LES RELATIONS ENTRE LA COMMUNE ET LE CPAS APRÈS LE 1 ER JANVIER 2004 Le 1 er janvier 2004 est entrée en vigueur l ordonnance du 3 juin 2003 relative à la tutelle administrative et aux règles financières, budgétaires et comptables de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d aide sociale (Moniteur belge, 18.06.2003). Quelques mois après son application, c est l occasion de faire le point sur la façon dont sont appelées à fonctionner les relations de chaque commune avec son CPAS au travers des deux types de relations instaurées par la loi organique : une intégration de la commune en amont des décisions du centre et des mécanismes classiques de tutelle. L intégration se réalise, notamment, par la participation du bourgmestre aux séances du conseil de l aide sociale, par la concertation et par la surveillance réalisée par le délégué du collège des bourgmestre et échevins. La tutelle sera, quant à elle, d approbation ou de suspension. Alors que la commune maîtrise les mécanismes de participation et de concertation, c est le Collège réuni de la Commission communautaire commune qui détient les clés de l efficacité de la tutelle communale. L intégration a priori des autorités communales aux décisions du CPAS Le bourgmestre Le bourgmestre peut assister ou se faire représenter aux séances du conseil de l aide sociale 1. Dès réception de l ordre du jour ou en séance, avant la discussion ou le vote, le bourgmestre peut, moyennant due motivation mentionnée au procès-verbal de la séance, demander le report de tout point de l ordre du jour 2. Ce point sera d office discuté dans les quinze jours au comité de concertation commune CPAS 3. Le bourgmestre est également ponctuellement habilité à faire fonction d officier instrumentant pour la passation des actes requis dans les expropriations menées par le CPAS 4. Il s agit là d un rôle d exécution plutôt que de participation à l adoption d une décision du CPAS. Le collège des bourgmestre et échevins - La présence du président du CPAS La présence du bourgmestre aux séances du conseil de l aide sociale trouve son pendant dans le droit du président du CPAS de recevoir l ordre du jour du collège des bourgmestre et échevins en même temps que les échevins et d assister aux séances du collège des bourgmestre et échevins à son initiative ou sur invitation du bourgmestre 5. Le président du CPAS ne dispose cependant d aucune prérogative de report semblable à celle du bourgmestre. Initialement limitée au droit d être entendu sur les points intéressant les matières sociales, une présence plus large du président du CPAS a été souhaitée pour qu il soit partie prenante de tous les projets menés par la commune pour lutter contre la pauvreté et l exclusion sociale 6. La présence du président du CPAS est cependant exclue en matière de taxes communales et dans les dossiers disciplinaires du personnel communal. Elle demeure également totalement prohibée aux séances du conseil communal consacrées à l examen des comptes du CPAS 7. 1 article 26 1 er L.O. 2 article 33bis, 1 er alinéa L.O. 3 article 33bis, alinéa 2, L.O. 4 article 78 2, 2 ème alinéa L.O. 5 article 28 4 L.O. 6 projet d ordonnance relative à la tutelle administrative et aux règles financières, budgétaires et comptables de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d aide sociale, Rapport fait au nom de la Commission des Affaires sociales par Mme Riquet, Doc. A.C.C.C., session 2002-2003, B-84/2, p.16 7 article 92, 4 de la nouvelle loi communale ; WASTCHENKO Marie, «Diverses modifications de la loi du 8 juillet 1976 pour les CPAS bruxellois», CPAS Plus, n 8-9, 2003, p.83 Etienne Schoonbroodt Trait d Union n 6 septembre 2004 www.avcb.be
- La compétence d avis et d autorisation Le collège des bourgmestre et échevins est appelé à donner son avis au Collège réuni de la Commission communautaire commune en cas d expropriation souhaitée par le CPAS 8. Il a également la faculté de donner son avis au Collège réuni sur tous les points soumis à l autorisation ou à l approbation de ce dernier 9. Il s agit, outre l expropriation, des décisions de démission d office ou de révocation d agents du CPAS, des budgets et comptes, des délibérations sur le cadre du personnel et des délibérations sur l association du CPAS avec d autres CPAS, personnes morales de droit public ou de droit privé sans but lucratif. Le collège des bourgmestre et échevins est également habilité à autoriser le CPAS à procéder à des dépenses urgentes non prévues au budget dans le cas où le moindre retard causerait un préjudice évident 10. - La compétence de surveillance et de contrôle Chargé de la surveillance et du contrôle du centre public d action sociale, le collège des bourgmestre et échevins peut déléguer un de ses membres pour visiter tous les établissements du CPAS, prendre connaissance de tout document qu il juge utile hormis les dossiers d aide sociale 11. Ce droit d information et d investigation