Qui a utilisé des gaz toxiques en Syrie?

Photo : Jens Wernicke : «Trump venge les enfants Syriens gazés» Mardi 11 avril 2017, 08:08 Qui a utilisé des gaz toxiques en Syrie? Même pendant la guerre, il y a des lois et des règles. L utilisation de gaz toxiques et d armes chimiques est strictement interdite dans toutes les guerres de part le monde. L utilisation de gaz toxiques est classée à juste titre comme une violation grave du droit international et un crime de guerre par la Cour Pénale Internationale de la Haye. par Daniele Ganser Le 4 avril 2017 à Khan Scheikhun en Syrie a eu lieu une attaque au gaz toxique qui a causé plus de 70 décès. Mais qui est derrière, on l ignore jusqu ici complètement. Était-ce les opposants à Assad? Des acteurs de l étranger? Ou l armée syrienne?, La retenue et la prudence dans l analyse sont de mise, car beaucoup de questions restent ouvertes. Mais les médias en Allemagne, en Suisse, en France font le contraire. Les gros titres et les photos battent le tambour pour la guerre Les gros titres et les images ont immédiatement blâmé le Président Bashar al-assad pour l attaque au gaz toxique, sans aucune preuve et sont donc censés justifier le bombardement de la Syrie par le président Donald Trump. En Suisse, le journal gratuit Blick du 7 avril au soir titrait: «Trump répond aux enfants morts... Il venge l attaque au gaz toxique d Assad sur des civils innocents.» De même, le Bild Allemand claironnait en gros 1

titre le 8 avril : «Trump venge les enfants Syriens gazés». Bild imprime à la une des missiles américains et un enfant syrien avec un masque à oxygène. Commentaire : «après l attaque d Assad mardi au gaz toxique : un bambin est soigné avec de l oxygène». Le mensonge du Tonkin Les journalistes des gros titres et des photos doivent savoir que la ruse, le mensonge et la tromperie ont toujours fait partie de la guerre. S ils sont lancés, invérifiés, aux opinions, ils alimentent la spirale de la violence. Pour les historiens dont je suis, de nombreux cas sont connus, dans lesquels les mensonges de la guerre ont généré de grandes souffrances. Le 4 août 1964, le président Lyndon Johnson avait affirmé à la télévision que le navire de guerre américain Maddox avait été attaqué dans le golfe du Tonkin avec des torpilles Vietnamiennes. Nous savons aujourd'hui que c était un mensonge. Le Maddox n a été jamais touché par des torpilles. Johnson avait dit à l époque littéralement, «des actes hostiles répétés contre des navires américains dans le golfe du Tonkin m ont forcé aujourd'hui a donner des instructions à l armée des États-Unis pour réagir... la dureté est nécessaire pour garantir la paix.» Ainsi, Johnson lança l escalade de la guerre du Vietnam, qui ne prit fin qu en 1975. Le mensonge du Tonkin a eu des conséquences fatales : environ 3 millions de Vietnamiens tués dans la guerre du Vietnam, dont beaucoup d enfants. Les États-Unis ont perdu 58 000 soldats américains, plus que dans n importe quelle autre guerre. Les États-Unis ont déployé l agent orange, défoliant chimique. Cela a entraîné de graves malformations congénitales dans l utérus, chez les enfants à naître. Selon les estimations de la Croix-Rouge, en 2002 au Vietnam environ 1 million de Vietnamiens souffraient des conséquences à long terme de l agent orange, dont 100 000 enfants souffrant de malformations Dans le contexte de la Syrie, la référence aux enfants, pour promouvoir la guerre, est extrêmement cynique. Trump et les beaux enfants Le Président Trump a justifié son attaque contre la Syrie par l usage du gaz toxique. Assad aurait «perpétré une attaque avec de terribles armes chimiques sur des civils innocents... Même de beaux bébés ont été sauvagement assassinés dans cette attaque très barbare. Aucun enfant de Dieu ne doit jamais vivre une telle horreur... Nous prions pour la vie des blessés et pour les âmes des morts. Et nous espérons que, tant que l Amérique s engagera pour la Justice, la paix et l harmonie finiront par l emporter.» Que les États-Unis s engagent la Justice, est mis en doute par de plus en plus de