La crise alimentaire n est pas derrière nous



Documents pareils
Connaissances et compétences requises : coordonnées géographiques, réflexion critique, recherche de documentation, rédaction, support cartographique.

résumé un développement riche en emplois

LE COMMERCE EXTÉRIEUR CHINOIS DEPUIS LA CRISE: QUEL RÉÉQUILIBRAGE?

Agricultural Policies in OECD Countries: Monitoring and Evaluation Les politiques agricoles des pays de l OCDE: Suivi et évaluation 2005.

Qu est-ce que le commerce équitable?

En Afrique, les opportunités d emploi offertes aux femmes proviennent à 92 % de l économie informelle (estimation). JORGEN SCHYTTE/Still Pictures

Docteur Bendeddouche Badis Ministère de l Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique Directeur EP SNV

Pays 1 où il y a un risque de transmission de la fièvre jaune 2 et pays exigeant la vaccination antiamarile

à la Consommation dans le monde à fin 2012

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE EN

LES BRIC: AU DELÀ DES TURBULENCES. Françoise Lemoine, Deniz Ünal Conférence-débat CEPII, L économie mondiale 2014, Paris, 11 septembre 2013

THESAURUS ENTREPRISES PUBLIQUES

Comité des produits Discours du Directeur général. 29 mai DISCOURS D OUVERTURE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL AU COMITÉ DES PRODUITS.

Le FMI et son rôle en Afrique

Dialogue Régional. L Agriculture Ouest Africaine à l épreuve de la Libéralisation des Echanges. Situation, Défis et Opportunités

de plus de moitié, particulièrement dans les pays où la mortalité infantile est élevée 39.

Document 1.2: Définition de l indicateur d ouverture (OPENNESS) de Sachs et Warner,1995

Commission des finances

Réunion d experts Financement du développement en Afrique du Nord Rabat, Maroc, octobre 2010

Les perspectives mondiales, les déséquilibres internationaux et le Canada : un point de vue du FMI

Sustainable Development and Trade Issues. ICTSD Resource Paper No. 3. Isabelle Mamaty Economiste du développement, Congo

Agricultures paysannes, mondialisation et développement agricole durable

Réduire la pauvreté : comment les collectivités territoriales peuvent-elles être des catalyseurs du développement économique pro-pauvre?

Contribution à l introduction :

Étude de cas sur les incitations fiscales

Les inégalités de conditions de vie dans le monde

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE: BILAN, PERSPECTIVES ET CHOIX DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES

Info-commerce : Incertitude économique mondiale

IMPACT DE LA CRISE FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE MONDIALE SUR LES PAYS LES MOINS AVANCÉS

Comité monétaire et financier international

Que peut faire la communauté internationale pour aider les pays en développement à gérer l instabilité des prix alimentaires?

Le FMI conclut les consultations de 2008 au titre de l article IV avec le Maroc

Point d actualité. Conseil Economique, Social & Environnemental Régional. Séance plénière 2 février 2015

Deuxième Examen global de l Aide pour le commerce

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE EN RAPPORT 2013 COMMERCE INTRA-AFRICAIN: LIBÉRER LE DYNAMISME DU SECTEUR PRIVÉ

Tableau récapitulant au 10 octobre 2014 l'état de la Convention et des accords y relatifs

La volatilité des marchés mondiaux des matières premières agricoles et l évolution des prix à la consommation de l alimentation en France

et à Hammamet (en Tunisie) 4, en mars Ces consultations ont été complétées par une enquête en ligne 5 amorcée en 2011.

LES DÉFIS DE L EXPANSION

PAYS LES MOINS AVANCES

Thème 2 : Le rôle du «secteur informel» dans l intégration régionale

Fiche 8 : Libre-échange et protectionnisme

Le présent chapitre porte sur l endettement des

L AIDE AU DÉVELOPPEMENT FRANÇAISE

Taxer la finance. Toby Sanger

A. Liste des pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d un visa pour traverser la frontière nationale. 1.

Évolution du système commercial international et ses tendances dans une optique de développement

DIRECTIVES CONCERNANT LES GROUPES DE COMPÉTITEURS ET LES RAPPORTS DE TENDANCE

Chapitre 6. Le calcul du PIB, de l inflation et de la croissance économique. Objectifs d apprentissage. Objectifs d apprentissage (suite)

[ les éco_fiches ] Situation en France :

S engager pour la survie de l enfant: Une promesse renouvelée

2. L offre et la demande d énergie: tendances et perspectives

Les économies de l Afrique de l Ouest : un portrait statistique

L INDUSTRIE AGROALIMENTAIRE : LE PREMIER SECTEUR ECONOMIQUE FRANCAIS

Plateforme d informations climatiques au Niger Présentation de l opportunité

10 avantages du système commercial de l OMC

Qu est-ce que la croissance économique? Quels sont ses moteurs?

