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ÈRE DES VILLES, TEMPS DES MÉTROPOLES : LE DÉVELOPPEMENT URBAIN AU CAMEROUN H.B. Nguendo Yongsi, Christopher R. Bryant, Dickens D. Priso From cities to metropolises: about urban development in Cameroon Abstract Cameroon is located between longitudes 8 0 and 16 0 east of the Greenwich Meridian and latitudes 2 0 and 13 0 north of the equator. Settled in the depths of the Guinean Gulf, it is bordered by Lake Chad and the Republic of Chad in the north and north east; the Central African Republic in the east; Equatorial Guinea, Gabon and Congo in the south and the Atlantic Ocean and Nigeria in the south west and west. It lies at the transition between the West and Central African regions. With an estimated population of 16 322 000 inhabitants, Cameroon contains about 236 ethnics groups. It even appears as the meeting place of the whole Africa as one finds there (Cameroon) all the human groups (Bantu, Sudanese, Arabs Choas, Pygmies), all the physical elements (mountains, lowlands, lakes and rivers, forests, savannas and even desert), all the fauna (mammals, reptiles, pachyderms), all the main religions (christianism, Islam, traditional beliefs) that are present in the other African countries. Because of that great geographical and cultural variety, Cameroon is sometimes called "Africa in miniature". During colonialism, the country was under the rule of Germany but after the Second World War France and England took over. Besides this political upheaval a strong national identity has emerged, binding north and south, east and west Cameroonians into one. Indeed, the fast urbanization of Africa is a recent process, but the urban phenomenon in Cameroon dates from VI th and VII th centuries with cities like Gobir, Ngaoundéré and Maroua in the northern part, Foumban on the western highlands, Yokadouma and Mbartoua in the Eastern part. However, colonization is the factor that greatly contributed to explosion of the urban fact as currently experienced in Cameroon. In fact, most Cameroonian cities have developed thanks to colonial authorities whose objective was to exploit natural resources of the colonized people. That is the case of hinterland localities like Nkongsamba, Dschand, Bamenda, etc created for their farmlands, mineral resources and other tropical products. It is also the case of coastal cities like Douala, Limbé, Kumba which were developed to evacuate products coming from the inner localities. Hence, fundaments of development and distribution of cities were outlined. After the independence in 1960, development policies set up by new national authorities contributed to the outbreak of a great number of cities (157 between 1960 and 1976) and to a rapid growth of few ones considered as metropolis (3 during the same period). In recent years, the country s urban population has grown significantly so that, with a current estimated rate of 51%, Cameroon is ranked among the most urbanized countries in Sub Saharan Africa. 1

Introduction L accroissement démographique est le phénomène le plus marquant qu a connu l Afrique subsaharienne au cours de ces dernières décennies 1, certes mais à côté il y a aussi l urbanisation. De l avis de nombreux auteurs, cette dernière passe même pour être le changement le plus spectaculaire que le continent ait vécu. En effet, avec à peine cent millions de citadins en 1960, on estime actuellement que sur les 767 millions d habitants que renferme l Afrique au sud du Sahara, plus de 300 millions habitent les villes [Population Reference Bureau, 2005]. Et selon les estimations des Nations unies, ce chiffre s élèvera à environ 787 millions en 2025 pour une population totale de 1 150 millions d habitants, soit un taux d urbanisation de près de 52,9% [Nations Unies citées par Mainet, 2004]. De façon générale, cette poussée démographique des villes est liée aux effets conjugués de l accroissement naturel, et des migrations ruro-urbaines à la base desquelles on trouve la concentration des infrastructures dans une seule ou deux localités (capitale politique ou économique), les conflits qui amènent les populations