gens. On sait maintenant que les Etats-Unis arment les opposants à Assad et les entraînent. C est clairement illégal. La prudence est recommandée. En particulier quand l émotion des masses est attisée par la mention des enfants morts. Dans la guerre du Golfe déjà, en 1990, la population avait été délibérément choquée par le mensonge des couveuses. Le mensonge des couveuses Le 10 octobre 1990, une fille de 15 ans, qui était présentée sous le nom de Nayirah, devant le Comité des droits de l homme du Congrès US, raconte, les larmes aux yeux, qu elle travaillait, au moment de l invasion du Koweït par l Irak, dans un hôpital au Koweït et qu elle observa que les soldats irakiens avaient pris les nourrissons dans les incubateurs pour les jeter à terre, où ils moururent. C était un mensonge. Mais le 2

Président Bush père a repris cette histoire brutale, l a répétée dans de nombreux discours, prétendant que 312 nouveau-nés étaient morts de cette façon. Ce n est qu après la guerre que l histoire des couveuses s est avéré être un mensonge éhonté et que Nayirah n avait jamais travaillé dans un hôpital au Koweït, mais qu elle s appelle Nijirah al-sabah et est la fille de l ambassadeur koweitien aux États-Unis. L administration Bush et la famille royale du Koweït avaient trompé le public. Pas d empathie pour les enfants d Irak Après la victoire sur l Irak pendant la guerre de 1991, les États-Unis ont imposé un embargo économique sur le pays, qui a coûté la vie à de nombreux irakiens, y compris des enfants. «Nous avons entendu qu à présent un demi-million d enfants sont morts,» s inquiète en 1996 Lesley Stahl, une journaliste de la télévision américaine, sur les conséquences funestes de l embargo américain sur les civils en Irak. La journaliste demande devant la caméra à Madeleine Albright, qui depuis 1993 fût ambassadrice américaine de l administration Clinton à l ONU, si l embargo est encore justifiée : «Je veux dire que ce sont plus d enfants que ceux qui sont morts à Hiroshima, l interdiction vaut t elle ce prix?» Albright, l ambassadrice à l ONU réfléchit un instant, puis elle dit froidement : «Je pense qu il s agit d une décision très difficile, mais nous le croyons, c'est à ce prix.» C est donc clair : l Empire américain n a jamais eu d empathie pour les enfants morts du Moyen-Orient. Si les images des enfants morts tournent maintenant dans le contexte de la guerre de Syrie, c est, dans une perspective historique, complètement sans empathie. L attaque au gaz à Khan al Assal le 19 mars 2013 La guerre civile syrienne est une sale guerre. Les États-Unis d Amérique, la France, le Royaume-Uni, l Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie essaient de renverser Assad et arment et forment les rebelles et les terroristes. La Russie, l Iran et la Chine tentent de prévenir cela, et veulent garder Assad au pouvoir, et renforcer l influence de l armée syrienne. Qui, dans ce gâchis, a utilisé des gaz toxiques, où et quand, c est de plus en plus difficile à percer. La première utilisation de gaz toxiques a eu lieu le 19 mars 2013 à Khan al-assal près d Alep. L affirmation que le gouvernement syrien du Président Assad était responsable de leur usage circule immédiatement dans les médias. Mais ce n était pas vrai: «Nous avons des témoignages de médecins, réfugiés dans les pays voisins, et d employés de l hôpital, d'après lesquels des armes chimiques étaient utilisées, non pas par le gouvernement, mais par l opposition,» déclara la suissesse Carla del Ponte, ancien procureure à la Cour Pénale Internationale pour crimes de guerre dans l ex-yougoslavie. En outre, le médecin suisse Franco Cavalli confirma : «La seule affaire sûre, quant à l utilisation de gaz toxiques en Syrie (Alep), a été clairement attribuée à des djihadistes.» 3

