IT PT LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I. M me le Juge Christine Van den Wyngaert M. le Juge Bakone Justice Moloto LE PROCUREUR MOMČILO PERIŠIĆ

Documents pareils
DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi

DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi

Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. (Croatie c. Serbie).

L ORDONNANCE DU 2 FEVRIER Exposé des motifs

RÈGLEMENT DE LA COUR

LE PROCUREUR CONTRE JEAN-PAUL AKAYESU. Affaire N ICTR-96-4-T

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Composition Président: Roland Henninger Hubert Bugnon, Jérôme Delabays

STATUT ACTUALISÉ DU TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L EX-YOUGOSLAVIE

Circulaire de la DACG n CRIM 08-01/G1 du 3 janvier 2008 relative au secret de la défense nationale NOR : JUSD C

Règle 63 DIVORCE ET DROIT DE LA FAMILLE

Titre I Des fautes de Gestion

DIRECTIVE PRATIQUE RELATIVE À LA MISE EN OEUVRE DE L ARTICLE

L application du règlement sur la reconnaissance mutuelle aux procédures d autorisation préalable

REPUBLIQUE FRANCAISE. Contentieux n A et A

Responsabilité pénale de l association

Quel cadre juridique pour les mesures d investigation informatique?

CONVENTION CONCERNANT L ASSISTANCE ADMINISTRATIVE MUTUELLE EN MATIÈRE FISCALE

Règlement relatif aux sanctions et à la procédure de sanction

Décrets, arrêtés, circulaires

Numéros du rôle : 4381, 4425 et Arrêt n 137/2008 du 21 octobre 2008 A R R E T

Décision de la Chambre de Résolution des Litiges

REPUBLIQUE FRANCAISE

Commentaire. Décision n /178 QPC du 29 septembre 2011 M. Michael C. et autre

LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE II. Mme la juge Fatoumata Dembele Diarra Mme la juge Christine Van den Wyngaert

R È G L E M E N T I. Agence

Contrat d'abonnement A l'offre NetBox

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

PROTOCOLE. Entre le Barreau de Paris, le Tribunal de Commerce et le Greffe. Le Barreau de Paris, représenté par son Bâtonnier en exercice,

CONSIDÉRATIONS SUR LA MISE EN ŒUVRE DES DÉCISIONS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Conférence des Cours constitutionnelles européennes XIIème Congrès

COUR PENALE INTERNATIONALE

Comment remplir le formulaire de requête. I. Ce qu il faut savoir avant de remplir le formulaire de requête

Arrêt n CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE LYON

Ce texte est une version provisoire. Seule la version qui sera publiée dans la Feuille officielle

Loi fédérale sur l agrément et la surveillance des réviseurs

LA CHAMBRE PRELIMINAIRE III SITUATION EN REPUBLIQUE DE COTE DTVOIRE. AFFAIRE LE PROCUREUR c. LAURENT GBAGBO

CHAMBRE PRÉLIMINAIRE II. M. le juge Hans Peter Kaul M. le juge Cuno Tarfusser SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE AFFAIRE LE PROCUREUR.

M. Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Cour de cassation de Belgique

Loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD) du 19 décembre 1986

Décision du Défenseur des droits n MLD

Code civil local art. 21 à 79

BELGIQUE. Mise à jour de la contribution de novembre 2005

Circulation Privée Immeuble PME. assista. Conditions générales d assurance Edition Assurance protection juridique pour PME et Indépendants

DÉCISION INTERLOCUTOIRE DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi

CERTIFICATS DE SÉCURITÉ Qu est-ce qu un certificat de sécurité?

ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA PRINCIPAUTE DU LIECHTENSTEIN ET LE MATIERE FISCALE

Exemples de réclamations Erreurs et omissions Agents et courtiers

LA DEFENSE DEVANT LES JURIDICTIONS PENALES INTERNATIONALES

FICHE N 8 - LES ACTIONS EN RECOUVREMENT DES CHARGES DE COPROPRIETE

Président : M. Blin, conseiller le plus ancien faisant fonction., président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

- La mise en cause d une personne déterminée qui, même si elle n'est pas expressément nommée, peut être clairement identifiée ;

Numéro du rôle : Arrêt n 121/2002 du 3 juillet 2002 A R R E T

Protocole n 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés fondamentales (STCE n 213) Rapport explicatif

Accord négocié régissant les relations entre la Cour pénale internationale et l Organisation des Nations Unies. Préambule

PROJET D ARTICLES SUR LA RESPONSABILITE DE L ÉTAT POUR FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE

Tribunal d appel des Nations Unies

CONVENTION INDIVIDUELLE D HABILITATION. «Expert en automobile indépendant» (convention complète)

PROTOCOLE DE LA COUR DE JUSTICE DE L UNION AFRICAINE

FAILLITE ET RESTRUCTURATION

PROJET D ARTICLES SUR LA RESPONSABILITE DE L ÉTAT POUR FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE

Numéro du rôle : Arrêt n 167/2014 du 13 novembre 2014 A R R E T

Votre droit au français

Politique de l'acei en matière de règlement des différends relatifs aux noms de domaine Version 1.3 (le 22 août 2011) ARTICLE 1 INTRODUCTION

Décrets, arrêtés, circulaires

Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Odent et Poulet, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

La Justice et vous. Les acteurs de la Justice. Les institutions. S informer. Justice pratique. Vous êtes victime. Ministère de la Justice

Compte rendu des délibérations, y compris les motifs de décision

La fraude fiscale : Une procédure pénale dérogatoire au droit commun. Par Roman Pinösch Avocat au barreau de Paris

La délégation de pouvoirs

CONVENTION INDIVIDUELLE D HABILITATION. «société d assurance indépendante» (Convention complète)

Loi organique relative à la Haute Cour

1. Politiques en matières d appel. 2. Définitions. 3. Portée de l appel

BAREME INDICATIF DES HONORAIRES

Nous constatons de nos jours

DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division d appel Décision d appel

Loi fédérale sur l agrément et la surveillance des réviseurs

Guide de la pratique sur les réserves aux traités 2011

La Cour supérieure de l'ontario interprète une clause d'exclusion et refuse la certification d'un recours collectif

UN AVOCAT PEUT-IL AGIR À TITRE DE COURTIER IMMOBILIER?

Arrêt du 19 mai 2008

Cour de cassation de Belgique

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

PROCEDURES DE DIVORCE

MANUEL DES PROCEDURES D ATTRIBUTION, DE CONTRÔLE ET DE RENOUVELLEMENT DES QUALIFICATIONS ET ATTESTATIONS D IDENTIFICATION

DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi

Le régime de la responsabilité civile des enseignants

Commentaire. Décision n QPC du 29 janvier Association pour la recherche sur le diabète

Assemblée des États Parties

Délibération n du 27 septembre 2010

La chambre du conseil de la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg a rendu le douze février deux mille quatorze l'arrêt qui suit:

Conférence de l Arson club du 16 avril 2008 sur la répétibilité des honoraires de l avocat (loi du 21/4/2007).

Les Cahiers du Conseil constitutionnel Cahier n 24

- JURISPRUDENCE - Assurances Contrat type d assurance R.C. auto Inapplication d une directive européenne Action récursoire

4./4/14 DE DROIT AÉRIEN. (Montréal, 26 CONVENTION SURVENANT. (12 pages) DCTC_WP_DCTC_

Format de l avis d efficience

Centre de Recherche sur l Information Scientifique et Technique. Par Mme BOUDER Hadjira Attachée de Recherche

Les autorités judiciaires françaises n ont pas mis en œuvre de politique nationale de prévention dans ce domaine.

Transcription:

NATIONS UNIES IT-04-81-PT 9/12456 BIS D9-1/12456 BIS 19 December 2012 AJ Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l ex-yougoslavie depuis 1991 Affaire n : IT-04-81-PT Date : 17 septembre 2008 FRANÇAIS Original : Anglais LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I Composée comme suit : Assistée de : M. le Juge Alphons Orie, Président M me le Juge Christine Van den Wyngaert M. le Juge Bakone Justice Moloto M. Hans Holthuis, Greffier Décision rendue le : 17 septembre 2008 LE PROCUREUR c/ MOMČILO PERIŠIĆ DOCUMENT PUBLIC DÉCISION RELATIVE À LA DEUXIÈME DEMANDE DE CONSTAT JUDICIAIRE DE FAITS INCRIMINÉS SURVENUS À SARAJEVO Le Bureau du Procureur M. Mark Harmon Les Conseils de l Accusé M. Novak Lukić M. James Castle M. Gregor Guy-Smith Affaire n IT-04-81-PT 17 septembre 2008

