Prix des lycéens autrichiens 2012



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Transcription:

Prix des lycéens autrichiens 2012 DOSSIER PEDAGOGIQUE J me sens pas belle Gilles Abier Actes Sud, 2011 Dossier réalisé par Clémence Dollé, sous la direction de Yvan Jacquemin, attaché de coopération éducative, Institut Français de Vienne

SOMMAIRE Introduction... 4 Analyse du titre... 4 Analyse de la première et de la quatrième de couverture... 4 I. Références culturelles et historiques... 4 1) Bobigny... 4 2) L'immigration en France... 5 a. Informations générales... 5 b. Le droit d'asile... 7 c. L'immigration illégale : Sangatte et la «jungle»... 7 d. Les immigrés afghans... 7 e. Le délit d'aide au séjour irrégulier... 8 3) Le système judiciaire... 8 a. Le Tribunal de Grande Instance... 8 b. Les centres de rétention... 9 c. Le juge des libertés et de la détention... 9 II. Présentation des personnages... 9 1) La famille de Sabine... 9 a. Sabine... 9 b. Ludovic... 10 c. Roger... 10 d. Claire... 10 e. Josianne... 11 2) Les personnes proches... 11 a. Ajmal... 11 b. Emma... 11 c. Florentin... 11 d. Bertrand... 11 e. Henri Merque... 11 III. Analyse narratologique... 12 IV. Etudes thématiques... 13 1) Les relations familiales... 13 a. Les relations parents-enfants... 13 b. Les relations frère-sœur... 13 2) Les relations sentimentales... 13 3) L'estime de soi... 13 4) La découverte du monde des immigrés clandestins... 14 V. Pour aller plus loin... 14 a. Films et pièces de théâtre... 14 b. Articles, reportages... 15 c. Romans, BD... 15 d. Chansons... 15 VI. Au fil des chapitres... 16 2

Prix des lycéens autrichiens 2011 2012 DOSSIER PEDAGOGIQUE J me sens pas belle de Gilles Abier (Actes Sud Junior) Comment utiliser ce dossier? Ce dossier est destiné à faciliter votre lecture du roman. Il comprend trois grandes parties : un travail préliminaire sur le titre et la couverture du livre, une évocation des références culturelles et historiques, une présentation des personnages, une analyse thématique, une analyse narratologique et une courte bibliographie, un parcours du roman chapitre par chapitre, incluant des pistes de lecture sous forme de questions, des renvois à des faits de civilisation, une analyse du lexique, et des propositions d approfondissement ou de recherche. Ce dossier doit accompagner votre lecture et aider votre prise de notes dans votre carnet de bord, qui reste votre principal instrument de travail. Ce carnet permet en effet de noter vos impressions de lecture chapitre par chapitre, de dresser et d affiner au fur et à mesure le portrait des personnages principaux, de dessiner la topographie des lieux, de relever les indices dispersés dans le roman, de faire le point sur les thèmes abordés, etc. C est à partir de ce carnet que vous préparerez votre présentation du roman en classe. 3

Introduction Analyse du titre «J'me sens pas belle» : qui n'a jamais eu ce genre de pensée? Dans quelles circonstances peut-on, d'après vous, éprouver ce sentiment? A partir de cette réflexion, faites des hypothèses sur le contenu de l'histoire. Analyse de la première et de la quatrième de couverture La première de couverture : Quel sens prend le titre à la vue de la couverture? La quatrième de couverture : Extrait : Quel est l'état d'esprit du personnage qui s'exprime? Résumé : Qui vont être les protagonistes? Comment envisagez-vous cette relation? «Happy end» ou fin tragique? I. Références culturelles et historiques 1) Bobigny Bobigny est la ville dans laquelle Sabine et sa famille habitent. L'essentiel de l'histoire s'y déroule. C'est la préfecture de la Seine-Saint-Denis (93), département situé au nord-est de Paris. Le centre de la capitale n'est qu'à 10 km et est relié à cette ville de banlieue par le métro. 4

Encore un village maraîcher au début du XXe siècle, Bobigny s'est rapidement transformée en cité ouvrière. Aujourd'hui, les 5 zones d'activités économiques de la ville se trouvent au sud-ouest. Dans le centre ville, on observe une zone d'habitat (tours) et d'équipements collectifs (mairie, préfecture, centre commercial). Le nord-est, quant à lui, abrite une zone pavillonnaire du début du XXe siècle. C'est une ville assez dynamique de par sa population jeune (1/3 des Babyliens ont moins de 20 ans) et de par son économie diversifiée (zones d'activités, centres administratifs et services publics). 2) L'immigration en France a. Informations générales Le Haut Conseil à l'immigration définit un immigré comme une «personne née étrangère à l étranger et entrée en France en cette qualité en vue de s établir sur le territoire français de façon durable». En 2010, la France compte 6,7 millions d'immigrés, soit 11% de la population. Près de 180 000 immigrés s'installent en France chaque année (2010). 40% résident en Île de France (un habitant sur trois y est immigré ou descendant direct d'immigrés). 5

