Les espèces marines de Méditerranée

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LES TORTUES MARINES Conférence de Monsieur Jacques Sacchi - 17 mars 2012 Anciennement Directeur de recherches au Centre de Recherche Halieutique Méditerranée et Tropicale de l Ifremer à Sète. Spécialiste en technologie des pêches et de la préservation des espèces marines. Il y a près d un an, le 29 mars 2011, une tortue marine de près de 150 kg était surprise en pleine nuit en train de pondre sur la plage de Carnon- (Hérault). C était d autant plus une surprise que les côtes françaises de Méditerranée ne sont pas particulièrement reconnues comme des zones de nidification. Aussitôt prise en charge par le Centre d'étude et de sauvegarde des Tortues Marines en Méditerranée du Grau du Roi (CESTMED), membre du Réseau des Tortues Marines de Méditerranée Française (RTMMF), cette tortue a été reconnue pour être une quadragénaire de l espèce Caretta caretta de la famille des Chélonidés. Est-elle descendante de la nymphe Chélonée qui, pour avoir dédaigné de quitter ses pénates pour assister au mariage de Zeus et de Héra, fut jetée dans un fleuve et condamnée à porter sa maison et au silence éternel? C est ce que prétendaient les Anciens Quoi qu il en soit, cette matrone de près de 50 kg fait partie d une longue lignée, de plus de 220 millions d années, qui a connu les dinosaures et a traversé toutes les crises climatologiques qui ont bouleversé notre Terre depuis cette époque. L un de ses jeunes ancêtres d'archelon ischyros (70 à 83 millions d années) atteignait 4 à 4,5 m de long pour un poids de plus de 2 tonnes. Dans leur infinie sagesse, les scientifiques, préférant ne pas heurter les Dieux grecs, se sont contentés de rattacher les tortues au grand ordre des Reptiles et classer tous ceux d entre eux possédant une carapace dorsale, une carapace ventrale (plastron) et un bec corné dans le groupe des testudinés. Il existe aujourd hui plus de 293 espèces de tortues qui herbivores ou carnivores, ont conquis les mers, les rivières et les terres.et que l on répartie en deux sous-ordres : - Les pleurodires, qui tournent leur cou pour rentrer la tête dans leur carapace, - Les criptodires qui effectuent en revanche une flexion verticale pour rentrer leur tête et dont font partie les tortues marines. Retournant à la Mer après avoir acquis la respiration pulmonaire, les tortues marines ont transformé leurs pattes en nageoires, affiné leur carapace pour la rendre plus hydrodynamique mais perdant leur capacité d'y rétracter leurs membres.

Les espèces marines de Méditerranée Quatre familles des tortues de mer ont survécu à l'extinction massive du Crétacé, les Toxochelyidés, les Protostégidés, les Chéloniidés et Dermochelyidés. Parmi ces familles, 5 espèces seulement de tortues marines sont connues en Méditerranée : 2 s y reproduisent (la Caouanne (Caretta caretta) et la Tortue verte, (Chelonia mydas) et 3 semblent seulement s y nourrir la Tortue luth, (Dermochelys coriacea), la la Tortue imbriquée ou Tortue à écailles (Eretmochelys imbricata) et la Tortue de Kemp, (Lepidochelys kempii). Toutes ces 5 espèces ont été recensées sur les côtes françaises de Méditerranée. Clé d identification simplifiée des Tortues marines des côtes de France réalisée en 1993 par le «Groupe Tortues marines» (Direction de la Nature et des Paysages au Ministère chargé de l Environnement). La Caouanne La caouanne est l espèce la plus commune en Méditerranée. Comme la tortue verte elle se reproduit en Méditerranée et forme de fait une population distincte de celle d Atlantique. La nidification de la tortue marine est connue surtout dans le bassin

