Les obligations des entreprises multinationales et leurs sociétés membres



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Justitia et Pace Institut de Droit international Session de Lisbonne - 1995 Les obligations des entreprises multinationales et leurs sociétés membres (Quinzième Commission, Rapporteur : M. Andreas Lowenfeld) (Le texte anglais fait foi. Le texte français est une traduction.) L'Institut de Droit international, Reconnaissant que les principes du droit des sociétés, tels qu'ils se sont développés dans les Etats d'europe et d'amérique au XIXe siècle, ne couvrent pas le phénomène moderne des groupes de sociétés, constituées dans différents Etats mais fonctionnant sous un régime de propriété commune, avec des raisons sociales communes ou liées, et sous une direction ou un contrôle communs ; Conscient de ce que les Etats ont adopté des législations, des réglementations et des pratiques différentes et parfois contradictoires quant à l'exercice de leur compétence sur les groupes de sociétés ; Persuadé qu'une règle unique ne peut régir toutes les situations où l'on met en cause la responsabilité des entreprises multinationales pour des actes accomplis par des sociétés membres établies sous le régime de la loi d'un Etat déterminé, mais qu'il est souhaitable de donner aux Etats et aux entreprises multinationales une orientation au sujet de la conformité de telles règles avec le droit international ; Propose, sous réserve des règles de responsabilité particulières en matière de faillite ou d'insolvabilité, les lignes directrices suivantes en matière de responsabilité des entreprises multinationales :

I. Définitions Aux fins des présentes lignes directrices : 1. Une entreprise multinationale est un groupe de sociétés opérant sous un régime de propriété ou de contrôle commun, et dont les membres sont constitués conformément à la loi de plus d'un Etat. De façon générale, les membres du groupe de sociétés opèrent sous des marques de commerce ou des raisons sociales communes ou liées et produisent ou distribuent des produits ou des services communs ou liés ; cependant l'absence d'une telle intégration des activités ne prive pas, par elle-même, un groupe de sociétés du caractère d'entreprise multinationale. Une entreprise multinationale peut, sans que ce soit nécessaire, apparaître aux yeux du public comme étant principalement liée à un Etat déterminé dans lequel la société-mère a son siège ; la direction de l'entreprise multinationale peut être hiérarchique ou décentralisée. S'il n'est pas exclu que des actions de sociétés faisant partie de l'entreprise multinationale puissent appartenir à des détenteurs extérieurs à celle-ci, il reste qu'une caractéristique essentielle d'une entreprise multinationale réside dans la non-dispersion des actions des sociétés membres du groupe et dans l'exercice de la direction des sociétés constituant l'entreprise multinationale par la société-mère, soit au moyen d'un contrôle, direct ou indirect, des actions détenues, soit par un autre moyen. 2(a) Le contrôle est le pouvoir d'exercer une influence décisive sur l'activité d'une société, soit en nommant ses administrateurs ou ses principaux gérants, soit par tout autre moyen ; l'entité de contrôle est une société ou une entité qui détient ou exerce le contrôle sur un autre membre du groupe de sociétés qui constitue l'entreprise multinationale. L'entité de contrôle n'est pas nécessairement la société-mère de l'entreprise multinationale. (b) Si la société-mère, une autre entité de contrôle ou plusieurs membres du groupe de sociétés qui constitue l'entreprise multinationale, considérés ensemble, détient ou détiennent la majorité des actions munies du droit de vote de l'entreprise en question, le contrôle par la société-mère ou par le groupe de sociétés est présumé ; le contrôle répondant au critère du paragraphe (a) peut également être assuré par une entité qui détient moins de la majorité des actions de l'entreprise en question, mais qui, en fonction des contrats de direction, des conditions des accords de crédit, des accords fiduciaires de vote, des accords de licence ou de franchise, ou d'autres éléments, a le pouvoir d'exercer une influence décisive sur les activités de la compagnie en question. 3(a) Une société-mère est une société ou une autre entité qui possède, directement ou indirectement, la majorité des actions d'autres sociétés constituant une entreprise multinationale ou qui contrôle sous une autre forme, directement ou indirectement, de telles sociétés. Une société-mère peut être, mais n'est pas nécessairement, une entreprise exploitante qui se livre à la production ou à la distribution de biens ou de services. La propriété d'une société-mère peut appartenir à un petit groupe ou même à un individu ; mais plus couramment, la propriété d'une société-mère est dispersée dans le public et ses actions sont traitées en bourse. 2

