Méthodes d évaluation du risque d érodabilité des fondations soumises à déversement

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Thème B : Critères de conception et de justification des fondations : modélisation et calculs Méthodes d évaluation du risque d érodabilité des fondations soumises à déversement B. BLANCHER, F. LAUGIER, T. LETURCQ Colloque CFBR Fondations des Barrages 8 et 9 avril 2015 Chambéry Barrage de Cap de Long (Aquarelle Philippe Lhez)

SOMMAIRE 1. INTRODUCTION 2. ETAT DE L ART ET PRATIQUES DE CONCEPTION 3. ZOOM APPROCHE E.BOLLAERT (2002) 4. ZOOM APPROCHE ANNANDALE (1995) 5. METHODE ANNANDALE APPLIQUEE A QUELQUES BARRAGES DU PARC EDF 6. CAS LIMITES RENCONTRES 7.CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 2

INTRODUCTION La dissipation d énergie à l aval d un barrage est généralement prise en compte dès la conception et fait partie intégrante du dimensionnement hydraulique de l ouvrage. La réévaluation hydrologique des débits des crues extrêmes et l évolution réglementaire amène à vérifier la résistance des fondations de nombreux barrages soumises à des déversements pouvant être plus fréquents ou importants voire à de nouveaux déversements (cas de la surversesur le corps du barrage). Une réflexion a été menée à EDF sur les méthodes d évaluation de l érodabilité des fondations soumises à ces sollicitations, sur leur résultats et sur leur commodité d application (grand nombre de barrages). 3

ETAT DE L ART Pratiques de conception issues du REX d EDF de 1968 (puis GT CFGB de 1979 Q.50.R38) de près de 40 barrages conçus pour évacuer une lame déversanteà proximité du pied aval en fonction de la puissance à dissiper par m 2 P u > 5 000 KW/m² tapis de réception P u > 10 000 KW/m² fosse d amortissement P u > 16 000 KW/m² dégâts importants (Grangent 1963 et 1966, Maury 1949, ) Méthodes d évaluation empiriques et semiempiriques traditionnelles pour définir la profondeur d affouillement ultime Complexité des phénomènes en jeu Plus de 30 formules (Véronèse 1937, Martins 1973, Mason 1993, ) 4

ETAT DE L ART Profondeur d affouillement ultime fonction : - du débit spécifique déversé q, -de la hauteur de chute H, -de la hauteur d eau dans la fosse h, - du diamètre caractéristique des grains d. Etat de l art et inventaire des principales formules empiriques (Bollaert & Schleiss 2001) Titre de l'encadré Texte courant Elles ne considèrent généralement pas le temps de déversement (mais un déversement infini) et ne s appliquent pas à une fondation rocheuse. 5

APPROCHE BOLLAERT L approche évalue les pressions dynamiques à l interface eau-rocher (à la base de la fosse), puis leur propagation dans les discontinuités du massif rocheux. Elle fait intervenir la mécanique de la rupture (propagation de fissures) et l éjection des blocs déchaussés. Titre de l'encadré Texte courant Phénomènes physiques et mécaniques intervenant dans l érosion par lame déversante 6

APPROCHE BOLLAERT Texte courant Titre de l'encadré L approche se fonde sur une expérimentation qui reconstitue le déversement et évalue la propagation des pressions du fond de la fosse à l intérieur des «fractures» de la fondation et leur impact 7

APPROCHE BOLLAERT Données d entrée : Caractéristiques du jet (vitesse, diamètre, angle d incidence) Caractéristiques de la fosse (géométrie, hauteur d eau) «Qualité» du massif rocheux à travers 4 paramètres (non intrinsèques) définissant son «comportement hydrodynamique» 1. caractérise la propagation des fissures (CFM) : fonction de la pression dynamique à l interface eau/rocher et d un facteur d amplification (fonction de la géométrie et du remplissage des joints rocheux). Permet de calculer P max dans le joint rocheux 2 et 3. déterminent les effets différés de la propagation des fissures; fonction de la concentration d air dans le joint (vitesse et profondeur) et de la longueur des joints 4. détermine la résistance à l éjection de blocs (DI) ; fonction de la taille et de la densité des blocs L affouillement survient si la résistance du massif (fonction de R t et R c pondérées) est inférieure à l action du jet (au fond des fractures) action instantanée ou différée 8