8/12456 BIS LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l ex-yougoslavie depuis 1991 (respectivement la «Chambre de première instance» et le «Tribunal») est saisie de la deuxième demande de constat judiciaire de faits incriminés survenus à Sarajevo et de son annexe (Second Motion for Judicial Notice of Facts Relevant to the Sarajevo Crime Base, With Annex, la «Demande»), déposée par l Accusation le 10 juillet 2008. Elle rend ci-après sa Décision. A. Arguments des parties 1. L Accusation demande à la Chambre de première instance de dresser le constat judiciaire de i) 26 faits énumérés à l annexe A de la Demande (les «faits proposés») et admis dans le jugement Galić 1, en application de l article 94 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le «Règlement»). Elle fait valoir que le constat judiciaire des nouveaux faits proposés lui permettrait d appeler moins de témoins à la barre, ce qui contribuerait à la rapidité et à l équité du procès 2. 2. L Accusation avance que les faits proposés remplissent tous les critères d admissibilité fixés à l article 94 B) du Règlement 3 et qu ils portent sur les constatations sur la base desquelles le général Stanislav Galić a été déclaré coupable d avoir ordonné une campagne de bombardements et de tirs isolés contre la population civile de Sarajevo entre le 10 septembre 1992 et le 10 août 1994 4, le général Galić étant par ailleurs présenté comme le subordonné de Momčilo Perišić (l «Accusé») dans le deuxième acte d accusation modifié du 5 février 2008 (l «Acte d accusation»). 3. De plus, l Accusation soutient que l admission des faits proposés ne compromettrait ni le droit de l Accusé à un procès équitable, ni la présomption d innocence dont il bénéficie, l Accusation devant toujours prouver au-delà de tout doute raisonnable qu il existe un lien entre le général Galić et l Accusé, et que l élément matériel et l élément moral des crimes reprochés à ce dernier sont réunis 5. Enfin, l Accusation argue que l admission des faits proposés ira dans le sens de l économie judiciaire en réduisant le temps consacré au réexamen 1 Le Procureur c/ Galić, affaire n IT-98-29-T, Jugement, 5 décembre 2003 («Jugement Galić»). 2 Demande, par. 4. 3 Ibidem, par. 11 à 19. 4 Ibid., par. 14. 5 Ibid., par. 20 à 24. Affaire n IT-04-81-PT 2 17 septembre 2008

7/12456 BIS de questions déjà tranchées dans d autres affaires et permettra aux parties de se concentrer sur les questions litigieuses de l espèce 6. 4. Le 11 août 2008, l Accusation et la Défense ont déposé des conclusions communes relatives aux faits incriminés survenus à Sarajevo avec une annexe remaniée (Parties Joint Submission in Respect of Facts Relevant to the Sarajevo Crime Base with Amended Annex, les «Conclusions communes»), dans lesquelles l Accusation remanie l annexe A pour y ajouter deux faits supplémentaires et modifier la formulation d un autre fait. La Défense ne s oppose pas au constat judiciaire d aucun des faits proposés dans l annexe ainsi remaniée 7. B. Droit applicable 5. Aux termes de l article 94 B) du Règlement : Une Chambre de première instance peut, d office ou à la demande d une partie, et après audition des parties, décider de dresser le constat judiciaire de faits ou de moyens de preuve documentaires admis lors d autres affaires portées devant le Tribunal et en rapport avec l instance. 6. La Chambre de première instance a longuement exposé la jurisprudence constante du Tribunal en matière de constat judiciaire de faits admis dans la décision relative à la requête de l Accusation aux fins de constat judiciaire de faits admis concernant Sarajevo (Decision on Prosecution s Motion for Judicial Notice of Adjudicated Facts Concerning Sarajevo, la «Décision relative aux faits admis concernant Sarajevo»), qu elle a rendue le 26 juin 2008 8. C. Examen 7. À titre liminaire, la Chambre de première instance relève que la Défense ne s oppose pas au constat judiciaire des faits proposés 9. La Chambre usera donc de son pouvoir discrétionnaire de manière à favoriser la rapidité et l équité du procès, conformément au souhait exprimé dans les Conclusions communes. 6 Ibid., par. 25 à 27. 7 Conclusions communes, par. 2. 8 Décision relative aux faits admis concernant Sarajevo, par. 13 à 17. 9 Conclusions communes, par. 2. Affaire n IT-04-81-PT 3 17 septembre 2008