(b) Une filiale est une société qui appartient à une autre société faisant partie du même groupe de sociétés ou qui est contrôlée par une telle société. Une filiale est habituellement constituée conformément à la loi de l'etat dans lequel elle est établie. (c) Une succursale est une unité d'une société dont elle n'est pas séparée par un acte de constitution distinct dans l'etat dans lequel elle est établie ou exerce ses activités. II. Principes 1. En règle générale, les actionnaires d'une société ou d'une entité similaire sont présumés n'être pas responsables des obligations de la société dont ils détiennent des actions. Toutefois, les Etats peuvent, dans des circonstances délimitées, comme celles qui sont illustrées aux paragraphes suivants, appliquer leur loi (y compris leurs règles de conflit) pour imputer la responsabilité découlant des obligations d'une société à une entité qui détient seule, ou en qualité de membre d'un groupe de sociétés qui constitue l'entreprise multinationale, la totalité ou la quasi-totalité des actions de la société en question ou qui exerce sur elle un contrôle effectif. 2(a) La responsabilité découlant des relations contractuelles entre une société et un tiers peut être imputée par une juridiction ou un tribunal arbitral à la société-mère ou à une autre entité de contrôle d'une entreprise multinationale lorsque : (i) l'entité de contrôle a participé à la négociation, à l'exécution ou à la terminaison du contrat sur lequel se fonde l'action en responsabilité, d'une manière telle que le demandeur puisse être raisonnablement induit à présumer la responsabilité de celle-ci ; ou (ii) la société en question ou l'entité de contrôle s'est livrée à une fraude ou à une pratique trompeuse à propos de l'obligation sur laquelle se fonde l'action en responsabilité ; ou (iii) une société membre d'une entreprise multinationale cesse ses activités, entre en liquidation, ou est mise en faillite, afin de contribuer à l'indemnisation de ses employés conformément à la loi du lieu d'activité ou d'engagement. (b) La responsabilité non contractuelle peut être imputée à l'entité de contrôle dans les circonstances, telles que des catastrophes, dans lesquelles les ressources de la société membre ou des sociétés membres directement impliquées apparaissent comme insuffisantes pour satisfaire complètement aux réclamations présentées. (c) La responsabilité découlant des relations contractuelles et la responsabilité non contractuelle peuvent aussi être imputées à une autre société membre de l'entreprise multinationale dans les circonstances où l'entité de contrôle pourrait conformément aux paragraphes (a) ou (b) être tenue responsable, lorsque cette autre société membre a participé à l'activité sur laquelle l'action en responsabilité est fondée ou a profité directement de cette activité. 3

3. En plus de toute autre compétence des juridictions d'un Etat à l'égard de personnes non établies sur son territoire, y compris la compétence qui dérive du lieu où un fait dommageable s'est produit ou du lieu où un contrat a été conclu ou n'a pas été exécuté, un Etat peut, lorsque l'obligation qui sert de base à l'action a sa source dans des activités conduites dans un Etat par une entreprise multinationale ou pour son compte, ou qui est étroitement liée à ces activités, prévoir la compétence de ses juridictions : (a) à l'égard d'une société-mère ou d'une entité de contrôle d'une entreprise multinationale (i) en raison de la présence permanente sur son territoire d'une succursale ou d'un établissement comparable de l'entreprise multinationale ; (ii) en raison de la présence permanente sur son territoire d'une filiale si étroitement liée à l'entreprise multinationale par une communauté de propriété, ou de contrôle, de personnel de direction ou d'activité que cette filiale peut être justement considérée comme un simple département ou un alter ego de l'entreprise multinationale ; ou (iii) en raison de l'existence des circonstances qui pourraient justifier l'imputation de responsabilité de la société-mère ou de l'entité de contrôle en conformité avec le paragraphe 2(a) ou (b) des présents Principes, (b) à l'égard d'un autre membre de l'entreprise multinationale en raison de l'existence des circonstances qui pourraient justifier l'imputation de responsabilité de cet autre membre en conformité avec le paragraphe 2(c) des présents Principes. 4. La reconnaissance ou l'exécution d'une décision judiciaire ou d'une sentence arbitrale - remplissant par ailleurs les conditions de reconnaissance ou d'exécution selon les règles en vigueur dans l'etat où est demandée la reconnaissance ou l'exécution - qui a établi la responsabilité d'une société-mère, d'une entité de contrôle ou d'une autre société membre de l'entreprise multinationale, ne devrait pas être refusée par cet Etat si la responsabilité a été établie en conformité avec les présents Principes. 5. Lorsqu'une filiale d'une entreprise multinationale est établie dans un Etat et se livre régulièrement à des activités économiques avec la société-mère ou avec d'autres sociétés membres de l'entreprise multinationale, cet Etat peut soumettre l'entreprise et les sociétés qui en sont membres à des exigences raisonnables en ce qui concerne la fourniture d'informations, la présentation de comptes rendus financiers et la conformité aux réglementations économiques qui ont un effet direct dans l'etat de réglementation. 6(a) Un Etat peut soumettre une entreprise multinationale dont la société-mère est établie sur son territoire à une réglementation raisonnable pour ce qui concerne l'activité de ses filiales établies dans d'autres Etats, pour autant que cette réglementation fasse partie d'un programme d'application générale. En appliquant une telle réglementation, un Etat devrait s'efforcer d'éviter un conflit avec les lois ou les réglementations des Etats dans lesquels les filiales sont établies ou dans lesquels les activités se déroulent. 4

(b) En cas de conflit entre les réglementations instituées par deux ou plusieurs Etats à l'égard d'une entreprise multinationale ou des sociétés qui la constituent, (i) chaque Etat est tenu de peser les intérêts de l'autre Etat par rapport à la réglementation en question ; (ii) lorsqu'aucun accommodement n'est possible entre les réglementations en conflit, le poids le plus important devrait généralement être donné à la loi de l'etat dans lequel se déroule l'activité à réglementer ou dans lequel est constituée ou établie la société membre de l'entreprise multinationale dont on cherche à réglementer l'activité. * (l er septembre 1995) 5