LA DIFFICILE ADAPTATION DES RÉSEAUX ÉLECTRIQUES



Documents pareils
«L apport des réseaux électriques intelligents»

ERDF prend le virage technologique des Smart Grids

L équilibre offre-demande d électricité en France pour l été 2015

ERDF et la Transition Energétique. CESE Nice le 23 avril 2014

Evolution du mix électrique en France - Qui paiera?

Bilan électrique français ÉDITION 2014

ERDF au service de la Transition Energétique en NPDC

ALSTOM GRID AU CŒUR DES RESEAUX INTELLIGENTS

L attractivité de PACA pour le développement des smart grids

Atelier énergies. Usage direct des énergies renouvelables : les enjeux sociétaux et environnementaux, moteurs de l innovation technologique

ANALYSE. La transition énergétique allemande à la recherche de son modèle

LES SYSTEMES ELECTRIQUES INTELLIGENTS AU SERVICE DE LA VILLE NUMERIQUE ET DURABLE

Prenez part au changement. Opérateur d électricité et de gaz

Position du secteur électrique français

Equilibre offre-demande du système électrique : vers la naissance d un marché de capacités

Smart grids for a smart living Claude Chaudet

Stockage de l énergie renouvelable et de production d hydrogène

Café Sciences et Citoyens de l Agglomération Grenobloise. Eolien et solaire: comment gérer l'intermittence?

LE DISPATCHING DE NANCY AU CŒUR DES ECHANGES EUROPEENS D ELECTRICITE

ECO-QUARTIER «CAP AZUR» CHAUFFER, FOURNIR EN EAU CHAUDE ET RAFRAÎCHIR AVEC DE L ENERGIE RECUPERÉE. récupération d énergie. 100% des besoins en

«Résoudre les problèmes de l'énergie, une clé pour la survie de l'humanité»

Présentation du projet Smart Electric Lyon

LA MOBILITÉ ÉLECTRIQUE : UN NOUVEAU DÉFI

RESEAUX DE CHALEUR FLEXIBILITE ENERGETIQUE ET DEVELOPPEMENT

COMPTE RENDU DE WORKSHOP

Contribution des industries chimiques

Dossier de presse. La nouvelle offre de mobilité électrique solaire d EDF ENR. Contact presse. Service.presse@edf-en.com

LE GROUPE EDF FAIT DES SYSTEMES ELECTRIQUES INTELLIGENTS UNE REALITE

COMPTE RENDU. Atelier-débat avec les futurs clients éligibles. 25 septembre 2002

560 GW de capacité installée

Le contenu en CO2 du kwh électrique : Avantages comparés du contenu marginal et du contenu par usages sur la base de l historique.

Électricité 2030 QUELS CHOIX POUR LA FRANCE. Étude réalisée par l UFE avec le concours du cabinet Estin&Co

Plan Industriel Réseaux Electriques Intelligents

Enjeux du stockage de l énergie

La place du charbon dans le mix électrique

la micro-cogénération au bois sort de l ombre

Transition Energétique, Modèle allemand, Innovation, Jeanne Frangié & Angelos Souriadakis

Le nouveau logo d ERDF réaffirme ses valeurs et son engagement en faveur de la transition énergétique

CHAPiTRE 2 LE SYSTÈME ÉLECTRIQUE FRANCAIS,

SOLUTIONS TECHNOLOGIQUES D AVENIR

Vendredi 18 mars 2011 ETAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT DES ENERGIES RENOUVELABLES FOCUS SUR L ELECTRICITE

Transition énergétique Les enjeux pour les entreprises

Le biogaz en France et en Allemagne Une comparaison. Journées méthanisation, 4 novembre 2014, Chambéry

DOSSIER DU MOIS. Mai Focus sur les infrastructures de charge

smart grids, ERDF prépare les réseaux de demain pour renforcer sa mission de service public

France-Allemagne : Une coopération énergétique nécessaire. Les caractéristiques électriques des deux pays et les défis communs

Libéralisation des industries électriques et analyse économique

Ateliers Energie et territoires Vers des réseaux intelligents?