APPROCHE BOLLAERT Théorique, calée sur l expérimentation et sur des phénomènes physiques reconstitués A priori complète mais complexe donc d application peu aisée et plutôt réservée à son concepteur méthode «jeune» dont on ne mesure pas encore les incertitudes Barrages ayant fait l objet d études numériques du potentiel d affouillement : Folsom2003, Karahnjukar2005, Gebidem2007, Bluestone 2009, Choranche 2011, Koman 2011, Kariba 2012, Chancy- Pougny 2015 9

APPROCHE ANNANDALE Méthode semi-empirique dite «index d érodabilité» Près de 150 observations (sols et roches) Abaque définissant un seuil d érosion (l érosion se produit tant que la puissance disponible est supérieure à la puissance requise) P EROSION Ordonnée : hydraulique = puissance surfacique Titre de l'encadré K PAS D EROSION Abscisse: géologique = indice d érodabilité 10

APPROCHE ANNANDALE Indice d érodabilité de Kirsten 1982 (géologique et naturaliste) K = M s. K b. K d. J s Résistance matricielle Maille de fracturation γ r M s = Rcs γ ref K = Aspect/nature des discontinuités Géométrie et orientation des «blocs» par rapport à l écoulement b K = d RQD J n J J J s r a 11

APPROCHE ANNANDALE Puissance surfacique calculs simples (chute libre sans perte d énergie) et hypothèses simplificatrices Approche simple qui permet d envisager une optimisation au cas par cas SiK = [500;5000] P c = [100;600] kw/m 2 H c = [1.7;5.8] m avec P c = ρgqh/e et e = q/ 2gH complétés par considérations plus complexes sur : l intensité turbulente initiale la diffusion du jet dans l air la longueur de désintégration du jet la diffusion dans le bassin de tranquillisation Titre de l'encadré Texte courant 12

APPLICATION A QUELQUES BARRAGES EDF 16 barrages au rocher pour lesquels on dispose d un REX sur les déversements Barrage de Riète(09) Barrage de Grangent(42) crue 2008 3200 m3/s Barrage de Campauleil (09) 13

APPLICATION A QUELQUES BARRAGES EDF 14

APPLICATION A QUELQUES BARRAGES EDF EROSION PAS D EROSION Les observations historiques sont cohérentes avec l abaque. la plupart du temps 15

CAS PARTICULIERS Les cas particuliers pour lesquels les méthodes sont moins pertinentes existent! Attention notamment : aux crues extrêmes qui induisent des effets de souffle et vibrations «aériennes» (Grangent, Koldam ) aux configurations de vallée atypiques qui induisent des courants de retour aux phénomènes d érosion particuliers : usure par blocs «marmites de géants», Barrage de Grangent K ~ 1500 16

CAS PARTICULIERS k~ 3700 Barrage de La Balme de Rencurel 17

CONCLUSIONS L évaluation de l érosion d une fondation rocheuse soumise à un déversement est un sujet de préoccupation d avenir. Les méthodes existantes sont nombreuses. Les plus complètes sont : l approche d Annandale (semi-empirique), calée sur de nombreux cas réels et éprouvée, l approche de Bollaert (théorique), très complète sur les phénomènes en jeu (notamment sur la prise en compte du temps de déversement), mais assez «opaque» et pas directement utilisable par l ingénieur. Ces deux méthodes permettent d estimer une profondeur d affouillement, ce qui suffit le plus souvent à répondre à la question de l impact du déversement (hors dimensionnement). Elles offrent des voies de recherche et d amélioration. Les études sur modèle réduit peuvent compléter ces méthodes pour affiner certains paramètres hydrauliques ou pour préciser les formes et dimensions des ouvrages (fosse d amortissement, ) et pour s assurer qu aucun écoulement à forte vitesse ne risque de mettre en péril les ouvrages, leurs fondations ou encore la stabilité des rives. 18

MERCI 19