Les étrangers selon leur nationalité en 1999 et 2006 - France métropolitaine. Sources : INSEE, recensements de la population 1999 et 2006. Le gouvernement français a mis fin en 1972 aux régularisations automatiques des travailleurs étrangers et a instauré une politique de «maîtrise des flux migratoires». Depuis cette date, la France est moins favorable à l'entrée de nouveaux immigrés sur son territoire. La principale cause d immigration en France a longtemps été l immigration économique. Elle est due au besoin français de main-d œuvre, présent depuis le milieu du XIXe siècle jusqu à une période récente, et au besoin du migrant de subvenir à ses besoins, celui-ci arrivant généralement d un pays défavorisé. Pour la France, l immigration a aussi été vue comme une solution à la baisse de la natalité. De nos jours, l immigration due au regroupement familial (qui permet à un immigré de faire venir sa famille sous certaines conditions) représente moins de 20 % de l immigration totale. Quant à l immigration de travailleurs, elle ne concernait plus que 21 588 personnes, soit 10,25 % de l immigration permanente totale. Le reste était constitué principalement d étudiants (43 323 personnes, soit 20,6 % contre 11% en 2003), de visiteurs, de malades, d inactifs (retraités du Nord de l Europe venus s'installer dans les régions ensoleillées du Sud de la France), de réfugiés, etc. La familiarité avec la culture française des populations de l Afrique francophone, héritée des années de colonisation, et de certains pays européens où la langue française est ou a été populaire (Roumanie, Russie) peut également être un critère de sélection dans le choix de la France comme pays de destination. La loi relative à l'immigration et à l'intégration du 24 juillet 2006 exige de l étranger installé en France et souhaitant s y maintenir durablement «l acquisition d un niveau satisfaisant de maîtrise de la langue française et la remise d un document permettant de s assurer de son assiduité aux formations qui lui sont dispensées. 6

b. Le droit d'asile Le droit d asile est «un droit ultime» : la protection contre un risque de persécution. Il est internationalement reconnu par la Convention de Genève de 1951 et inscrit dans la constitution française. La législation européenne en matière de droit d'asile repose entre autres sur le règlement Dublin II qui vise à «déterminer rapidement l'etat membre responsable [pour une demande d'asile]» et prévoit le transfert d'un demandeur d'asile vers cet Etat membre. L'Etat membre responsable est l'etat par lequel le demandeur d'asile a fait son entrée dans l'ue. L'un des objectifs principaux du règlement de Dublin est d'empêcher un demandeur de présenter des demandes dans plusieurs Etats membres. Un autre objectif est de réduire le nombre de demandeurs d'asile qui sont transportés d'etat membre à Etat membre. Les demandes d asile en France ont connu une hausse en 2010, pour la troisième année consécutive, avec 52762 dossiers déposés, plaçant de nouveau la France en tête des pays européens, selon le rapport annuel de l Ofpra (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides). En 2009, la France a donné un avis favorable à 10 415 demandeurs d'asile. Au total, moins d'une décision (en première instance ou en appel) sur cinq a été positive, soit 19% précisément. C'est assurément plus que la Grèce qui n'a accordé, la même année, sa protection qu'à 210 des 16 460 demandeurs d'asile ayant déposé une requête. c. L'immigration illégale L'immigration clandestine concerne généralement les habitants de pays pauvres cherchant un meilleur niveau de vie dans les pays plus riches. Cependant, contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les plus pauvres qui migrent, mais ceux qui en ont les moyens (coût très élevé du voyage), et qui n'ont pas de perspective de vraie promotion sociale dans leur pays. Dans l'illégalité, les clandestins prennent fréquemment des risques importants, pouvant mettre leur propre vie en péril, afin de rejoindre des pays présentant des conditions de vie qu'ils espèrent meilleures. Ils n'hésitent donc pas à tout abandonner pour tenter l'aventure, souvent «aidés» dans cette entreprise par des passeurs leur faisant payer un prix exorbitant pour leur fournir les moyens de franchir les obstacles naturels (mer, montagne, fleuve, etc.) ou administratifs (poste frontière, mur) dans des conditions de sécurité extrêmement précaires. Une situation d'immigration illégale peut résulter de deux cas de figure : soit un étranger est entré de manière clandestine sur le territoire, soit il est demeuré après l'expiration de son titre de séjour. Le nombre de personnes en situation irrégulière en France est estimé entre 200 000 et 400 000. Les chiffres sont cependant difficiles à évaluer. En 2009, la France a expulsé de son territoire quelque 29 000 étrangers en situation irrégulière, un chiffre comparable à celui de l'année précédente mais supérieur à l'objectif de 27 000 assigné par le président Nicolas Sarkozy à une partie de son gouvernement. On parle de politique du chiffre. d. Les immigrés afghans : Sangatte et la «jungle» Sangatte est une commune du Pas de Calais qui se situe juste en face des côtes anglaises. Entre 1999 et 2002, le centre d'accueil pour immigrés sans papiers reçoit plusieurs centaines de personnes dont le but est de parvenir en Angleterre, où la politique migratoire est plus «souple» qu'en France. Il est administré par la Croix Rouge. En 2002, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, prend la décision de fermer ce centre. Bon nombre de personnes s'accordent à dire que cela ne résout en rien le problème de l'immigration clandestine. En effet, les clandestins cherchent toujours à traverser la Manche. Pour preuve, la «jungle». C'est le nom qu'avait pris le camp sauvage se trouvant près des axes routiers empruntés par les poids lourds qui embarquent sur les ferries vers le Royaume-Uni. Ce camp, près de Calais, était occupé par environ 800 sans-papiers, en majorité afghans, en attente de leur passage en Angleterre. Le camp a été démantelé le 22 septembre 2009 par les forces de l'ordre françaises, sur ordre d'eric Besson, ministre de l'immigration. 7