à se regrouper dans les villes, les catastrophes naturelles dont l aide humanitaire lorsqu elle parvient, est mieux distribuée en ville. Sans chercher à polémiquer sur les critères définitoires de la ville propres à chaque région, l Afrique qui en 1950 ne rassemblait que 2,8% des villes du monde, en compte actuellement près de 15%. Cette explosion urbaine se traduit d une part par la croissance des métropoles et grands centres régionaux (figure 1), et d autre part par l évolution rapide des petites et moyennes villes [Gapysi, 1989]. C est le cas du Nigeria avec 624 villes, de l Égypte (668), de l Algérie (447), du Cameroun (250), etc. Ce développement des villes s accompagne d une concentration humaine forte. Ainsi, contrairement à la situation il y a bientôt six décennies, il n existe presque plus sur le continent, une région qui n ait sa ou ses villes millionnaires : Afrique du Nord (31 villes millionnaires), Afrique de l Ouest (26), Afrique de l Est (20), Afrique australe (11), Afrique centrale (7). Cette inégale diffusion des villes s observe également au niveau des taux d urbanisation. Très élevé au Maghreb où il frôle la saturation sans doute du fait de l ancienneté du phénomène (Algérie, 88% ; Tunisie, 66%), ce taux se situe en deçà de 50% dans toutes les autres régions (excepté la République Populaire du Congo, 81% ; le Congo Démocratique (62%, l Afrique du Sud, 55%). De plus en plus donc, le développement des villes et l urbanisation affectent surtout l Afrique subsaharienne, singulièrement le Cameroun dont nos voulons à présent dire un mot sur sa situation urbaine. 2

Figure 1 : Quelques grandes villes africaines Kinshasa Source : www.ac-rennes.fr (d après les statistiques de l ONU - 1999) Le Cameroun, un pays séculaire d Afrique centrale L appellation Cameroun vient du portugais «Rio dos Camaroes» («Rivière des crevettes»), nom ainsi donné par les marins portugais de Fernando Pôo qui à leur entrée dans l estuaire du Wouri en 1472, furent émerveillés par l abondance des crevettes sur ce fleuve principal du Pays. Mais bien avant eux, le pays était déjà révélé au monde par le Carthaginois Hannon qui au V è siècle avant Jésus-Christ atteignit le mont Cameroun alors en éruption et qu il baptisa «Char des Dieux». Les vestiges archéologiques relevés à maints endroits du pays montrent que l emplacement du Cameroun actuel était bien habité depuis les temps préhistoriques [Mveng, 1963 ; Essomba, 2000]. Sinon, l histoire moderne du Cameroun commence avec l arrivée des Allemands dans la deuxième moitié du 19 siècle. Pendant trente et deux ans, le «Kamerun» (ainsi appelé par les Allemands) sera une colonie du Reich (12 juillet 1884 19 mars 1916), avant de passer en coupe réglée des Anglais et des Français à la fin de la première guerre mondiale. À travers l accord Millner Simon de 3

1917 et paraphé par la Société Des Nations (actuelle ONU) en 1919, la France et la Grande-Bretagne se partagent le pays: la partie orientale dénommée «Cameroun Oriental» (soit les 4/5 du territoire) est dévolue à la France, tandis que la zone occidentale appelée «The Cameroons» revient à la Grande-Bretagne. Dès lors, chacune de ces deux puissances va chercher à appliquer son idéologie. Dans sa partie, l Angleterre va appliquer le «Indirect Rule», alors que la France dans la sienne adopte le système de l assimilation. Mais avec les mouvements de libération amorcés un peu partout dans le monde colonisé au lendemain de la deuxième guerre, et surtout avec la création des Nations Unies en 1945 qui prônait la décolonisation, les peuples des deux parties du territoire manifestent le désir de se réunifier. Ce qui sera fait le 1 er octobre 1961, et confirmé le 20 mai 1972 avec la création d un État unitaire : le Cameroun. Fixé au fond du Golfe de Guinée, le Cameroun fait la jonction entre l Afrique centrale et l Afrique occidentale. Il est situé en Afrique centrale, légèrement au dessus de l équateur entre les latitudes 1 40 et 13 N et les longitudes 8 80 et 16 10 E. D une superficie de 475 442 km², le Cameroun est bordé au nord-ouest par le Nigeria (sur 1 720 km), au nord par le Tchad (1 122 km), à l est