Les rebelles avaient apparemment glissé les crimes de guerre dans la peau de l armée gouvernementale, dans le cadre d une opération sous faux drapeau, pour discréditer Assad. Mais cela a échoué. Les djihadistes, parmi les insurgés, étaient responsables de la première utilisation d armes chimiques à Khan al-assal près d Alep, où 29 personnes ont été tuées,» a confirmé le bien informé Günter Meyer, directeur du centre de recherche sur le monde arabe (ZEFAW) à l Université Johannes Gutenberg de Mayence. L attaque au gaz à Ghuta le 21 août 2013 Le Conseil de sécurité de l ONU a examiné la question et a décidé d envoyer des experts pour enquêter sur l attaque au gaz toxique de Khan al Assal en Syrie. Si ce travail avait pu s accomplir, l opération sous fausse bannière aurait probablement été démasquée. Les inspecteurs en armes chimiques de l ONU sont arrivés à Damas le 19 août 2013, mais avant qu ils ne commencent leur travail, il se produit le 21 août 2013 à Ghuta près de Damas une attaque au gaz beaucoup plus importante, qui a coûté entre 300 et 1 500 décès. L empire américain rend immédiatement Assad responsable du crime. «Nous sommes prêts à frapper, quand nous le voulons», a déclaré le président Barack Obama à la télévision. «Quel message nous envoyons, si un dictateur peut gazer des centaines d enfants et ne reçoit aucune sanction?» Qui d Assad ou des l États-Unis, de la Turquie et de l Arabie saoudite, qui soutiennent les rebelles, est responsable de l attentat de Ghuta, c était alors complètement incertain. Le journaliste américain Seymour Hersh, habile, posa la question cruciale : «à qui est le gaz sarin?» et souligné, que les djihadistes étaient derrière l attaque. Déjà en mai 2013 «la CIA avait fait savoir à l administration Obama, que al-nusra travaille avec du sarin, et avait fait des rapports alarmants, sur le fait qu un autre groupe sunnite radical dans la guerre de Syrie, al- Qaida en Irak (AQI), savait aussi comment produire du sarin», a révélé Hersh. C étaient des nouvelles explosives. «Parce qu on savait qu al-nusra commettait d innombrables attentatssuicide contre les chrétiens et les musulmans non sunnites» en Syrie. Al-Nusra veut renverser Assad en Syrie et imposer la charia. David Shedd de l Agence d Intelligence Américaine (DIA) avait en outre été informé en juin 2013 que «Al- Nusra avait la capacité d obtenir du sarin et de l utiliser», les services secrets israéliens pouvaient livrer un échantillon du sarin utilisé, découvrit Hersh. Mais le président Obama «ignora les informations sur al-nusra et leur capacité à utiliser le sarin, et prétendit en outre que le gouvernement Assad possédait des armes chimiques», explique Hersh. Le rôle de la Turquie dans l attaque de Ghuta en 2013 De courageux membres turcs du parlement national ont repris les résultats de Hersh, examiné l affaire du gaz toxique et ils découvrirent des documents et du matériel d une enquête criminelle à Adana contre un commerçant à propos de sarin, qui confirmaient que, non pas Assad, mais ses adversaires, soutenus par les pays de l OTAN, avaient utilisé le gaz toxique. «Nous avons des enregistrements téléphoniques qui montrent : ISIS a reçu de la Turquie le matériel nécessaire pour faire du gaz sarin mortel», a dévoilé en octobre 2015 le parlementaire turc 4

Eren Erdem du parti CHP «L Occident est hypocrite, en ce qui concerne toute l affaire», a reconnu Erdem. On ne voulait pas éclaircir cette attaque chimique terroriste tout simplement parce ce que ce n est pas Assad, mais des opposants à Assad, soutenus par les États-Unis et la Turquie, qui étaient responsables de l attentat de Ghuta. Le président turc Erdogan ne voulait pas entendre cela et laissa accuser le parlementaire Erdem pour trahison. «Je reçois des menaces de mort», signala Edwin. «Mais je suis comme un patriote contre cette affaire (du gaz mortel), parce qu il a ruiné la réputation de mon pays.» Il aurait un dossier «avec tous les détails sur comment le sarin a été produit en Turquie et livré aux terroristes» Michael Lüders chez Markus Lanz Après l attentat de Khan Scheikhun, l utilisation du gaz mortel de Ghuta fit irruption une fois de plus au grand jour dans les médias. Toutefois, malgré que les faits indiquent qu à l époque ce n est pas Assad, mais les rebelles soutenus par l OTAN, qui étaient responsables, le Süddeutsche Zeitung