e. Le délit d'aide au séjour irrégulier Le terme «délit de solidarité» est l'expression popularisée par un groupe d'associations françaises, emmenées par le GISTI (Groupe d'information et de Soutien des Immigrés) pour désigner de manière péjorative la répression de l'aide au séjour des étrangers en situation irrégulière. Le délit d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour d'un étranger en situation irrégulière trouve son origine, comme beaucoup de réformes profondes, dans les ordonnances passées en 1945 au sortir de la seconde Guerre Mondiale. L'objectif du législateur était alors de permettre la lutte contre les réseaux organisés (les «passeurs») qui organisent l'immigration clandestine contre des sommes importantes. Au fur et à mesure des évolutions les peines encourues ont été aggravées. Selon les organisations de défense des migrants, le durcissement de la politique des gouvernements successifs et les réformes législatives (particulièrement celles de 1994 et de 1997) ont cependant modifié l'utilisation de ce délit qui ne vise plus particulièrement la criminalité organisée, mais aussi les associations spécialisées et les familles, malgré l'immunité prévue pour celles-ci (loi de 1986). La mise en garde à vue de gérants de foyers qui se refusent à dénoncer des étrangers en situation irrégulière ou de militants s'opposant à l'expulsion manu militari de ces étrangers inquiète ces organisations. Elles y voient en effet une mise en danger des droits fondamentaux de la personne humaine puisque l'assistance juridique (qui seule garantit une procédure équitable) ou l'accès aux soins de ces personnes seraient dans ces conditions, selon elles, compromis. Face à ce qu'elles perçoivent comme une évolution dangereuse, de nombreuses associations (notamment la Cimade, Emmaüs, le Secours Catholique et France Terre d'asile 1 ) ont lancé en avril 2009 une campagne et une pétition sur le thème du «délit de solidarité», revendiquant notamment que la loi intègre le critère des «fins lucratives» dans la constitution du délit. Suite à la sortie du film «Welcome» de Philippe Lioret, le député Daniel Goldberg a déposé une proposition de loi visant à dépénaliser le délit de solidarité. Cette proposition, très médiatisée, a été débattue puis rejetée à l'assemblée Nationale le 30 avril 2009. Une autre proposition de loi a été déposée par le groupe communiste du Sénat. Le 15 mai 2009, la conférence des évêques de France se prononce elle aussi, refusant que le «climat de suspicion démobilise ceux pour qui la solidarité n est pas un vain mot» et appelle à la fraternité avec les clandestins et es réfugiés. Les associations continuant de protester contre ce «délit» nié par le ministre Eric Besson, ce dernier concède en juillet 2009 être prêt à des modifications législatives. 3) Le système judiciaire français a. Le Tribunal de Grande Instance En France, le tribunal de grande instance (TGI) est la juridiction de droit commun (par opposition aux juridictions d'exception). Il existe 158 tribunaux de grande instance en métropole (un ou plusieurs par département) et sept dans les départements d'outre-mer depuis la réforme de la carte judiciaire (la première depuis 1958) lancée par la Garde des sceaux Rachida Dati, contre 181 avant la réforme. 1 la Cimade : la mission de la Cimade consiste à accueillir, orienter et défendre les personnes étrangères, les demandeurs d asile et les réfugiés. Emmaüs : le mouvement Emmaüs est un ensemble d associations laïques de solidarité présentes dans 36 pays. La première communauté Emmaüs a été fondée par l'abbé Pierre en 1949. Les groupes Emmaüs ont pour objet la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, par des moyens divers et adaptés au contexte des pays où ils se trouvent. Le Secours Catholique : association à but non lucratif créée le 8 septembre 1946 par l'abbé Jean Rodhain. Le Secours catholique est surtout attentif aux problèmes de pauvreté et d'exclusion et cherche à promouvoir la justice sociale. France Terre d'asile : association de solidarité française (fondée ne 1971), dont le principal objet est le soutien aux demandeurs d'asile et la défense du droit d'asile en France. 8

En principe, devant le tribunal de grande instance statuant en matière civile le ministère d'avocat est obligatoire, c est-à-dire qu'il est impossible de saisir soi-même le tribunal et d'assurer soi-même sa défense. Les chambres pénales du tribunal de grande instance prennent le nom de tribunal correctionnel. b. Les centres de rétention En France, les centres de rétention administrative (CRA) ont vocation à recevoir les étrangers qui n'ont pas le droit de séjourner sur le territoire français et qui sont sous le coup d'une interdiction de territoire ou d'une procédure d'éloignement. Ils y sont retenus le temps de pouvoir les envoyer dans leur pays d'origine et de leur permettre d'exercer des démarches de recours. Y sont aussi présents les étrangers rentrant sur le territoire et en attente de régularisation de leur situation (via des demandes d'asile, etc.). Ils y restent entre deux et trente-deux jours maximum, la durée moyenne de rétention étant de neuf à dix jours. Selon le rapport 2009 de la Cimade, plus de 35 500 étrangers ont été placés en centre de rétention en 2009 (contre 32 268 en 2008), parmi lesquels 318 enfants dont 80 % avaient moins de 10 ans. Si les mineurs sont protégés par la législation française contre les mesures d'éloignement, ils peuvent cependant accompagner leurs parents dans les CRA lorsque ceux-ci font l'objet d'une procédure de reconduite à la frontière. Un centre de rétention administratif se distingue d'un établissement pénitentiaire, c'est-à-dire d'une prison, au sens où la privation de liberté n'a pas de caractère punitif résultant de la décision d'une autorité judiciaire, mais la vocation d'une mesure administrative visant : soit à s'assurer de la présence d'une personne étrangère qui ne possède pas de domicile ou d'identité certaine en attendant de statuer sur son état, soit à empêcher une personne de pénétrer et de séjourner sur un territoire étranger sans autorisation en attendant de la reconduire dans son pays. Jusqu'au 2 juin 2009, la Cimade était la seule association habilitée à se rendre dans les centres de rétention afin d'y assurer la mission d'accompagnement juridique et social des personnes retenues. L'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrants est également présente dans ces centres afin d'y assurer une médiation sociale, voire de dispenser une information ciblée sur l'aide financière au retour pour tous les étrangers remis en liberté à l'issue de leur période de rétention. c. Le juge des libertés et de la rétention Le juge des libertés et de la détention est un magistrat du siège ayant rang de président, de premier vice-président ou de vice-président. Il est désigné par le président du tribunal de grande instance. Lorsqu'il statue à l'issue d'un débat contradictoire, il est assisté d'un greffier. Il peut ordonner ou prolonger la détention provisoire. Il est également compétent pour autoriser certaines perquisitions, ou certaines prolongations exceptionnelles de garde à vue au-delà de 48 heures en matière de criminalité organisée et de trafic de stupéfiant. Il statue également sur le maintien des étrangers en situation irrégulière en zone d attente au-delà d un certain délai. II. Présentation des personnages 1) La famille de Sabine a. Sabine Sabine est la protagoniste et la narratrice de sa propre histoire. C'est une jeune fille a priori comme les autres. 9