L Equilibre Macroéconomique en Economie Ouverte

Analyse prospective des marchés à l export, par secteur et par pays

Couverture du risque maladie dans les pays en développement: qui doit payer? (Paris, 7 mai 2008)

Par Akoété Ega AGBODJI FASEG/Université de Lomé

Synthèse. Loyauté et réciprocité des échanges entre l Union Européenne et les pays tiers. Propositions et axes de réflexion des IEEC

Perspectives économiques en Afrique 2013

L industrie agricole et agroalimentaire canadienne et l économie mondiale en

Hausse du crédit bancaire aux entreprises au Canada

réforme fiscalité indirecte de la Avant-projet Avril 06 1/14

À Pékin (heure de Pékin) : 11h00, 20 janvier 2015 À Washington (heure de Washington) : 22h00, 19 janvier 2015 JUSQU À PUBLICATION. Courants contraires

Le commerce extérieur de la Suisse en 2013

Les investissements internationaux

I) L ouverture des économies à l international

FORUM INTERNATIONAL DU DAKAR-AGRICOLE

SAEGIS SUR SERION DES BASES DE DONNÉES DIVERSIFIÉES. UNE COUVERTURE MONDIALE. THOMSON COMPUMARK. Registre international.

Où sont les Hommes sur la Terre

Les relations commerciales entre les pays méditerranéens

Quels sont les enjeux après la conférence ministérielle de l'omc à Hong Kong?

Office National des Produits Pétroliers ******** NOT AN OFFICIAL UNCTAD RECORD APPROVISIONNEMENT ET DISTRIBUTION DES PRODUITS PETROLIERS AU MALI

LA LETTRE DE L EPARGNE ET DE LA RETRAITE DU CERCLE DE L EPARGNE. N 3 juillet 2014

Rapport 2012 de l Observatoire de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne. Résumé

Etabli par le secrétariat de la CNUCED. NATIONS UNIES New York et Genève, 2005

DUXTON ASSET MANAGEMENT

Lusaka, 7 mai Note: L'original de l'accord a été établi par le Secrétaire général de l'organisation des Nations Unies le 2 juin 1982.

RAPPORT D ETUDE FINAL RAPPORT FINAL

Les dépenses et la dette des ménages

Croissance plus lente dans les pays émergents, accélération progressive dans les pays avancés

Annexe - Balance des paiements et équilibre macro-économique

PLAN R E V A RETOUR VERS L AGRICULTURE

ACCORD RELATIF AU TRANSIT DES SERVICES AÉRIENS INTERNATIONAUX SIGNÉ À CHICAGO LE 7 DÉCEMBRE 1944

Royaume du Maroc. La masse salariale et ses impacts sur les équilibres économiques et financiers

La gestion de l offre dans le secteur laitier, un mode de régulation toujours pertinent SOMMAIRE. Daniel-Mercier GOUIN

Comprendre les négociations internationales sur le climat. Contexte, historique et enjeux

(BO N 4181 DU ) (BO N 4259 DU ) (BO N 4482 DU ) Dispositions générales. Article premier

À retenir Ce qu en disent les acteurs communautaires

Chapitre 4 Comment s opère le financement de l économie mondiale?

( ) Page: 1/8 TENDANCES EN MATIÈRE DE SOUTIEN INTERNE SOUTIEN DES PRIX DU MARCHÉ COMMUNICATION PRÉSENTÉE PAR LES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Pourquoi la croissance du commerce international s est-elle essoufflée? Beaucoup d espoir repose sur la libéralisation des échanges commerciaux

Les durées d emprunts s allongent pour les plus jeunes

75 ANS D HISTOIRE EN CHIFFRES :

Secrétariat d Etat auprès du Premier Ministre chargé des Technologies Nouvelles

La régulation du commerce international et la PAC

Transcription:

La crise alimentaire n est pas derrière nous Antoine BOUET et David LABORDE DEBUCQUET Si le protectionnisme agricole est un frein important au développement de certains pays du Sud, il ne saurait être rendu responsable de la crise alimentaire de 2007-2008. Une libéralisation commerciale accrue dans le secteur agricole aurait un effet ambigu : elle faciliterait le développement des pays disposant d un avantage comparatif dans ce secteur, mais elle entraînerait aussi une hausse des prix agricoles, et nuirait donc aux pays en développement importateurs nets de biens alimentaires. La dernière crise alimentaire, qui s est étalée du début de l année 2007 au milieu de l année 2008, s est traduite par une flambée des prix agricoles mondiaux (notamment du riz, du blé et du maïs). Elle a laissé des traces profondes dans les économies des pays en voie de développement. Il existe des conséquences de court terme à la crise alimentaire : le nombre annuel de «pauvres absolus» (moins de un dollar par jour de revenu réel) s est accru du fait de l augmentation du prix mondial des biens agricoles de première nécessité, en particulier dans les grands centres urbains ; le nombre annuel de personnes souffrant ou succombant de malnutrition a lui aussi augmenté. Toute famine a par ailleurs des conséquences de long terme sur les régions touchées : perte de capital humain liée à l accroissement direct de la mortalité, mais aussi à l augmentation de la malnutrition qui diminue de manière pérenne les capacités cognitives, et baisse du capital foncier ou animalier, lorsque les plus pauvres n ont pas les flux de revenu suffisants pour faire face à cette crise et sont obligés de vendre leur capital productif. 1

La crise alimentaire n est pas dernière nous. Selon de nouvelles estimations publiées il y a quelques mois par la FAO, la faim dans le monde atteindrait un niveau historique en 2009 : l humanité compterait aujourd hui 1,2 milliard de personnes victimes de la faim. La dégradation des conditions économiques des pauvres dans les pays en voie développement ne vient pas cette année d une croissance des prix à la consommation des biens de première nécessité, mais d une baisse des revenus liée à de faibles exportations et à une chute des investissements directs étrangers et des transferts unilatéraux (publics et privés). L enjeu de cet article est de savoir si les interventions gouvernementales dans le domaine de la politique commerciale (protectionnisme tarifaire, barrières techniques, sanitaires et phytosanitaires) sont responsables de cette crise alimentaire et de sa persistance. Les inégalités géographiques du protectionnisme agricole Commençons par quelques statistiques descriptives des politiques commerciales agricoles 1, où se concentre en effet le protectionnisme douanier. Si le taux global de protection au niveau mondial était de 4,6 % en 2004, il était de 16,4 % dans le secteur agricole et de 3,9 % dans le secteur industriel. À l intérieur du secteur agricole, le protectionnisme tarifaire se concentre sur quelques produits : viandes (38,5 % de taux mondial de protection), produits laitiers (37,4 %), sucre et produits dérivés (47,8 %), tabacs et produits dérivés (30,1 %), mais aussi produits de la minoterie (27,4 %), céréales (25,4 %), boissons et spiritueux (23,6 %). D un point de vue géographique, le protectionnisme agricole est aussi très hétérogène. Parmi les pays (de taille significative) les plus protectionnistes dans le domaine agricole, on compte la Norvège (65,8 % de taux de protection dans le secteur agricole), l Inde (62 %), l Islande (56,1 %), la Tunisie (47,7 %), la Suisse (48,2 %). Le protectionnisme agricole n est donc pas l apanage des pays riches. Néanmoins, la protection de l Europe ou du Japon restreint la demande mondiale de pays très riches et constitue donc une distorsion potentiellement plus forte. 1 Source MAcMapHS6, version 2.1. Voir aussi David Laborde, «Un panorama mondial des politiques commerciales», La Lettre du Cepii, 2007, n 267. 2