blâme de nouveau Assad. Sous le titre «le poison, les mensonges et le coupable», le journal explique le 5 avril 2017 à ses lecteurs confus: «Des unités de l armée syrienne avaient tuées plus de 1400 personnes en août 2013 dans des attaques au sarin dans des banlieues de Damas.» L expert du Moyen-Orient Michael Lüders a présenté le 5 avril 2017 à la télévision ZDF une analyse plus précise dans le talkshow de Markus Lanz. Lüders a déclaré que, en 2013 déjà, le gaz utilisé lors de l attaque au gaz toxique à Ghuta, les services secrets turcs l ont livré au front Nusra, l émanation d Al Qaïda en Syrie. Lüders dit : «Maintenant, nous savons avec une probabilité très élevée que ce n était pas le régime qui était responsable de l attaque au gaz mortel». Cui bono. A qui profite le crime? Pour y voir plus clair à travers la ruse et les mensonges de guerre, les chercheurs et les utilisateurs éveillés des médias, doivent toujours se demander : Cui bono? Prof. Günter Meyer formula cette question clé le 6 avril sur WDR5 dans sa radio du matin lorsque le journaliste lui parla de l attaque au gaz à Khan Scheikhun. Meyer donna de suite lui-même la réponse : «Manifestement pas le régime». Assad «gagne du terrain sur tous les fronts. Les rebelles subissent des défaites partout et ne sont pas loin de l élimination. Dans cette situation, c est la dernière tentative désespérée des djihadistes, pour renverser la vapeur.» Il est tout à fait possible, d après Meyer, que ce soit une attaque sous faux drapeau, menée par les rebelles, pour pousser les Etats-Unis à intervenir. L édition des journaux s effondre 5

Nous sommes aujourd hui dans la révolution des médias. De plus en plus de gens recherchent sur Internet et se forge eux-mêmes une image du monde. Les tabloïds des «des gros titres et des photos» attisent les émotions des masses avec tous ces titres tels que «Trump venge les enfants Syrien gazés». Mais l édition papier s effondre. Bild, des éditions Axel-Springer, est toujours le journal de plus fort tirage en Allemagne, mais la tendance est clairement à la baisse. Naturellement, les gens ont de moins en moins envie de les lire. Les ventes s élevaient en 2000 à plus de 4 millions de journaux. En 2010 elles étaient tombées déjà à moins 3 millions. Et aujourd hui, 1,6 millions de gens seulement veulent payer quelque chose pour ce produit. Dans le quotidien Suisse Blick de la maison d édition Ringier, la tendance est également clairement à la baisse. Tout d abord, le Blick était payant et l édition s est élevée à plus de 300 000 exemplaires. Mais le journal payant a maintenant chuté à 150 000 journaux. C est tout simplement parce que le produit Blick du soir, toujours de la maison d édition Ringier, est distribué gratuitement, qu il a toujours un tirage de 280 000 exemplaires. L espoir, c est que de plus et plus de gens se détournent de la propagande de guerre et ne payent plus pour cela. Si les supports libres s ouvrent à des voix indépendantes du mouvement pour la paix et des médias tels que Rubicon, NachDenkSeiten, infosperber, thinkerview, Hintergrund et KenFM sont renforcés, il peut se produire un changement fondamental. Soutenez Rubikon Daniele Ganser (Dr. phil.) Est un historien suisse spécialisé dans l'histoire contemporaine depuis 1945 et la politique internationale. Ses recherches portent sur la recherche de la paix, la géostratégie, la guerre secrète, les conflits de ressources et la politique économique. Il enseigne à l'université de Saint -Gall en Suisse l'histoire et l'avenir des systèmes d'énergie et à l'université de Bâle l'analyse du conflit mondial pour le pétrole. Il dirige l' Institut suisse pour la paix et recherche sur l'énergie à Bâle et est membre du conseil consultatif de Rubicon - Magazine pour la masse critique. Rubicon est le magazine de la masse critique. Nous faisons des rapports sur ce qui est introuvable dans les médias de masse. Publié à Mayence, le Rubicon, est écrit par des journalistes indépendants du monde entier. Source : https://www.rubikon.news/artikel/wer-hat-in-syrien-giftgas-eingesetzt 6