Le processus européen de protection et d inclusion sociale Conclusions d études politiques 9 ISSN 1830-544X Pauvreté et exclusion sociale parmi les ménages monoparentaux Tout indique que, en Europe, la structure des ménages est en train de changer et d évoluer. Les caractéristiques structurelles des familles et des marchés du travail ont subi de profondes transformations partout, bien qu à des moments différents et, parfois, pour des raisons différentes. Les ménages monoparentaux doivent surmonter des obstacles importants pour conserver un pied sur le marché du travail et pour pouvoir subvenir à leurs besoins sans devoir dépendre des prestations sociales. Un nombre disproportionné d entre eux sont en proie au chômage et au risque de pauvreté. La Commission a examiné les plans d action nationaux sur l inclusion sociale présentés par les États membres depuis 2001, et les conclusions qu elle en tire sont claires: dans de nombreux États membres, les enfants qui grandissent dans une famille pauvre, en particulier si celle-ci compte trois enfants ou plus ou si elle est de type monoparental, sont exposés à un risque accru de pauvreté et d exclusion sociale. Si rien n est fait pour remédier à la pauvreté et à l exclusion sociale parmi les ménages monoparentaux, ces phénomènes risquent d avoir des effets à long terme en raison de la transmission de la pauvreté entre générations: les enfants pauvres sont plus susceptibles de devenir des adultes pauvres et socialement exclus. L importance de cette problématique a poussé la Commission à commander une étude sur la pauvreté et l exclusion sociale des parents isolés. L objectif de cette étude est multiple: analyser les raisons pour lesquelles les ménages monoparentaux courent un risque de pauvreté plus élevé; analyser les obstacles qu ils rencontrent pour accéder à l emploi et aux autres instruments d inclusion sociale; examiner la manière dont les États membres ont tenté de résoudre ce problème, en particulier en permettant aux parents isolés de ne plus dépendre des prestations sociales et en leur offrant des possibilités d emploi; identifier et diffuser les meilleures pratiques parmi les mesures politiques qui ont été étudiées. Cette étude a comparé les approches mises en œuvre dans treize pays et leurs résultats: Allemagne, Bulgarie, Danemark, Espagne, France, Irlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni et Slovénie. Contexte théorique général Au cours de la deuxième moitié du XX e siècle, les caractéristiques socio-économiques des sociétés d Europe occidentale ont connu de grands bouleversements. Les caractéristiques structurelles des familles et des marchés du travail ont subi une profonde transformation, bien qu à des moments différents et, parfois, pour des raisons différentes. L État-providence européen d après-guerre était adapté à un modèle familial et à une structure du marché du travail qui n existent plus aujourd hui. Le modèle de famille stable, homogène, dont la subsistance est assurée par l homme chef de famille, qui existait dans les sociétés intermédiaires du milieu du siècle (en admettant qu il se soit jamais pleinement réalisé) a été remplacé par un ensemble davantage pluraliste et diversifié de modèles familiaux. Dans le même temps, les emplois stables, typiques, manuels, destinés aux hommes peu qualifiés dans les sociétés fordiennes ont été remplacés par des emplois plus instables, flexibles, différenciés et nécessitant des qualifications élevées, auxquels accèdent une proportion croissante de femmes mariées. Commission européenne
Pauvreté et exclusion sociale parmi les ménages monoparentaux En effet, dans les sociétés contemporaines, les gens se marient moins et à un âge plus avancé, ils divorcent ou cessent de cohabiter plus souvent qu auparavant, le nombre de familles sans emploi augmente et celui des naissances hors mariage est également en hausse, bien que le taux général de fertilité diminue. Ces changements ont occasionné une forte augmentation de la proportion de familles monoparentales, une dégradation de leur situation économique et une profonde transformation de la composition de ce groupe: la principale cause de la monoparentalité n est plus le veuvage, mais la rupture du mariage, suivie de près par le phénomène des mères célibataires et par la séparation de couples en cohabitation. Certes, les situations qui prévalaient avant ces transformations varient fortement