Elle est française, a vingt ans, étudie dans une faculté d'anglais et habite encore chez ses parents, qu'elle aide dans la vie quotidienne. Elle exerce également un petit boulot de traductrice. Sa rencontre avec Ajmal va bouleverser sa vie. Son arrestation aussi... Son rapport à elle-même est difficile. Cela n'a pas toujours été le cas («quand j'étais bien dans ma tête» p. 41). Elle ne s'aime plus. Les seules parties de son corps qu'elle apprécie sont ses mains. Elle est d'ailleurs attirée en général par les mains (celles d'ajmal, celles de Bertrand). Plus précisément, elle n'aime ni ses yeux ni son nez. Elle doit également avoir quelques kilos en trop car elle parle à plusieurs reprises de régime compliqué à suivre quand on est gourmande (elle a une petite faiblesse pour les mille-feuilles et réussi parfaitement le tiramisu). Elle se trouve moche au point d'avoir économisé pendant huit ans suffisamment d'argent afin de subir une opération de chirurgie plastique. Un manque de confiance en elle, notamment dans ses relations avec les garçons, découle de ce déni d'elle-même. Elle accorde beaucoup d'importance à l'opinion des autres. Pourtant aucun membre de sa famille ne semble faire cas de son physique ingrat. Elle est donc angoissée, en même temps qu'elle en est fière, d'être avec un garçon aussi beau qu'ajmal. Elle offre ainsi un double visage : déterminée face à son père, dubitative concernant la durée de sa relation avec Ajmal, gaie, drôle, «grande gueule» face à son frère, déprimée et en colère devant son miroir. Les sentiments qu'elle éprouve sont le plus souvent contradictoires (p. 50, elle meurt d'envie d'appeler Ajmal mais ne peut pas). Par ailleurs, elle ne cesse d'imaginer des histoires de cœur dont elle n'envisage qu'une issue sordide. Enfin, elle est entièrement anéantie, sans plus aucune énergie quand Ajmal est arrêté. Ses réactions sont assez animales («beugler», «japper», «glapir», «glousser») à ce moment là. Malgré tout, elle fait souvent preuve d'égoïsme, pensant avant tout à son malheur. Elle minimise la situation dans laquelle se trouve Ajmal et s'en veut. Dans les dernières pages du livre, elle exprime sa honte. Honte qui donne au titre un double sens. b. Ludovic Ludovic a 17 ans et est le frère cadet de Sabine. Les deux ne se ressemblent pourtant pas. Tout au moins d'un point de vue physique... Car lui aussi est déterminé à débusquer qui a dénoncé Ajmal. Il va jusqu'à penser que son père aurait pu le faire. Il est, selon sa sœur, un mélange équilibré entre leur père et leur mère au niveau du caractère. Ce qui signifie qu'il est énergique et tenace. Il éprouve beaucoup d'affection pour sa grande sœur qu'il impressionne. Leur relation devient plus complice, plus intime à mesure qu'ils se découvrent. Il lui est d'un grand soutien lors de la première arrestation d'ajmal. c. Roger Il est le père de Sabine. Il doit avoir entre 40 et 50 ans («barbe poivre et sel», p. 36), a la voix grave, un sourire aimable et de gros bras. Il dégage un certain charme, qui n'est pas sans déplaire à sa clientèle féminine, malgré son air «bougon» (p. 61). Il est boucher et aime son métier. Il est très professionnel dans le sens où il respecte sa clientèle (il ne ferme jamais son magasin en dehors des jours annoncés). Il est scrupuleux dans les comptes de la famille (il vérifie toujours les tickets de caisse des courses que fait Sabine). Il n'apprécie pas beaucoup la situation d'ajmal et demande à Sabine de ne plus le fréquenter. C'est lui qui cède face à la détermination de sa fille. d. Claire On ne découvre son prénom que lorsqu'elle se présente à Ajmal. Claire est la femme de Roger et la mère de Sabine et Ludovic. Elle travaille à la boucherie avec son mari. Elle tient la caisse mais il lui arrive de débiter de la viande bien qu'elle n'ait pas de formation spécifique. Sabine dit d'elle qu' «elle a le caractère de son physique» (p. 36). Elle semble ainsi être assez froide, sévère et têtue. Cependant, elle entre dans la confidence de sa fille dès la première rencontre (p.55 : elle n'exprime aucune surprise à voir sa fille avec un jeune homme alors que celle-ci est censée être malade) et va jusqu'à mentir à son mari. Elle sert aussi de médiatrice entre son mari et sa fille lors des conflits. Comme tous les autres membres de la famille (excepté le père), elle est charmée, touchée par Ajmal. 10

