Extension tardi-orogénique dans les Alpes Marqueurs sismiques, sismotectoniques. Eric LECOIX, lycée JH Fabre, Carpentras

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Extension tardi-orogénique dans les Alpes Marqueurs sismiques, sismotectoniques Eric LECOIX, lycée JH Fabre, Carpentras

L'idée la plus couramment admise est la destruction des reliefs par l'action des agents d'érosion et la remontée concomitante des racines profondes. Cette seule action de l'érosion pose deux problèmes : Si seuls ces mécanismes d'érosion sont mis en jeu, la durée d'abrasion des chaînes (c'est à dire le retour de la croûte continentale vers une épaisseur de 30 km) demanderait plusieurs centaines de millions d'années. Or, on a montré que cette durée est plutôt de l'ordre de quelques dizaines de millions d'années. La seule érosion de ces reliefs devrait produire des quantités monumentales de sédiments détritiques, qui devraient ensuite s'accumuler dans de gigantesques bassins sédimentaires, en bordure. Or, ce n'est pas toujours le cas et les quantités de sédiments sont généralement très inférieures à celles attendus au regard du volume initial de la chaîne. L'érosion, seule, ne peut contribuer à l'effacement des reliefs : il existe un mécanisme complémentaire, l'extension.

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Interprétation du profil ECORS-CROP Le programme de sismique profonde ECORS-CROP a permis d'étudier la croûte des Alpes occidentales et a donné lieu a de nombreuses interprétations. La profondeur du Moho est assez bien déterminée : de 35 km de profondeur sous l'avant-pays alpin et les massifs subalpins, il passe à 55 km sous les zones internes. En profondeur, des failles normales longitudinales, sub-parallèles au front pennique crustal, semblent se "brancher" sur cette discontinuité crustale qui pourrait alors avoir été réactivée en faille normale (Sue et Tricart, 1998). La figure ci-dessous présente une coupe crustale très schématique tirée des interprétations du profil ECORS-CROP d'après Tardy et al. (1990) et Marchant (1993)

Interprétations géodynamiques 1. Modèle du retrait d un panneau lithosphérique plongeant sous la plaque adriatique Pour qu il y ait une extension en arrière des massifs cristallins externes, il faut que la subduction continentale s'effectue sous le propre poids du panneau plongeant ("subduction libre") et non pas sous l'effet direct de la convergence et de la collision (on parle alors de "subduction forcée"). Cette hypothèse du "retrait d'un panneau plongeant" explique plus facilement une extension dans une chaîne d'altitude modeste telle que les Alpes.

Interprétations géodynamiques 2. Modèle du détachement d'un panneau lithosphérique sous la racine alpine Ce détachement asymétrique, en déséquilibrant la racine lithosphérique, permet d'expliquer la surrection des zones externes en général et des massifs cristallins externes en particulier, en même temps que la tectonique extensive dans les zones internes, en arrière de la zone en surrection. Ce modèle est compatible avec les données gravimétriques recueillies mais par contre, l'altitude modérée de la chaîne implique un détachement récent.

Interprétations géodynamiques 2. Modèle du détachement d'un panneau lithosphérique sous la racine alpine Les travaux plus récents de Spallarossa et al. (1998) ont fourni une image assez spectaculaire de la structure profonde des Alpes occidentales et de la plaine du Pô. Même s'il est nécessaire de rester prudent sur les interprétations de ce type d'image tomographique, elle montre d'importantes hétérogénéités latérales de vitesse. En effet, il semblerait qu'un corps (entre 100 et 230 km de profondeur) plonge sous la plaine du Pô. Cette anomalie se situe sous l'anomalie rapide du corps d'ivrée (entre 0 et 50 km de profondeur, au niveau des séismes de l'arc sismique piémontais). L'anomalie rapide profonde pourrait être associée à un panneau lithosphérique plongeant vers l'est sous la plaine du Pô, même si son pendage apparaît particulièrement important.

Interprétations géodynamiques 2. Modèle du détachement d'un panneau lithosphérique sous la racine alpine Les travaux plus récents de Spallarossa et al. (1998) ont fourni une image assez spectaculaire de la structure profonde des Alpes occidentales et de la plaine du Pô. Même s'il est nécessaire de rester prudent sur les interprétations de ce type d'image tomographique, elle montre d'importantes hétérogénéités latérales de vitesse. En effet, il semblerait qu'un corps (entre 100 et 230 km de profondeur) plonge sous la plaine du Pô. Cette anomalie se situe sous l'anomalie rapide du corps d'ivrée (entre 0 et 50 km de profondeur, au niveau des séismes de l'arc sismique piémontais). L'anomalie rapide profonde pourrait être associée à un panneau lithosphérique plongeant vers l'est sous la plaine du Pô, même si son pendage apparaît particulièrement important.

Remarque concernant l étalement Ce modèle fait appel à un réajustement isostatique d'une croûte continentale surépaissie. L'amincissement crustal se développe alors à partir du moment où la contrainte horizontale due aux forces de convergence devient inférieure à la contrainte verticale lithostatique. La croûte supérieure, plus froide, répond en s'étirant, en se cassant localement : la zone s'amincit, les roches ductiles des zones plus profondes se déforment et fluent, s'épanchent latéralement vers les zones étirées localisées au-dessus. Cette dynamique s'observe lorsqu'on est présence d'une croûte particulièrement épaisse (ex : 70 km dans le cas du Tibet), associée à une altitude moyenne de la zone assez importante (4000 à 5000 m). Ce modèle ne peut donc pas convenir pour expliquer l'extension tardi-orogénique observé dans les Alpes.