LES GRANDS CHANTIERS PUBLICS Frantz Schoenstein 1s1 ur plus de huit cents édifices classés parmi les monuments historiques appartenant à l'etat, près de quatre cents sont affectés au ministère de la Culture. Il revient au bureau des Monuments historiques appartenant à l'etat et des palais nationaux de financer la restauration de ces édifices. Cet organisme, qui relève du sous-directeur des monuments historiques, bénéficie à cette fin d'un budget global d'investissement de près de six cents millions de francs, garanti par la loi de programme 1994-1998 sur le patrimoine monumental. Les travaux financés concernent aussi bien la conservation d'édifices prestigieux que celle des objets mobiliers protégés qui sont la propriété de l'etat (ministère de la Culture). Quelques grands chantiers récents, parmi d'autres, illustrent la diversité des monuments historiques affectés au ministère de la Culture : 114 REVUE DES DEUX MONDES OCTOBRE 1995
Les cathédrales. - Le décret des 2-4 novembre 1789, mettant les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation, a transféré à l'etat la propriété des cathédrales de France. Cette disposition s'est trouvée confirmée par l'article 12 de la loi de Séparation des Eglises et de l'etat du 9 décembre 1905, et la loi de Finances du 17 avril 1906 a transféré au budget de l'administration des beaux-arts les crédits de conservation et de restauration de ces édifices majeurs, tous classés parmi les monuments historiques. Par décret du 4 juillet 1912, Armand Fallières, président de la République, affectait aux (( beaux-arts )) (aujourd'hui au ministère de la Culture) les (( anciennes églises métropolitaines et leurs dépendances», soit quatre-vingt-trois cathédrales (la cathédrale d'annecy, appartenant à cette ville, étant incluse par erreur dans la liste). Par la suite furent jointes à cette liste les cathédrales d'alsace-lorraine (Metz et Strasbourg) et celles d'outre-mer (Basse-Terre et Saint-Denis de la Réunion). Lescathédrales sont d'immenses édifices qui, de par leur taille, constituent des chantiers permanents. Quoique utilisées pour le culte catholique, elles sont restaurées par l'etat, comme monuments historiques appartenant au patrimoine collectif des Français. Plusieurs d'entre elles (paris, Chartres, Strasbourg...) sont de véritables «phares» du patrimoine monumental français à l'étranger. Parmi les plus gros chantiers «cathédrales» de la direction du Patrimoine ces dernières années, ont figuré : - Notre-Dame de Rouen, pour laquelle quatre-vingt-treize millions de francs ont été investis de 1988 à 1995 (sans compter les travaux de simple entretien). Sur cette somme, trois millions huit cent mille francs ont servi à la restauration d'objets mobiliers protégés. La campagne 1995 se monte à elle seule à treize millions trois cent mille francs. - Notre-Dame de Paris, dont la restauration a coûté à la direction du Patrimoine, de 1990 à 1995, cinquante-cinq millions de francs (dont un million six cent mille francs pour les grandes orgues et un million de francs pour les objets mobiliers protégés). Le programme 1995, qui comprend l'élaboration d'un projet architectural concernant la restauration du portail inférieur de la façade occidentale, et les travaux de restauration de la galerie de la rose et des faces internes des tours, se monte à dix millions de francs. 115
Les cathédrales des départements d'outre-mer sont en général de construction plus récente. Elles font cependant l'objet de programmes de conservation. Pour 1995, deux millions cinq cent mille francs seront consacrés aux travaux de sécurité etd'électricité et aux travaux intérieurs de la cathédrale de Basse-Terre, et une réserve de cinq cent mille francs a été mise en place pour d'éventuels travaux intérieurs dans la cathédrale de Saint-Denis de la Réunion. Enfin, la direction du Patrimoine possède aussi d'autres grands édifices religieux, comme l'église de Brou, la basilique de Saint Denis, l'abbaye du Mont-Saint-Michel ou celle de Fontevraud (pour laquelle soixante-huit millions de francs ont été investis de 1988 à 1995). édifices civils. - Sont compris dans cette catégorie les palais nationaux, anciens biens de la Couronne royale, puis impériale, définitivement incorporés dans le domaine de l'etat à la chute de Napoléon III. Il s'agit, bien entendu, des grands domaines de Versailles (la direction du Patrimoine verse une subvention de quinze millions de francs, en 1995, à l'établissement public de Versailles pour les travaux de restauration des jardins) et de Saint-Cloud, mais aussi du Palais-Royal, ex Palais-Cardinal, à Paris, siège du Conseil constitutionnel, du Conseil d'etat, du ministère de la Culture et de la Comédie-Française. En 1995, des travaux d'un montant de dix-huit millions trois cent mille