6/12456 BIS 1. Le fait proposé doit être distinct, concret et identifiable. 8. Le fait dont le constat judiciaire est demandé doit être distinct, concret et identifiable parmi les constatations du jugement initial 10. Plus précisément, tous les faits admis proposés doivent être resitués dans le contexte du jugement «avec des références précises au lieu auquel ils se rapportent dans ce jugement ainsi qu à la période couverte par l acte d accusation dans cette affaire» 11. Partant, lorsque les faits admis proposés ne sont pas suffisamment clairs, même dans leur contexte initial, la Chambre de première instance devrait s abstenir d en dresser le constat judiciaire 12. 9. La Chambre de première instance estime que les faits proposés 8 et 20 ne remplissent pas ces conditions. Le fait proposé 8 n est pas suffisamment clair ou concret en ce qu il dispose que le général Galić «laissait [...] l impression» qu il maîtrisait la situation à Sarajevo. La même conclusion s impose s agissant du fait proposé 20, qui rapporte que les tirs directs ou indiscriminés sur les civils «ont été ordonnés par la hiérarchie». En conséquence, la Chambre de première instance ne dressera pas le constat judiciaire des faits proposés 8 et 20. 10. Dans ce contexte, la Chambre de première instance rappelle qu elle peut, dans l exercice de son pouvoir discrétionnaire, corriger toute imprécision ou ambiguïté mineure contenue dans un fait proposé 13. Elle a donc procédé à la correction d une erreur typographique relevée dans trois faits proposés pour les faire correspondre au sens que leur donnait le Jugement Galić : ainsi, la date du «10 août 1994» remplacera celle du «10 août 10 Le Procureur c/ Momčilo Krajišnik, affaire n IT-00-39-T, Décision relative aux troisième et quatrième requêtes de l Accusation aux fins de dresser le constat judiciaire de faits admis dans d autres affaires, 24 mars 2005 («Décision Krajišnik»), par. 14. Voir aussi Le Procureur c/ Prlić et consorts, affaire n IT-04-74-PT, Décision relative à la requête aux fins de dresser le constat judiciaire de faits admis dans d autres affaires en application de l article 94 B) du Règlement, 14 mars 2006 («Décision Prlić»), par. 21 ; Le Procureur c/ Blagojević et Jokić, affaire n IT-02-60-T, Décision relative à la requête de l Accusation aux fins de dresser le constat judiciaire de moyens de preuve documentaires et de faits admis dans d autres affaires, 19 décembre [2003], par. 16. 11 Décision Krajišnik, par. 14, note de bas de page 44. 12 Ibidem. 13 Le Procureur c/ Popović et consorts, affaire n IT-05-88-T, Décision relative à la requête de l Accusation aux fins de constat judiciaire de faits admis dans d autres affaires, annexe jointe, 26 septembre 2006 («Décision Popović»), par. 7. Affaire n IT-04-81-PT 4 17 septembre 2008