oriental de la Méditerranée, en Grèce, Turquie, Chypre et plus récemment en Libye. ; rendant de fait exceptionnelle la découverte de la ponte de Carnon. Carnivore, elle se nourrit de nombreux crustacés et mollusques; elle peut peser jusqu'à 160 kg mais le poids moyen d'un adulte est de 105 kg. Elle peut mesurer 1,25 m mais en moyenne les adultes mesurent 1,10 m. Comme toutes les tortues et à la différence des reptiles, elle ne mue pas. C'est une espèce de tortues marines en forte voie de régression, qui fait localement l'objet d'un plan de restauration. La Tortue verte ou tortue franche La tortue verte doit son nom à la couleur que son régime alimentaire donne à sa graisse car c'est un animal plutôt végétarien qui se nourrit essentiellement d algues et d herbes marines. La carapace mesure en moyenne de 1 à 1,40 m 110 cm et l'animal pèse entre 80 et 130 kg. Sa longévité est d environ 70 ans. C est aussi la plus rapide des tortues marines : elle peut atteindre une vitesse de plus de 30 km/h. Longtemps (et parfois encore) pourchassée pour la consommation de sa chair ou pour l'utilisation de sa carapace, la tortue verte est aujourd'hui une espèce protégée. La Tortue imbriquée Elle est appelée aussi Tortue à écailles. En effet, réputée et longtemps recherchée pour la qualité supérieure de son écaille, elle a fait l objet d une pêche intensive jusqu aux alentours des années 80 et pour cette raison est une des espèces les plus menacées d extinction. Elle vit à proximité des côtes dans l ensemble des mers tropicales et est connue aux Antilles, à Mayotte ou à La Réunion sour le terme de Carette par confusion avec la Tortue caouanne (Caretta caretta). La tortue imbriquée mesure entre 60 et 100 cm et pèse entre 43 et 75 kg. Grande nageuse, elle peut atteindre des pointes de 24 kilomètres à l'heure. Aux Caraïbes, des plongées de plus de 70 m pour des durées de plus de 81 minutes ont pu être enregistrées. La maturité sexuelle est atteinte chez cette tortue après dix ans, voire probablement vers vingt ans et peut se reproduire au moins pendant dix ans. C est par ailleurs, le seul reptile spongivore connu. La Tortue Luth La Tortue luth se distingue par sa carapace dépourvue d écailles et recouvertes d'un cuir épais. Avec plus de 2 m de longueur et un poids de plus de 900 kg, c est le plus gros reptile de la planète. La Tortue luth pèse en moyenne 500 kg pour une longueur d'environ 180 cm. Elle peut plonger jusqu à une profondeur de 1 270 m ce qui en fait le reptile pouvant plonger le plus profondément. Grâce à ses aptitudes physiologiques particulières, c est la plus grande migratrice de tous les reptiles, capable de pouvoir traverser des bassins océaniques entiers avec des vitesses moyennes de 2,5 km/h. et de survivre dans des eaux beaucoup trop froides pour d autres tortues marines. Le crâne de l'animal présente une tache, de couleur blanche à rosée, unique pour chaque individu supposée servir à détecter la lumière ou se repérer dans l'espace.

Les caractères sexuels ne sont pas très marqués Chez certaines espèces les mâles sont plus gros ou plus petits que les femelles. La différence se fait surtout à travers de l examen des pièces osseuses et par le plastron. La Tortue de Kemp Reconnaissable avec sa dossière gris vert, un seul exemplaire a été identifié près d une île maltaise, signifiant une présence occasionnelle de cette tortue bien plus connu dans le golfe du Mexique. Elle est avec la tortue olivâtre est la plus petite espèce de tortue marine, avec une longueur de carapace comprise entre 58 et 70 cm. Leur poids varie entre 36 et 45 kg. Principaux aspects de la biologie et de la physiologie des Tortues marines La circulation sanguine Animaux à sang froid, elles se réchauffent en général avec la température ; à l exception de la Tortue luth dont la conformation de leur appareil circulatoire, fonctionne comme un échangeur de chaleur; ce dispositif physiologique que l on retrouve chez les grands mammifères marines et le Thon rouge rete mirabile») permet en juxtaposant artères chaudes et veines froides de maintenir une température interne supérieure à celle de l eau qui l entoure. Respiration Evoluant à partir d'une espèce terrestre, elles possèdent un système respiratoire pulmonaire composé de deux poumons mais sont parfaitement aptes à plonger à plus de 50 mètres de profondeur et réaliser des apnées de plus de 3 heures. En effet, leur métabolisme est capable de supporter des fortes concentrations de CO2 et peuvent extraire 35 à 52 % de l'oxygène de leur respiration. Un record de plongée de 6 heures a même était enregistrée pour une tortue verte. L alimentation Les tortues de mers sont toutes omnivores avec des tendances plus marquées vers les végétaux ou l'alimentation carnée. Ainsi, la tortue verte est avant tout herbivore tandis que la caouanne est surtout carnivore et consomme des mollusques, des crustacés, des petits poissons et autre invertébrés marins. La tortue luth consomme en plus des cnidaires. La tortue imbriquée, consomme comme la tortue luth des méduses et des salpes mais aussi, fait rare pour un vertébré, des éponges. Elles possèdent deux pointes en haut et en en bas des mâchoires appelées cuspides, qui lui permettent d attraper leurs proies. L œsophage est doté de papilles à l intérieur, constituées d'un pied mou reposant sur des structures musculaires et soutenant un capuchon corné. Ces papilles oesophagiennes constituent une espèce de peigne permettant le déchiquetage et le brassage des aliments et dont l inclinaison vers l'intérieur facilite la déglutition mais permet aussi d'évacuer l'eau de mer avalée. Leur grande consommation d eau salée est régulée en plus de leurs reins