Si l on s intéresse aux pays exportateurs les plus touchés par le protectionnisme agricole, les écarts sont encore plus flagrants : la Guyane supportait en 2004 un droit de douane moyen de 81,6 % pour ses exportations agricoles, suivie par les Îles Fidji (56,3 %), l Arménie (52,7 %), Saint-Kitts-et-Nevis (50,8 %), le Swaziland (50,6 %). Les soixante-dix pays les plus sanctionnés par le protectionnisme agricole mondial sont des pays en développement. Quand on a un avantage comparatif dans la viande, le sucre, les produits laitiers ou le tabac, il n est pas facile de se spécialiser et de bénéficier de la division internationale du travail. Figure 1 Protection rencontrée sur les exportations agricoles par pays exportateur Source: Calculs des auteurs, MAcMapHS6v2.1 La figure 1 donne un aperçu des taux de protection rencontrés par les pays du monde quand ils exportent des produits agricoles. On voit très bien la disparité des situations en Afrique, et le handicap supporté par les agriculteurs d Amérique Latine et d Asie Centrale. Les difficultés que ces pays éprouvent à exporter leurs produits agricoles ne s arrêtent pas aux seuls droits de douane. Les barrières techniques, sanitaires et phytosanitaires se concentrent dans ce secteur à tel point qu en 2004, sur 690 produits agricoles, seuls quatre produits ne faisaient dans le monde l objet d aucune restriction de ce type. Ce type de «protectionnisme» 3

est par ailleurs très inéquitable, dans la mesure où, pour satisfaire aux exigences imposées par ces réglementations, il faut jouir d un niveau de développement conséquent. Une étude récente 2 a ainsi montré que si l imposition de normes sanitaires ou phytosanitaires a un impact positif sur l échange international de produits agricoles entre pays riches (car elle donne de l information sur la qualité des produits importés aux consommateurs), elle nuit aux importations par les pays riches de produits agricoles en provenance des pays pauvres (parce que ces pays n ont pas les capacités de satisfaire ce surcroît de réglementation). Par conséquent, le commerce international de produits agricoles progresse beaucoup moins vite que l échange de produits industriels ou miniers. Entre 1990 et 2006, les exportations mondiales de produits agricoles ont été multipliées par 2,3 en valeur, alors que celles de produits manufacturés ont été multipliées par 3,5. Certes, la demande mondiale se détourne des produits de première nécessité à mesure que le revenu par tête augmente, mais ceci n explique pas entièrement cette différence de rythme : la libéralisation du commerce mondial concerne essentiellement le secteur industriel, et la multiplication de barrières à l échange dans le secteur agricole défavorise l expansion du commerce international dans ce secteur. Le protectionnisme n est pas responsable de la flambée des prix Ainsi, le protectionnisme agricole mondial nuit certainement aux intérêts des pays pauvres qui ont un avantage comparatif dans ce secteur. Est-il pour autant responsable de la flambée récente des prix mondiaux des produits agricoles? Et de la difficulté des pays pauvres à y faire face? Pour ce qui est de la montée des prix des produits agricoles, la réponse est non. Remarquons tout d abord que le protectionnisme agricole est un fait acquis de longue date. La flambée des prix agricoles est un phénomène récent et temporaire, bien que les prix agricoles n aient pas tous retrouvé leur niveau de 2005. De plus, le protectionnisme agricole ne contribue certainement pas à maintenir des prix élevés. Au contraire, il exerce une pression à la baisse sur les prix agricoles. Ces politiques sont en effet pour l essentiel des droits de douane, des contingents à l importation et des subventions 2 Anne-Celia Disdier, Lionel Fontagné, Mondher Mimouni, «The Impact of Regulations on Agricultural Trade: Evidence from SPS and TBT Agreements», Working Papers 2007-04, CEPII research center. 4

à la production. Tous ces instruments de politique économique ont en général pour effet de réduire la demande de produits agricoles et/ou d augmenter la production par rapport à une situation de libre-échange intégral. Les importations de viande sont par exemple fortement taxées en Europe. De ce fait, le prix à la production et le prix à la consommation de la viande y sont très élevés. La production locale est donc plus forte (les producteurs locaux étant incités à produire plus) et la demande locale moins forte (les consommateurs préférant substituer d autres aliments à la viande) que dans une situation de libre-échange. La protection de la filière viande en Europe contribue donc à diminuer la demande et à augmenter l offre de viande des pays européens sur le marché mondial. L Europe étant un grand marché, ceci a tendance à faire baisser, toutes choses égales par ailleurs, le prix mondial de la viande. Les politiques protectionnistes tendent donc à faire baisser les prix agricoles mondiaux, notamment lorsqu elles sont conduites par des grands pays, qui ont un impact plus important sur les marchés internationaux. En revanche, une série d interventions gouvernementales ont eu pour effet de faire progresser les prix agricoles mondiaux. Les politiques visant à soutenir le développement de la filière des biocarburants en sont un exemple ; elles ont en effet conduit à utiliser des ressources productives rares à des fins non alimentaires. Le prix de ces ressources rares s en est trouvé nécessairement renchéri, ce qui pèse sur les coûts de production agricole. Les taxes à l exportation de produits agricoles ou les interdictions d exportation ont le même effet : elles contribuent à diminuer l offre de produits agricoles sur les marchés mondiaux et font donc augmenter les prix. Si le protectionnisme agricole ne semble donc pas responsable de la croissance récente des prix mondiaux, il pèse en revanche depuis longtemps sur le développement et la croissance de certains pays en développement, notamment ceux qui ne peuvent exploiter pleinement leur potentiel agricole : l Argentine, le Brésil, la Namibie, le Botswana, le Belize, Panama, le Zimbabwe, la Thaïlande, etc. Cette liste comprend des pays très pauvres, mais aussi des pays émergents, qui connaissent de forts taux de croissance mais où l incidence de la pauvreté est encore élevée. 5