est doublé d une compétence de surveiller le respect de la loi et de la volonté des donateurs et testateurs 12. Ce contrôle n est cependant assorti d aucune sanction et ne pourrait aboutir à la suspension d une décision de la commune que si celle-ci lèse sont intérêt 13. Le comité de concertation Au moins tous les trois mois, une concertation entre des représentants de la commune et du CPAS doit avoir lieu 14. C est le président du conseil de l aide sociale qui convoque et fixe l ordre du jour du comité de concertation mais tant la convocation que l ajout de points à l ordre du jour doivent être consentis en cas de demande du bourgmestre, lequel préside ce comité de concertation 15. Un règlement d ordre intérieur du comité de concertation est adopté par le conseil communal et le conseil de l aide sociale 16. Ce règlement peut fixer la fréquence des réunions, si la volonté est de connaître une plus grande fréquence que celle trimestrielle imposée par la loi organique, le nombre de représentants de chaque délégation, la possibilité de s adjoindre des agents de l administration selon les points à l ordre du jour, la détermination de matières à discuter au-delà de celles soumises légalement à concertation obligatoire 17. Dans certaines matières, ni le CPAS ni la commune ne peuvent prendre de décisions avant qu il n y ait une concertation entre eux. Les matières suivantes doivent, avant toute décision du CPAS, être soumises au comité de concertation 18 : - le budget du centre et des hôpitaux qui en dépendent ; - la fixation ou la modification du cadre du personnel ; 8 article 78 2, 1 er alinéa L.O. 9 article 111, 2, in fine L.O. 10 article 88, 2, 2 ème alinéa L.O. 11 article 109 L.O. 12 article 109, alinéa 2, L.O. 13 DUMONT Michel, «De la tutelle administrative», Manuel de droit communal La loi organique des Centres publics d aide sociale, Bruylant Nemesis, 1996, p.361 14 article 26 2 L.O. 15 arrêté royal du 21 janvier 1993 fixant les conditions et modalités de la concertation visée à l article 26, 2, de la loi du 8 juillet 19876 organique des centres publics d aide sociale, modifiée par la loi du 5 août 1992 16 article 26 2, 3 ème alinéa L.O. 17 FONTAINE André, «Du fonctionnement du conseil de l aide sociale», Manuel de droit communal La loi organique des Centres publics d aide sociale, Bruylant Nemesis, 1996, p.82 18 article 26bis L.O. 2
- la fixation et la modification du statut administratif et pécuniaire du personnel, mais uniquement dans la mesure où cela peut avoir une répercussion financière sur la commune ou si certaines dispositions dérogent au statut du personnel communal ; - l engagement de personnel complémentaire à des postes laissés vacants mais où la présence en permanence d un personnel déterminé est indispensable ; - la création de nouveaux services ou établissements et l extension de structures existantes ; - l association du CPAS avec d autres CPAS, personnes de droit public ou autres personnes morales sans but lucratif pour réaliser certaines missions d aide sociale; - les modifications budgétaires qui peuvent affecter l intervention de la commune ; - le programme de politique générale comportant les projets politiques principaux et leurs moyens budgétaires pour la durée du mandat des membres du conseil de l aide sociale avant qu il soit joint au premier budget de l exercice suivant le renouvellement intégral du conseil de l aide sociale. Il était également prévu que les règlements d ordre intérieur du conseil de l aide sociale, du bureau permanent, des comités spéciaux ainsi que des services et établissements du centre soient soumis au comité de concertation 19 mais aucune disposition légale ne les a insérés dans les matières soumises obligatoirement à concertation. Quant à la commune, elle doit soumettre au comité de concertation, préalablement à toute décision 20 : - la fixation ou la modification du statut administratif ou pécuniaire du personnel communal dans la mesure où elles peuvent avoir un impact sur le budget et la gestion du personnel du CPAS ; - la création de nouveaux services ou établissement à finalité sociale et l extension de structures existantes. La tutelle sur les décisions du CPAS Comme il apparaîtra ci-après, une inertie du Collège réuni est de nature à vider de sa substance la tutelle communale car son silence au terme du délai qui lui est imparti se traduira toujours par une confirmation tacite de la délibération querellée du CPAS. Tutelle d approbation La commune donne son approbation sur les matières suivantes (sur lesquelles elle ne peut exercer, en double emploi, sa tutelle de suspension) : - Approbation, improbation, réformation par le Conseil communal des budgets de recettes et dépenses du CPAS et de ses modifications 21 ; - Approbation, improbation, réformation par le Conseil communal des comptes du CPAS 22 ; - autorisation du Collège échevinal de procéder à une dépense urgente pour laquelle il n existe pas de crédit budgétaire 23 ; - approbation du Conseil communal pour l adhésion à une association de CPAS, pour toute modification statutaire de cette association, pour la prorogation et la dissolution de l association 24. Les décisions d approbation, improbation et réformation des budgets et des comptes du CPAS sont encadrés par des délais précis qui doivent être détaillés. Les budgets sont censés être transmis à la commune le 15 septembre de l année précédant l exercice 25 tandis que les comptes devraient être communiqués avant le 15 mai suivant la clôture de l exercice auquel ils ont trait 26. 