par la présence de glandes spéciales près de leurs yeux («larmes») qui leur permettent d évacuer les excédents de sel de leur circulation sanguine. La Perception sensorielle Les tortues ayant les sens les plus développés sont les tortues aquatiques étant donné que la plupart d'entre elles sont des chasseuses. Elles n ont cependant pas une grande acuité visuelle et en particulier une vision nocturne quasi-nulle mais sont dotées d un système de perception particulier aux reptiles qui leur permet de détecter tout changement de mouvement. Elles captent principalement un spectre de couleur allant de l'orange au rouge. Les yeux sont protégés par trois paupières, leur ouïe est particulièrement fine même si elles n'ont pas d'oreilles externes, mais une oreille interne, sous une plaque auditive. Leur odorat est en revanche assez peu performant. Les tortues marines n'ont qu'un seul orifice excréteur, qui sert également pour la reproduction Leur odorat est par contre très fin car il leur permet de reconnaître leur zone de naissance, par l odeur des espèces végétales présentes (mangrove, palétuvier, posidonie en Méditerranée). Leur sensibilité au magnétisme terrestre semble être un lien essentiel de leur capacité migratoire et de leur aptitude à retrouver leurs lieux de ponte. La reproduction Les femelles ne pondent que sur leur lieu de naissance, à quelques mètres ou centaines de mètres près et en général à la faveur de la nuit (une exposition trop longue au soleil leur serait fatale), souvent à la marée montante. L accouplement se fait en mer à proximité des zones de nidification ou lors des migrations entre les sites d alimentation et les sites de ponte. Le mâle se distingue particulièrement grâce à ses griffes et une queue plus grande que chez les femelles. Cependant, ces caractères sexuels ne sont pas toujours bien marqués et certaines femelles peuvent les arborer. Seul un examen génétique permet d'être certain du sexe de l'animal. Lors de l accouplement, le mâle s'accroche par ses deux griffes antérieures à la carapace de la femelle En présence de la lune en zone côtière, elles rejoignent le secteur en fonction de l éclairage de l astre et pondent en majorité de nuit. Les tortues femelles font leur nid dans le sable, loin de la marée et du ressac et y après y avoir enfoui leurs œufs, les abandonnent pour retourner en mer. La Tortue verte pond jusqu'à deux cents œufs qui vont éclore à la chaleur du soleil. Les œufs fraîchement pondus sont enrobés de mucus. Ils sont blancs et translucides