RECOMMANDATIONS RELATIVES À L AUTOCONSOMMATION DE L ÉNERGIE SOLAIRE PHOTOVOLTAÏQUE

VERS UNE COMMUNAUTÉ EURO- MÉDITERRANÉENNE DE L ÉNERGIE : Passer de l'import-export à un nouveau modèle énergétique régional

Note d étonnement. Session du mardi 6 mars Smart grids : Quels leviers de croissance pour les industriels? Retour d expérience de Dalkia

Production électrique : la place de l énergie éolienne

Les Entreprises Locales d Energie Diversification. Quelques exemples français

L énergie nucléaire au sein du mix énergétique belge

Toujours pionnier, Opel fait progresser la mobilité électrique

Les Smart Grids, filière stratégique pour les Alpes-Maritimes

dena Les associés de la Deutsche Energie-Agentur. 8 % 8 % 8 % Direction République fédérale d Allemagne Allianz SE Deutsche Bank AG DZ BANK AG

Intervention Emmanuel Autier Partner Utilities BearingPoint De l innovation à la révolution du secteur des Utilities

Participaient à la séance : Olivier CHALLAN BELVAL, Hélène GASSIN, Jean-Pierre SOTURA et Michel THIOLLIERE, commissaires.

Dii Le réseau d entreprises pour l électricité des deserts Faciliter la création de marchés du solaire et de l éolien en Europe, en Afrique du Nord

U N I O N D E S P R O F E S S E U R S D E P H Y S I Q U E E T D E C H I M I E 719 Les voitures électriques

Travaux dirigés de géographie économique TD 12 : Géographie économique de la transition énergétique en Allemagne

«L initiative 1000 MW» un projet qui vise la réalisation de 14 sites de production de l électricité à partir des énergies éoliennes.

Les tendances du marché de. la production d électricité. dans le monde. participation d entreprises privées locales ou internationales

EDF FAIT AVANCER LA MOBILITÉ ÉLECTRIQUE. Contact presse Tél. :

Discours de Philippe MARTIN Ministre de l Écologie, du Développement durable et de l Énergie

Demand Response, une brique importante du Smart Grid

Résultat des discussions du groupe de travail franco-allemand sur les infrastructures de charge

La révolution énergétique De la fée électricité à l énergie intelligente. Février 2010

Un réseau intelligent pour véhicules électriques

Appuis de l ADEME à la Transition Energétique dans les Transports

Schneider Electric. Le spécialiste mondial de la gestion de l énergie. Schneider Electric France mai 2014

L effacement diffus : cet inconnu bientôt dans votre foyer (1/3)

Lancement de l expérimentation * en Corse

Adaptabilité et flexibilité d une station de charge pour véhicules électriques

Smart Grids Côte d Azur Contraintes et opportunités d un territoire de développement des Smart Grids?

APPEL à MANIFESTATIONS D INTERET (AMI) INVESTISSEMENTS D AVENIR EDITION 2010

CENTRALES HYDRAULIQUES

ALEGrO : une interconnexion électrique entre la Belgique et l Allemagne au bénéfice de la collectivité

SCIENCES TECHNOLOGIES

100 % énergies renouvelables le projet Kombikraftwerk. Undine Ziller Agentur für Erneuerbare Energien 16 juin 2011

Contracting énergétique EKZ. L essentiel en bref. MON APPROCHE: Pour notre nouvelle installation, nous misons

Smart Grids, réseaux électriques intelligents

AMENAGEMENT DE PARIS SACLAY

Les grands chantiers du Smart Grid français. vers une feuille de route technologique

faux VRAI FAUX vrai VRAI POUR TOUT SAVOIR SUR L ÉLECTRICITÉ

VITODATA VITOCOM. bien plus que la chaleur. Télésurveillance et télégestion d installations de chauffage par Internet. Internet TeleControl