e. Josianne La tante Josie est la sœur aînée de Claire. Elle habite tout près de la famille de Sabine. Deux fois par mois, les quatre (Sabine, son frère et leurs parents) sont invités à dîner chez elle. Cette habitude est bien routinière. Elle aussi sera présente à l'audience au tribunal pour soutenir Ajmal. 2) Les personnes proches a. Ajmal Ajmal a 25 ans et un passé déjà lourd à porter pour son âge. Il vient d'afghanistan. Parti du Pakistan où sa mère et ses sœurs sont restées (premier exil), il est arrivé en France au terme d'un long périple de neuf mois à travers le Moyen-Orient et l'europe. Son objectif était de gagner l'angleterre, mais sa rencontre avec Sabine bouleverse ses projets. Il habite dans un squat et a peur de la police, dont il connaît la traduction dans les langues des pays qu'il a traversés. Il fait une demande d'asile qui lui est refusée. Il parle français, avec un accent charmant, anglais et pashto, sa langue maternelle. Cet heureux mélange n'est pas toujours facile à comprendre pour Sabine. La beauté d'ajmal contraste avec la noirceur et la dureté des événements qu'il a endurés, du monde qui l'entoure. Il a les dents blanches, de longs cils, un regard noir et une barbe naissante. Il est souriant, doux, patient, attentionné, romantique et optimiste même au moment le plus critique. Il possède une certaine force de caractère. C'est lui qui prend l'initiative d'inviter Sabine. b. Emma Voici la meilleure amie de Sabine. Elle n'est pas sa seule amie, mais les autres ne sont pas évoquées. Elles se connaissent depuis la 6ème et ont commencé à faire du théâtre ensemble. Emma a choisi de continuer et d'en faire l objet de ses études. Bien sûr, Sabine se demande pourquoi elles sont amies. Car Emma est tout le contraire de Sabine : belle, élégante, fine, mignonne... et peut-être un peu naïve. Elle a beaucoup de succès avec les garçons, mais ses relations sont souvent éphémères. C'est chez Emma que Sabine trouve refuge quand elle quitte la maison parentale. c. Florentin C'est l'actuel petit-ami d'emma, avec laquelle il forme un couple assez atypique. Il semble, en effet, avoir un esprit critique sur la société, notamment sur les pratiques policières dans le métro (p. 43) et la politique du chiffre du gouvernement. d. Bertrand Bertrand est l'employé du père de Sabine. Il travaille à la boutique depuis que Sabine est née. Il a luimême un fils que sa femme et lui ont eu du mal à avoir. Un peu délaissé par sa femme, toute entière dévouée au nouveau né, il harcèle Sabine en lui offrant des cadeaux et en lui faisant des compliments, dans l'espoir d avoir à nouveau des rapports sexuels avec elle. C'est en effet avec lui que Sabine, en état d ébriété, a perdu sa virginité la veille de ses 19 ans. Lui aussi est soupçonné d'avoir dénoncé Ajmal. e. Henri Merque Avocat d'une trentaine d'années, il rencontre Sabine et Ludovic devant le centre de rétention dans lequel Ajmal a été transféré. Il aide les sans-papiers dans leurs démarches. Il va également prendre en main le cas d'ajmal et le défendre. Malheureusement, il ne pourra rien faire quand celui-ci sera arrêté pour la seconde fois. 11

III. Analyse narratologique Le roman est écrit à la manière d'un journal intime. Sabine, le personnage principal, raconte son histoire à la première personne. Il y a cependant six chapitres, imprimés en italique (cf. les «Voix off» dans la partie «Au fil des chapitres»), dans lesquels le sujet est exprimé à la seconde personne du singulier. C'est encore une fois Sabine qui s'exprime. Ce sont des monologues intérieurs. Le thème de ces chapitres est principalement le corps non-aimé, agrémenté des états d'âmes de la jeune fille. Le «tu» implique alors une certaine distanciation, comme s'il y avait deux Sabines : l'une imaginaire, dotée d'un physique «normal» (celle qui existe dans sa tête) et la vraie, la moche. Le «tu» et la prise de distance permettent d'avouer également ce qui n'est pas avouable (la délation), ce qui doit être tu. Le reste du roman peut être divisé en deux parties : le récit des événements au présent (l'arrestation puis les démarches à suivre) le récit des faits passés (sa rencontre avec Ajmal ainsi que d'autres faits antérieurs) = «flashback» Les chapitres dont le titre est une date (quatre dates différentes : 20.05.2010 / 21.05.2010/ 22.05.2010/ 05.06.2010) peuvent être regroupés dans la première partie, tandis que les chapitres dont le titre est un prénom («Ajmal» l'être aimé [5 chapitres], «Roger» le père aimant [1] et «Bertrand» l'employé-amant [3]) appartiennent à la seconde. Ces trois prénoms masculins expriment chacun un sentiment qui correspond à chaque fois à une relation, avec un homme, différente. Par certains côtés, l'histoire s apparente à un roman policier. Il y a en effet des «suspects» concernant la dénonciation d'ajmal. Le suspens est gardé jusqu'aux dernières pages. Par ailleurs, de nombreuses phrases sont mystérieuses (comme par exemple p. 100 : «Je n'arrive pas à m'ôter une certaine image de la tête». On se demande laquelle!). Elles ne prennent réellement sens qu'à la fin du livre. Une dernière remarque à propos du style : l'auteur mêle registre soutenu et familier, voire vulgaire. Dans l'ensemble, les structures syntaxiques se rapprochent davantage du langage oral. On relève enfin des notes d'humour (p. 57 : «Génial! [...] Quand un garçon, qui me plaît, m'embrasse, je sue des genoux») malgré la gravité de la situation, et beaucoup d'ironie (comme par exemple, page 59 : «Si ça se trouve, on peut aussi envoyer un SMS!» pour dénoncer quelqu'un). Enfin, on peut noter que le livre se termine comme il débute : par une arrestation. La boucle est bouclée. Soulignons également le côté symbolique de la scène finale dans laquelle Ajmal, juste avant de suivre les policiers, offre à Sabine pour son anniversaire une gourmette, bijou qu'elle rêvait d'avoir depuis l'âge de 12 ans (p. 82). 12