d un pays à l autre, mais la force de ces transformations et le moment où elles se sont produites sont également très variables en général suivant un clivage Nord-Sud, les pays d Europe de l Est étant d une certaine manière un mélange des deux. Les statistiques démographiques de la monoparentalité dans treize pays européens Dans un premier temps, l étude a exploré la dimension de la monoparentalité résultant de ce processus complexe et diversifié de transformation dans treize pays ( 1 ) en 2006. Elle a étudié le degré de variation, d un pays à l autre, de la composition du groupe des familles monoparentales (selon le sexe du parent isolé et l état civil de la mère seule). Si on examine la proportion de familles monoparentales avec des enfants à charge (c est-à-dire de moins de 18 ans) par rapport au nombre total de familles dans la même situation, on peut clairement distinguer deux groupes de pays au moins: les pays d Europe méridionale (Italie, Espagne et Portugal), où la proportion est assez faible (inférieure à 12 %); le Danemark, les pays «libéraux» anglo-saxons (Royaume-Uni et Irlande, en ce qui concerne les régimes d assistance sociale) et certains pays en transition (Slovénie, Allemagne et Bulgarie), où cette proportion avoisine les 19 % ou plus. Les pays continentaux, la Pologne et la Norvège se situent entre ces deux groupes. Si on examine d une manière plus spécifique la composition du groupe des familles monoparentales, on peut distinguer quatre ensembles de pays: les pays méditerranéens ( 2 ), où, même si le groupe concerné se compose à présent en majeure partie de mères divorcées, un nombre encore élevé de parents isolés sont en réalité des veuves (entre 15 et 34 %), tandis que la proportion de mères célibataires est relativement faible (inférieure à 13 % en Italie et en Espagne, elle n atteint 22 % qu au Portugal); les pays continentaux (France, Allemagne et Pays- Bas), où la proportion de femmes divorcées est la plus élevée (52 % ou plus), où la proportion de mères célibataires se situe entre 28 et 32 % et où le nombre de veuves est assez faible; la Pologne et la Slovénie se situent entre ces deux premiers groupes: la proportion de veuves est encore élevée, comme dans le premier groupe, mais celle de mères célibataires est bien plus élevée qu en Italie et en Espagne. La Bulgarie peut ( 1 ) Allemagne, Bulgarie, Danemark, Espagne, France, Irlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni et Slovénie. ( 2 ) Le Portugal est d une certaine manière un cas particulier parmi les pays méditerranéens, tandis que l Italie et l Espagne présentent les résultats les plus logiques (ils devraient être assez similaires en Grèce, qui n est pas incluse dans l échantillon). 2
Conclusions d études politiques 9 aussi être rattachée à ce troisième groupe, vu que les seuls chiffres disponibles indiquent une surreprésentation des veuves et une sous-représentation des mères célibataires; l Allemagne, le Danemark, la Norvège, l Irlande et le Royaume-Uni, où la proportion de mères célibataires est la plus élevée (entre 37 et 52 %) ( 3 ), tandis que le nombre de veuves atteint son niveau le plus bas. L âge des mères divorcées avec des enfants à charge est largement semblable à celui des mères mariées, tandis que les mères veuves et les pères isolés (dont une assez grande partie sont probablement veufs) dans la même situation sont plus âgés et que les mères célibataires sont plus jeunes que les mères mariées. Toutefois, ce modèle commun présente certaines variations nationales qui se révèlent intéressantes, en particulier les suivantes: les très jeunes mères (c est-à-dire de moins de 25 ans) représentent une proportion relativement large des mères célibataires au Royaume- Uni (36 %), en Pologne (34 %), en Irlande (28 %), en Allemagne (24 %) et en Norvège et au Portugal (20 %); dans certains pays nordiques, anglo-saxons et en transition, on enregistre une proportion minime mais signifiante de très jeunes pères (c est-à-dire de moins de 25 ans) vivant seuls, un groupe quasi absent dans les autres pays: 7 % en Allemagne de l Est; 4 % en Bulgarie, en Irlande et en Norvège; 2 % au Royaume-Uni. Un modèle similaire apparaît également lorsqu on examine la proportion de pères isolés de moins de 35 ans: 25 % au Danemark; entre 19 et 22 % en Pologne et en Allemagne; 17 % au Royaume-Uni. L exclusion sociale des parents isolés Les familles monoparentales combinent