5/12456 BIS 1992» dans les faits proposés 9, 10 et 13 pour qu ils concordent avec la période visée par l acte d accusation dans l affaire Galić 14. 11. Enfin, la Chambre de première instance relève que les faits proposés 23 et 24 reproduisent en substance les mêmes informations. Afin d éviter la répétition, la Chambre de première instance ne dressera pas le constat judiciaire du fait proposé 24. 2. Le fait proposé doit être pertinent et présenter un intérêt en l espèce. 12. Le fait proposé doit porter sur une question litigieuse en l espèce. Comme l a rappelé la Chambre d appel, «l article 94 du Règlement n est pas un mécanisme susceptible d être employé pour se soustraire aux règles d ordre général régissant la recevabilité des moyens de preuve et encombrer le dossier avec des questions qui ne seraient pas admises autrement 15». 13. L Accusation soutient que «les faits proposés portent directement sur les allégations relatives au rôle du général Galić dans les faits incriminés survenus à Sarajevo pendant la première moitié de la période couverte par l Acte d accusation 16». Le général Galić aurait été un subordonné de l Accusé. La Chambre de première instance est donc convaincue que tous les faits proposés présentent un intérêt pour les parties du dossier à charge précisées par l Accusation. 3. Le fait proposé ne doit comporter aucune conclusion ou qualification de nature essentiellement juridique. 14. Les faits proposés ne doivent comporter aucune conclusion ou qualification de nature essentiellement juridique. En d autres termes, les faits proposés doivent être des constatations de la Chambre de première instance ou de la Chambre d appel 17. En principe, les conclusions portant sur l élément matériel ou moral d un crime sont considérées comme des 14 La formulation du fait proposé 9 sera donc la suivante : «Le général Galić était présent sur le champ de bataille de Sarajevo du 10 septembre 1992 au 10 août 1994, tout près de la ligne de front». Celle du fait proposé 10 sera la suivante : «Le tracé des lignes de front est resté relativement stable entre le 10 septembre 1992 et le 10 août 1994». Celle du fait proposé 13 sera la suivante : «Les systèmes d information et de surveillance du corps de Sarajevo-Romanija fonctionnaient normalement entre le 10 septembre 1992 et le 10 août 1994». 15 Le Procureur c/ Laurent Semanza, ICTR-97-20-I, Décision relative à la requête du Procureur aux fins de constat judiciaire et d admission de présomptions factuelles conformément aux articles 94 et 54, 3 novembre 2000, par. 24 ; Le Procureur c/ Momir Nikolić, affaire n IT-02-60/1-A, Décision relative à la requête de l appelant aux fins de constat judiciaire, 1 er avril 2005 («Décision Nikolić en appel»), par. 52. 16 Demande, par. 14. 17 Le Procureur c/ Dragomir Milošević, affaire n IT-98-29/1-AR73.1, Décision relative aux appels interlocutoires interjetés contre la Décision de la Chambre de première instance relative à la requête de l Accusation aux fins de constat judiciaire de faits constatés et à la liste des faits admis, 26 juin 2007 («Décision Dragomir Milošević en appel»), par. 19 à 22 ; Décision Krajišnik, par. 15. Affaire n IT-04-81-PT 5 17 septembre 2008

4/12456 BIS constatations 18. En examinant si un fait proposé constitue véritablement une constatation, les juges ont observé que «de nombreuses conclusions sont par certains côtés juridiques, si l on prend cette expression au sens large. Il faut donc déterminer au cas par cas si les constatations proposées comportent des conclusions ou des qualifications essentiellement juridiques, auquel cas leur constat doit être exclu 19». 15. La Chambre de première instance est convaincue que les faits proposés 3, 15, 16, 18 à 20 et 22 à 28 comportent des qualifications juridiques relatives à l élément moral ou matériel des crimes qui sous-tendent la déclaration de culpabilité du général Galić. Par ailleurs, la Chambre relève qu ils contiennent également des informations factuelles. Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal, la Chambre a donc examiné au cas par cas si les faits susmentionnés étaient de nature essentiellement juridique. Elle a déjà jugé que les faits proposés 20 et 24 ne remplissaient pas les conditions requises pour qu il en soit dressé le constat judiciaire et elle procèdera à l analyse du fait proposé 28 ci-après, au titre 6. Après avoir examiné les autres faits proposés et tenu compte du fait que la Défense ne s opposait au constat judiciaire d aucun fait, la Chambre conclut que le contenu factuel de ces faits prime en l espèce et qu ils remplissent donc les conditions du constat judiciaire. 4. Le fait proposé ne doit pas reposer sur un accord conclu entre les parties à l affaire initiale. 16. Les faits proposés ne doivent pas reposer sur un accord conclu entre les parties au procès initial. Dans le jugement dont ils sont tirés, les faits proposés 1 à 4 sont introduits par une remarque liminaire qui précise que les parties «s accordent» sur les faits. Cependant, la Chambre de première instance relève que le constat judiciaire de faits ne peut être dressé que s ils ont été «admis», c est-à-dire s ils ne reposent pas sur un accord conclu entre les parties à l affaire initiale, par exemple sur un accord sur le plaidoyer, en vertu des articles 62 bis et 62 ter du Règlement, ou un accord sur les points de fait, en application de l article 65 ter H) du Règlement 20. Les faits sont considérés comme reposant sur un accord entre les parties lorsque, la note correspondante du jugement initial, les faits convenus entre les parties sont cités à titre de référence principale 21. 18 Décision Krajišnik, par. 16. 19 Ibidem, par. 19. Voir aussi la Décision Dragomir Milošević en appel, par. 19 à 22. 20 Décision relative aux faits admis concernant Sarajevo, par. 27. 21 Décision Popović, par. 11. Affaire n IT-04-81-PT 6 17 septembre 2008