L énergie en France et en Allemagne : comparaisons

LE MARCHE FRANCAIS ET EUROPEEN DE L ELECTRICITE. Conférence Centrale Energie, 19 Janvier 2011

La Géothermie arrive à Bagneux. En 2016, un nouveau réseau de chaleur écologique et économique près de chez vous

SOLAIRE BALLERUP LA VILLE CONTEXTE. (Danemark) Ballerup

Stockage ou pas stockage?

L ENERGIE CORRECTION

Gérard COLLOMB et ses équipes sont à l écoute de vos sollicitations et de vos demandes, car la Ville de demain se construit évidemment avec vous.

Étude sur le potentiel du stockage d énergies

Smartgrid: comment passer du démonstrateur au projet opérationnel?

AMbition éolien L énergie éolienne. renouvelable, compétitive et créatrice d emplois

Énergies renouvelables efficaces économiques durables

station service économies (durables) Green up Borne de recharge pour e-mobility

22 juin 2016, INRIA Lyon

Transcription:

LA DIFFICILE ADAPTATION DES RÉSEAUX ÉLECTRIQUES Nous reprenons ci-après la synthèse du dernier débat BIP /Enerpresse organisé le 5 juillet sur le thème «la difficile adaptation des réseaux électriques». Les réseaux électriques européens font face à des contraintes grandissantes, au premier rang desquelles l intégration massive d énergies renouvelables. Ces capacités de production intermittentes obligent les gestionnaires de réseaux à investir dans de nouvelles infrastructures de transport, notamment pour l éolien offshore, et à optimiser la gestion des flux. Comment s y préparent-ils? Dans quelle mesure les smart grids ou réseaux intelligents aideront-ils à relever ce défi? Quelles compétences seront mises à contribution? Quelle place occuperont les nouvelles technologies? Qu attendre des clients finals? Allons-nous assister à l avènement du «consomacteur»? Intervenants : Martin Levionnois, directeur d Osisoft France, adjoint au chef du bureau des réseaux électriques de la DGEC, directeur délégué, département Méthodes et Appui, RTE, directeur de l activité Smart Grid de Siemens Le débat était animé par, journaliste à Enerpresse. Le document ci-dessous est une synthèse des débats, lesquels ne sont pas retranscrits in extenso. Quel impact le développement des ENR aura-t-il pour RTE? RTE détient et opère le réseau de transport d électricité français. Il s agit d un réseau de 100 000 km, présentant des tensions allant de 63 000 à 400 000 V. Le secteur électrique évolue aujourd hui fortement. Sans être exhaustif, on peut citer les évolutions de la consommation en raison de nouveaux usages liés à l électronique grand public, du développement des pompes à chaleur, de l arrivée, demain, des véhicules électriques, avec à la clé un accroissement fort des pointes de consommation d électricité. Autre grande tendance : le développement massif des énergies renouvelables, qui ont fait l objet d objectifs ambitieux aux niveaux européen et nationaux. A l horizon 2050, certaines projections font état d un taux de pénétration des ENR de 80 ou 90% dans le mix électrique. La France vise pour 2020 une production éolienne de 25 GW (dont 6 GW offshore). En Mer du Nord, la production éolienne pourrait représenter 50 GW d ici à 2030, soit la moitié du parc de production français installé à l heure actuelle! Ces évolutions rendent les smart grids nécessaires, via l émergence de consommateurs actifs dans la gestion de l énergie, l optimisation des réseaux de transport et de distribution et, enfin, l insertion des ENR dans le système énergétique européen. Ce dernier point crée un enjeu de taille pour le développement des réseaux de transport du Vieux Continent. Cela se comprend en particulier dans le cas de l éolien offshore, puisqu il faut acheminer la production des sites en mer vers les centres de consommation. A terre, les besoins sont également importants, afin d équilibrer offre et demande, à chaque instant, à l échelle européenne. I

