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Occasions perdues Quand l école faillit à sa mission Éducation pour tous Situation et tendances 1998

Occasions perdues Quand l école faillit à sa mission L abandon et le redoublement dans l enseignement primaire Éducation pour tous Situation et tendances 1998

Le présent rapport est publié par l UNESCO pour le FORUM CONSULTATIF INTERNATIONAL SUR L ÉDUCATION POUR TOUS, mécanisme mondial créé pour promouvoir et suivre les progrès vers les objectifs de l éducation pour tous. Les désignations employées et la présentation adoptée dans ce rapport ne sauraient être interprétées comme exprimant une prise de position de l UNESCO sur le statut juridique ou le régime d un pays, d un territoire, d une ville ou d une région quelconque, non plus que sur le tracé de ses frontières ou limites. Éducation pour tous : situation et tendances peut être librement reproduite, en tout ou en partie, sous réserve que la source soit dûment mentionnée. Pour tout complément d information, prière de s adresser au : SECRÉTARIAT DU FORUM SUR L ÉDUCATION POUR TOUS UNESCO 7, place de Fontenoy 75352 Paris 07 SP France Tel : +33 (0) 1 45 68 08 90 Fax : +33 (0) 1 45 68 56 29 Courrier électronique : efa@unesco.org Site web : http://www.education.unesco.org/efa Coordination de la rédaction Consultante de rédaction Auteur principal Consultant de recherche Supervision des statistiques Consultant statisticien Création graphique Impression Michael LAKIN Ulrika PEPPLER BARRY Jean O SULLIVAN Edward B. FISKE Mathias RWEHERA S. K. CHU Hilaire MPUTU Sylvaine BAEYENS GRAPHOPRINT Photo de couverture: École primaire, Paris. (Photo : Agence Vu, Agnès Bonnot) UNESCO 1998 ISSN 10-1165 Imprimé in France

Sommaire Introduction............................................................................................................................. 5 Partie I L objectif de l Éducation pour tous.................................................. 7 Partie II Le problème de la déperdition scolaire...............................11 L évaluation de la déperdition scolaire................................................................. 12 L abandon scolaire........................................................................................................... 12 Encadré 1. COMMENT ÉVALUE-T-ON LE RENDEMENT SCOLAIRE?.................................................. 13 Encadré 2. COMMENT ANALYSER LA DÉPERDITION SCOLAIRE?.................................................... 14 Encadré 3. QUE DEVIENNENT LES ENFANTS QUI ONT ABANDONNÉ L ÉCOLE?.............................. 15 Encadré 4. LE REDOUBLEMENT AIDE-T-IL VRAIMENT LES ÉLÈVES?................................................... 16 Le redoublement................................................................................................................ 17 Encadré 5. LE TRAVAIL DES ENFANTS ET LA DÉPERDITION SCOLAIRE............................................... Effets conjugués de l abandon et du redoublement....................................... 21 Partie III Le coût élevé de la déperdition scolaire...........................23 Coûts éducatifs................................................................................................................... 23 Coûts financiers................................................................................................................. 25 Coûts économiques, sociaux et personnels........................................................ 26 Encadré 6. APPRENDRE DANS SA LANGUE MATERNELLE............................................................... 27 Partie IV Comment remédier à la déperdition scolaire?......29 Politiques liées aux conditions économiques et sociales............................. 29 Réduire les frais de scolarité........................................................................................ 31 Améliorer l accès à l école........................................................................................... 31 Encadré 7. MANGER POUR ÉTUDIER......................................................................................... 32 Réformer les politiques et les pratiques éducatives........................................ 33 Améliorer les méthodes d enseignement................................................................... 33 Rendre l école plus souple............................................................................................ 33 Éducation précoce.......................................................................................................... 33 Éducation intégratrice.................................................................................................... 34 Accroître la quantité des matériels éducatifs disponibles..................................... 35 Supprimer les disparités entre les sexes.................................................................... 35 Encadré 8. PARTIR DU BON PIED DANS LES CARAÏBES................................................................. 35 Encadré 9. L IMPORTANCE DES PARENTS................................................................................... 36 Redoublement ou passage automatique dans la classe supérieure?... 37 Encadré 10. DES ÉCOLES PROCHES DES FILLES EN ÉGYPTE.......................................................... 38 Conclusion............................................................................................................................40 Annexe I Annexe II Annexe III Annexe VI Tableaux statistiques............................................................................................... 41 Composition des régions...................................................................................... 45 Glossaire...................................................................................................................... 46 Bibliographie.............................................................................................................. 48 3

L éducation est la condition préalable au développement. (Photo : Agence Vu, Sophie Chivet) 4

Introduction Les dirigeants des pays en développement comprennent généralement qu il est important d investir dans l éducation de base. Ils savent que savoir lire, écrire et compter est la condition préalable à la création d une main-d œuvre compétitive et d une nation de parents responsables et de citoyens actifs. Mais ils ont également un rude combat à mener pour construire des systèmes éducatifs capables d offrir une éducation de base pour tous, enfants, adolescents et adultes. Les ressources financières et humaines sont limitées et il est difficile de décider de leur affectation au mieux. Il est donc impératif d en tirer le maximum de résultats. Malheureusement, tel n est pas le cas. Si l augmentation du nombre d élèves scolarisés dans les pays en développement constitue un progrès notable, cette avancée est ébranlée par le nombre toujours aussi élevé d élèves qui passent plus d une année dans la même classe et/ou abandonnent l école avant même la fin du cycle primaire. Le redoublement et l abandon frappent les élèves concernés d un lourd tribut personnel et absorbent une grande partie des ressources limitées de l éducation. Trouver des moyens de limiter la «déperdition scolaire» doit être au cœur de tout effort sérieux visant à atteindre l objectif de l Education pour tous (EPT). La déperdition scolaire est une occasion manquée pour des individus, des communautés, des nations et des régions entières du monde. Elle empêche les pays en développement de tirer le meilleur parti de leurs ressources et frappe surtout les groupes les plus vulnérables de la société. Trouver des moyens de réduire la déperdition scolaire doit devenir une priorité absolue pour les pays en développement et leurs alliés. L un des plus grands dangers qui menacent le monde actuel est l augmentation du nombre d individus qui ne peuvent participer activement à la vie économique, sociale, politique et culturelle de leur communauté. Lorsque des masses critiques d individus ou de groupes sont marginalisées, la société elle-même se divise. Il semblerait que nous nous acheminons vers un monde dans lequel toutes les formes de richesse richesses économiques, capital social, influence politique et savoir sont concentrées entre les mains de quelques privilégiés. Or, un tel monde n est ni efficace, ni juste, ni même sûr. Les multiples causes de cette division vont de la mondialisation de l économie au démantèlement des systèmes de protection sociale. Malheureusement, l éducation, souvent considérée comme une voie vers l égalité, peut aussi contribuer à l inégalité. Dans notre société basée sur le savoir, ceux qui reçoivent une bonne éducation de base peuvent continuer à apprendre tout au long de leur vie et se maintenir économiquement à flot alors que ceux qui n ont aucune formation scolaire solide sont voués à rester sur le bord de la route. D un point de vue éthique et économique, il est donc absolument nécessaire de réduire la déperdition scolaire. Cette édition d Education pour tous : situation et tendances est consacrée au problème de la déperdition scolaire dans les pays en développement. Elle présente les données et les tendances les plus récentes sur le redoublement et l abandon et s articule autour de trois questions : - Quelle est l ampleur de la déperdition scolaire? - A quoi est-elle due? - Comment rendre les écoles plus efficaces? 5