par la République Centrafricaine (822 km), au sud par le Congo (520 km), le Gabon (298 km) et la Guinée équatoriale (183 km). Il dispose à l ouest d une ouverture de 364 km sur l océan Atlantique (figure 2). Avec une population estimée de 16 322 000 habitants [Unicef, 2005], le Cameroun rassemble une mosaïque de peuples, de 236 ethnies. Il apparaît comme un carrefour où tout le continent noir semble s'être donné rendez-vous: l'afrique des socles, montagnes, plateaux, plaines, lacs et fleuves, de la forêt, de la savane et même du désert ; celle des pachydermes (éléphants, buffles, girafes), des mammifères (lions, panthères, tigres) et des reptiles ; celle des Pygmées, des Bantou, des Soudanais, des Arabes Choas, des Négritiques ; celle des musulmans, des chrétiens et des religions traditionnelles; celle des francophones, des anglophones, voire des arabophones. Somme toute, un pays de diversité qui lui a valu l appellation d «Afrique en miniature» [Loung, 1973]. Figure 2 Le Cameroun en Afrique centrale 4

Un trait urbain ancien Les vagues d urbanisation qui ont déferlé sur les pays d Afrique subsaharienne sont è récentes certes, mais le fait urbain en Afrique est ancien. On date des VI-VII VI siècles, les premières villes du royaume du Ghana. Certains auteurs pensent même que sur le site actuel de Djenné au Mali, se trouvait une ville qui vers l an 200 comptait 4 000 habitants [Bairoch, 1993]. 19 Quoi qu il en soit, tous les grands royaumes africains cains semblent avoir eu des centres urbains importants : le e royaume du Ghana avec Koumbi Saley ; les les empires Songhai et du mali avec Tombouctou, Gao et Oualata ; les royaumes d Oyo d Oyo et du Dahomey avec Ouidah, Abomey, et Senne ; le royaume du Monomotapa avec Kilwa, Sofala ; les cités-états États de la côte est africaine comme Mombasa, Mogadicio, Malindi, Zanzibar ; les royaumes du kanem kanem-bornou en Afrique centrale avec les cités États de Biram Biram,, Katsina, Zaria, Kano, Rano au Nigéria, et de Gobir,, Ngaoundéré, Maroua au Cameroun [Simmons et al, 1969 ; Davidson 5

1971]. En dehors de ces deux pré citées, le Cameroun renfermait d autres cités comme Garoua, Kousseri, les cités Kotoko au Nord. Dans le Sud et indépendamment du Royaume du kanem mais sous la férule de puissants chefs traditionnels, on avait de façon non exhaustive des villes comme Foumban et Dschang sur les hauts plateaux de l ouest, Douala sur la côte, Yokaduma, Mbartoua (Bertoua de nos jours) sur le plateau sud camerounais. Ces cités fondaient leur richesse sur une agriculture de subsistance, mais surtout sur un commerce très actif. Dans le Nord du pays, le commerce se faisait par caravanes avec les cités voisines du Kanem et d Oyo. Dans les régions forestières, les échanges se faisaient par relais sur les fleuves : les produits de la côte passaient de main en main et remontaient sur des centaines, voire des milliers de kilomètres; ceux de l'intérieur effectuaient le chemin inverse. À partir du XVI è siècle, le commerce des esclaves est introduit dans les échanges. Flattés par la pacotille qu apportaient Européens et Américains, les rois et chefs se muent en fournisseurs d esclaves qu ils rassemblaient dans leurs cités-comptoirs portuaires. Cette traite des esclaves va ravager l'ensemble de ces royaumes, entraînant des razzias meurtrières, des guerres incessantes entre tribus et cités États, et finalement à leur dysfonctionnement, affaiblissement, voire dislocation. Ce d autant que la plupart des constructions et habitations réalisées l étaient avec des matériaux précaires tirés de leur milieu de vie (bois, bambous, paille, lianes, écorce, terre). Nous pensons que la méconnaissance de nombre de villes précoloniales camerounaises tient pour une grande partie à la fragilité des constructions dont les matériaux ne pouvaient résister longtemps aux intempéries et autres assauts humains. La colonisation et l essor des villes camerounaises S il est établi que l existence de villes est un phénomène ancien en Afrique et singulièrement au Cameroun, force est de reconnaître que c est la colonisation européenne qui leur a imprimé le caractère qu elles connaissent