Ce sont les réseaux de transport qui permettent d atteindre cet équilibre en mutualisant le parc de production au niveau européen. D après les plans de développement des réseaux européens, entre 23 et 28 milliards d euros devraient être investis au cours des cinq prochaines années sur des projets d intérêt européen. Si l on y ajoute les problématiques nationales, les investissements sur les réseaux de transport devraient atteindre environ 50 milliards d euros sur la période. Un tiers de ces montants sont liés à l intégration des ENR. La France s apprête à lancer des appels d offres sur l éolien offshore. Comment RTE se prépare-t-elle à intégrer ces nouvelles capacités? RTE ne dispose à l heure actuelle que d une seule interconnexion sous-marine, d une capacité de 2 000 MW, qui relie la France à l Angleterre en courant continu. Elle a en revanche une grande expérience des lignes souterraines en courant alternatif. Elle développe aujourd hui de nouvelles infrastructures en courant continu (en particulier la liaison souterraine de 2 000 MW reliant la France et l Espagne). Dans l offshore, ces deux technologies peuvent coexister. Le choix se fait en fonction du niveau de puissance du par cet de sa distance à la côte. Pour des parcs de faible puissance (type 500 MW) proches des côtes, la technologie privilégiée sera celle du courant alternatif. En s éloignant des côtes ou augmentant la puissance, il faudra passer au courant continu. Les parcs seront-ils interconnectés ou chacun sera-t-il directement relié à la terre? La question se pose à l échelle européenne. Dans un premier temps, les parcs ont été directement reliés à la terre. Mais ce type de fonctionnement ne sera pas le plus efficace à long terme. La question de la mutualisation se pose donc, en vue non seulement d interconnecter des parcs éoliens mais aussi de raccorder entre eux différents réseaux nationaux. Sous l impulsion de la Commission européenne, une étude associant les différents acteurs du secteur électrique va être menée sur un développement modulaire d infrastructures de réseaux. Elle devra répondre à différentes questions, sur les choix techniques, les réglementations adoptées et le financement des infrastructures. Siemens travaille sur les composants primaires des réseaux. Peut-on s attendre à des innovations en la matière? Siemens construit à la fois des centrales nucléaires, hydrauliques, thermiques alimentées en énergies fossiles, des parcs éoliens onshore - offshore ainsi que des fermes photovoltaïques. De nouveaux marchés apparaissent aujourd hui dans ses domaines d activité. Ces marchés sont liés aux bâtiments à énergie positive, aux véhicules électriques ou encore à la ville dans son ensemble, qui apparaît comme un terrain de jeu nouveau. Les smart grids vont permettre d intégrer les énergies renouvelables dans les réseaux. En effet, les ENR sont souvent produites à des distances éloignées des lieux de consommation. Des parcs photovoltaïques vont par exemple être installés dans des déserts. Le stockage II