PARTIE I L objectif de l Edu 6

PARTIE I cation pour tous Partie I La communauté internationale a reconnu depuis longtemps que l éducation de base est tant une nécessité qu un droit fondamental de la personne humaine. La Déclaration universelle des droits de l homme, adoptée en 1948 par l Organisation des Nations Unies, affirme que «toute personne a droit à l éducation» et les conférences internationales et les textes normatifs qui lui ont succédé ont réaffirmé cet objectif et tenté de l atteindre. Pendant l Année internationale de l alphabétisation (1990), la Conférence mondiale sur l éducation pour tous a été réunie à Jomtien (Thaïlande) pour traiter des problèmes concernant les insuffisances de l éducation de base, en particulier dans les pays en développement. Elle a adopté la Déclaration mondiale sur l éducation pour tous et est convenue d un Cadre d action pour répondre aux besoins éducatifs fondamentaux. La Déclaration s ouvre sur l affirmation que «toute personne enfant, adolescent ou adulte doit En matière d éducation, équité et qualité vont de pair. (Photo : Christopher Barry) 7

PARTIE I 250 FIGURE 2 Evolution des effectifs de l éducation primaire dans les régions moins développées 1970-1995 (Millions) 700 600 500 400 300 0 100 pouvoir bénéficier d une formation conçue pour répondre à ses besoins éducatifs fondamentaux» et met ensuite l accent sur une «vision plus large» de l éducation de base qui peut permettre d y arriver. Le Cadre d action appelle les pays à adopter des politiques et des méthodes pour garantir «l universalisation de l éducation primaire (ou de tout autre niveau d éducation plus élevé considéré comme «fondamental») d ici à l an 00». Il les exhorte également à poursuivre «l amélioration des résultats de l apprentissage telle qu un pourcentage convenu d une classe d âge déterminée (par exemple 80 % des jeunes de 14 ans) atteigne ou dépasse un certain niveau d acquisitions jugé nécessaire». Afin d atteindre les objectifs énoncés à Jomtien, il faut non seulement que les enfants soient admis à l école quand ils sont en âge scolaire mais aussi qu ils effectuent intégralement leurs études primaires et, ce qui est tout aussi important, qu ils atteignent un niveau d éducation approprié. Comme on FIGURE 1 Tendances globales de la scolarisation dans l éducation primaire, 1970-1995 0 1970 Pays moins développés Pays en transition Pays plus développés 1975 1980 Source: Base de données Statistiques de l Unesco, 1998 1985 1990 1995 (Année) (Millions) 0 150 100 50 0 1970 1975 Asie du Sud 1980 Asie de l Est/Océanie Amérique latine/caraïbes convient généralement qu il faut au moins quatre années d enseignement pour que les élèves acquièrent les compétences de base en lecture, en écriture et en calcul pour pouvoir continuer d apprendre, cette analyse s attachera particulièrement à la proportion d élèves achevant leur 4e année d études ou atteignant la 5e. En vingt-cinq ans, des progrès considérables ont été faits pour accroître la capacité des écoles primaires de toutes les régions du monde. Comme le montre la figure 1, le nombre total d élèves du primaire est passé de 396 millions environ en 1970 à près de 540 millions en 1980 et à 650 millions en 1995. Si ce taux d accroissement se maintient, le nombre d élèves des écoles primaires du monde entier pourrait atteindre 750 millions en 05 et 845 millions en 15. Les «pays plus développés» et les «pays en transition» (voir liste en annexe II) ayant déjà universalisé l éducation primaire avant 1970, l évolution ultérieure de la scolarisation dans le cycle primaire est presqu entièrement due à la progression des pays en développement (Année) 1985 Source: Base de données statistiques de l Unesco, 1998 1990 Afrique subsaharienne Pays les moins avancés Etats arabes 1995 où le nombre d élèves est passé de 305 millions (soit 77 % des effectifs globaux) en 1970 à 561 millions (soit 86 % des effectifs globaux) en 1995. La figure 2 montre la progression de la scolarisation depuis 25 ans dans chacune des «régions moins développées» que fait également apparaître la hausse des taux de scolarisation nets entre 1985 et 1995 (figure 3). Ces taux prennent en considération seulement les enfants de la classe d âge officielle concernée qui varie selon les pays. Dans la plupart des cas, le développement de la scolarisation a dépassé la croissance de la population. Toutefois, le nombre total d enfants scolarisables non inscrits est passé de près de 91 millions en 1985 à environ 110 millions en 1990 avant de redescendre à quelque 83 millions en 1995. L Afrique subsaharienne fait exception à cette tendance générale : le nombre d enfants non scolarisés a augmenté de 12 millions entre 1985 et 1995 (figure 4). Malheureusement, la progression des effectifs et des capacités d accueil n a pas été suivie par une amélioration des 8