IV. Etudes thématiques 1) Les relations familiales a. les relations parents-enfants Les relations entre les parents de Sabine et leurs enfants sont plutôt bonnes, mais évoluent au fil de l'histoire. Basées sur la confiance et le respect, certaines règles ont cependant été instaurées (comme demander l'autorisation pour sortir). C'est le père qui semble prendre les décisions même si la mère a aussi un fort caractère. Sabine n'hésite d'ailleurs pas à tenir tête à Roger (p. 66) et avoue ne pas le craindre. Claire, quant à elle, entre vite dans la confidence et une certaine complicité avec sa fille s'instaure. Ludovic appréhende davantage les confrontations avec son père (quand il se fait raser la tête, p. 63), mais cela est certainement dû à son plus jeune âge. Les parents finissent par accorder tous deux leur soutien à Sabine et Ajmal. b. les relations frère-sœur La relation entre Sabine et son frère prend un tour nouveau dès qu elle rencontre Ajmal. Jusqu'alors, elle lui parlait vaguement de ses histoires de cœur qui n étaient, pour la plupart, que le fruit de son imagination (p. 28). Ludovic entre immédiatement dans la confidence puisqu'elle l'emmène à son premier rendez-vous avec le jeune Afghan. Ils vont devenir complices, Ludo poussant sa sœur à recontacter Ajmal, l'aidant à faire les travaux d'aménagement de son studio et l'épaulant dans les démarches administratives concernant Ajmal. Cette confiance et cette connivence fraternelles fonctionnent d'ailleurs dans les deux sens. Sabine comprend l'homosexualité de son frère, mais cette révélation n'est pas dévoilée aux parents. Sabine détruit cette relation qu'elle apprécie énormément. Elle finit en effet par avouer à Ludovic que c'est elle qui a dénoncé Ajmal à la police. Celui-ci décide de ne plus du tout lui adresser la parole en signe d'incompréhension et de désapprobation. 2) Les relations sentimentales L'amour est un thème typique de la période adolescente puis étudiante. Sabine distingue plusieurs types de relations sentimentales lorsqu'elle en fait le compte (p. 28). - les relations platoniques («un petit-copain» au collège) - les relations sexuelles («Des amants. Dernièrement»). Sabine a en effet des rapports sexuels avec Bertrand («la première fois» pour être prête avec un homme qui lui plaira réellement) ainsi qu'avec Scott (un collègue de travail) bien qu'elle n'éprouve aucun sentiment à leur égard. Elle semble pourtant attirée parfois par Bertrand mais s'aperçoit qu'elle ne l'aime pas vraiment. - les relations amoureuses («Des amours. Aucunes»). Ce qui signifie qu'avant de rencontrer Ajmal, «l'homme de sa vie», elle n'a jamais été amoureuse. Amoureuse au sens où elle éprouve des sentiments forts et où son corps lui envoie des signaux («Quand un garçon, qui me plaît, m'embrasse, je sue des genoux.» p. 57, «j'ai commencé à avoir un point dans l'estomac» p. 87). Elle va jusqu'à envisager d'épouser le jeune sans-papier. L'amour semble réciproque dans la mesure où Ajmal lui promet, au moment de sa seconde arrestation, qu'il reviendra. Seul le policier, qui mène l'interrogatoire de Sabine pendant la garde à vue, met en cause la crédibilité de leur relation et la sincérité des sentiments d'ajmal (p. 20). 3) L'estime de soi Sabine est complexée par son physique, cela a déjà été mentionné. Cependant, elle dissimule ce fait derrière une façade enjouée. Mais ce manque de confiance en soi, qui va parfois même jusqu'à une mésestime d'elle-même, influe sur ses relations avec les autres. Ses relations sentimentales comme amicales sont toujours remises en doute, à cause de son physique qu'elle trouve ingrat. Au début, elle ne pense pas un seul instant qu'une relation avec Ajmal puisse être envisageable : il est beau; elle est 13