La libéralisation agricole : une réponse partielle Toutefois, si une libéralisation agricole pourrait favoriser les pays en développement cités précédemment, elle aurait certainement un effet négatif sur d autres pays en développement, importateurs nets de produits agricoles et alimentaires. Ces pays sont très hétérogènes. En Afrique par exemple, sur quarante-quatre pays pour lesquels les données sont disponibles, vingt sont importateurs nets de nourriture et vingt-quatre sont exportateurs nets. Les pays africains se trouvent aux deux extrémités du classement mondial des pays selon leur solde commercial agricole net, exprimé en pourcentage du Produit Intérieur Brut (PIB) : 3,1 % pour Djibouti et + 1,8 % pour la Côte d Ivoire. Sept pays apparaissent très importateurs nets avec un indicateur inférieur à 0,5 % : Djibouti, l Érythrée, la Mauritanie, les Seychelles, le Sénégal, l Angola et le Togo. Sept pays sont des «gros» exportateurs nets de produits agricoles avec un indicateur supérieur à + 0,5 % : Côte d Ivoire, Sao Tomé et Principe, le Malawi, le Zimbabwe, les Comores, la Gambie et la Guinée-Bissau. Globalement, l Afrique est légèrement déficitaire, alors que l Asie est très déficitaire et que le Pacifique et l Amérique sont très excédentaires. Par ailleurs, les bénéfices de la libéralisation commerciale multilatérale pourraient être nuls, voire négatifs, pour les pays ayant actuellement des accès préférentiels vers des pays riches, comme les Pays les Moins Avancés (PMA) vers l Union européenne (Accord Tout Sauf les Armes). Il est important de souligner que le protectionnisme agricole n est pas la seule cause du sous-développement : des institutions inadaptées ou de mauvaise qualité, des infrastructures de transports ou de télécommunications médiocres, des politiques macroéconomiques défaillantes, sont des facteurs majeurs du sous-développement. Ce sous-développement global rend les pays particulièrement vulnérables aux variations de prix des biens alimentaires. En ce sens, c est plus l incapacité de certains pays et de certaines populations à affronter la hausse des prix des produits agricoles que cette hausse elle-même qui paraît inquiétante, et ce d autant plus que si le changement climatique se confirme, les marchés agricoles mondiaux pourraient être encore l objet de fortes turbulences dans les années à venir. 6

Peut-on envisager un scénario soutenable, qui permettrait aux pays en développement d exercer leur avantage comparatif sur les marchés agricoles mondiaux sans souffrir de la hausse des prix agricoles? Plusieurs considérations peuvent nous guider. En cas de libéralisation multilatérale dans les prochains mois (signature d un «Doha Development Agenda»), la libéralisation de l agriculture ne sera que partielle. Si la communauté internationale a pour ambition d aider les pays les plus pauvres à exercer leur avantage comparatif sur ces marchés, il faudra donc être imaginatif et créer de nouvelles préférences (un régime de libre accès pour les PMA sur tous les marchés des pays riches, mais aussi certains pays émergents) et accroître l aide internationale, certainement par le biais de l Aide pour le commerce (Aid for Trade). Enfin, si l on peut craindre que la volatilité des marchés agricoles mondiaux ne s accroisse à l avenir sous l effet du changement climatique, on peut espérer ne pas l aggraver par des politiques déstabilisatrices comme les soutiens aux biocarburants ou les restrictions à l exportation. Atteindre tous ces objectifs serait déjà un accomplissement majeur pour la communauté internationale. Publié dans laviedesidees.fr, le 18 novembre 2009 laviedesidees.fr 7