(Pourcentage) 1 100 80 60 40 86 89 76 82 59 61 45 50 96 99 97 88 86 90 86 90 81 88 65 79 82 87 FIGURE 3 Estimation des taux nets de scolarisation dans l éducation primaire, par région et par sexe, 1985 et 1995 1985 1995 72 62 63 61 53 52 PARTIE I 0 Garçons Filles Régions moins développées Garçons Filles Pays les moins avancés Garçons Filles Asie de l Est/ Océanie Garçons Filles Amérique latine/ Caraïbes Garçons Filles Etats arabes Garçons Filles Asie du Sud Garçons Filles Afrique subsaharienne moyens visant à faire en sorte que les élèves achèvent leur scolarité et quittent l école primaire avec les connaissances et les compétences nécessaires pour tenir leur rôle de travailleurs, de parents et de citoyens. Aujourd hui, dans l ensemble des régions moins développées, seuls trois élèves sur quatre ont des chances d atteindre la cinquième année d études, c est-à-dire d effectuer au moins les quatre années de scolarité jugées nécessaires pour acquérir un niveau d alphabétisation durable. Les résultats escomptés de l accroissement de la scolarisation sont donc entravés par un niveau important d abandon, un symptôme aigu de «déperdition scolaire». 100 90 80 70 FIGURE 4 Estimation de la population scolarisable dans l enseignement primaire mais non scolarisée, par région et par sexe, 1985 et 1995 GARÇONS FILLES Ces données se réfèrent uniquement aux enfants appartenant au groupe d âge officiel pour l enseignement primaire, qui peut varier d un pays à un autre. 60 57 50 (Millions) 50 40 30 23 24 33 33 19 25 23 18 10 0 14 19 10 4 2 1 5 5 3 5 4 3 1985 1995 1985 1995 1985 1995 1985 1995 1985 1995 1985 1995 1985 1995 Régions moins développées Pays les moins avancés Asie de l Est/ Océanie Amérique latine/ Caraïbes Etats arabes Asie du Sud Afrique subsaharienne 4 2 13 11 14 9

PARTIE II 10 Dans de telles conditions, il n est pas étonnant qu il soit difficile d étudier. (Photo : Agence Vu, Lam Duc)

Partie II PARTIE II Le problème de la déperdition scolaire un niveau d instruction adéquat représentent une perte tragique pour le potentiel humain, social et économique des pays concernés. Au sens large, le phénomène de déperdition scolaire dans l enseignement primaire se traduit par le nombre considérable d enfants qui, pour une raison ou pour une autre, ne réussissent pas à acquérir l ensemble des compétences enseignées au cours du cycle primaire. De toute évidence, sa manifestation la plus grave et la plus néfaste, ce sont ces 84 millions d enfants en âge d aller à l école primaire qui ne sont pas scolarisés et dont trois sur cinq sont des filles (voir tableau 1). Sous une autre forme moins frappante, la déperdition scolaire concerne aussi les élèves qui ont effectué des études primaires mais n ont pas réussi à acquérir les connaissances et les compétences intellectuelles, sociales, culturelles et éthiques que l école doit dispenser. D après des enquêtes menées aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement, il ressort, par exemple, qu une proportion substantielle d enfants achèvent leurs études primaires sans même avoir acquis une maîtrise appropriée de la lecture. Les enfants qui n ont jamais accès à l école et ceux qui sont scolarisés mais n atteignent jamais Nombre de pays Définie en termes plus étroits et opérationnels, la déperdition scolaire se rapporte à des élèves qui n achèvent pas leur scolarité dans le nombre d années prescrit soit parce qu ils abandonnent définitivement l école, soit parce qu ils redoublent une ou plusieurs classes. C est cet aspect de la déperdition scolaire lié à l abandon et au redoublement, en particulier au niveau de l enseignement primaire que nous allons examiner dans ce rapport. Bien entendu, la déperdition scolaire est aussi un problème sérieux dans les programmes d éducation non formelle tels que les cours d alphabétisation des adultes. Cependant, les données sur ce type de programmes ne sont pas TABLEAU 1 Estimation des taux nets de scolarisation et du nombre d enfants en âge d aller à l école primaire mais non scolarisés, autour de 1995 Couverture Taux nets de scolarisation (%) % population scolarisable Enfants non scolarisés (en milliers) (pour tous les pays) Total Garçons Filles Total Garçons Filles Total mondial 126 82 87,1 90,0 84,0 84 331 33 402 50 917 Régions plus développées 21 95 99,5 99,3 99,8 275 216 59 Pays en transition 15 64 96,6 96,8 96,6 947 471 476 Régions moins développées 90 82 85,2 88,7 81,6 83 097 32 714 50 383 Afrique subsaharienne 29 52 56,5 60,7 52,3 44 360 132 24 227 Etats arabes 16 74 83,6 88,3 78,7 6 743 2 437 4 305 Amérique latine/caraïbes 26 99 90,4 90,4 90,4 7 112 3 616 3 496 Asie de l Est/Océanie 13 85 98,0 98,7 97,3 3 608 1 6 2 401 Asie du Sud 5 87 79,5 86,7 71,7 33 905 11 308 22 597 (Pays les moins avancés) 29 78 55,6 60,8 50,4 41 607 18 585 23 022 11