plusieurs facteurs qui sont étroitement liés à de nouveaux risques de pauvreté et d exclusion sociale dans nos sociétés. L étude a atteint un niveau acceptable de couverture géographique et de comparabilité des données pour quatre indicateurs d exclusion sociale: le niveau de scolarité, la participation au marché du travail, le degré de pauvreté monétaire et le droit à un logement. Le niveau de scolarité Le handicap d instruction des familles monoparentales varie assez fortement en fonction de la cause de la monoparentalité. Ainsi, les veuves ont souvent un niveau de scolarité moindre que les femmes mariées, mais cet effet négatif est fortement atténué lorsqu on tient compte de l âge. Au contraire, le handicap éducatif des mères divorcées augmente lorsqu on tient compte de ce facteur: en effet, dans les pays où le divorce est un phénomène plus «démocratique» (comme aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Irlande), les mères divorcées sont nettement plus nombreuses que les mères mariées à n avoir achevé que les premiers niveaux d études ou à avoir quitté l école avant d obtenir un diplôme universitaire. Le tableau est totalement différent dans les pays qui ont une proportion croissante de mères célibataires adolescentes (Royaume- Uni, Irlande, Allemagne, Bulgarie et Pologne), où ces dernières ont souvent un niveau d instruction bien inférieur à celui des mères mariées du même âge. Ce type de lien entre la monoparentalité précoce, la rupture du mariage et le faible niveau de scolarité semble également se vérifier pour le groupe des ( 3 ) En Irlande, ce dernier chiffre s explique par le seuil d âge des enfants, particulièrement bas. 3
Pauvreté et exclusion sociale parmi les ménages monoparentaux «nouveaux» pères qui vivent seuls. Si la composition de ce groupe semble commencer à évoluer (moins de veufs âgés et davantage de jeunes pères divorcés et célibataires) ( 4 ), la proportion de pères qui ont un faible niveau d instruction augmente de la même manière. En Irlande, en Norvège et en Allemagne par exemple, les membres de ce groupe qui ne détiennent que le certificat de fin d études primaires sont deux à huit fois plus nombreux que les mères mariées dans le même cas. La participation au marché du travail Dans le cas des mères veuves, même si elles présentent un taux de chômage plus élevé que celui des femmes mariées dans quelques pays (en Irlande, au Royaume-Uni et en Italie), il semble que la reconnaissance rapide de leur situation et la couverture des risques liés au décès du conjoint leur donnent accès à des prestations sociales plutôt généreuses et entraînent leur sortie du marché du travail. Dans le cas des mères divorcées, leur niveau de scolarité plus faible que celui des femmes mariées leur fait en général courir un risque de chômage bien plus élevé. C est moins le cas en Italie et en Espagne, où le divorce est encore beaucoup plus fréquent dans les classes sociales supérieures et n est pas lié à un handicap d instruction. Ce modèle général comporte deux grandes exceptions: la Norvège et le Royaume-Uni, où l individualisation des droits sociaux et la générosité des allocations pour les parents isolés ont entraîné un effet de retrait du marché du travail assez considérable en termes relatifs. En ce qui concerne les mères célibataires, s il est vrai qu elles présentent le taux de chômage le plus élevé de la population, il est également vrai que leur taux d activité est souvent bien plus élevé que celui des mères mariées, sauf en Norvège, au Royaume-Uni et en Irlande. La situation des pères vivant seuls varie d un pays à l autre: au Royaume-Uni, en Irlande et aux Pays-Bas, leur taux de chômage est supérieur à celui des mères mariées. En Norvège et dans les pays méditerranéens, c est l inverse. Dans les pays où les nouveaux types de pères célibataires se multiplient, cette catégorie se heurte de plus en plus aux mêmes problèmes que les mères seules. Le Royaume-Uni et l Irlande sont les seuls pays où le taux d activité des pères isolés est supérieur à celui des mères mariées. La pauvreté monétaire et le risque de faible revenu En dépit de leur niveau d instruction bien inférieur et de leur retrait du marché du travail rémunéré, les veuves sont nettement mieux loties que les autres parents isolés, donc ces handicaps n entraînent pas de risque de pauvreté plus élevé. C est davantage le cas aux Pays-Bas ou en Norvège que dans les