francs ont été engagés dans la restauration de cet édifice. Ils comprennent la restauration d'une travée (sur vingt!) de la galerie d'orléans (les autres travées suivront progressivement), des travaux dans les locaux du ministère de la Culture (péristyle et couvertures, pour sept millions de francs), l'achèvement de la restauration des façades de la Comédie-Française, pour quatre millions trois cent mille francs, et des travaux sur le Conseil d'etat et la Cour d'honneur. Des interventions ponctuelles sont également programmées sur les jardins. Parmi ces grands édifices civils s'inscrit aussi le Panthéon, «temple républicain» élevé au XVIIIe siècle par l'architecte Soufflot, et destiné par la Révolution puis par la Ille République à devenir le sépulcre des grands hommes ayant «mérité de la patrie», Les 116
structures de pierres «armées» (armatures de fer) posent des problèmes de corrosion qui font, par endroits, éclater la pierre. Il a donc été indispensable de mettre tout d'abord le bâtiment hors d'eau, en restaurant les toitures et la magnifique coupole; de 1990 à 1994, cinquante-quatre millions de francs ont été consacrés à la restauration du Panthéon. En 1995, treize millions de francs sont prévus, dont deux destinés à financer les difficiles études et expériences préalables aux travaux de reprise des structures. Le Panthéondevrait rester l'un des très grands chantiers de la décennie. Enfin, les monuments historiques comprennent des monuments plus contemporains, comme le palais du Trocadéro, édifié en vue de l'exposition universelle de 1878 par Davioud et Bourdais, et reconstruit en grande partie sous le nom de palais de Chaillot par Azérna, Carlu et Boileau pour celle de 1937. L'intégralitédu palais est affectée au ministère de la Culture, qui assume les dépenses de clos et de couvert. Le palais héberge cependant également, dans l'aile de Passy, le musée de l'homme et le musée de la Marine. L'aile de Paris, qui abrite actuellement l'établissement public du Théâtre national de Chaillot, accueillera très prochainement le Centre de Chaillot pour le patrimoine monumental et urbain, véritable vitrine du patrimoine francais. C'est pourquoi huit millions de francs ont été investis dans la restauration de ce grand monument parisien en 1994. Pour 1995, le programme se monte à quatorze millions de francs, dont cinq constituent une réserve pour l'étude architecturale. sites archéologiques. -La direction du Patrimoine est affectataire de beaucoup de sites archéologiques prestigieux : la grotte de Lascaux, les alignements de Carnac (les mégalithes ont été, en règle générale, parmi les premiers «édifices» classés parmi les monuments historiques au siècle dernier), les sites gallo-romains de Genainville et d'aléria, le trophée d'auguste à La Turbie... Pour la restauration et l'aménagement du site de Glanum (Saint-Rémy-de-Provence), dix-sept millions de francs ont été dépensés depuis 1988. Le site de Glanum, lieu de l'antique capitale de la tribu celte des Glaniques, est devenu au contact de la colonie phocéenne de Marseille une ville hellénisée, aux remarquables monuments (nymphée, statues, puits cultuels, temple d'ordre 117
toscan...) dès le Ile siècle av. ].-c. En partie détruite vers 100 avant notre ère, Glanum est rebâtie: les maisons sont ornées de peintures murales et de mosaïques. Après la conquête romaine, la ville est dotée de nouveaux temples dits «temples géminés» autour du forum, d'un vaste mausolée et d'un majestueux arc d'entrée (les «antiques de Glanum», propriété de la ville de Saint-Rémy). En 1990, six millions de francs ont été consacrés à l'aménagement du circuit de visite, à l'anastylose (restitution partielle) d'un des temples géminés, à la dépose des peintures murales, à la restauration et au moulage des mosaïques... La direction du Patrimoine intervient également en faveur des monuments situés à l'étranger (donc non protégés au titre de la loi de 1913 sur les monuments historiques) qui appartiennent toutefois à la France. Ainsi, en Italie, et conformément au vœu d'andré Malraux, elle participe à la conservation des édifices religieux relevantdes «Pieux établissements de la France à Rome» et a investi, de 1990 à 1995, dix-sept millions de francs pour la restauration de la villa Médicis, siège de l'académie de France à Rome. De même, en vertu des «protocoles culture-défense», la direction du Patrimoine participe à la sauvegarde du patrimoine militaire, fortifié ou non (hôtel national des Invalides, hôpital militaire du Val-de-Grâce, citadelles de Lille et de Brest, forts du Briançonnais...). Elle est enfin affectataire des «résidences présidentielles» (palais de l'elysée, hôtel Marigny, domaine de Souzy-la Briche), dont elle finance les travaux de conservation. Frantz Schoenstein 118