PARTIE II facilement accessibles et les problèmes en jeu sont souvent très différents de ceux qui concernent la scolarité. C est pourquoi ce rapport ne porte que sur la déperdition scolaire dans l enseignement primaire formel. L évaluation de la déperdition scolaire L un des objectifs majeurs de l Education pour tous est de faire en sorte que tous les enfants du monde aient accès à l éducation de base acquièrent en fait les compétences de base en matière de lecture, d écriture et de calcul et développent l aptitude à apprendre par eux-mêmes. Les ressources allouées aux écoles pour remplir cette mission capitale étant souvent inadéquates, leur efficacité doit consister à faire passer les élèves d une classe à une autre dans le temps imparti. (Voir Encadré 1 : Comment évalue-t-on le rendement scolaire?). Pour évaluer «l efficacité interne» d un système scolaire, on considère généralement que tous les élèves entrant en première année doivent effectuer le cycle d études primaires dans un nombre d années prescrit. En cas d abandon ou de redoublement, le système est considéré inefficace. La figure 5 montre les grandes variations dans les régions moins développées et entre elles de quatre indicateurs synthétiques qui reflètent certains aspects importants du rendement interne de l enseignement primaire. La distance entre les extrémités des droites qui prolongent de part et d autre chaque rectangle indique l intervalle de variation des valeurs observées dans les pays de chaque région selon les données disponibles. Chaque rectangle correspond à l intervalle entre le 25e et le 75e percentile et la ligne horizontale à l intérieur des rectangles indique le 50e percentile (ou médiane). L abandon scolaire Sous une forme visible et criante, la déperdition scolaire concerne les élèves qui commencent leur scolarité mais l abandonnent avant d avoir atteint un niveau durable de lecture, d écriture et de calcul. L abandon scolaire dans l enseignement primaire est pratiquement inexistant dans les pays industrialisés car l enseignement y est obligatoire. Dans les régions moins avancées, en FIGURE 5 Rendement interne de l éducation primaire dans les régions moins développées, autour de 1995 A. Coefficient d efficacité en 5 e année par région 100 80 60 40 N= 12 11 19 4 24 Etats Asie de Amérique Asie du Afrique arabes l Est/ latine/ Sud subsaharienne Océanie Caraïbes C. Pourcentage de redoublants par régions 40 30 10 0 N= 15 7 17 7 26 Etats Asie de Amérique Asie du Afrique arabes l Est/ latine/ Sud subsaharienne Océanie Caraïbes B. Taux de survie jusqu en 5 e année par région 100 90 80 70 60 50 40 N= 12 12 17 4 24 Etats Asie de Amérique Asie du Afrique arabes l Est/ latine/ Sud subsaharienne Océanie Caraïbes D. Pourcentage d élèves atteignant la 5 e année sans redoublement 100 80 60 40 0 N= 11 10 15 4 25 Etats Asie de Amérique Asie du Afrique arabes l Est/ latine/ Sud subsaharienne Océanie Caraïbes La distance entre les extrémités de deux droites qui prolongent de part et d autre chaque rectangle indique l intervalle de variation des valeurs observées dans l ensemble des pays disposant des données pertinentes dans chaque région. Les rectangles correspondent à l intervalle entre le 25 e et le 75 e percentile. La médiane, ou le 50 e percentile, est indiquée par une ligne horizontale à l intérieur de chaque rectangle. Par exemple, le coefficient d efficacité en 5 e année dans les pays arabes varie, selon les pays, entre 63% et 96%. Pour la moitié de ces pays, l intervalle de variation représenté par le rectangle s étend de 78% à 93%, avec une médiane situé à 87%. 12

PARTIE II ENCADRÉ 1. COMMENT ÉVALUE-T-ON LE RENDEMENT SCOLAIRE? Tel que l emploient les économistes, le concept «d efficacité» désigne le rapport entre les facteurs de production d un système (graines, bois ou élèves, par exemple) et sa production (céréales, chaises ou diplômés). L évaluation des systèmes éducatifs pose toutefois problème en raison de la difficulté à définir et à mesurer les résultats éducatifs et à quantifier le rapport qui les relie aux facteurs de production. On considère généralement qu un système éducatif est efficace s il fournit, pour un coût minimum, la production escomptée en termes de jeunes gens munis des connaissances et des savoirfaire prescrits par la société. En d autres termes, un système éducatif est jugé efficace si pour une quantité donnée de ressources (humaines, financières et matérielles), il maximise la production escomptée, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Tout en reconnaissant la multiplicité des objectifs de l enseignement, les statisticiens et les planificateurs de l éducation mesurent les résultats d un système scolaire d une façon simple : ils considèrent que la production d un cycle donné est simplement le nombre d élèves qui l ont mené à terme, c est-à-dire les diplômés. Évidemment, cette définition est un peu restrictive puisque même les élèves qui ont abandonné l école en cours de cycle ont sans nul doute acquis certaines des connaissances et des compétences que le système visait à leur enseigner. Néanmoins, cette mesure des résultats permet de se faire une idée intéressante du fonctionnement d un système éducatif. Les facteurs de production éducatifs désignent quant à eux les bâtiments, les enseignants, les manuels et autres matériels pédagogiques que l on peut additionner et exprimer en termes de dépenses par élève et par année. On dit d un élève qui a passé une année à l école qu il a passé une année/élève. L indicateur habituel des facteurs de production correspondant aux résultats évalués en nombre de diplômés (ou d élèves qui ont achevé la 5 e année, par exemple) est le nombre d années/élève effectué par une cohorte d élèves donnée (un groupe d élèves qui entrent en première année en même temps). Dans une certaine mesure, le montant des facteurs de production exprimé en termes financiers est lié au nombre d années/ élève effectué pour obtenir la production. Le coefficient d efficacité est l un des indicateurs synthétiques de l efficacité scolaire. Il résume les conséquences du redoublement et de l abandon dans le processus éducatif qui débouche sur la «production» de diplômés. Il correspond au rapport, exprimé en pourcentage, entre le nombre optimal d années - élèves requis en l absence de tout redoublement et de tout abandon et le nombre effectif d années - élèves utilisé par une cohorte d élèves pour achever un cycle d études. Toute année supplémentaire passée par FIGURE 6 Taux apparents de survie scolaire jusqu en cinquième année par région, 1994-1995 Régions plus développées (N=17) 82% Régions moins développées (N=78) 89% Pays les moins avancés (N=25) 42% Etats arabes (N=14) 69% Asie de l Est/Océanie (N=12) 90% Asie du Sud (N=5) 78% Amérique latine/caraïbes (N=17) 90% Afrique subsaharienne (N=27) 81% un élève pour obtenir son diplôme au-delà de la durée prescrite d un cycle d études correspond à une affectation inefficace des ressources et se traduit par un coefficient d efficacité inférieur à 100 %. Ainsi, s il faut six ans en moyenne à une cohorte pour mener à terme un cycle d études primaires de quatre ans, le coefficient d efficacité correspondant sera de 0,66, ce qui signifie que le système éducatif en question fonctionne seulement aux deux tiers de son efficacité et «gaspille» un tiers de ses ressources pour les redoublants et ceux qui ont abandonné l école. Le ratio intrants/extrants (input/output) qui est l inverse du coefficient d efficacité, sert souvent d alternative. Sa valeur optimale est également appelée unité mais toute valeur supérieure à 1 traduit une inefficacité. Pour l exemple ci-dessus, le ratio facteurs de production/production est de 1,5 (6 divisé par 4). Compte tenu que la durée du cycle primaire varie d un pays à un autre, il est aléatoire de comparer l efficacité scolaire entre les pays. C est pourquoi l analyse de l abandon scolaire adoptée dans le présent rapport s appuie sur les données exprimant la proportion d élèves qui 1 e année 2 e année 3 e année 4 e année 5 e année 100% 100% 99% 99% 99% 100% 88% 84% 79% 75% 100% 76% 70% 62% 56% 100% 99% 97% 96% 93% 100% 95% 92% 89% 86% 100% 82% 76% 69% 65% 100% 83% 77% 71% 67% 100% 82% 78% 72% 67% Dans la première colonne, N indique le nombre de pays pour lesquels des données pertinentes sont disponibles pour calculer le mouvement d une cohorte sur cinq années d enseignement primaire. Le pourcentage représente la proportion d élèves scolarisés dans ces pays par rapport à l effectif total de la région. atteignent la 5 e année (c est-à-dire le taux de survie scolaire ou de maintien à l école) et qui sont donc supposés avoir acquis une maîtrise durable des connaissances élémentaires. La «survie» est l inverse de l «abandon» au sens où l élève survit ou est maintenu dans le cycle primaire. Le taux de survie scolaire employé dans ce rapport indique le pourcentage d élèves entrés en même temps en première année (cohorte d élèves) et ayant atteint la cinquième année. Le taux de survie sans redoublement est une mesure apparentée qui désigne le pourcentage d élèves d une cohorte qui atteignent la cinquième année sans avoir redoublé. 13