pays méditerranéens, même si les pensions des veuves semblent plus généreuses dans ces derniers. Les mères célibataires sont les plus défavorisées dans presque tous les pays, sauf aux Pays-Bas ( 5 ), où les mères célibataires «par choix» sont très nombreuses. Le risque de pauvreté lié à ce type de monoparentalité est particulièrement élevé dans les pays où les parents célibataires sont les moins nombreux, à savoir en Europe méridionale, sauf en Espagne. La situation des mères divorcées est également plutôt médiocre et se rapproche en général davantage de celle des mères célibataires que de celle des veuves. Cette situation est particulièrement frappante en Europe méridionale, où l on constate cependant qu elles ont globalement un niveau d instruction plutôt élevé. ( 4 ) Dans certains cas, toutefois, les chiffres sont très faibles dans notre échantillon. ( 5 ) Et au Danemark, probablement, mais nous ne disposons pas de données comparables pour étayer ce constat. 4
Conclusions d études politiques 9 Quant aux pères isolés, en Europe méridionale, où cette catégorie est essentiellement composée d hommes plus âgés, qui travaillent et qui ont un niveau de scolarité plus élevé, ils présentent un risque de pauvreté monétaire inférieur (Espagne et Portugal) ou égal (Italie) à celui des couples. En revanche, là où la composition du groupe change, ce risque augmente et les problèmes que rencontrent les pères isolés ressemblent davantage à ceux des mères divorcées et célibataires qu à ceux des veuves. Le logement Un autre indicateur du dénuement économique dans lequel vivent les familles monoparentales est leur surreprésentation dans le groupe des familles qui louent à titre privé (au prix du marché) le logement dans lequel elles vivent. Les données disponibles ( 6 ) montrent que, partout en Europe, les parents isolés sont surreprésentés parmi les locataires, à l exception des pères célibataires en Espagne et des veuves en Irlande. Évidemment, dans presque tous les pays, ils ont aussi plus facilement accès à un logement en location gratuit et public, mais ces politiques du logement ne compensent dans la pratique qu une faible part du handicap économique des parents isolés. Les seuls pays où la politique publique du logement a eu un impact notable sur la situation des parents isolés sont ceux qui appliquent traditionnellement une politique du logement forte (qui n était initialement pas conçue à l intention des parents isolés, mais qui leur a accordé la priorité), à savoir le Royaume-Uni (quoique ce privilège ait récemment été aboli) et l Irlande. Dans une certaine mesure, c est également le cas de l Allemagne et du Portugal, où une grande proportion des parents isolés ont accès à un logement public, tandis que dans les autres pays, ce pourcentage est inférieur à 15%. L évolution de l État-providence face à l urgence de la monoparentalité Aujourd hui, les systèmes nationaux d assistance sociale doivent répondre à un ensemble de besoins totalement différents de ceux des dernières décennies. Alors qu auparavant les «vieux» risques sociaux, tels que le chômage, la maladie, l invalidité et les personnes âgées à charge, étaient couverts pour la quasitotalité des citoyens, grâce à la correspondance entre les critères d admissibilité à la sécurité sociale et le modèle familial dominant, les «nouveaux» risques sociaux qui sont apparus les emplois mal rémunérés et de mauvaise qualité, les familles où un seul des conjoints travaille, le chômage de longue durée des travailleurs peu qualifiés, la difficulté pour les femmes et les jeunes à entrer sur le marché du travail et le chômage qui touche de plus en plus d adultes en âge de travailler ont pour conséquence que de plus en plus de groupes sociaux ne sont pas couverts à certaines périodes de leur vie. Dans le même temps, vu la pression croissante de la viabilité financière, les vieux et les nouveaux risques doivent être couverts. Sur la base des données initiales de l étude réalisée pour la Commission («flash reports» et «vignettes»), tous les pays de l échantillon et les cinq grandes familles de régimes d assistance sociale qui avaient été identifiés avant cette étude ( 7 ) ont été notés sur une échelle allant de «bon» à «insuffisant» en ce qui concerne les adaptations de l État-providence prises en vue de couvrir les nouveaux risques sociaux. Ces adaptations impliquent essentiellement les politiques familiales, les politiques actives du marché du travail, l aide à l apprentissage tout au long de la vie et au recyclage, la socialisation du travail de prise en charge, les services de soins, l aide aux frais financiers pour les enfants et les politiques de conciliation entre vie privée et vie professionnelle. ( 6 ) Nous disposons de statistiques comparables par sous-catégorie de parents isolés pour le Royaume-Uni, l Irlande, la Norvège, l Italie, l Espagne et en partie pour le Danemark et la Pologne. ( 7 ) 1) Pays scandinaves et France; 2) pays libéraux anglo-saxons et Pays-Bas; 3) Allemagne; 4) pays en transition; 5) pays méditerranéens et Bulgarie. 5