d électricité, pour lequel il existe différentes technologies, est également un enjeu important du développement des ENR. Siemens s organise pour répondre aux nouveaux marchés qui apparaissent aujourd hui (vingt villes de plus de 1 million d habitants devraient émerger d ici à 2025!). Il créera ainsi en son sein un quatrième secteur d activités, «Infrastructures & city», en octobre prochain. Quels services la société Osisoft propose-t-elle à ses clients? Martin Levionnois OSIsoft, qui a été fondée dans la région de San Francisco, en Californie, existe depuis plus de 30 ans. Elle fournit une technologie dans les systèmes d information (système PI) permettant de centraliser en temps réel la totalité des données des réseaux de transport électriques, ces données étant nombreuses et issues de différents protocoles et sources. Il existe un prérequis aux smart grids : parvenir à collecter toutes ces informations de manière homogène et cohérente afin de permettre des analyses croisées de toutes sortes. Beaucoup de paramètres interviennent en effet dans l exploitation des réseaux électriques, qu il s agit de mieux anticiper à des fins d optimisation. Exemple : California-ISO, garant de l équilibre du réseau électrique californien, s est préparé à l intégration des énergies renouvelables en suivant en temps réel les productions de ces énergies sur écran en salle de contrôle, par le biais de notre technologie. Cela montre de quelle manière les réseaux de transport anticipent l impact des énergies renouvelables sur la conduite de leurs réseaux. Cet outil est-il aussi correctif? Martin Levionnois Les systèmes de supervision ne représentent qu une partie des données consultables et représentatives de l exploitation des réseaux de transport électrique. En effet, il faut y ajouter les données des postes électriques (dont seule une petite fraction remonte au niveau des salles de supervision), celles issues de nouvelles technologies permettant d anticiper des facteurs de perturbation (oscilloperturbographies, PMU ou Phasor Measurement Units ), les données du marché... Et il y a là des enjeux de taille, parmi lesquels la résolution d incidents et la maintenance conditionnelle, à intégrer et exploiter toutes ces données de manière plus immédiate et transparente. A titre d exemple, le réseau de transport électrique couvrant le Texas et une partie de la Louisiane, Entergy a connu un phénomène d ilotage : suite au passage d un cyclone, une partie de son réseau s est déconnectée. Les systèmes de supervision seuls ne permettaient pas aux opérateurs de suivre le comportement d un tel îlot. Notre technologie, en combinant les données de la conduite et des PMUs, leur a permis de suivre la fréquence de l îlot et de la comparer avec celle du reste du réseau, puis de stabiliser l équilibre du réseau isolé et, enfin, de reconnecter l îlot au reste du réseau. Je ne pense pas que ce type de problèmes arrivera en France, où le réseau est mieux maillé, mais cet exemple montre ce que peuvent apporter les technologies de l information pour anticiper les perturbations que les réseaux de transport électrique subissent aujourd hui plus que jamais. RTE intègre ce type de technologies. On dit souvent que les réseaux font déjà preuve d une certaine intelligence. Nous essayons d accroître encore l automatisation du réseau. Nous III

disposons aujourd hui en salle de conduite d un outil de visualisation en temps réel des productions d énergies renouvelables. Il est combiné à un système de prévision de ces productions, afin de pouvoir y préparer le réseau. Au-delà de la seule question de la production renouvelable, nous utilisons les possibilités offertes par les technologies de l information dans des systèmes permettant de superviser le réseau à l échelle nationale et européenne. Ces systèmes doivent permettre de mieux coordonner entre eux les GRT. Pouvez-vous nous parler de Coreso? Les GRT français, belge, anglais, italien et de l Est de l Allemagne ont créé Coreso, qui permet de réaliser des analyses sur le réseau européen, afin de coordonner les actions des différents acteurs et de tester les conséquences d un évènement dans un pays sur les autres réseaux européens. Quelle est l approche de la DGEC en matière de smart grids? Les infrastructures de réseaux font depuis longtemps l objet d innovations. Nous disposons dans ce domaine d une filière française bien établie et dotée d une solide expérience. En revanche, ce qui a changé ces dernières années, ce sont les enjeux des réseaux électriques : tout d abord la maîtrise de la pointe électrique, ensuite l intégration de moyens de production de plus en plus intermittents et répartis sur le territoire et, enfin, à plus long terme, l intégration des véhicules électriques. Les smart grids visent trois objectifs : l amélioration de la sécurité d approvisionnement, mission incombant à RTE. On peut se féliciter du faible taux d incidents majeurs sur le réseau ces dernières années. Ces bons résultats doivent être maintenus sur des réseaux de plus en plus interconnectés ; l amélioration de la qualité de la desserte, qui doit faire l objet d une attention particulière, en particulier sur les réseaux de distribution ; la maîtrise des coûts des réseaux. Les smart grids pourront jouer un rôle sur ce dernier point en permettant de mieux cibler les opérations de maintenance, de renouvellement et de développement des réseaux. La directive sur le marché intérieur de l électricité encadre la mise en œuvre des systèmes de comptage. Mais il ne faudrait pas réduire les smart grids aux compteurs en oubliant la partie amont, et en particulier les réseaux de transport. On se trouve actuellement dans une phase d expérimentation. Avant de faire des choix, il faut cibler les besoins et les bonnes solutions. C est là l objectif de différents projets menés aux niveaux français et européen. Je citerai à ce titre l accord de coopération intergouvernemental conclu entre dix pays bordant la Mer du Nord en vue d intégrer les parcs de la région. Un travail de normalisation doit par ailleurs être mené, afin de définir un cadre européen cohérent. Ces infrastructures déboucheront-elles sur la création d un réseau supranational? Se contentera-t-on au contraire de créer des lignes supplémentaires? IV