PARTIE II 14 ENCADRÉ 2. COMMENT ANALYSER LA DÉPERDITION SCOLAIRE? Pour évaluer l efficacité interne et la déperdition dans l éducation, les statisticiens et les planificateurs emploient des techniques similaires à celle de l analyse des cohortes en démographie. Une «cohorte» est un groupe de personnes qui vivent les mêmes expériences données en un certain intervalle de temps. Par conséquent, une cohorte d élèves est un groupe d élèves qui commencent un cycle scolaire la même année et en traversent normalement ensemble les différents stades. Toutefois, chaque élève a un vécu qui lui est propre en matière de progression scolaire, de redoublement, d abandon ou d accomplissement des études. En fonction des données disponibles, il existe trois façons d analyser la déperdition dans l éducation au regard des données sur le flux des élèves d une cohorte. La meilleure façon d obtenir une évaluation précise est de procéder par la méthode des cohortes réelles qui suppose soit une étude longitudinale d une cohorte d élèves à travers un cycle d études complet, soit un examen rétrospectif des registres scolaires pour reconstituer le flux d élèves à travers les différentes classes au fil des années. Cette méthode est cependant longue et coûteuse et suppose de disposer de registres fiables avec des données sur chaque élève. Ce n est donc pas celle que l on emploie généralement. Faute de données individuelles sur revanche, l abandon précoce est un problème considérable. Parmi les 96 millions d élèves qui sont entrés à l école autour de 1995, un quart (soit 24 millions) risque d abandonner leurs études avant la cinquième année. La figure 6 rapporte les taux apparents de survie scolaire jusqu en cinquième année des élèves de diverses régions du monde d après les données de 1994-1995 communiquées par un grand nombre de pays. Les régions plus développées présentent des taux de survie proches de 100 % tandis que dans l ensemble des régions moins développées, les élèves, on peut évaluer la déperdition scolaire en analysant les effectifs scolaires par classe sur deux années consécutives au moins. En l absence de données sur le redoublement, on peut employer la méthode des cohortes apparentes : les effectifs de 1 re année à une date donnée sont comparés à ceux des niveaux ultérieurs pendant les années suivantes et on considère que toute baisse des effectifs entre deux niveaux successifs est due à l abandon scolaire. Cette méthode, communément employée, donne une estimation très approximative du niveau d efficacité et de déperdition scolaire. Son principal défaut étant de ne pas tenir compte du redoublement, elle ne convient qu aux pays où le passage d une classe à l autre est automatique. La méthode de la cohorte reconstituée est moins tributaire de la précision des données dans le temps. Il suffit de connaître les effectifs par classe sur deux années consécutives et les chiffres du redoublement par classe entre la première et la deuxième année pour évaluer les trois grands taux de mesure des flux : progression scolaire, redoublement et abandon. On peut les analyser classe par classe pour étudier les schémas de redoublement et d abandon. Ils permettent également de reconstituer le flux d une cohorte d élèves pour en déduire d autres indicateurs d efficacité interne (voir également encadré 1). seuls trois élèves sur quatre atteignent la cinquième année. Dans le sousgroupe interrégional des pays les moins avancés, la situation est encore plus Taux de survie en cinquième année (%) 0 FIGURE 7 sombre avec à peine plus de la moitié (56 %) des élèves poursuivant leur scolarité après la quatrième année. Une analyse plus poussée des taux de survie montre que les garçons poursuivent leurs études en proportions légèrement plus élevées que les filles sauf en Amérique latine/caraïbes et dans les régions plus développées (figure 7). Les taux globaux de scolarisation des régions moins développées témoignent cependant d une disparité plus importante entre garçons et filles. Trois quarts des 8 millions d enfants en âge scolaire qui n ont pas commencé leur scolarité en 1994-1995 sont des filles (figure 8). Cette disparité entre les sexes en début de scolarité persiste généralement tout au long du cycle primaire comme le montre l écart entre les taux de scolarisation nets des garçons et des filles (figure 9). Comme nous l avons vu précédemment (figure 6), l abandon scolaire survient surtout entre la première et la deuxième année. Dans l ensemble des régions moins développées, près de la moitié des abandons surviennent avant la deuxième année. Les Etats arabes font exception à cette tendance avec un plus fort taux global de survie jusqu en cinquième année mais la plupart des abandons surviennent entre la quatrième et la cinquième année. La tendance d abandons massifs survenant au début du cycle primaire est Taux apparents de survie scolaire jusqu en cinquième année, par région et par sexe, 1994-1995 100 99 99 95 GARÇONS FILLES 92 80 87 85 76 74 60 67 67 67 59 62 65 68 52 40 Régions plus développées Régions moins développées Pays les moins avancés Etats arabes Asie de Afrique l Est/ subsaharienne Océanie Asie du Sud Amérique latine/ Caraïbes