encore actuellement. Les principales villes actuelles du pays ont été fondées dans des sites choisis en fonction de considérations liées aux besoins de l administration coloniale. Les localités situées sur la côte étaient généralement plus favorisées. Ainsi comprend-on pourquoi Douala fut la première à recevoir l «homme blanc». De par sa situation sur l embouchure du Wouri, elle devait par son port maritime servir de point de stockage et d expédition des produits tropicaux vers la métropole. Le développement sous la période allemande des localités de Yabassi, Kumba, Edéa, Kribi, toutes situées sur la côte et jadis accessibles par le rail et la route participent de cette logique 6

d extraversion certes, mais aussi de points d expansion vers l hinterland. En effet, toutes les populations camerounaises n ayant pas été subitement acquises à leur présence, certaines localités furent élevées au statut de villes pour servir de base arrière à partir desquelles les troupes coloniales devaient se déployer pour assujettir les résistants : cas de Victoria (aujourd hui Limbé) pour mater la résistance des Bakweri ; de Nkongsamba pour ramener les Mbô et affiliés ; de Dschang/Bamenda pour réduire les rebelles Mankon, Bafut et Bamileké ; de Bertoua pour soumettre les Maka dirigés par yokaduma ; d Ebolowa pour asservir les insurgés Bulu-fang ; de Fort Lamy aujourd hui Kousseri pour mettre au pas la résistance de certains Peul, Kirdi, Arabes Choas et Kotoko. La pacification terminée, les investissements alors initiés pour amorcer le «développement» du pays étaient concentrés dans ces localités où résidait l essentiel des cadres dirigeants de l administration coloniale et leurs collaborateurs locaux, et où les populations environnantes se devaient de migrer à des fins de contrôle et d encadrement. Somme toute, les facteurs commerciaux et stratégiques ont joué un rôle important dans la naissance des villes camerounaises. Alors que les régions côtières étaient aménagées pour faciliter la pénétration à l intérieur du pays, les localités de l Hinterland sont développées dans une perspective d une idée «civilisatrice». Le Cameroun à cette époque présente une trame urbaine d une quinzaine de villes aux fonctions commerciale et administrative bien affirmées. Ainsi, peut-on dire que la structure fondamentale de développement et de répartition des villes camerounaises était déjà esquissée, voire dessinée depuis la période coloniale. C est dans ces villes que s est située la croissance la plus dynamique après la colonisation. La postcolonie et l urbanisation accélérée En général, deux séries d indicateurs sont utilisées dans l analyse de l urbanisation d un pays ou d une région : d une part, des indicateurs statiques comme le nombre de villes et le volume de la population urbaine, et d autre part des indicateurs dynamiques qui mesurent les changements observés, notamment la croissance. Ces indicateurs privilégiant une approche macro-économique, nous ne nous en préoccuperons pas assez. Surtout que les relations entre ces séries d indicateurs sont faibles et l appréciation du niveau d urbanisation dans ce cas reste subjective, car relève de ou des indices choisis [Traoré et Bocquier, 1995]. Ainsi et dans le cadre de ce paragraphe, notre analyse du fait urbain se fera à travers l indice du nombre de villes d une part, et d autre part du rythme d urbanisation (croissance urbaine). 7

Un développement progressif des villes À la veille et au lendemain de l indépendance du Cameroun, le nombre de villes ou de localités se prévalant comme telle est faible et se limite aux centres urbains créés par les colonisateurs. Tout au plus, les nouvelles autorités vont chercher à les dynamiser en leur attribuant d autres fonctions : militaires pour certaines (Yaoundé), culturelles pour d autres. Mais la situation va légèrement changer. En effet, la réunification des deux parties du Cameroun réalisée, le pouvoir central dans son deuxième plan quinquennal (1965-1970) prône un «développement autocentré» du pays. Idéologiquement, il s agit d un développement endogène qui doit se réaliser par le peuple et pour le peuple