de forme sphérique et de la taille d une balle de ping pong (3,5 à 4 cm de diamètre). Les œufs fertiles deviennent progressivement blancs opaques, le niveau de progression de cette opacité peut nous renseigner sur l âge de la ponte durant les premiers jours de vie de ces œufs. Juste avant l éclosion, la coquille devient cabossée et friable suite à la perte de l eau par évaporation. Le sexe des jeunes dépend de la température pendant l'incubation des œufs, mâles pour la fourchette basse de température, femelles pour la fourchette haute. Par exemple pour la tortue verte, si la température ne dépasse pas 29 C, ce seront des mâles ; par contre si elle atteint 30 C, tous les jeunes seront des femelles. La durée de l incubation des œufs (depuis la ponte à l émergence) est fonction, en partie, de la nature, de l humidité et de la température du sol. Elle peut ainsi varier pour les caouannes entre 47 et 62 jours. Dès leur naissance, les jeunes tentent de rejoindre rapidement l eau mais la plupart d entre eux sont la proie de nombreux prédateurs (oiseaux, poissons, etc.) et seule une très petite portion (environ 1%) aura la chance de revenir sur la plage qui les a vues naître. Le cycle de vie des tortues marines Dès leur naissance, les jeunes tortues émergent en groupe du nid et se dirigent rapidement vers la mer, attirées en autres par les reflets de la lune; puis nagent activement vers le large durant trois à six jours, selon l espèce. A ce stade, elles abandonnent leur comportement de nage active pour se concentrer davantage sur leur alimentation en s abritant dans les débris portés par les courants marins. Au fur et à mesure de leur croissance, elles vont peu à peu abandonner leur comportement pélagique (à l exception de la tortue luth) pour se sédentariser dans des zones côtières et changer aussi leur habitude alimentaire.

Avec l apparition des caractères sexuels secondaires commencent la puberté; toutes les tortues marines d'une même espèce ne deviennent pas cependant matures à la même taille. A l âge adulte, Les tortues vont migrer de leur zone de vie sédentaire à leur zone de ponte. Toutes les espèces de tortues marines sont fidèles à leur lieu de ponte. On pense qu'elles utilisent leur sensibilité au champ magnétique terrestre pour orienter leurs migrations, tout en empruntant les grands «couloirs biologiques» que sont les courants marins. L apprentissage des zones de déplacement et des sites vitaux entre individus d âge différent est une caractéristique bien connue des espèces migratrices. L écosystème des courants marins constitue un ensemble dynamique et cohérent auquel sont associées les grandes espèces comme les mammifères, les requins et les tortues qui y trouvent les conditions physico-chimiques et alimentaires compatibles avec leur physiologie et leur comportement migratoire. Modèle migratoire de la tortue Caouanne en Méditerranée occidentale (Camiñas et de la Serna, 1995) La fréquentation des côtes françaises de Méditerranée par les tortues marines L essentiel des connaissances que l on possède sur le sujet provient des observations effectuées sur les échouages de ces espèces sur nos côtes et des prises accidentelles de la pêche côtière. De 1991 à 2010, le RTMMF a enregistré 335 observations de tortues marines, échouées, capturées ou vue près à proximité des côtes de l est du golfe du Lion et de la Corse. Bien que la majorité d entre elles soit des caouannes des tortues luths sont régulièrement observées et plus rarement des tortues vertes. Carte de répartition des observations de tortues marines. Données extraites de la base Tortues Med (RTMMF, 2010)

Leur présence dans le golfe du Lion s explique principalement par les apports nutritifs rhodaniens qui vont être plutôt se concentrer à la périphérie des eaux fluviales et faisant des eaux côtières voisines des lieux d alimentation et d hivernage. Bien que la plupart des zones de reproduction reconnues actuellement pour la caouanne soit situées en Méditerranée orientale et en Tunisie, les plages des environs du delta du Rhône ont pu être autrefois des zones de nidification et peuvent vraisemblablement le redevenir occasionnellement, comme le prouverait la ponte observée en 2011 à Carnon. Des pontes de Caouanne ont été notées à diverses reprises sur la côte orientale de Corse en 1923, en 1928 et en 1932. En 2006, à Saint-Tropez (Var). malheureusement aucune éclosion n a pu être observée jusqu à présent, la température trop basse du sable étant vraisemblablement la raison de cet échec. Les menaces Les tortues marines possèdent des ennemis naturels tels les grands requins. Cependant elles sont surtout vulnérables par la prédation exercée sur les pontes et les juvéniles par les chiens errants, les rats, les oiseaux marins, les crabes, les lézards et même quelquefois par les insectes comme les courtillières en Guyane. Les menaces anthropiques sont aussi variées et importantes : elles vont du développement de la fréquentation humaine des zones littorales aux impacts négatifs de la pêche en passant par l accroissement des pollutions chimiques et physiques de toutes sortes. Parmi les effets de la fréquentation littorale, l accroissement de la pollution lumineuse due à l urbanisation des côtes méditerranéennes, notamment au Nord de la Méditerranée peut être une cause de mortalité indirecte. Elle peut perturber d une part les tortues qui viennent pondre et d autre part désorienter les jeunes tortues lors de leur éclosion qui en confondant les lumières artificielles avec celle de la Lune ou du Soleil sur la mer peuvent ne plus se diriger forcément vers la mer. En raison de cela, les zones traditionnelles de ponte en Grèce ont été interdites de construction et l éclairage des côtes a été interdit. L urbanisation côtière et le tourisme L urbanisation côtière, le développement des infrastructures maritimes, l extension de l occupation des plages à des fins touristique sont des causes de dégradation des zones de fréquentation des tortues comme les. Des aménagements côtiers des zones de ponte et d hivernage peuvent ainsi être bénéfiques à la protection des tortues et permettre. de revoir ainsi les tortues sur nos côtes. Les débris rejetés en mer. D'autres dangers sont les déchets marins flottants tels que des pièces de filets de pêche abandonnés dans lesquelles elles peuvent s emmêler ou les sacs et autres débris plastiques qu'elles peuvent ingérer en les prenant pour des proies, entraînant des risques d étouffement ou d occlusions digestives.