PARTIE II FIGURE 8 Population en âge d entrer à l école primaire des régions moins développées autour de 1995 : accès et taux estimés de survie et d abandon par sexe 73% Atteignant la 5 e année (39 millions) 4% 23% Non scolarisés N atteignant (2 millions) pas la 5 e année (12 millions) Garçons : 53 millions 69% Atteignant la 5 e année (72 millions) Total : 104 millions particulièrement affligeante car les élèves qui n ont qu une année ou deux d enseignement quittent l école dans un état proche de l analphabétisme. 23% N atteignant pas la 5 e année (24 millions) 66% Atteignant la 5 e année (33 millions) 23% N atteignant pas la 5 e année (12 millions) Filles : 51 millions 8% Non scolarisés (8 millions) 11% Non scolarisées (6 millions) Toutefois, le taux global de survie jusqu en cinquième année semble s être amélioré dans plusieurs pays pour lesquels les données sont disponibles. FIGURE 9 Ecarts entre les taux nets de scolarisation des garçons et des filles, 1995 Bénin Afghanistan Togo R. D. Congo Maroc Gambie R. D. P. Lao Egypte Burkina Faso Ethiopie Sénégal Mozambique Mali Irak Comores Djibouti Mauritanie Burundi Syrie Algérie Arabie Saoudite Indonésie Turquie Botswana Madagascar Namibie Trinité & Tobago Taux nets filles plus élevés Taux nets garçons plus élevés Lesotho -15-10 -5 0 5 10 15 25 30 35 Les pays où l écart entre les sexes est (Points de pourcentage) inférieur ou égal à 3 points de pourcentage ne sont pas sur cette figure. ENCADRÉ 3. QUE DEVIENNENT LES ENFANTS QUI ONT ABANDONNÉ L ÉCOLE? Les écoles rurales ont souvent des taux d abandon plus élevés que les écoles urbaines. Une étude de dépistage intéressante a été menée en Chine pour découvrir ce que deviennent les enfants des milieux ruraux et urbains qui ont abandonné l école. Parmi ceux qui ont abandonné leurs études pendant le cycle primaire, près de la moitié (47,5 %) des enfants des zones rurales travaillent dans des fermes et 7,5 % ont des emplois à temps partiel ou autres tandis que 27,3 % des enfants des zones urbaines travaillent à temps partiel. Dans les deux cas, plus d un tiers des enfants restent chez eux. Parmi ceux qui ont abandonné leurs études en début de cycle secondaire, en milieu rural, trois sur cinq (61,2 %) travaillent dans l agriculture, un sur cinq (21,5 %) travaille à temps complet ou partiel et 11 % sont sans emploi alors qu en milieu urbain 22 % sont dans ce cas tandis que 57 % ont un emploi à plein temps ou à temps partiel. Ces constatations, qui ressortent de l Etude régionale asiatique sur la déperdition scolaire, reflètent l impact des facteurs socioéconomiques et environnementaux sur l abandon. Une autre enquête menée dans 60 cantons chinois vient le confirmer : dans les cantons qui ont un faible revenu moyen par habitant (moins de 300 yuans), le taux d abandon est de 4,3 % ; dans ceux où le revenu se situe entre 300 et 800 yuans, le taux d abandon est de 1,1 % tandis qu il n est que de 0,3 % dans les cantons où le revenu moyen par habitant dépasse 800 yuans par an. Trois enfants travailleurs sur cinq vivent en Asie. (Photo : Agence Vu, Hien Lam) 15

PARTIE II ENCADRÉ 4. LE REDOUBLEMENT AIDE-T-IL VRAIMENT LES ÉLÈVES? Dans les écoles publiques américaines, il est de tradition de faire redoubler les élèves qui ont des résultats insuffisants. Pourtant, depuis vingt ans, des dizaines d études montrent que le redoublement peut aller à l encontre du but recherché. Dans une revue de recherches sur ce sujet, Lorrie Shepard et Mary Lee Smith concluent que : «Contrairement à ce que l on croit généralement, le redoublement n aide pas les élèves à améliorer leurs résultats scolaires; par contre il a une incidence négative sur l intégration sociale et l image de soi.» Même si les parents et les enseignants s efforcent de présenter le redoublement sous un jour constructif, les élèves qui ne suivent pas leurs camarades dans la classe supérieure sont immanquablement aux prises avec des problèmes d image d eux-mêmes. Et comme il fallait s y attendre, les chercheurs ont constaté que les redoublants développent souvent une attitude profondément négative envers l école. Redoubler une classe primaire conduit fréquemment à d autres redoublements ultérieurs qui peuvent à leur tour provoquer un abandon total. Le Carnegie Council on Adolescent Development évalue ainsi dans un rapport qu un seul redoublement augmente la probabilité d abandon de 40 à 50 % et un deuxième porte le risque à 90 %. Dans les années 80, les écoles publiques de la ville de New York ont mis en place un programme de «portes de promotion» exigeant des élèves de 4 e et de 8 e année d obtenir une certaine moyenne à des tests normalisés Se retrouver loin derrière les autres n aide pas la confiance en soi (Photo : Agence Vu, Agnès Bonnot) de lecture et de mathématiques pour passer dans la classe supérieure. Quelques années après, le programme a été abandonné car les redoublants «qui ne recevaient aucun soutien scolaire spécifique» avaient toujours des difficultés. Le grand nombre de redoublants plus âgés que les autres élèves perturbait les classes et le taux d abandon parmi les redoublants était très élevé. Dans un article du journal Phi Delta Kappan, Linda Darling-Hammond et Bervely Falk expliquent l échec du redoublement par trois raisons : Ce n est pas parce qu un élève redouble une année scolaire que son épanouissement social et intellectuel s interrompt. L épanouissement est un processus continu, irrégulier et multidimensionnel et «les jeunes enfants retirent souvent plus de bénéfices d une structure scolaire qui soutient la continuité de leur développement.» Les tests normalisés sur lesquels se fondent les décisions de redoublement sont conçus pour produire un classement et non pour vérifier si les élèves maîtrisent un ensemble donné de connaissances. Ils peuvent facilement sousestimer les connaissances d un élève, en particulier lorsque leur aspect artificiel a déconcerté les élèves Le redoublement suppose que le problème, s il y en a un, vient de l enfant plutôt que de facteurs comme la qualité de l enseignement ou de l organisation scolaire. Il est révélateur que le taux de redoublement des enfants issus de familles à faible revenu soit au moins deux fois plus élevé que celui des enfants de familles aisées. Les enfants de familles pauvres ayant moins de chances d avoir des professeurs convenablement qualifiés et très efficaces, leurs difficultés scolaires «sont exacerbées et non résolues par le redoublement.» 16