camerounais, et limiter au strict minimum les investissements étrangers. Du point de vue de l aménagement du territoire, cela consiste à faire des centres urbains existants, des moteurs de développement des zones rurales environnantes. Même si un certain nombre de centres ruraux vont émerger (21 au total), les résultats n auront pas été à la hauteur des espoirs placés car dans cette relation ville/campagnes, la ville a plus prélevé les campagnes qu elle ne les aidées à se développer [Ela, 1988]. Le relatif échec de cette politique ravise le pouvoir central. Dans le troisième plan quinquennal (1971-1975) adopté par le parlement, le discours officiel est désormais celui d un «développement équilibré». Afin d éviter les déséquilibres visibles ou latents au sein de la société camerounaise, le gouvernement créé dans toutes les régions du pays notamment dans celles jugées en retard du point de vue croissance humaine et économique, des structures de développement régional et local. C est le cas de la Sodenkam à Nkondjock, de la Sodecoton et Sodeblé à Garoua, de la Semry à Yagoua, de la Socapalm à Nkapa- Moungo, de la Camsuco à Mbandjock, d Alucam et Cellucam à Édea, d Hévécam à Kribi, de la Socasem à l ouest, de la Sofibel à Belabo-Est, etc. Ces structures vont contribuer à la fixation des populations rurales et à leur accroissement numérique. Parallèlement, l exploitation des gisements de pétrole accroît les recettes de l État qui investit une partie dans le développement des infrastructures routières. Le désenclavement des zones augmente les mouvements de population et par conséquent le développement de nouveaux centres urbains. En prélude au recensement de 1976, les critères définitoires de la ville adoptés par le gouvernement permettent d avoir une idée assez précise du nombre de villes. Ainsi, en considérant comme ville, «toute localité faisant office de chefs-lieux administratifs (province, département, arrondissement, district), ou toute agglomération abritant au moins 5 000 habitants et comportant des équipements de caractère urbain 8

(hôpital, gare, collège, )», on dénombrait 157 villes au Cameroun en 1976 (Tableau 1). Tableau 1 : Nombre de villes et population urbaine par province au Cameroun en 1976 Provinces Nombre de villes dont villes de 5 000 habitants et plus Population urbaine Littoral 22 12 596 347 Centre-Sud 45 12 568 528 Sud-Ouest 18 10 151 909 Ouest 21 11 193 296 Est 12 5 53 654 Nord 28 13 263 267 Nord-Ouest 11 6 84 721 Cameroun 157 69 1 911 722 Source: Bureau central des recensements - RGPH 1976 Sept années plus tard, des évènements politico-sociaux liés au changement survenu à la tête de l État vont aboutir à l augmentation de cet effectif. En effet, moins d'une année après l'accession de Paul Biya à la magistrature suprême, de graves dissensions ethno-politiques éclatent entre l'ancien Président de la République (Ahmadou Ahidjo) et son successeur (Paul Biya). Dans cette confrontation «au sommet» pour la conquête de la magistrature suprême, certaines régions du pays montrent un attachement pour l ancien régime. Le gouvernement de Biya comprend alors que ce serait mener une politique d autruche que de ne pas démanteler ces régions stratégiques afin de s assurer une relative assise politique. C est ainsi que par décret n o 83-390 du 22 août 1983, l ancienne province du Nord fut divisée en trois (l Adamaoua, l Extrême-Nord et le Nord), et l ancienne province du Centre-sud éclatée en deux provinces distinctes (le Centre et le Sud). Ce réaménagement du territoire donna à certaines localités le statut de chefs lieux d arrondissement ou de département, et par conséquent donna naissance à de nouvelles villes. On va ainsi passer de 157 villes en 1976 à 169 en 1983. Avec le budget de fonctionnement du IV è plan quinquennal, ces villes vont s équiper progressivement. Mais cet élan va s arrêter brutalement avec la crise économique annoncée en 1986 et qui s est traduite par la réduction de façon dramatique des ressources comme des moyens d`action de l État dans l aménagement urbain. Aux toutes dernières années de la décennie 90, le gouvernement par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 procède à une autre réorganisation administrative du territoire pour dit-on «rapprocher l administration des administrés» 2. De nouveaux départements et arrondissements sont ainsi créés au sein des provinces. Avec cette ultime réorganisation, le Cameroun compte de nos jours 326 villes si l on s en tient aux critères de définition sus 9