La pêche A la fois concurrente pour l alimentation et l espace, elle est aussi la cause principale d agression anthropique des tortues marines. Bien qu elles ne soient pratiquement plus pêchées pour être consommées, la mortalité par noyade de ces espèces est une conséquence dramatique de leurs captures accidentelles. Celles-ci, en effet, provoquent par une trop grande immersion, un afflux excessif d acide lactique dans le sang des tortues qui peut devenir un poison et tuer l animal. Les raisons de ces captures accidentelles sont de deux sortes : soit de la rencontre fortuite entre engins de pêche et tortues, soit de la tentative de déprédation des captures par ces animaux, attirés par une proie facile. Ce dernier phénomène pouvant s accentuer sous la forme d une véritable domestication des prédateurs quand l interaction est fréquente. En tentant de prendre des poissons capturés dans un filet, les tortues peuvent s y trouver emmêlées et mourir étouffées par étranglement. Filet maillant Dans le cas des palangres, elles sont surtout attirées par l appât et peuvent avaler l hameçon qui en s accrochant aux papilles de l œsophage peut entraîner des lésions irrémédiables de ce dernier.

Accrochage d une tortue par un hameçon de palangre La protection des tortues marines Jusqu aux alentours des années 80, il était naturel de consommer de la tortue. La prise de conscience des limites de l écosystème et des ressources marines est récente. Les constats alarmistes sur les populations de tortues marines ont poussé les instances internationales à les considérer en danger d extinction. En effet, il ne subsiste plus par exemple que 100 000 tortues luth dans le Monde. Depuis 1981, toutes les espèces sont inscrites à l annexe I de la Convention de Washington. Elles sont protégées en France par l arrêté du 17 juillet 1991. La tortue luth, la tortue de Kemp ainsi que la tortue à écailles sont en particulier inscrites sur la liste rouge de l'uicn comme en «danger critique d'extinction». La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, connue par son sigle CITES ou encore comme la Convention de Washington protège les tortues en les excluant du commerce. Enfin, suite à la demande des Parties contractantes à la Convention de Barcelone, le Centre d Activités Régionales pour les Aires Spécialement Protégées (CAR/ASP) le CAR/ASP a contribué à la mise en place d un Plan d action pour la Conservation des tortues marines en Méditerranée. La mise en place de cette protection se fait avec le soutien croissant de l UE et en France sous la tutelle des Ministères chargés de l environnement et de la Pêche et avec la participation d associations françaises de protection des tortues marines. En Méditerranée ces associations sont regroupées au sein du Réseau des Tortues Marines de Méditerranée Française (RTMMF) dont l objectif est d assurer principale la collecte d informations sur les échouages, les captures accidentelles et d une façon générale sur la fréquentation des tortues marines dans les parages des côtes languedociennes, provençales et corses.