Pauvreté et exclusion sociale parmi les ménages monoparentaux Cette opération permet de constater que les pensions des veuves et les allocations des orphelins ont été réduites ou supprimées et qu elles ont été remplacées ou complétées par des mesures destinées explicitement aux parents isolés quelle que soit la cause de la monoparentalité et à leurs enfants. La restructuration des politiques sociales a toujours été facilitée par un débat public sur les enjeux concernés, tant sur la perception accrue des parents isolés comme une menace sociale (pays anglosaxons) qu en vue d un examen plus approfondi de leurs problèmes et de leur risque d exclusion sociale. Ces débats ont permis de surmonter, dans une certaine mesure, la fragmentation des nouveaux risques sociaux. Un autre élément essentiel est la nouvelle prise de conscience du fait qu un enfant qui vit avec un seul de ses parents présente les mêmes risques qu un orphelin, indépendamment du fait que l autre parent soit encore en vie ou non, et que cet enfant devrait bénéficier des mêmes droits à l aide sociale. Un troisième élément concerne le fait que les conséquences d une séparation, d un divorce ou d un abandon ne sont plus considérées comme des risques individuels privés, mais sont sorties de la sphère privée pour bénéficier d une protection de la société. Conclusions Les politiques favorables aux familles monoparentales ne peuvent en aucun cas être contraignantes ou généralisées à tous les pays. Il ne faut pas oublier que la situation a évolué en plusieurs étapes, qui sont propres à chaque pays, sur la base de choix qui restent politiques, avec la pénurie de moyens comme sempiternelle toile de fond. Par exemple, il serait malvenu d espérer que les pays d Europe méridionale, qui ne considèrent pas encore les parents isolés comme une catégorie à part entière, puissent franchir le pas vers la maturité des pays du Nord, qui ont appris après des décennies de politiques consolidées, généreuses et centrées sur la famille à éviter tout type de classification qui pourrait engendrer une stigmatisation. En ce qui concerne les transitions possibles et efficaces entre les politiques menées dans les différents pays (du soutien au revenu aux politiques d activation, de la politique familiale au soutien au revenu, etc.), il s agit de briser la spirale de la dépendance. L approche qui consiste à extraire les citoyens de l aide sociale pour les insérer sur le marché du travail est apparue dans les pays qui disposaient de modèles spécifiques de solidarité familiale et où les mères isolées participent peu au marché de l emploi. Il n est pas très logique de proposer une approche «dure» de mise au travail aux pays qui ont des antécédents totalement différents en matière d obligations familiales et des causes très différentes d appauvrissement. Dans les pays méditerranéens, par exemple, une proportion bien plus élevée de familles monoparentales travaillent déjà, par rapport au taux d activité des femmes. Les pays en transition rencontrent des problèmes similaires, mais ont peutêtre d autres priorités. Faciliter l accès au marché du travail pour le chef de famille monoparentale qu il s agisse d un homme ou d une femme ne devrait pas se faire par chantage ou par coercition; il faut avant tout améliorer la qualité des emplois auxquels ce chef de famille a accès. L enfermement dans des emplois de mauvaise qualité est une situation très réelle pour les mères isolées et, dans le même temps il convient de le souligner, pour les pères absents des enfants. Certaines leçons qui suivent une autre optique, dans la ligne de la méthode ouverte de coordination sur la protection sociale et l inclusion sociale, ont déjà 6