mentionnés. Si l on tient compte du fait que certaines ne satisfont pas au critère fonctionnel c est-à-dire de présence de structure éducative (collège), de santé (hôpital), de sécurité (gendarmerie), de transport (gare de voyage), seules 272 localités peuvent être considérées comme des villes. Un rythme d urbanisation rapide, mais inégal Le rythme de l urbanisation au Cameroun est l un des plus rapides de toute l Afrique au Sud du Sahara. Avec un rythme de croissance de près de 5% par an pendant la colonisation française, la croissance urbaine au Cameroun comme en Afrique centrale et de l Ouest est passée à 16% au lendemain de l indépendance. Toutefois, c est à partir des années 1970 que l urbanisation s accélère au Cameroun [Timnou, 993]. De 26,8% en 1976, le taux d urbanisation sur l ensemble du pays est passé à 39,6% en 1987 et à 44% en 1994 [Gubry et Tayo, 1979 ; Minpat/DSCN, 1987 ; United Nations, 1995]. Avec un taux qui avoisine les 51% en 2006 [FAO, 2006], l urbanisation du Cameroun se situe actuellement au-dessus du taux d urbanisation moyen de l Afrique qui est de 43,7% (Tableau 2), s ajustant ainsi sur celle des pays en développement dans leur ensemble. Ce taux confirme la très rapide progression du fait urbain au Cameroun, car pendant que sa population totale passait de 10 493 665 en 1987 à 17 340 702 habitants en 2006 [www.statistics-cameroon.org ; www.populationdata.net, 2006], sa population urbaine s est suffisamment multipliée dans la même période. Tableau 2 : Taux d urbanisation comparés (en %) Années 1950 1960 1965 1970 1976 1980 1990 2000 2006 Afrique 14,8 18,4 15 22,9 --- 28,7 33,9 42 43,7 Cameroun --- --- 16 20 26,8 39 40 46 51 Sources : Traoré & Bocquier, 1995 ; United Nations, 1995 ; RGPH, 1976 ; Fao, 2006. Compte tenu du biais précédemment introduit concernant l aspect non fonctionnel de certaines localités considérées du point de vue administratif comme villes, on peut néanmoins classer les villes camerounaises en quatre groupes en fonction de leur poids démographique (Tableau 3). Le groupe I correspond aux villes dont la taille de population est supérieure à 100 000 habitants ; dans la majorité, il s agit des villes qui tiennent lieu de capitale provinciale. Le groupe II rassemble les villes de l intérieur dont la taille de la population est comprise entre 50 000 et 99 999 habitants. Le groupe III renferme les villes faiblement urbanisées dont la taille de la 10

population urbaine varie entre 10 000 et 49 999 habitants. Le groupe IV est constitué des villes où le caractère urbain n est pas encore bien mis en évidence. La taille de leur population varie entre 5 000 et 9 999 habitants. Dans l ensemble, ce sont des localités qui jouissent du statut de chef-lieu d arrondissement ou de cheflieu de district. Tableau 3 : Typologie des villes camerounaises en fonction de la taille de leur population. Villes de plus de 100 000 habitants Villes 1976 1987 est. 2001 1976 1987 Villes de 10 000 à 49 999 habitants est. 2001 1976 1987 est. 2001 Villes de 10 000 à 49 999 habitants (Suite) Douala 453 700 801 700 1 494 700 Kribi 11 300 21 500 48 800 Ngaondal... 11 400 16 500 Yaoundé 318 700 649 000 1 248 200 Buea 24 600 32 800 47 300 Yokadouma... 11 200 16 500 Garoua 68 800 142 000 356 900 Sangmélima 14 700 23 300 41 800 Pitoa... 11 200 16 400 Bamenda 48 000 110 000 316 100 Foumbot... 26 300 38 800 Tombel... 10 100 16 000 Maroua 67 100 123 000 271 700 Bangangté... 22 700 33 600 Kékem... 10 000 14 700 Bafoussam 62 100 113 000 242 000 Batouri 15 600 21 800 33 400 Magba... 9 900 14 600 Ngaoundéré 38 800 78 000 189 800 Banyo 11 000 17 900 33 300 Bélabo... 9 800 14 400 Bertoua 15 000 44 000 173 000 Nkambé... 22 200 32 900 Tonga... 9 500 14 100 Loum 26 700 55 600 141 400 Bali... 20 300 32 000 Maga... 9 500 14 000 Kumba 44 200 70 000 125 600 Mbanga 21 400 24 600 29 400 Koutaba... 