Cette collecte d informations est effectuée grâce à la participation d observateurs bénévoles détenteurs d une carte verte qui leur est attribuée par le Ministère chargé de l Environnement après avoir suivi une formation spécifique. Eux seuls peuvent manipuler les tortues et faire éventuellement les prélèvements nécessaires, conduire les animaux à l équarrissage ou vers le centre de soins du Grau du Roi. Le Centre d'études et de Sauvegarde des Tortues marines en Méditerranée (CESTMed) association créée à l initiative du Seaquarium du Grau-du-Roi est depuis le 18 juin 2007 officiellement reconnu comme centre de soins des tortues marines sur le littoral méditerranéen français. Il est chargé de récupérer les tortues marines blessées amenées par le RTMMF, de les soigner et de les relâcher dans leur milieu naturel une fois rétablies. Il dispose d un vétérinaire investi du mandat sanitaire et d installations spécifiques dont 8 bassins de 1500 litres pour l accueil des tortues marines. Depuis 2005, le CESTMed équipe des tortues marines de balises satellitaires Argos permettant de suivre en temps réel leurs mouvements avec une précision de l ordre du kilomètre ; une d entre elle a ainsi parcouru environ 150 km entre le Grau du Roi et la Grèce. Conclusion Bien que la situation des tortues marines soit préoccupantes, la prise de conscience récentes des responsables de la gestion de l environnement marin de l intérêt de préserver ces espèces comme partie essentielle des écosystèmes laisse espérer une évolution positive sous réserve de la mise en place de mesures adéquates. Les mesures techniques de protection peuvent être soit préventives soit curatives. Des mesures de prévention consistent à réduire le plus possible les interactions et causes potentielles d impact, en interdisant par exemple la pêche dans les zones sensibles (zones hivernages, d alimentation, de ponte, circuits migratoires), en réduisant la longueur des engins ou les temps de calée. Il est aussi possible d équiper les engins de pêche de dispositifs répulsifs (requin plastique), ou en évitant des couleurs trop attractrices (rouge à orange). Dans le cas des palangres, l utilisation d hameçons de forme circulaire permet d éviter leur

accrochage sur les papilles cornées. De la même façon, l interdiction des appâts lumineux chimiques qu elles prennent pour des calmars a été recommandée auprès des instances internationales chargées de la gestion des pêches (ICCAT, CGPM). Les mesures curatives consistent à réduire les causes de mortalité entraînée par les captures accidentelles ; dans le cas des captures par les chaluts, la mise en place de dispositifs d échappement (Turtle Excluder Device) est conseillée dans les zones de forte présence. Pour les filets maillants le problème est plus complexe et doit faire l objet d études spécifiques. Enfin, pour réduire les risques de mortalité différée, notamment provoquée par le stress de la capture, un certain nombre de manipulations à effectuer à bord des navires avant la remise à l eau des tortues sont recommandées et font l objet actuellement de campagnes d informations auprès des pêcheurs professionnels : lignes de conduite pour réduire la mortalité des tortues marines lors des opérations de pêche FAO (2009) ; Posters sur les techniques de manipulation et de relâcher des tortues marines. L application de la législation concernant ces mesures de préservation est soumise à un suivi et un contrôle exercés par les services déconcentrés des Ministères responsables des pêches et de l Environnement. Il n en demeure pas moins que la sensibilisation des acteurs responsables (pêcheurs, utilisateurs des espaces littoraux) est une mesure à termes souvent plus efficaces et moins onéreuses; c est en particulier vers cette démarche pédagogique que le RTMMF va orienter son action future.

Dispositif d exclusion de tortues pour les chaluts Pour en savoir plus Camiñas J.A. and de la Serna J.M., 1995. The loggerhead distribution in the western Mediterranean Sea as deduced from captures by the Spanish long line fishery. Scientia Herpetologica, Cestmed http://www.cestmed.org/index.php/fr/ GTMF Groupe des Tortues Marines de France http://www.seaturtle.org/groups/index.shtml?view=98 Oliver G., 2010 Les Tortues marines des côtes françaises de Méditerranée. http://www.portcrosparcnational.fr/documentation/pdf/tortues_marines_medit.pdf Oliver G., 2008 les captures accidentelles des tortues marines sur les côtes françaises de Méditerranée http://151.1.154.86/meetingdocs/2008/sep_%28rome%29%20%20scmee%20scsa%20tr ansversal%20working%20group%20on%20bycatch%20incidental%20catches/tortues_fran ce-oliver.pdf RTMMF Réseau des Tortues Marines de Méditerranée Française http://www.portcrosparcnational.fr/documentation/pdf/tortues_marines_%20membres_rese au_2011.pdf.