite à une tentative de suicide. 60 à 80% des personnes âgées qui se suicident souffrent d une dépression La dépression chez les personnes âgées est moins souvent identifiée par les médecins Les recherches indiquent que très souvent la dépression d une personne âgée est un effet secondaire des médicaments utilisés dans le traitement de maladies physiques. 50 % des personnes âgées qui se sont suicidées avaient vu un médecin dans les 2 semaines précédant leur suicide Les problèmes de consommation et d abus d alcool constituent un facteur important de risque de suicide chez les personnes âgées. Notre société a tendance à accepter le suicide d une personne âgée, alors qu elle refuse celui d un jeune. Les personnes âgées sont parfois réticentes à demander de l aide (particulièrement les hommes) ou dans l incapacité de le faire. Les aînés qui semblent être les plus à risque de suicide sont les personnes isolées et les veufs. Réponse en page 13 3

Le suicide chez les aînés Vieillir, si l on sait, ce n est pas tout ce qu on croit. Ce n est pas du tout diminuer, mais grandir. Marcel Jouhandeau, Extrait des Réflexions sur la vieillesse et la mort Selon une enquête de santé conduite en 1993 au Québec, le groupe des aînés présente le plus haut taux de satisfaction en ce qui concerne leurs relations familiales, avec les soins de santé et présentent un niveau de bien-être généralement plus élevé que les personnes plus jeunes. De plus, l idée selon laquelle la génération des jeunes est en train d abandonner les aînés est un mythe. Il n y pas d indication dans les recherches à l effet que les aînés reçoivent moins de soutien de leurs enfants que ce qu ils souhaitent. En réalité, les aînés font plus de réparations dans les maisons que les enfants n en font chez leurs parents, ils donnent plus d aide à domicile qu ils n en reçoivent et ils donnent plus d argent à leurs enfants qu ils n en reçoivent, et sont satisfaits qu il en soit ainsi. Seulement 5 % des aînés vivent en institution, donc l aîné typique vit indépendamment et est en relativement bonne santé. Cela ne veut pas dire que les aînés n ont pas de douleurs et ne présentent pas une probabilité élevée de problèmes de santé chronique. Mais les aînés au Québec ont généralement une vie active. Qu en est-t-il des taux de suicide? Dans la majorité des pays industrialisés, le taux de suicide augmente avec l âge, mais ce n est pas le cas au Québec où ce sont les «baby boomers» qui présentent le plus haut taux de suicide. Les aînés (personnes de 65 ans et plus) quant à haut maintiennent le taux de suicide le moins élevé de tous les groupes d âge. La problématique du suicide chez les personnes âgées n en demeure pas moins un sujet préoccupant. 4

En 2005, le tiers des personnes qui se sont enlevées la vie au Québec étaient âgées de 50 ans et plus. Au Bas-St-Laurent, les chiffres deviennent encore plus alarmants : en 2006, 49% de tous les décès par suicide étaient attribuables aux 50 ans et plus comparativement à 34% pour le reste du Québec. Selon les données de l'institut national de santé publique, le taux de suicide chez les 50 ans et plus a augmenté de 85 % en 20 ans au Québec. Dans le passé, plusieurs chercheurs dont Mishara et Tousignant (2004), ont émis l hypothèse que lorsque la génération des «baby-boomers» (personnes nées juste après la 2e guerre mondiale) vieillirait, le taux de suicide des aînés augmenterait. La génération des baby-boomers a toujours présenté un taux de suicide plus élevé que chez les générations précédentes. Selon eux, il est possible que le taux de suicide chez les aînés au Québec augmente lorsque cette génération arrivera à l âge d or. L'explication de Mishara s'appuie sur les recherches qui indiquent que certaines générations ont des taux de suicide relativement plus élevés ou plus faibles au cours de leur vie. La génération précédente des aînés comprend des individus qui étaient jeunes lorsque le Québec avait un très faible taux de suicide chez les jeunes. Selon lui, à moins d une augmentation de divers facteurs de protection dans l'avenir, la génération des baby-boomers est plus susceptible d'être influencée par les nombreux facteurs de risque du suicide qui sont liés au vieillissement. Qu on accepte ou non cette hypothèse, on peut se demander ce qu on peut faire pour prévenir cet état de chose plutôt que d attendre une augmentation des suicides pour réagir. Cependant un grand nombre d entre eux ont déjà atteint l âge de 60 ans, mais nous n avons pas encore vu cet effet générationnel. Peut-être qu il n y aura pas d augmentation des suicides dans les prochaines années. 5