9 300 13 800 Edéa 25 400 50 700 122 300 Mokolo... 19 600 29 100 Blangoua... 8 700 12 600 Kumbo 12 500 33 400 116 500 Mélong 10 800 16 700 29 100 Guidiguis... 8 400 12 200 Foumban 33 700 57 400 113 100 Manjo 15 400 19 800 27 200 Bogo... 8 300 12 100 Nkongsamba 70 500 86 000 110 600 Garoua- Boulaï... 17 200 24 900 Batibo... 8 100 12 000 Mbouda 15 100 35 800 101 100 Mora... 16 300 24 200 Yabassi... 7 300 12 000 TOTAL ##### ##### ##### Kaélé 11 700 15 900 23 400 Figuil... 8 100 11 800 Villes de 50 000 à 99 999 habitants Tibati... 15 500 22 900 Makénéné... 8 200 10 600 Dschang 17 800 35 800 87 000 Ndop... 14 100 21 200 Gazawa... 7 100 10 500 Limbé 27 000 44 600 84 500 Akonolinga... 14 100 21 000 Tcholliré... 7 000 10 400 1 054 Total... #### Ebolowa 18 300 34 900 79 500 Eséka... 13 900 20 700 800 Kousséri 12 500 54 000 76 200 Mamfé... 13 800 20 300 Guider 17 200 32 800 74 500 Obala... 13 100 19 300 Meiganga 17 000 31 900 71 000 Muyuka... 13 000 19 200 Yagoua 14 500 28 500 67 400 Nanga- Eboko... 13 000 19 200 Abong- Mbalmayo 22 100 35 600 65 400 Mbang... 12 600 18 700 Bafang 25 700 38 100 62 800 Fundong... 12 100 18 000 Tiko... 39 300 58 200 Nkoteng... 12 100 17 900 Bafia 19 100 30 600 55 700 Fontem... 13 800 17 600 Wum 16 200 27 500 53 900 Mbandjock... 11 800 17 500 TOTAL... ##### 836 100 Touboro... 11 600 16 900 Villes de 5 000 à 9 999 habitants : le reste Source : www.wikipédia.org, INS, 2004, RGPH 1976 & 1987 L urbanisation du Cameroun est très rapide certes, mais les villes camerounaises ne sont pas uniformément réparties. À travers la carte du réseau urbain (Figure 3), on peut distinguer trois foyers d urbanisation : 11

- le foyer occidental : c est le plus étendu. Avec comme noyau Douala, il rassemble les principales villes côtières (Limbé, Buéa, Kumba, Édéa, Nkongsamba) et des hautes terres de l Ouest (Bafoussam, Dschang, Foumban, Bamenda). - le foyer central, qui sous l influence de Yaoundé rassemble les villes du plateau sud camerounais (Ebolowa, Nanga Eboko, Mbalmayo, Obala, Eseka) et de la zone forestière (Bertoua, Batouri, Yokadouma, Abong Mbang, Bélabo). - le foyer du Nord avec ses deux principaux pôles que sont Garoua et Maroua. Ici, se retrouvent d autres villes importantes comme Ngaoundéré, Tignère, Poli, Banyo, Meiganga, Kousséri, Mokolo. Figure 3 : Le réseau urbain du cameroun Source : Division géographique du Ministère français des affaires étrangères in www.izf.net 12

Conclusion Le Cameroun a connu des villes bien longtemps avant les conquêtes européennes. Certaines d entre elles ont très tôt compté des populations importantes et dynamiques qui ont joué un rôle de portée locale et régionale : Ngaoundéré par exemple a servi de relais dans les échanges entre les commerçants et artisans bornouan venant des cités-états du Kanem Bornou et les populations haoussa (Nigéria) et camerounaises venant de Gourna, de Béka, de Bantadjié, de Tchéboa, de Gourin et même de Garoua. Toutefois le niveau moyen d urbanisation du pays est resté remarquablement faible jusqu à la colonisation européenne. Celle-ci s est accompagnée d une création urbaine tant pour les besoins d exploitation des ressources locales que pour l administration du territoire. Au ralentissement constaté au lendemain de l indépendance du pays, a suivi une intense et continue période de création urbaine dès les années 1970. Aussi, l image d un Cameroun essentiellement rural n est plus conforme à la réalité. D ailleurs, il s en écarte de plus en plus car malgré la crise économique qui a durement frappé le pays, les villes sont de plus en plus présentes dans le paysage national même si leur poids économique et politique n est pas proportionnel à leur poids démographique. De plus, ces agglomérations ne connaissent pas toutes une croissance identique. Leur développement dépend en effet de leur dynamique interne, mais davantage de leur vitalité presque absolument tournée vers la prestation des activités du tertiaire de service (administration). Contrairement donc aux villes occidentales, voire de certains pays émergents (Afrique du Sud, Singapour, Hong