moche... Par la suite, c'est elle qui entreprend les démarches pour qu'ils puissent vivre ensemble, semblant prendre davantage confiance en elle. A l'approche de l'épilogue, elle se dénigre également d'un point de vue moral, regrettant son geste d'amour-propre (elle croit qu'ajmal la trompe avec sa meilleure amie) et réalisant les tristes conséquences qu'il aura sur son bonheur. 4) La découverte du monde des immigrés clandestins En rencontrant Ajmal, Sabine (de même que le lecteur) découvre un univers qui est très éloigné du sien bien que géographiquement proche (le squat qu'occupe Ajmal se trouve «étonnamment proche du centre-ville», p. 86). A travers le récit du périple d'ajmal, Sabine prend conscience des conditions de réalisation d'une telle fuite (les passeurs, les moyens de transports dangereux) ainsi que des risques (la police, la mort) encourus pour atteindre un monde que les migrants espèrent meilleur. Une fois arrivés à destination, les clandestins vivent souvent dans des conditions précaires : peur de la police (les contrôles d'identité), insalubrité des logements (le squat), manque d'intimité (le foyer), problème de la langue (pendant la garde à vue par exemple p. 23, p. 80). Ce monde dur, noir, a tout de même un revers positif : les associations et les personnes (telles que Henri Merque) qui viennent en aide aux migrants ainsi que la solidarité qui existe entre les migrants eux-mêmes (ils se prêtent des vêtements par exemple, p. 62). Ajmal semble heureux de pouvoir faire connaître cet univers à Sabine. V. Pour aller plus loin a. Films et pièces de théâtre Si l'on tape «J'me sens pas belle» sur Google, on tombe d'abord sur les deux premières références suivantes : «J'me sens pas belle», comédie française de Bernard Jeanjean, 2004 Fanny, une trentenaire célibataire, ne veut plus entendre parler d'amour mais seulement d'aventures d'un soir. Elle tente alors d'obtenir les faveurs de Paul, un collègue de bureau, mais les choses vont prendre une tournure inattendue. «J'me sens pas belle», adaptation du film de B. Jeanjean Programmé au festival Off d'avignon, juillet 2011. Huis clos entre 2 personnages. «Welcome», film français de Philippe Lioret (2009) Le film raconte les aventures d'un maître-nageur qui décide d'aider un jeune émigrant afghan à atteindre le Royaume-Uni. «Harragas (Partir à tout prix)», film franco-algérien de M. Attouache (2009) Comment des Algériens sont prêts à tout pour traverser la Méditerranée et atteindre l'espagne. «Harragas» signifie «brûleurs» en arabe et désigne les migrants qui brûlent leurs papiers pour qu'on ne puisse pas connaître leur identité. [bande annonce sur youtube.com] «Eden à l'ouest», film franco-gréco-italo de Costa Gavras (2009) Un jeune immigré clandestin, en partance pour Paris et le Lido, traverse la Méditerranée, puis l'italie et la France. Des rencontres de la meilleure et de la pire espèce ponctuent son trajet. «Le silence de Lorna», film belge de Jean-Pierre et Luc Dardenne (2008) Pour devenir propriétaire d'un snack avec son amoureux Sokol, Lorna, jeune femme albanaise vivant en Belgique, est devenue la complice de la machination de Fabio, un homme du milieu. Fabio lui a organisé un faux mariage avec Claudy pour qu'elle obtienne la nationalité belge et épouse ensuite un mafieux russe prêt à payer beaucoup pour devenir belge. Pour que ce deuxième mariage se fasse rapidement, Fabio a prévu de tuer Claudy. Lorna gardera-t-elle le silence? «Haut les mains», film français de Romain Goupil (2010) Milana nous raconte ce qu il lui est arrivé il y a 60 ans en 2009 Milana, d'origine tchétchène, est élève en classe de CM2 à Paris. Ses copains, sa bande, ce sont Blaise, Alice, Claudio, Ali et Youssef. 14

Mais un jour, Youssef, qui n'a pas de papiers, est expulsé. Puis, c'est au tour de Milana d'être menacée. Se sentant alors en danger, les enfants décident de réagir. Ils prêtent serment de toujours rester ensemble et organisent un complot pour sauver Milana... b. Chansons «Qu'est-ce que t'es belle», Marc Lavoine, Catherine Ringer «Je suis de celle», Bénabar Souvenirs d'une jeune fille concernant ses relations sentimentales. " Les p'tits papiers", Serge Gainsbourg c. Romans, BD «Aya de Yopougon», tome 4 et 6, Marguerite Abouet, Clément Oubrerie Dans les années 70, l'ivoirien Innocent arrive à Paris. On y découvre la vie en foyer, les marchands de sommeil, le travail au noir, les difficultés d'intégration, les démarches fastidieuses pour obtenir des papiers et les décalages linguistiques... «L Essuie-main des pieds», Gil Ben Aych Gil Ben Aych raconte sa propre enfance sous les traits du petit Simon. Juif immigré d Algérie avec sa famille en 1956, Simon découvre un Paris encombré, une banlieue (Champigny-sur-Marne) encore en friche, et des habitudes françaises déconcertantes. «Libérer Rahia», Yaël Hassan Rahia est une jeune fille d'origine marocaine exploitée par une mère de famille parisienne. Cette histoire est un autre exemple de vie en situation irrégulière. «Sako», Martine Pouchain Sako, jeune Malienne sans-papiers, emménage avec sa mère dans un camping désaffecté. Mado, une grand-mère isolée, n attend plus rien de la vie lorsque Sako pointe sa jeune frimousse à travers la haie de son jardin. Tout les sépare : l âge, la couleur, la tradition. C est le début d une amitié. d. Articles, reportages Journal de France 2, sujet sur des immigrés afghans à Paris (dailymotion.com) Immigration afghans canal saint-martin don quichotte lejdd.fr (article dans le "Journal du dimanche") Walid, réfugié afghan : la France "m'a traité comme un animal" Rue89 (ciber-journal) 15