PARTIE II Le redoublement Le redoublement est une autre forme de déperdition scolaire. Dans les pays en développement en particulier, c est souvent le prélude à l abandon scolaire. Les systèmes scolaires du monde entier appliquent des politiques très différentes vis-à-vis des élèves qui ne réussissent pas à maîtriser le travail propre à un niveau donné. Dans la plupart des pays, tant développés qu en développement, les enseignants demandent à ces élèves de redoubler la classe afin de leur donner un surplus de temps pour assimiler ce qu ils n ont pas réussi à maîtriser la première fois. Le redoublement est ainsi considéré comme une solution pour ceux qui sont lents à apprendre. Cette pratique est très courante en première année en raison de la conviction de l importance d un bon départ dans la vie scolaire. Le redoublement de la dernière année de primaire est toutefois également fréquent dans les pays où l entrée dans le secondaire repose sur un examen de fin d études primaires. Une minorité de pays considèrent que le redoublement engendre plus de problèmes qu il n en résout et appliquent par conséquent une politique de passage automatique dans la classe supérieure. Les élèves passent donc dans la classe supérieure même s ils ne maîtrisent pas l enseignement du niveau inférieur. Pour certains enseignants, les élèves qui n ont pas appris quelque chose du premier coup ont peu de chances de tirer parti d un redoublement. Ils considèrent plus judicieux de leur offrir une aide supplémentaire et de les laisser passer dans la classe supérieure avec leurs camarades. Les données du tableau 2 montrent que dans l ensemble des régions moins développées près de 8 % du nombre total d élèves inscrits dans le primaire % de redoublants 15 10 5 0 FIGURE 10 Pourcentage de redoublants dans l éducation primaire, par région, 1985 et 1995 10 8 Régions moins développées 16 18 Pays les moins avancés dans les années 1995 étaient redoublants et que près d un élève sur trois de première année était redoublant. L Afrique subsaharienne, l Amérique latine et les Caraïbes ont les taux globaux de redoublement les plus élevés. Le redoublement étant largement déterminé par l attitude et les pratiques des enseignants de chaque pays, son ampleur peut varier considérablement même entre des pays de niveau de développement éducatif et économique comparable. Le Niger et Madagascar, par exemple, appartiennent tous deux au sous-groupe des «pays les moins avancés» : chacun a une grande partie de sa population qui vit 17 16 14 Afrique subsaharienne Estimation du nombre de redoublants autour de 1985 Amérique latine/ Caraïbes Etats arabes Asie du Sud Asie de l Est/ Océanie avec moins d un dollar des Etats-Unis par jour et un taux net de scolarisation dans l enseignement primaire inférieur à 50 %. Pourtant, le Niger a un taux de redoublement de 16 % seulement par rapport aux 32 % enregistrés à Madagascar. Les taux de redoublement semblent baisser dans de nombreux pays en développement. La figure 10 montre que le pourcentage d élèves redoublant l année en cours a baissé entre 1985 et 1995 dans l ensemble des régions moins développées. Toutefois, cette tendance générale ne s applique pas au sous-ensemble des pays les moins avancés où le pourcentage de redoublants a augmenté. Estimation du nombre de redoublants autour de 1995 Régions Toutes classes confondues Toutes classes confondues Première année uniquement (en % des (en % des En % (En milliers) effectifs) (En milliers) effectifs) (En milliers) du total Régions moins développées 50 521 10 42 902 8 13 012 30 Afrique subsaharienne 9 616 17 11 640 16 3 551 31 Etats arabes 2 550 10 2 814 8 485 17 Amérique latine/caraïbes 10 123 14 10 221 13 3 112 30 Asie de l Est/Océanie 15 142 7 6 936 3 3 077 44 Asie du Sud 13 091 12 11 291 7 2 786 25 (Pays les moins avancés) 7 505 16 11 2 18 3 964 35 13 10 1985 1995 8 12 7 7 TABLEAU 2 Estimation du nombre de redoublants dans l éducation primaire par région, autour de 1985 et de 1995 3 17

PARTIE II FIGURE 11 Typologies du redoublement par année de l enseignement primaire dans quelques pays, dernière année disponible Taux de redoublement (%) 50 40 30 10 Type 1. Les taux de redoublement augmentent en dernière année Côte D Ivoire Djibouti Mauritanie Brunei Darussalam Autres pays présentant le même schéma : Bénin Burkina Faso Comores Guinée Malawi Mali Sénégal Egypte Tunisie Iles Salomon Le redoublement, comme l abandon, tend à être plus répandu en première et en dernière année du cycle primaire bien que les schémas de redoublement varient considérablement tant à l intérieur d un pays que d un pays à un autre (figure 11) et qu à travers les différentes régions (figure 12). De manière générale, toutefois, le pourcentage de redoublants en première année est supérieur à celui des redoublants de toutes les autres classes confondues (figure 13). Taux de redoublement (%) 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Grade Type 2. Les taux de redoublement baissent entre la première année et la dernière année 30 Autres pays présentant le même schéma : 25 15 10 5 D.R. Congo Brésil Lesotho Madagascar Togo Namibie Ethiopie Congo Erithrée Lesotho Mozambique Swaziland Bahrein Maroc Arabie Saoudite R. A. Syrienne Chine R. D. P. Lao Kiribati Argentine Colombie Costa Rica Equateur El Salvador Honduras Mexique Nicaragua Paraguay Pérou Uruguay La proportion d élèves atteignant la cinquième année sans redoublement varie également beaucoup d un pays à l autre. La figure 14 montre pour 1994-1995 l écart entre les taux globaux de survie jusqu en cinquième année (incluant donc les redoublants) et les taux de survie jusqu en cinquième année sans redoublement d une sélection de pays. Il varie de 2 % seulement au Kiribati à 51 % au Lesotho. Au Tchad, moins d un élève sur dix atteint la cinquième année sans redoubler tandis que quatre sur dix redoublent au moins une classe avant d atteindre la cinquième année. 0 Indonésie 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Grade 35 30 Type 3. Les taux de redoublement restent stables à toutes les années Malawi Autres pays et territoires présentant le même schéma : Taux de redoublement (%) 25 15 10 5 Namibie Chili Tchad Ethiopie Algérie Jordanie Oman Palestine Qatar Emirats Arabes unis Bhutan I. R. Iran Sri lanka Belize Guyana 18 0 Cuba 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Grade