L objectif est de transporter de l électricité entre les zones de production et de consommation européennes, en passant par les zones de stockage. C est un grand défi qui doit s inscrire dans un cadre contraint d une part, par l acceptabilité de plus en plus faible du public pour les infrastructures énergétiques et, d autre part, par l impact que des tels investissements auront sur la facture du consommateur. Avant d investir, il faut donc s assurer des futurs besoins pour éviter tout surinvestissement. Nos factures vont-elles flamber? La problématique de l acceptabilité existe en France et dans d autres pays. Elle a pour conséquence d allonger les temps de développement et de rendre de plus en plus difficile la mise en place de lignes aériennes, lesquelles constituent encore la majorité des réseaux existants. Il existe une demande forte pour des lignes souterraines, domaine dans lequel la France a déjà une longue expérience (en particulier dans la région parisienne). Pour les réseaux de 63 000 et 90 000 V, près de 60% des nouvelles infrastructures installées l an dernier sont souterraines. Le surcoût, sur ces lignes, est compris entre 30 et 50%. Pour les lignes de 220 000 V, les surcoûts s élèvent de 200 à 300%. Enfin, pour des lignes de 400 000 V, le rapport de coûts entre installations aériennes et souterraines va de cinq à dix. Les besoins d investissements sur les réseaux sont de plus en plus importants. Leur niveau actuel avait déjà été connu dans les années 1980, période durant laquelle avaient été réalisées les grandes lignes de 400 000 V. Il faut tirer parti des évolutions technologiques afin d optimiser les infrastructures. Par exemple, l installation d une ligne en courant continu est plus coûteuse mais cette technologie offre plus de contrôle pour la gestion du réseau électrique. D une ville à l autre, les enjeux ne sont pas les mêmes. Mené à Londres, ville à circulation dense et à fortes émissions de CO 2, le projet London Low Carbon, projet de smart grid avec intégration d énergies renouvelables, a visé à améliorer la situation dans la capitale britannique. Etudier ainsi une ville pour l organiser au mieux nécessite une approche particulière et fait naître de nouveaux métiers. Une importante source d ENR est nécessaire dans le cadre du projet. Siemens construira le parc éolien offshore London Array d une puissance supérieure à 1 GW. Pour transporter le courant, différentes technologies (à courant alternatif ou à courant continu) sont envisageables, sachant que les pertes jugées acceptables en courant continu sont de 3% pour 1 000 kilomètres. Outre ce parc, différentes ENR réparties dans la ville seront intégrées au réseau. Pour gérer au mieux ces énergies nouvelles, des compteurs intelligents ont été installés. Un projet démonstrateur de 1 000 utilisateurs choisis dans des quartiers résidentiels à forte densité et parmi de petites PME et de gros consommateurs d électricité permettra de constituer une base de données précieuse quant à l utilisation de l énergie distribuée. Siemens a créé l infrastructure hardware et software pour intégrer toutes ces données qui permettront une analyse très fine de la gestion de l énergie. La ville consomme beaucoup de gaz. L idée est de montrer l avantage pouvant être tiré du chauffage électrique. Le développement des véhicules électriques est un enjeu supplémentaire. Siemens est en train d installer 1 300 bornes de recharge afin qu aucun Londonien ne se trouve à plus de 1 mile d une infrastructure de recharge. V