3/12456 BIS 17. La Chambre, après avoir appliqué ce critère, juge que les faits proposés ne reposent pas sur un accord conclu entre les parties. 5. Le fait proposé ne doit pas faire l objet d une procédure d appel ou de révision pendante. 18. Le fait proposé ne doit pas faire l objet d un recours. Par conséquent, «[s]euls les faits tirés d un jugement duquel il n a pas été interjeté appel, ou pour lequel une procédure en appel s est achevée, peuvent être vraiment considérés comme des faits admis au sens de l article 94 B) du Règlement 22». 19. Les faits proposés tirés du Jugement Galić n ont pas été infirmés en appel. La Chambre de première instance en conclut donc que tous les faits proposés remplissent cette condition. 6. Le fait proposé ne doit pas avoir trait aux actes, au comportement ou à l état d esprit de l Accusé. 20. La Chambre de première instance doit s abstenir de dresser le constat judiciaire de tout fait admis ayant trait aux actes, au comportement ou à l état d esprit de l Accusé. Deux éléments jouent en faveur de cette «exclusion totale». Premièrement, il faut trouver un «équilibre entre les droits procéduraux de l Accusé et le souci de célérité concordant avec celui expressément établi par l article 92 bis du Règlement» 23. Deuxièmement, «il se pose un problème de fiabilité, car on a des raisons de douter de l exactitude de faits admis dans d autres affaires lorsqu ils concernent précisément les actes, les omissions ou l état d esprit d une personne qui n était pas en cause dans ces affaires. En général, les personnes poursuivies dans les autres affaires seraient beaucoup moins enclines à contester ces faits que s ils avaient trait à leurs propres actes. D ailleurs, dans certains cas, ces accusés pourraient choisir délibérément de laisser incriminer autrui. 24» Cette condition ne s applique cependant pas au comportement d autres personnes dont les crimes ou omissions sont reprochés à 22 Voir Le Procureur c/ Zoran Kupreškić et consorts, affaire n IT-95-16-A, Décision relative aux requêtes des appelants Drago Josipović, Zoran et Vlatko Kupreškić aux fins d admission de moyens de preuve supplémentaires, en vertu de l article 115, et aux fins de constat judiciaire, en vertu de l article 94 B), 8 mai 2001 («Décision Kupreškić»), par. 6 ; Décision Krajišnik, par. 14 ; Décision Prlić, par. 12 et 15. 23 Le Procureur c/ Karemera, affaire n ICTR-98-44-AR73 C), Décision faisant suite à l appel interlocutoire interjeté par le Procureur de la Décision relative au constat judiciaire, 16 juin 2006, par. 51. 24 Décision Karemera en appel, par. 51. Affaire n IT-04-81-PT 7 17 septembre 2008