PARTIE II 25 FIGURE 12 Pourcentage moyen de redoublants de la première à la cinquième année, par région, autour de 1995 (% de redoublants) (% de redoublants) 15 10 5 0 25 15 10 FIGURE 13 Pourcentage de redoublants dans toutes les années d études et en première année uniquement, par région, autour de 1995 5 0 1 7 12 Régions moins développées 18 23 Pays les moins avancés Toutes classes confondues Première année uniquement 2 3 Années Pays les moins avancés Afrique subsaharienne Amérique latine/caraïbes Régions moins développées 19 16 13 18 Afrique Amérique subsaharienne latine/ Caraïbes 7 11 Asie du Sud 4 Asie du Sud Etats arabes Asie de l Est/Océanie 8 8 Etats arabes 3 5 7 Asie de l Est/ Océanie FIGURE 14 Pourcentage de survie scolaire jusqu en cinquième année dans quelques pays : total et sans redoublement, 1994-1995 Tchad Mozambique Nicaragua Guatémala Cambodge Ethiopie Congo Honduras Bénin Mauritanie Guinée Belize Paraguay Brésil Togo Swaziland Colombie Côte d Ivoire Namibie Equateur Maroc Djibouti Burkina Faso Erithrée Lesotho Iles Salomon Bhoutan Mali Mexique Sénégal Botswana Indonésie Costa Rica Rep. islamique d Iran Kiribati Tunisie Chine Cuba Rep. Arabe Syrienne Algérie Bahrein Oman Brunei Dar. Uruguay Emirats Arabes Unis Qatar 0 10 30 40 50 60 70 80 90 100 (Pourcentage) Survies jusqu en cinquième année sans redoublement Total de survies jusqu en cinquième année 19

PARTIE II ENCADRÉ 5. LE TRAVAIL DES ENFANTS ET LA DÉPERDITION SCOLAIRE Dans de nombreux pays en développement, le travail des enfants est un obstacle majeur tant à l universalisation de l accès à l école qu à la réduction de la déperdition scolaire. Selon l Organisation internationale du travail (OIT), 250 millions d enfants de 5 à 14 ans participent à la maind œuvre des pays en développement. Près de la moitié d entre eux travaillent à plein temps tandis que les autres Un poids trop lourd pour lui. conjuguent travail, école et autres activités non rémunérées. Toutefois, ces estimations ne tiennent pas compte des enfants qui travaillent à plein temps pour leurs parents en participant aux travaux agricoles ou en s occupant de leurs jeunes frères et sœurs. D après des statistiques de l OIT, les garçons sont plus nombreux à travailler que les filles dans un rapport de trois pour deux, mais ces données sous-estiment probablement le travail domestique non rémunéré des filles. En valeurs absolues, trois enfants travailleurs sur cinq habitent en Asie tandis que un sur trois vit en Afrique. Près de 7 % des enfants qui travaillent vivent en Amérique latine et moins de 1 % en (Photo : Agence Vu, Michel Vanden Eeckhoudt) Océanie. Cependant, en termes relatifs, le travail des enfants est plus répandu en Afrique où on évalue que 41 % des enfants de 5 à 14 ans travaillent, tandis qu ils sont environ 21 % en Asie, 17 % en Amérique latine et 10 % en Océanie. Dans toutes ces régions, la proportion d enfants travailleurs est beaucoup plus élevée dans les zones rurales que dans les centres urbains. Le travail des enfants et l absentéisme scolaire s entretiennent mutuellement. Par conséquent, les mesures prises pour réduire le travail des enfants ou pour améliorer la portée et la qualité de l école tendent à avoir des effets positifs sur les deux plans. Beaucoup de pays ont entrepris de sérieux efforts pour réduire le travail des enfants. Créé par l OIT, le Programme international pour l abolition du travail des enfants (IPEC) offre une aide à tous les pays qui veulent mettre en œuvre un véritable programme national pour combattre ce fléau. Récemment, l OIT et l UNICEF se sont engagés à travailler ensemble pour abolir le travail des enfants et l OIT prépare un projet de convention pour renforcer la législation internationale dans ce domaine. La pauvreté est généralement considérée comme la première cause du travail des enfants mais les analystes ont constaté qu elle ne l engendre pas forcément. Il y a plusieurs exemples de régions de pays pauvres qui ont aboli cette pratique, à l instar de l Etat du Kerala en Inde. Des études ont également montré que l argument de «l irremplaçabilité économique» du travail des enfants ne résiste pas à un examen approfondi. L OIT a constaté, par exemple, que les économies de coût du travail escomptées en employant des enfants pour faire des bracelets et des tapis sont étonnamment dérisoires : respectivement moins de 5 et 10 % des prix du marché. Un léger prélèvement fiscal sur le prix à la consommation compenserait aisément ces économies. Les lois qui régissent l enseignement obligatoire et l âge minimum requis pour travailler sont interdépendantes. Appliquer les unes contribue donc à appliquer les autres. Cette double approche comporte aussi des effets bénéfiques importants à long terme. Il est plus probable que des personnes instruites soient des travailleurs productifs, aspirent à ce que leurs enfants fassent des études plus poussées et comprennent que le travail des enfants est vraiment un fardeau pour la société.