Enfin, un palais des congrès à énergie positive est en cours de construction. Siemens y déploiera ses technologies innovantes en matière de bâtiment à énergie positive. Des puces installées dans les ordinateurs permettent par exemple d y réduire la consommation énergétique des appareils lorsqu ils sont inutilisés. L électricité générée sera réinjectée dans les réseaux. Qu apportent ces évolutions aux distributeurs d énergie et aux consommateurs? Les consommateurs deviennent proactifs et pourront influencer leur facture d électricité par le choix de différentes tarifications et dans la possibilité d intégrer leur propre production d énergie. Pour le distributeur, c est la possibilité d apporter de nouveaux services à ses abonnés. Ces services seront-ils plus rémunérateurs que la vente d électricité? La consommation d énergie reste aujourd hui totalement libre. Ce ne sera plus possible demain car les ressources en énergies fossiles diminueront. Les déserts feront l objet de développements de fermes photovoltaïques qui produiront une énergie stockée. Les smart grids permettront de rendre les consommations intelligentes. La maîtrise des pointes a un impact sur la facture des consommateurs. L enjeu de la loi Nome est de donner une valeur à la capacité. Le compteur doit favoriser l émergence de nouveaux services, qui relèvent de l ensemble des acteurs. Le réseau de distribution offre des marges de progrès considérables. A l heure actuelle, il est effectivement impossible de détecter des pannes sur le réseau basse tension. On a constaté ces dernières années une augmentation des pointes de consommation d électricité. L enjeu de la maîtrise des pointes est fondamental. QUESTIONS / REPONSES A quel horizon le stockage d électricité sera-t-il disponible? Pensez-vous vraiment que les clients cuisineront à 3 heures du matin sous prétexte que l électricité sera moins chère à cette heure-là? A partir de quel moment pensez-vous que les prix de l électricité baisseront? Des technologies de stockage sont développées, en particulier sur les îles (Martinique, Corse ). Nous développons entre autres un système de stockage basé sur des batteries lithium-ion dans le but de combiner énergie éolienne et stockage. Cela nécessite de connaître l historique des vents afin de pouvoir ajuster au mieux l énergie injectée sur le réseau. Si les véhicules électriques se développent (100 000 doivent par exemple être déployés à Londres d ici à 2013), il serait tout à fait inapproprié de les recharger aux heures de pointe. Le but est d optimiser au mieux les gros postes de consommation : chauffage, eau chaude, VI

