Les droits des patients Jacques Gasser Département de psychiatrie du CHUV
En Suisse, nous avons deux niveaux de législations Le niveau fédéral (par exemple, le code pénal, le code civil, etc.) Le niveau cantonal (par exemple, les lois sur la santé publique)
Situation du canton de Vaud Modification de l ancienne Loi sur la santé publique (LSP) de 1985. Votée au printemps 2002, après de longues consultations. Entrée en vigueur le 1 er janvier 2003.
Contexte D une façon générale, meilleure défense des droits des patients D une façon plus locale, on notera le développement,depuis une quinzaine d année, de plusieurs polémiques sur des pratiques psychiatriques discutables (les différentes mesures de contention, les traitements forcés, etc.)
Au niveau fédéral, plusieurs jugements du Tribunal fédéral sont allés dans le sens de la défense des droits des patients, en particulier dans le domaine des traitements forcés. Ces traitements sont vus comme de graves atteintes à la liberté personnelle et sont déclarés illicites en l absence du consentement éclairé du patient.
Néanmoins, ces traitements peuvent être acceptés si ils répondent à un intérêt public ils respectent le principe de proportionnalité ils se fondent sur une base légale claire et précise
Évolution du rapport médecin-patient Passage du modèle paternaliste au modèle partenarial Passage d une logique favorisant le principe éthique de bienfaisance à une logique favorisant le principe éthique de l autonomie Logique de la prestation de service
Le modèle paternaliste «Tout patient est et doit être pour le médecin comme un enfant à apprivoiser, non certes à tromper un enfant à consoler, non pas à abuser un enfant à sauver, ou simplement à guérir» L. Portes, Discours à l Académie des sciences morales et politiques, 1950.
«Tout acte médical normal n est, ne peut être, ne doit être qu une confiance qui rejoint librement une conscience» L. Portes, Discours à l Académie des sciences morales et politiques, 1950.
Développement des associations des associations de patients (les usagers des services de soins) Création des commissions d éthique Création des commissions des plaintes Démocratisation de l enseignement
Amélioration de la formation des soignants à la gestion de la violence Développement de directives internes aux institutions de soins Développement des enquêtes de satisfaction des patients Amélioration de l information pour les patients (par exemple, la recherche d information sur internet)
Principe de base Avant tout acte médical (diagnostic ou thérapeutique) le médecin a l obligation de recueillir le consentement éclairé de son patient (art. 23, 1 er alinéa de la LSP)
Le consentement éclairé La condition essentielle du consentement éclairé d une personne est qu elle soit capable de discernement Pour être valable, le consentement doit être «éclairé», c est-à-dire que la personne concernée doit avoir reçu toute l information nécessaire à la formation de son opinion en des termes accessibles à sa compréhension
Discernement Art. 16 du Code civil d. Toute personne qui n est pas dépourvue de la faculté d agir raisonnablement à cause de son jeune âge, ou qui n en est pas privée par suite de maladie mentale, de faiblesse d esprit, d ivresse ou d autres causes semblables, est capable de discernement dans le sens de la présente loi.
La faculté d agir raisonnablement Cette faculté peut se diviser en deux parties La faculté d apprécier le sens et la portée d un acte déterminé; il s agit de l aptitude d une personne à savoir et à comprendre ce qu elle fait. C est l élément intellectuel. La faculté à agir en fonction de cette appréciation raisonnable selon sa libre volonté; il s agit de la capacité d une personne à résister normalement aux tentatives de l influencer. C est l élément volitif.
Les causes légales de l altération de la faculté d agir raisonnablement Le jeune âge La maladie mentale ou la faiblesse d esprit Diverses causes passagères
La capacité de discernement est relative Dans le code civil suisse, la capacité de discernement n est pas donnée une fois pour toutes Elle doit être examinée par rapport à un acte précis («in concreto») Par ailleurs, cette capacité n a pas de niveaux, elle existe ou n existe pas
Comment informer? L information doit être complète et compréhensible. Elle doit donner, si possible, des alternatives à ce que le médecin estime juste Le médecin ne peut plus passer sous silence les informations qu il estime pouvant être préjudiciables à son patient (l ancien privilège thérapeutique)
Sur quoi porte l information? Le diagnostic Le pronostic avec ou sans traitement Le déroulement des événements Les traitements alternatifs et leurs conséquences prévisibles La durée prévisible du traitement et ses risques prévisibles Les coûts
Il n existe pas de forme légale quant à l information à donner. Attention de toujours apporter la preuve que l information a été donnée (notes dans le dossier). En cas de litige c est au médecin de faire la preuve qu il a donné les informations suffisantes. Le patient peut renoncer à être informé, il doit le faire de façon «éclairée».