2/12456 BIS l Accusé sur le fondement d une ou de plusieurs formes de responsabilité visées aux articles 7 1) ou 7 3) du Statut 25. 21. L Accusation soutient que les faits proposés «ont trait aux actes de Stanislav Galić, présenté comme un subordonné de l Accusé, et non aux actes, au comportement ou à l état d esprit de l Accusé 26». La Chambre de première instance observe cependant que le fait proposé 28 fait référence aux «objectifs fixés par les supérieurs [de Galić]» et que, l Accusé étant présenté comme le supérieur hiérarchique de celui-ci, ce fait proposé ne remplit pas la condition et, partant, qu il doit être rejeté. La Chambre estime que tous les autres faits proposés remplissent cette condition. 7. Le libellé du fait proposé ne doit pas différer en substance de celui du jugement dont il est tiré. 22. La partie requérante doit formuler les faits dont elle demande le constat judiciaire de la même manière que dans le jugement initial ou, tout au moins, d une manière substantiellement similaire 27. De plus, la Chambre de première instance peut et même doit refuser de dresser le constat judiciaire de faits «sortis de leur contexte» si elle juge que leur formulation hors du contexte du jugement dont ils sont tirés prête à confusion ou ne correspond pas aux faits déjà admis dans les affaires considérés 28. Enfin, un fait proposé doit être considéré à la lumière des autres. La Chambre doit donc refuser de dresser le constat judiciaire du fait proposé s il n est pas clair dans ce contexte, ou s il perd de sa clarté parce qu un ou plusieurs autres faits proposés connexes ne sont pas retenus dans le cadre du constat judiciaire 29. 23. La Chambre de première instance constate que les qualifications juridiques du jugement initial ont été omises du libellé des faits proposés 16, 19, 25 et 26 30. Si ces modifications ne peuvent altérer la nature potentiellement juridique des constatations initiales, dont les conséquences ont été analysées plus haut, la Chambre doit examiner si leur libellé diffère en substance de celui du jugement dont ils sont tirés. La Chambre est convaincue que 25 Ibidem, par. 48. 26 Demande, par. 17. 27 Décision Krajišnik, par. 14 ; Décision Prlić, par. 21. 28 Décision Karemera en appel, par. 55 ; Décision Popović, par. 8. 29 Voir Décision Popović, par. 8. 30 Le terme «illicite»a été supprimé des phrases tirées du Jugement Galic dans les faits proposés 16 et 19 ainsi que dans le fait proposé 25. Quant au fait proposé 26, la qualification «par des tirs directs ou indiscriminés» a été supprimée. Affaire n IT-04-81-PT 8 17 septembre 2008

1/12456 BIS leur formulation ne diffère pas en substance de la constatation initiale et juge donc que ces faits proposés remplissent la condition considérée. 8. Le pouvoir discrétionnaire résiduel de la Chambre de première instance 24. Au-delà de l application de ces critères et dans l exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Chambre de première instance a soigneusement examiné si l admission des faits proposés permettrait de servir l économie judiciaire sans compromettre les droits de l Accusé. À cet égard, elle relève que la Défense ne s oppose à aucun des faits proposés et rappelle qu elle a déjà écarté ceux qui pourraient s avérer contraires aux intérêts de la justice en raison de leur formulation floue ou du fait qu ils concernent l Accusé. 25. De plus, la Chambre de première instance souligne que le constat judiciaire des faits proposés ne portera que sur la preuve des constatations relatives aux crimes commis à Sarajevo. Pendant le procès, l Accusation devra établir le lien entre ces crimes et l Accusé et prouver que les conditions posées aux articles 7 1) et 7 3) du Statut visant à établir la responsabilité pénale de l Accusé sont réunies. D. Dispositif 26. Par ces motifs et en application des articles 54 et 94 B) du Règlement, la Chambre de première instance FAIT partiellement DROIT à la Demande et dresse le constat judiciaire des faits proposés suivants exposés dans l annexe corrigée : 1) faits proposés 1 à 7, 11, 12, 14 à 19, 21 à 23 et 25 à 27 ; 2) faits proposés 9, 10 et 13 sous réserve des modifications indiquées au paragraphe 10 ci-dessus. 27. La Chambre de première instance ne dressera pas le constat judiciaire des faits proposés 8, 20, 24 et 28. Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi. Le 17 septembre 2008 La Haye (Pays Bas) [Sceau du Tribunal] Le Président de la Chambre de première instance /signé/ Alphons Orie Affaire n IT-04-81-PT 9 17 septembre 2008