VI. Au fil des chapitres 1) Voix off (p. 7) a. Ce qu il faut avoir compris Qui est le «tu»? Qu'est-ce qui provoque ces réactions de tristesse et de colère? p. 7 le pif (fam.) au nez épaté die Nase stumpfnasig 2 ) 20.05.2010 (pp. 8-11) Qui raconte les faits? Où se passe la première scène? Qui est Ajmal? Pourquoi est-il arrêté par la police? p. 8 la fac (fam ; abréviation de faculté) émerger comater (fam.) foutu (fam.) cogiter (fam.) die Uni(versität) wach werden, munter werden in einem komatischen Zustand sein fertig sein, im Eimer sein nachdenken, aushecken p. 9 compulser (soutenu) nachschlagen p. 10 gourde (fam.) l 'entraille (fém. ; principalement au pluriel) der Dussel das Eingeweide [hier : der Bauch] p. 11 le braillement ameuter das Brüllen die ganze Straße zusammenlaufen lassen 16

3) Ajmal (pp. 12-16) Dans quel endroit a lieu la première rencontre entre Ajmal et la narratrice? Qu'aime-t-elle chez lui? p. 12 l'aberration (fém.) die Widersinnigkeit p. 13 faire craquer qn ourler jm gefallen säumen p. 14 rafler (fam.) kiffer (fam.) le mec (fam.) verhaften mögen, lieb haben der Kerl, der Junge p. 15 être flippé (fam.) mater (fam.) la nana (fam.) eine Mordsangst haben, ausgeflippt sein anglotzen das Mädel b. Culture et civilisation Carrefour : enseigne de la grande distribution (= supermarché). «rafler» : ce verbe a, en français, une connotation négative. Il rappelle en effet l'épisode de la rafle du Vélodrome d'hiver, appelée aussi la rafle du Vél' d'hiv'. C'est la plus grande arrestation massive de Juifs réalisée en France pendant la seconde Guerre Mondiale. Le 17 juillet 1942, en fin de journée, le nombre des arrestations dans Paris et la banlieue était de 13 152 selon les chiffres de la préfecture de police. 4) 20.05.10 (pp. 17-23) Dans quelles conditions se passe la garde à vue de Sabine? Quel est son état d'esprit? 17

p. 17 le flic (fam.) l'urée (fém.) der Bulle, der Polyp der Harnstoff p. 18 dégueulasse (fam.) affable ekelhaft freundlich, liebenswürdig p. 19 en faire baver à qn (fam.) crever la dalle (fam.) ricaner (fam.) une burne (péj., principalement au pluriel) jm das Leben schwer machen Kohldampf haben, verhungert sein grinsen, kichern das Ei p. 20 se foutre de la gueule de qn (fam.) exécrer (soutenu) jn auslachen, sich über jn lustig machen verabscheuen p. 21 avoir les nerfs (fam.) squatter une gageure beugler (fam.) craquer (sens différent de page 13) genervt sein ein Haus besetzen Ding der Unmöglichkeit brüllen die Nerven verlieren p. 22 zapper (fam.) vergessen, übersehen 5) Voix off (pp. 24-25) De qui est-elle jalouse? 18

p. 24 amorphe ne pas avoir de bol (fam.) bigleux (fam.) energielos Pech haben schlecht sehende Person c. Culture et civilisation le Musée Carnavalet : sous ce nom quelque peu énigmatique, se cache le plus parisien des musées de la capitale. Doyen des musées municipaux, Carnavalet a pour vocation de faire connaître l histoire de Paris, depuis ses plus lointaines origines (une pirogue préhistorique date de 4600 avant J.-C.) jusqu à nos jours et sous ses aspects les plus divers. Historique par essence, Carnavalet n en demeure pas moins un musée d art, présentant essentiellement des œuvres originales, fidèles au génie propre de Paris. http://carnavalet.paris.fr/ François Clouet : artiste-peintre de portraits, dessinateur. Né à Tours avant 1520, mort le 22 décembre 1572 à Paris. Son prestige est dû à la protection de Catherine de Médicis. Catherine de Médicis : d'origine italienne, elle est reine de France de 1547 à 1559. Mère des rois François II, Charles IX, Henri III, des reines Elisabeth (reine d'espagne) et Marguerite (dite «la reine Margot»), elle gouverne la France en tant que reine-mère et régente de 1560 à 1564. Catherine de Médicis est une figure emblématique du XVIe siècle. Son nom est irrémédiablement attaché aux guerres de Religion. Partisane de la tolérance civile, elle a de nombreuses fois tenté une politique de conciliation. Catherine de Médicis est aussi une mécène exceptionnelle qui a financé de nombreux chantiers de construction et a protégé de nombreux artistes français. 6) Ajmal (pp. 26-32) Quels sont les différents sentiments qu'éprouve la narratrice? p. 26 le frangin (fam.) larguer qn (fam.) der Bruderherz jn im Stich lassen 19

p. 27 glauquissime sauter qn (péj., vulgaire) sehr zwielichtig, ungemütlich bumsen p. 28 fabuler fabulieren p. 29 crasseux baragouiner (fam.) la sollicitude schmutzig, dreckig radebrechen, Kauderwelsch reden die Fürsorge p. 30 la répression acquiescer die Repression, die Niederschlagung zustimmend nicken b. Culture et civilisation les amours : le nom commun «amour», masculin au singulier, devient féminin au pluriel. 7) Bertrand (pp. 33-37) Pourquoi la narratrice a-t-elle son premier rapport sexuel avec l'employé de son père? p. 33 la tige (vulgaire) le morveux (fam.) der Schwanz die Rotznase p. 35 réfréner zurückhalten p. 36 20