Conclusions d études politiques 9 été diffusées dans les pays dotés de politiques familiales plus anciennes et plus généreuses: la modération du système de mise au travail (qu on peut déjà constater dans les pays libéraux anglo-saxons), le principe de valorisation du travail, à savoir le fait de rendre le travail financièrement attrayant aux yeux des inactifs et, dans le même temps, l adoucissement de la transition entre les périodes de travail et les périodes d inactivité et entre les mesures d assistance. Ces leçons ne peuvent plus être négligées, pas même dans les pays qui ont des problèmes plus urgents tels que la mise en place d une structure d aide sociale aux familles qui prendrait en charge, dès sa conception, les nouveaux risques liés à la pluralisation des modèles familiaux. Dans les pays dotés de politiques familiales plus faibles, voire inexistantes, les parents isolés ont déjà accès à des emplois, mais il s agit essentiellement d emplois mal rémunérés et non satisfaisants; le problème consiste à favoriser l accès à des emplois permettant de mieux concilier travail et vie familiale ainsi qu à assurer une meilleure qualité de vie pour les enfants. Toutefois, s il est entendu qu une politique propice aux familles monoparentales doit commencer par des mesures spécifiques et ciblées, elle ne pourra mûrir que si elle est intégrée dans un cadre plus large de politiques variées d aide familiale. L introduction de mesures spécifiques (ou de conditions plus favorables) aux familles monoparentales devrait toujours être soutenue par un cadre permanent de mesures pour tous les parents. Cette évolution vers des mesures universalistes répond d une manière plus flexible aux nouveaux risques démographiques et sociaux créés par la transformation du cycle de vie des familles, puisqu elle facilite les transitions entre les phases de ce cycle et qu elle ne favorise aucun modèle familial particulier. Un élément important est la nécessité de mettre en place des méthodes uniformes pour dispenser des avances sur pension alimentaire pour les mères célibataires et divorcées d enfants reconnus et non reconnus qui ne peuvent compter sur le père pour le paiement de cette pension (par exemple un organisme qui servirait non pas à obtenir de l argent public, mais qui éviterait le recours aux tribunaux pour régler les litiges entre le parent seul et le parent absent). Ce type de mesures revêt une importance primordiale dans les pays qui ne disposent pas encore de régimes de revenu minimal. Leur efficacité réside dans la reconnaissance d un risque social méritant une protection lorsque de nombreux parents absents sont incapables de rembourser les allocations avancées par l État. Cependant, à un niveau moins ambitieux, un organisme de ce genre pourrait également jouer un rôle au moins symbolique pour réduire les litiges entre exépoux ou entre parents naturels et ouvrir la voie à une convergence vers une garde partagée après le divorce, une pratique qui se normalise dans certains pays européens, mais qui reste peut-être hors de portée pour les pays qui n ont pas encore de politique d aide familiale ou de contexte culturel approprié. La mise en place de méthodes uniformes est particulièremente importante pour combler le retard des pays où l effet sur la pauvreté des enfants et celui de la transmission de l exclusion sociale entre les générations sont fortement sous-estimés, tandis que la durée des périodes de monoparentalité peut comporter de plus grands risques que le nombre d occurrences du problème. Une telle mesure est un bon indicateur de la maturité des régimes de sécurité sociale, mais elle peut également être considérée, à juste titre, comme une véritable mesure de la politique sociale européenne, étant donné qu elle a déjà été mise au point spontanément dans de nombreux pays et dans le cadre de différents régimes de protection sociale. 7
KE-AR-07-002-FR-C Pour de plus amples informations Une copie du rapport complet est disponible sur le site web de la Commission européenne consacré à la protection sociale et à l inclusion sociale: http://ec.europa.eu/employment_social/social_protection/index_fr.htm Le contenu de la présente publication ne reflète pas nécessairement l avis ou la position de la Commission européenne, direction générale de l emploi, des affaires sociales et de l égalité des chances. Communautés européennes, 2007 Reproduction autorisée, moyennant mention de la source Printed in Belgium IMPRIMÉ SUR PAPIER BLANCHI SANS CHLORE