Les comportements suicidaires chez les aînés Le bulletin du Suicide Information and Education Centre (SIEC) de l été 98 (vol.24, no.2), rapporte que chez les aînés américains, le ratio de suicide complété est de un décès pour quatre tentatives de suicide alors que, dans la population en général, ce ratio est de un décès pour vingt-cinq. Comment peut-on expliquer cette différence de comportement? Les aînés sont moins résistants que les plus jeunes et leurs chances de survie ou de récupération suite à une tentative de suicide sont moindres. De plus, comme les aînés vivent souvent seuls, les possibilités d êtres secourus sont minimes. Il semblerait aussi que les personnes âgées utilisent des méthodes de suicide plus létales et présentent généralement moins d ambivalence face au suicide. Leur intention de mourir serait plus forte que chez les personnes plus jeunes. Les facteurs associés au suicide chez les aînés Le suicide chez les personnes âgées doit être considéré dans un cadre multidimensionnel où le risque de suicide découle de l interaction complexe de facteurs de risque, de vulnérabilités personnelles et d éléments déclencheurs du comportement suicidaire. Il ressort des écrits sur le sujet que l interaction des facteurs peut non seulement ouvrir la voie au comportement suicidaire, mais aussi le précipiter. (Dyck, Mishara & White, 1998). Selon la Stratégie québécoise d action face au suicide (MSSS, 1998), parmi les prédispositions individuelles associées au suicide chez les personnes âgées, on trouve les désordres psychiatriques. Selon les recherches, 60 à 80 % des aînés qui se suicident souffrent d une dépression. Celle-ci est souvent associée aux pertes physiques et sociales. Les maladies chroniques, les handicaps physiques et la dépendance associée à certains problèmes, de même que la douleur chronique sont aussi liés à la dépression et au suicide. L abus ou le mauvais usage de médicaments est également un facteur de risque important. Il est toujours très important d effectuer une bonne évaluation des effets 6

secondaires de l ensemble des médicaments pris par une personne âgée. Les recherches indiquent que très souvent la dépression d une personne âgée est un effet secondaire des médicaments utilisés dans le traitement de maladies physiques. Souvent, un changement de médicaments ou un ajustement du dosage est tout ce qui est nécessaire pour traiter la dépression lorsqu elle est imputable aux effets secondaires des médicaments. Les problèmes de consommation et d abus d alcool constituent également un facteur important de risque de suicide chez les personnes âgées. Un réseau social déficient représente un des facteurs d influence associés au suicide et aux gestes suicidaires en relation avec le milieu social. En effet, le fait de vivre seul et de ne pas avoir de confident est associé au suicide chez les personnes âgées. Le veuvage est un des facteurs environnementaux immédiats les plus liés au suicide chez les hommes âgés. Les conditions d hébergement des personnes âgées sont également rapportées dans la littérature comme étant associées au suicide. L anticipation d un placement en centre d accueil peut s avérer un facteur susceptible d entraîner le suicide, mais il peut aussi constituer un facteur de protection. Notre société a tendance à accepter le suicide d une personne âgée, alors qu elle refuse celui d un jeune. Ces attitudes sont partagées par les aînés eux-mêmes, ce qui peut contribuer à augmenter le risque de suicide dans ce groupe d âge. Dyck, Mishara et White (1998) identifient certains autres facteurs de risque liés au suicide chez les aînés. Ils notent qu au-delà de la pauvreté, la perte de la viabilité financière, pouvant résulter d événement tels que la perte d un emploi ou la mise à la retraite, constitue un facteur associé au suicide. L accumulation de pertes (perte du conjoint, perte du réseau social, notamment d amis, de confidents, de relations ou d un rôle dans la société ; perte d un travail significatif, de son domicile et d une certaine structure dans sa vie), représente également un facteur de risque. 7