Le cas de la personne incapable de discernement En cas d incapacité de discernement, passagère ou durable, le dialogue avec le patient n est, par définition plus possible Ainsi le consentement éclairé ne peut plus être obtenu directement dans un rapport de partenariat entre le patient et son thérapeute
Que faire lors d une incapacité de discernement? Si elle est durable : consentement du représentant légal Si elle est passagère : rechercher impérativement la volonté du patient (directives anticipées ou représentant thérapeutique, art 23 a et b)
Si urgence : la volonté est présumée et il faut rechercher les intérêts objectifs du patient (art.23 c) Si il existe un conflit d intérêts, un recours doit être demandé à l autorité tutélaire (art. 23 b et c)
Qui peut représenter une personne incapable de discernement? Le représentant légal Tuteur, curateur Curatelle thérapeutique Le représentant thérapeutique Les directives anticipées (testament thérapeutique) Les proches de la personnes Le conseiller accompagnant
Les patients incapables de discernement Ils perdent leurs droits civils En particulier, ils ne peuvent plus exercer leurs droits strictement personnels comme accepter ou refuser une hospitalisation ou un traitement consulter son dossier médical délier un soignant du secret professionnel
Attention à respecter le principe de proportionnalité Toute mesure ne doit être instaurée que si aucune autre mesure, portant moins atteinte aux droits et libertés de l individu, ne peut être mise en place pour assurer une protection juridique et une assistance personnelle appropriée La mesure ne doit être appliquée que si elle permet vraiment d atteindre le but visé
Le représentant thérapeutique Le représentant thérapeutique existe dans la législation vaudoise depuis la nouvelle de la loi sur la santé publique (Art. 23 a-b) Régit par les règles du contrat de mandat gratuit Il est chargé de se prononcer à la place d une personne sur le choix des soins à lui prodiguer, dans les situations où cette personne ne serait pas en mesure d exprimer sa volonté
Les directives anticipées Il s agit d un texte, rédigé par une personne capable de discernement, qui indique les traitements qu elle accepte ou refuse de subir dans le cas où elle aurait des problèmes de santé qui nécessiteraient une intervention médicale
Les directives anticipées sont régies par certaines lois cantonales (par ex. Vaud, art. 23a, LSP), dès lors elles s imposent au corps médical Ces directives posent plusieurs problèmes d applications pratiques dans les cas urgents par rapport à leurs actualisations
Le droit des proches du patient On considère généralement qu il est utile et juste de prendre l avis des proches d un patient incapable de discernement Cet avis n est pas contraignant pour le médecin, car les proches n ont pas juridiquement de pouvoir de décision En cas de désaccord, c est juridiquement l avis du médecin qui prime
Pour le médecin, l avis des proches est très important, même s il n a pas de base légale C est une aide pour mieux comprendre quelles sont les volontés, les préférences et les intentions du patient
Le conseiller-accompagnant Il s agit d une personne qui accompagne une personne hospitalisée pour l aider dans les démarches qu elle souhaiterait entreprendre à expliquer une situation (p. ex. un traitement) à renouer un dialogue avec l équipe soignante Ce cas est prévu par ex. dans la loi genevoise (art. 18 LPAAM) et vaudoise (LSP, art. 15c et 20a)
Bibliographie sur les droits des patients en psychiatrie Bertrand D., Harding T.-W., Mandofia Berney M., Ummel M., Médecin et droit médical, Genève : Médecine et Hygiène, 1998 (2 ème édit. 2003). Hoerni B., Ethique et déontologie médicale, Paris : Masson, 1996. Hoerni B. et Saury R., Le consentement. Information, autonomie et décision en médecine, Paris, Masson, 1998. Les droits des patients en psychiatrie, Institut de Droit de la santé, Neuchâtel, 1997 (cahier n 5) Louzoun C. et Salas D. (sous la direction de), Justice et psychiatrie. Normes, responsabilité, éthique, Ramonville Saint-Agne, Erès, 1998. Manaï D., Les droits du patient face à la médecine contemporaine, Bâle : Helbing & Lichtenhahn, Faculté de Droit de Genève, 1999. Martin J., Dialoguer pour soigner, les pratiques et les droits, Genève : Médecine et Hygiène, 2001. De Mendoca Lima C. A., Kuhne N., Ramseir F., «Philosophie et cadre éthique», Gérontologie et Société, n 88, pp. 31-38, 1999. Pidolle A. et Thiry-Bour C., Droit d être soigné, droit des soignants, Ramonville Saint-Agne, Erès, 2003. Pro Mente Sana, Guide des droits des patients psychiques et renseignements pratiques, Genève 1998.