voiture électrique En France, l électricité est peu coûteuse que chez nos voisins, en Allemagne par exemple, où les prix sont plus élevés de 40%. Dans l Hexagone, le pay back est donc plus difficile. Le Danemark, qui a refusé le recours au nucléaire, a été précurseur en matière d ENR. Dans tous les cas, il faudra économiser l énergie, qui est amenée à coûter de plus en plus cher. On observe une grande diversité de profils de consommateurs. Les solutions de MDE ne sont donc pas uniques et doivent être adaptées aux usagers. Il ne s agit pas de cuisiner à 3 heures du matin mais d agir sur les usages importants comme, par exemple, le chauffage électrique. Le stockage d électricité existe déjà massivement en Europe via les barrages hydrauliques et les stations de pompage. Il a montré sa rentabilité depuis de nombreuses années. La question de la rentabilité se pose avec les nouveaux moyens de stockage. Pour la gestion de la consommation, le cas du véhicule électrique est intéressant. Une borne de charge lente représente 3 kw. 1 million de VE se chargeant en même temps représentent donc 3 GW. S ils le font le soir au moment de la pointe de consommation, de nouvelles installations de production devront être mises en place. A l inverse, s ils le font plus tard dans la nuit (système qui a déjà prouvé son efficacité en France pour l eau chaude), l intégration d un tel parc de véhicules sera neutre pour l ensemble du système de production électrique. Vous avez évoqué un objectif de 25 GW dans l éolien. Etant donné le fort pourcentage de nucléaire en France, sera-t-il possible d intégrer cette production éolienne d ici à 2020? Oui. RTE investit actuellement de l ordre de 1,2 à 1,3 milliard d euros par an. Techniquement et financièrement, l intégration d un tel parc de production d électricité éolienne est bel et bien prévue. Le développement des infrastructures de transport vient diminuer la valeur économique des productions d ENR. A quel prix l électricité produite par l éolien offshore sera-t-elle rachetée? Que représenteront les montants d investissement dans les transports dans ce coût de rachat? Les productions d énergie renouvelable seront-elles toujours considérées comme devant être accueillies sur le réseau? Le coût d achat de cette électricité comprend le paiement des infrastructures de transport nécessaires pour son acheminement. Les coûts de raccordement restent comparables à ceux observés pour des productions "classiques" par centrales thermiques. Si l intégration de productions intermittentes se fait sans adaptation des consommations et de la pointe, il ne sera pas toujours possible d utiliser la production d électricité renouvelable, comme l illustre l exemple du Danemark. Ce pays est un cas particulier car il est petit et très interconnecté avec ses voisins, ce qui permet des taux d intégration élevés de la production renouvelable. Il faudra mettre en place un système comparable au niveau européen. Si l on sait prévoir correctement la production, il devient possible de la gérer. Il faut VII

donc améliorer la prévision des productions intermittentes d ENR. L intégration de productions d ENR nécessitera, comme en Irlande, que ces productions puissent être adaptées en fonction de la demande (en réglant par exemple les pales des éoliennes). Les coûts de raccordement dépendent des technologies. Des moyens de production classiques nécessitent parfois des solutions de raccordement plus complexes qu une ligne aérienne standard. En dehors de l offshore, les ENR présentent donc peu de spécificité en termes de raccordement. L adaptation de la gestion du réseau est la solution à privilégier pour intégrer les ENR. RTE s y prépare avec des homologues européens. Les codes réseau mis en place dans le cadre du 3 ème paquet font l objet de réflexions de la part de l ENTSOE et de la Commission européenne afin de réfléchir à l adaptation des moyens de production pour mieux gérer les réseaux. Quel est l intérêt de se lancer en France dans de tels systèmes dès lors que l électricité qui y est produite est déjà décarbonée? Les nouvelles technologies représentent une réelle chance de développement. Elles apportent des avantages indéniables pour gérer la conduite des réseaux de transport. Avons-nous vraiment besoin de smart grids en France? L intégration massive des énergies renouvelables dans certains pays européens dont les parcs de production sont moins performants en termes de bilan carbone que le parc français impliquera une nécessaire adaptation de notre réseau, qui n est pas isolé mais au contraire fortement interconnecté. Le développement des infrastructures se fait sur la base d analyses technico-économiques : il faut qu elles offrent une rentabilité économique. C est la base de tout investissement. Ne sera-t-il pas nécessaire de développer de nouveaux stockages d électricité en France au cours des prochaines années? Là encore, il ne faut pas réfléchir à la seule échelle de la France mais essayer de mutualiser les différents parcs de production et moyens de stockage via les réseaux. La pertinence du développement de nouveaux moyens de stockage n est pas apparue en France jusqu à présent. Pour l avenir, tout dépendra des choix des porteurs de projets entre de nouveaux moyens de production, de nouveaux moyens de stockage et des baisses de consommation. Ces choix se feront à l échelle européenne. VIII