L accessibilité à des armes à feu et à d autres moyens d autodestruction est associée au suicide chez les aînés. Comme pour tout groupe d âge, le contrôle de l accès à certains moyens de se suicider peut avoir un effet préventif. Il est important de toujours bien demander si une personne âgée suicidaire possède une arme à feu et si c est le cas, de solliciter l aide d une ressource telle le Centre de crise pour connaître les façons de rendre l environnement sécuritaire. Il est important également lorsqu on identifie un aîné à risque suicidaire de faire un inventaire de l ensemble des médicaments disponibles chez lui, parce que très souvent les aînés accumulent plusieurs anciennes ordonnances et ont de grandes quantités de médicaments dangereux à la maison. Il est important de conseiller aux membres de la famille de disposer de tout médicament non essentiel et d insister sur le fait que les médecins ne prescrivent que la quantité suffisante à court terme pour les personnes âgées à risque de suicide. Les personnes âgées sont parfois réticentes à demander de l aide (particulièrement les hommes) ou dans l incapacité de le faire. De plus, certains thérapeutes refusent de prendre des clients âgés et il y a des médecins qui ne traitent pas la dépression chez les aînés en disant que c est normal d être un peu déprimé en vieillissant. L un des défis les plus importants en prévention du suicide est de changer ces attitudes. Il est évident que l éducation des médecins pour diagnostiquer la dépression et bien la traiter, constitue un axe principal d un programme de prévention du suicide chez les aînés. Une étude a révélé que plus de la moitié des aînés qui se sont enlevé la vie ont consulté un médecin dans les deux dernières semaines précédant leur mort et plus de 90% dans les 6 mois antérieurs au décès. Ce changement d attitudes est d autant plus important puisque nous savons que lorsque nous faisons une recension de l ensemble des recherches scientifiques sur les réponses aux traitements psychothérapeutiques et pharmacologiques, on en arrive à la conclusion que les aînés répondent aussi bien et souvent mieux que les personnes plus jeunes aux traitements. Peut-être les aînés réagissent-ils mieux aux interventions parce qu ils ont eu toute une vie d expérience dans la gestion des problèmes et ils sont capables de mobiliser ces habiletés avec un peu d aide d un thérapeute ou par l élimination des symptômes à l aide de médicaments psychotropes. 8

D habitude, il y a un événement déclencheur identifiable dans le cas du suicide des aînés. Ces événements constituent souvent une perte : perte d emploi, décès d un conjoint, perte d habileté physique (par exemple, perte de permis de conduire) (par ex. Lyons, 1984; Mishara et Riedel; 1984). Lorsqu on regarde ces donnés il faut tenir compte du fait que ce qui est important c est la signification de la perte pour la personne, pas forcément l importance absolue de l événement. La mort d un animal domestique peut donc sembler une perte sévère pour une personne âgée isolée et pour une autre personne le diagnostic d un cancer incurable peut s avérer une épreuve conçue comme étant un défi et qui n a pas d influence sur le risque suicidaire. La perte de son épouse constitue un facteur de risque important pour un homme vulnérable. Les aînés qui semblent être les plus à risque de suicide sont les personnes isolées et les veufs. Plusieurs programmes pour briser l isolement des aînés et appuyer les veufs semblent être efficaces en prévention du suicide. Pour nombre d aînés, la pratique religieuse semble être un facteur de protection contre le suicide. Cependant des recherches récentes suggèrent que ce ne soit pas forcément le fait de croire en Dieu ou de pratiquer une religion qui est protecteur, mais bien plutôt le soutien social offert par la participation à une communauté de croyants (Chen et al., 2007; De Leo et al., 2004, Duberstein et al., 2004). Personnes âgées en phase terminale et avec maladie chronique On entend souvent, à titre de justification du suicide des aînés, le fait qu ils souffrent de maladies. «Si j étais dans le même état que lui, je me tuerais». En réalité (Mishara, 1999), la maladie physique constitue rarement un facteur de risque important pour le suicide des aînés. Il est cependant important de prendre en compte la compréhension qu a la personne de sa maladie ainsi que la signification des effets de sa maladie pour elle. Les liens entre risque suicidaire et maladie varient selon le type de maladie. Dans le cas du cancer, le risque de suicide est habituellement lié à l intensité de la douleur. Habituellement, lorsqu il y 9