19 projet d ordonnance relative à la tutelle administrative et aux règles financières, budgétaires et comptables de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d aide sociale, Exposé des motifs, Doc. A.C.C.C., session 2001-2002, B-84/1, p.15 20 article 26bis 2 L.O. 21 art. 88 1 er, 2 ème et 7 ème alinéa et 2 L.O. 22 art. 89, 3 alinéa L.O. 23 art. 88, 2, 2 alinéa L.O. 24 art. 119, 1 er alinéa L.O. 25 article 88, 1 er, 2 ème alinéa L.O. 26 article 89, 2, 1 er alinéa L.O. 3
Seule la méconnaissance de l échéance de transmission des budgets est sanctionnée 27 : le collège des bourgmestre et échevins peut mettre, dans ce cas, le centre en demeure de lui présenter le budget. En cas de carence persistant deux mois après la mise en demeure, le conseil communal pourra se substituer au CPAS. Il arrêtera le budget du CPAS et le soumettra à l approbation du Collège réuni de la Commission communautaire commune. La commune dispose de quarante jours à dater de la transmission et non de la réception des budgets pour expédier et non pas adopter sa décision d improbation ou de réformation des budgets. Le silence au terme de ce délai vaut approbation tacite 28. En revanche, le délai de quarante jours pour improuver les comptes démarre à dater de leur réception 29. L improbation et la réformation des budgets et des comptes sont soumis pour approbation au Collège réuni dans les quarante jours suivant la réception de la décision de la commune 30. Le Collège réuni a quarante jours, soit à dater de la transmission du budget improuvé ou réformé 31 soit de la réception des comptes 32, pour approuver la décision de la commune. A défaut, les budgets et les comptes tels qu arrêtés initialement par le CPAS sont réputés approuvés ou arrêtés définitivement. Tutelle de suspension Le Collège des bourgmestre et échevins a la possibilité de suspendre tous les actes du CPAS dont il estime qu ils portent atteinte à l intérêt communal, par exemple à l intérêt financier de la commune 33. C est le Collège réuni qui peut convertir cette suspension en annulation si le CPAS décide maintenir sa décision suspendue par la commune 34. Cette tutelle de suspension ne peut s exercer sur les actes suivants : - les décisions d octroi d aide individuelle et de récupération ; - les démission d office et révocation d agents du CPAS ; - les expropriations ; - les budgets et les comptes ainsi que les modifications budgétaires ; - les décisions d association du CPAS avec d autres CPAS, personnes de droit public ou personnes morales de droit privé sans but lucratif. Le CPAS dispose de vingt jours pour communiquer ses délibérations au Collège des bourgmestre et échevins 35 comme au Collège réuni de la Commission communautaire commune. Le Collège des bourgmestre et échevins doit notifier et pas adopter sa décision de suspension au CPAS et au Collège réuni trente jours après avoir reçu la décision concernée. Le CPAS peut alors retirer ou maintenir la décision suspendue. Si le retrait est notifié sans délai au Collège des bourgmestre et échevins et au Collège réuni, la décision de maintien, quant à elle, ne doit être notifiée au collège des bourgmestre et échevins et au Collège réuni que dans les cent jours courant à dater de la réception de la suspension. Si le Collège réuni n annule pas la décision suspendue et ne notifie pas cette annulation quarante jours après avoir reçu la décision maintenue, la suspension est levée. Conclusion 27 article 88, 4 L.O. 28 article 88, 1 er, 4 ème alinéa L.O. 29 article 89, 1 er, 1 er alinéa L.O. 30 article 88, 1 er, 5 ème alinéa et article 89, 2, 2 ème alinéa L.O. 31 article 88, 1 er, 6 ème alinéa L.O. 32 article 89, 2, 2 ème alinéa L.O. 33 article 111, 2, 1 er alinéa L.O. 34 article 111, 2, 2 ème alinéa L.O. 35 article 111, 1 er L.O. 4
En définitive, la loi organique est de nature à inciter les communes à exploiter au mieux les mécanismes de participation aux décisions du CPAS et de concertation avec lui car elles les maîtrisent pleinement. En revanche, le sort des décisions de tutelle prises par les communes ne sont pas entre leurs mains mais appartient au Collège réuni qui, par sa seule inertie, peut rendre vaines toutes les improbations, réformations ou suspensions décidées par une commune. Etienne Schoonbroodt, Juriste Administration communale d Auderghem 5