Kong), les villes camerounaises croissent parce qu elles sont perçues, non sans raison, comme des lieux d opportunités économiques et sociales, comme le point de passage obligé du monde traditionnel au monde moderne, et comme la seule alternative à l émigration clandestine hors du continent. Leur création résultant plus des manœuvres politiques que de stratégies cohérentes d aménagement du territoire, le rythme de leur croissance démographique est sans rapport avec celui du développement de leurs capacités de production économique. C est pourquoi dans leur fonctionnement, elles sont confrontées à de nombreux problèmes de gestion : comment assurer un ravitaillement acceptable en eau et électricité à des populations urbaines si nombreuses dans des villes aussi dévoreuses d espace? comment assainir adéquatement les espaces de vie? comment offrir de l emploi à une foule sans cesse croissante? etc. Le phénomène urbain constitue à l évidence une préoccupation majeure au Cameroun. Somme toute, c est dans ces villes en pleine croissance que se posent les défis les plus considérables. 13

Notes 1. La population mondiale aujourd hui estimée à 6,5 milliards d individus va fortement augmenter d ici à 2050 pour atteindre les 9 ou 11 milliards. Mais 99 % de cette croissance concernera les pays en développement, et tout spécialement l Afrique subsaharienne qui verra sa population plus que doubler sur la période. En effet, selon le Population Reference Bureau, l Afrique au sud du Sahara compterait actuellement 767 millions d individus, contre 1 150 en 2025 et 1 750 en 2050. Les experts du Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) estiment même que ce chiffre pourrait atteindre 1 940 millions de personnes en 2050, et ce malgré une baisse de la fécondité aujourd hui largement amorcée. 2. Cette décision de réorganiser le territoire peut se comprendre autrement. En 1990, le pays s engage dans la voie de la démocratisation des institutions. Les citoyens malmenés par la crise expriment leur désaveu au pouvoir central lors des élections présidentielles de 1992. Désaveu qui va se traduire par la fronde populaire dans de nombreuses unités administratives du pays et non les moindres : Le Littoral, le Nord-Ouest, l Ouest et l Extrême-Nord. Compte tenu de leur poids politique, de leur poids démographique et de leur position géographique tous susceptibles de facilement faire pencher la balance dans le camp des opposants à son régime, le gouvernement comprend qu il coure un grand risque en maintenant l unité dans ces provinces. Et comme il vaut «mieux diviser pour mieux régner», une ultime réorganisation administrative du territoire est faite. Bibliographie Bairoch P., 1993. Croissance démographique et urbanisation in Association des Démographes de Langue française. Paris, pp1-13. Davidson B., 1971. African Kingdoms. Texas/Usa, Ashley Books. Ela J.M., 1984. La ville en Afrique noire. Paris, Karthala. Essomba J.M., 2000. Civilisation du fer et société en Afrique centrale. Paris, L Harmattan, 399 p. FAO, 1997, l urbanisation en Afrique et ses perspectives. Rome, département de l agriculture. Gapysi E., 1989. Le défi urbain en Afrique. Paris, L harmattan,128 P. Gubry P., Tayo G., 1979. Les conséquences démographiques de l urbanisation au Cameroun : situation en 1976. Abidjan, Colloque de démographie africaine, 36 p. Loung J.F., 1973. Le Cameroun : Géographie 3è. Paris, Hatier. Mainet G., Mainet-Valleix H., 2003. Les villes africaines. Croissance et diversité régionale in Bart F. (Dir.), L Afrique. Continent pluriel. Liège, CNED-SEDES, pp 177-198 MINPAT/Direction Nationale du Deuxième Recensement Général de la Population et de l'habitat, 1992. DEMO 87: Deuxième Recensement Général de la Population et de l'habitat du Cameroun. Vol. 2: Résultats bruts, Tome 1, Yaoundé, Cameroun. Ministère de l économie et du Plan, 1977, Recensement général de la population et de l habitat d avril 1976, vol. I, tome 2, Centre Sud, Yaoundé, Est, Littoral, Douala. Direction de la statistique et de la comptabilité nationale, Bureau central du recensement, 314 p. 14

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