a un meilleur contrôle de la douleur ou lorsque la personne reçoit de bons soins palliatifs, le risque de suicide diminue ou disparaît. Souvent, une personne malade est aussi une personne déprimée. La dépression peut ne pas être traitée parce qu on a tendance à croire que la personne est déprimée parce qu elle est malade. Cependant, si la dépression est bien diagnostiquée et traitée, très souvent les tendances suicidaires disparaissent malgré le fait que la personne souffre d une maladie importante. Conclusion enjeux éthiques et défis en prévention Dans notre société, la grande majorité des personnes qui meurent, ont un âge avancé et les maladies terminales arrivent généralement tard dans la vie. Le vieillissement est donc associé à la mort puisque c est à cette étape de la vie que la grande majorité des personnes vont mourir. Les organismes qui essaient de promouvoir le suicide assisté et l euthanasie ont comme clientèle cible les personnes âgées malades. Ces organismes suggèrent qu en vieillissant, lorsqu on devient malade, on peut faire un choix rationnel de ne pas continuer à vivre et à souffrir. Certains suggèrent que la souffrance à l approche de la mort soit inévitable et qu il faut mettre fin à nos jours avant que cela nous arrive. Cependant ces conclusions vont à l encontre des données de recherche sur la situation des aînés en général lorsqu ils vieillissent. Au Québec, malgré l approche de la dernière étape de leur vie, les aînés sont plus satisfaits que tous les autres groupes d âge dans leurs activités, ils ont moins de problèmes de santé mentale et sont même heureux des soins de santé qu ils reçoivent. L image du vieillard isolé, gravement malade et souffrant s applique à une très petite minorité des aînés au Québec. En plus, la majorité des souffrances des aînés réagissent aussi bien ou mieux aux traitements que les souffrances des personnes plus jeunes. L un des plus grands défis en prévention du suicide des aînés est de modifier les stéréotypes négatifs véhiculés sur les aînés dans notre société. Recherche, texte et mise en page : Christiane Michaud, adjointe à la coordination des programmes communautaires, CPSICBSL Sources : Site Internet du Centre de recherche et d intervention sur le suicide et l euthanasie, Application des connaissances scientifiques, Suicide et aînés Équilibre en tête. Vol. 13, no 2, Charbonneau, Lucie, Association québécoise de prévention du suicide, Le suicide chez les personnes âgées Mishara, Brian L., Est-ce que les aînés au Québec sont gâtés? Ou pourquoi y a t-il relativement peu de suicide chez les personnes âgées Radio-Canada, Suicide - Des aînés en détresse 10

Les signes précurseurs du suicide chez les personnes âgées: Les personnes âgées vont rarement démontrer ouvertement leur intention suicidaire. Les manifestations peuvent être très subtiles et discrètes. Il importe de se familiariser avec les indices du suicide et de savoir en tenir compte. On pourra remarquer entre autre des messages verbaux indirects tels que : «La vie n'a plus de sens»; «Mes enfants seraient mieux sans moi»; «Je suis fatigué de vivre». Certains comportements peuvent aussi nous renseigner : Acheter une arme à feu; Don d'objets personnels; Lettres d'adieu; Faire son testament (selon le contexte). On pourra remarquer certaines manifestations physiques telles que: La négligence de l'hygiène; Des troubles du sommeil et/ou de l'alimentation; Une perte de poids; Une perte d'autonomie; Des pertes sensorielles importantes; L'isolement; Etc. Que faire pour aider une personne âgée suicidaire? Premièrement, croire qu'une personne âgée peut être suicidaire. Lui poser les mêmes questions qu'on poserait à un jeune. Ne pas se laisser piéger par la crainte d insulter la personne, oser briser le tabou qui entoure le suicide chez les aînés. Aborder le sujet directement en utilisant les vrais mots; Vérifier s il y a une planification suicidaire; Mobiliser l'entourage de la personne; Téléphoner dans un centre de prévention du suicide qui vous guidera et vous informera dans la situation actuelle. 11

Le porteur d eau En Chine, un porteur d eau possédait deux grosses cruches, chacune d elle pendante aux extrémités d une solide perche qu il portait sur ses épaules. L une des cruches était fêlée, tandis que l autre était parfaite et livrait toujours une pleine portion d eau. À la fin de la longue marche du ruisseau à la maison, la cruche fêlée arrivait toujours à moitié pleine. Tout se passa ainsi, jour après jour, pendant deux années entières où le Porteur livrait seulement une cruche et demi d eau à sa maison. Évidemment, la cruche qui était sans faille se montrait très fière de son travail parfaitement accompli. Mais la pauvre cruche fêlée était honteuse de son imperfection, et misérable du fait qu elle ne pouvait accomplir que la moitié de ce qu elle était supposée produire. Après ces 2 années de ce qu elle percevait comme étant une faillite totale de sa part, un jour, près du ruisseau, elle s adressa au Porteur d eau, «J ai honte de moi-même, et à cause de cette fêlure à mon côté qui laisse fuir l eau tout au long du parcours lors de notre retour à votre demeure.» Le Porteur s adressa à la cruche, «As-tu remarqué qu il y avait des fleurs seulement que de ton côté du sentier, et non sur le côté de l autre cruche? C est que j ai toujours été conscient de ta fêlure, et j ai planté des semences de jolies fleurs seulement de ton côté du sentier, et chaque jour durant notre retour, tu les as arrosées. Durant ces deux années j ai pu cueillir ces jolies fleurs pour décorer notre table. Si tu n avais pas été comme tu l es, nous n aurions jamais eu cette beauté qui a égayé notre maison». La morale : Chacun de nous avons nos imperfections. Nous sommes tous des cruches fêlées. Mais ce sont les failles et les fêlures que chacun de nous avons qui rend notre vie commune plus intéressante et gratifiante. Vous devez accepter chaque personne pour ce qu elle est, et percevoir ce qu il y a de bon en elle. Source : Tiré de ACSM Côte-Nord, Info-Promo, Sept. 2002 12

Pour suivre la formation de Sentinelles, vous inscrire (individuellement ou en groupe) auprès de la coordonnatrice du programme. Voir coordonnées ci-bas. AGIR EN SENTINELLES POUR LA PRÉVENTION DU SUICIDE «Les sentinelles peuvent repérer, guider et orienter la personne aux prises avec la problématique du suicide ainsi que son entourage. Elles peuvent également jouer un rôle auprès des personnes difficiles à rejoindre ou encore des personnes qui n'utilisent pas les services offerts. Par leurs fonctions, leurs responsabilités ou leur engagement dans la communauté, plusieurs de ces sentinelles sont appelées à jouer un rôle significatif auprès de personnes à risque de suicide. On demande à la sentinelle de faire preuve de vigilance, d'écoute et de réceptivité. Le rôle des sentinelles est donc principalement d établir le contact et d assurer le lien entre les personnes suicidaires et les ressources d aide du territoire». Ministère de la Santé et des Services sociaux Vos commentaires et suggestions sont appréciés PROGRAMME de SENTINELLES Centre de prévention du suicide du Bas-Saint-Laurent 172, rue St-Jacques, C.P. 215 Rimouski, G5L 7C1 418-724-4337 poste 109 sentinelles@centredecrisebsl.qc.ca Merci à tous ceux qui nous ont fait parvenir leur adresse électronique pour l acheminement du bulletin. Recherche, texte et mise en page : Christiane Michaud, Adjointe à la coordination des programmes communautaires, Centre de prévention du suicide et d intervention de crise du Bas-Saint-Lauren 13