Mme la juge Silvia Fernández de Gurmendi Présidente de la Cour pénale internationale



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Transcription:

Mme la juge Silvia Fernández de Gurmendi Présidente de la Cour pénale internationale Présentation du rapport annuel de la Cour à l Assemblée des États Parties Vérifier à l audition 18 novembre 2015 La Haye, Pays-Bas

Madame le Procureur, Monsieur le Greffier, Monsieur le Président du Fonds au profit des victimes, Excellences, Mesdames et Messieurs les représentants, C est pour moi un grand honneur de présenter le rapport annuel de la Cour à l Assemblée des États parties au Statut de Rome, et de le faire pour la première fois en ma qualité de Présidente de la Cour. Je souhaiterais commencer par remercier les États parties pour le soutien considérable et la coopération qu ils apportent à la Cour. La constante adhésion des États parties à la lettre et à l esprit du Statut de Rome est indispensable à la réalisation des objectifs de la Cour, et les réunions annuelles de l Assemblée ont un rôle primordial dans le maintien d une telle adhésion. La pleine coopération durant les enquêtes et les poursuites que mène la Cour, conformément aux obligations que le Statut fait aux États parties, est une condition essentielle à l accomplissement par la Cour du mandat qui est le sien. Je suis heureuse de constater que, dans chaque région du monde, les États parties coopèrent avec la Cour, et que de nombreux États non-parties font de même, de façon volontaire. Diverses formes de coopération volontaire, comme la réinstallation de témoins ou l exécution des peines, participent également de façon essentielle au renforcement des capacités opérationnelles de la Cour. Je me réjouis d avoir l occasion d en discuter davantage ce vendredi, durant la séance plénière consacrée à la coopération. 1

Néanmoins, tout comme la Cour attend de la communauté internationale qu elle lui apporte sa coopération, nous reconnaissons qu il est attendu de la Cour qu elle s acquitte efficacement de sa tâche, en rendant avec diligence une justice de qualité. C est pour toutes ces raisons que j ai défini comme priorité principale pour la durée de mon mandat l amélioration de l efficacité et de l efficience de l institution. Au cours des derniers mois, les juges ont collectivement déployé des efforts sans précédent pour accélérer la procédure pénale, en adoptant les meilleures pratiques en la matière et en révisant les méthodes de travail, notamment en élaborant un manuel pratique de la phase préliminaire, qui a été publié sur le site Internet de la Cour et figure en annexe au Rapport intermédiaire du Groupe de travail sur les enseignements. Ceci n est qu un exemple des progrès significatifs réalisés conjointement par les juges afin d accélérer les procédures. J ai hâte de pouvoir donner à l Assemblée davantage de détails concernant ces développements lors de la séance plénière consacrée à l efficience et à l efficacité des procédures judiciaires. Un autre élément crucial d une meilleure efficience est la gouvernance de la Cour. La structure de la Cour, comme l a également montré l expérience des autres tribunaux, présente des difficultés pour ce qui est de réaliser les objectifs communs et assurer que la Cour s exprime d une seule voix. Alors que la CPI se doit d être une «Cour unique», notre institution combine diverses composantes qui ont des rôles différents et des mandats indépendants, ce qui peut donner lieu à des cloisonnements et à des tensions entre les organes. Ce n est qu en coordonnant pleinement nos efforts que nous parviendrons à une bonne gouvernance, à une action cohérente et à l uniformisation de la vision de la Cour. Des consultations régulières ainsi qu une coordination et une coopération 2

adéquates à tous les niveaux sont essentielles. Je suis ravie de pouvoir vous informer que les trois responsables des organes de la Cour travaillent ensemble dans un esprit de dialogue constructif, en tirant le meilleur parti possible des mécanismes de coordination existants. En particulier, le Conseil de coordination, au sein duquel siègent les trois responsables des organes de la Cour, se réunit régulièrement, tout comme les différents groupes de travail interorganes, pour discuter des questions qui préoccupent la Cour dans son ensemble. Nous reconnaissons qu assurer une cohésion suffisante à la Cour est un défi permanent, et nos efforts de coordination doivent être renforcés dans certains domaines. Comme l a demandé l Assemblée des États parties, nous avons commencé à élaborer des indicateurs de performance pour la Cour. Nous sommes conscients qu il importe de pouvoir évaluer nos performances et déterminer, entre autres, si nos réformes en vue d accélérer les procédures à la Cour et d augmenter leur efficacité portent leurs fruits tout en préservant l équité du processus judiciaire. Nous avons présenté à l Assemblée un rapport qui donne un aperçu des progrès réalisés cette année à cet égard. Élaborer de tels indicateurs pour une institution judiciaire n est pas une tâche aisée puisque cela exige d évaluer et de comprendre des facteurs complexes. Cela est encore plus difficile dans le cas d une cour pénale internationale, étant donné que certains facteurs ayant un impact sur ses performances sont des facteurs externes qui échappent donc au contrôle de l institution. Cependant, même si notre travail sur les indicateurs de performance n en est qu à un stade précoce, nous sommes convaincus que nous parviendrons à atteindre des résultats significatifs dans un avenir proche. Un des éléments fondamentaux de la gouvernance de la Cour est le Plan stratégique, qui définit des objectifs généraux pour une période de 5 ans, ainsi que des objectifs plus détaillés à plus court terme. La structure générale du plan actuel date de 2013. Depuis, le nombre des affaires devant la Cour ayant augmenté, nous avons élaboré d autres mécanismes de gouvernance, tels que la gestion systématique des risques et 3

les indicateurs de performance que je viens de mentionner. Ensemble, ces mécanismes devraient constituer un fondement pour les décisions prises par la Cour dans son ensemble, ainsi que par ses différents organes, quant aux moyens de faire face aux défis actuels et de définir les priorités et les ressources nécessaires. C est pour cela que, dans les mois à venir, nous allons réviser et mettre à jour le Plan à l échelle de l ensemble de la Cour afin de tenir pleinement compte de ces développements, ce qui servira de base pour élaborer des plans spécifiques pour les organes, lorsque de tels plans n existent pas encore. Permettez-moi à présent de résumer brièvement l actualité judiciaire de la Cour. Vous trouverez davantage de détails à ce sujet dans le rapport écrit qui se trouve devant vous. Nous avons franchi plusieurs étapes importantes pendant l année écoulée. La Cour a rendu ses deux premiers arrêts sur le fond ainsi que les premiers arrêts relatifs à la peine et aux réparations. Les audiences consacrées à la présentation des moyens de preuve ont débuté récemment dans deux nouveaux procès, et l ouverture d un troisième procès est prévue au début de 2016. Si y on ajoute un autre procès déjà en cours, cela signifie que nous prévoyons d avoir l année prochaine jusqu à quatre procès concomitants, pour un total de 10 accusés : ce sera l année la plus chargée en termes de procès que la Cour aura connue jusque-là. En outre, deux nouveaux suspects ont été remis à la Cour cette année. Dominic Ongwen, commandant de brigade présumé au sein de l Armée de résistance du Seigneur en Ouganda, a été transféré à la Cour. Et, très récemment, Ahmad Al Faqi Al Mahdi a été remis à la Cour pour répondre de charges de crimes de guerre à raison de la destruction de monuments à caractère historique et religieux à Tombouctou, au Mali. Les procédures préliminaires dans les deux affaires sont en 4

cours et les audiences de confirmation des charges sont programmées pour le début de l année prochaine. Si les charges étaient confirmées, cela signifierait que la Section de première instance serait saisie de deux affaires supplémentaires dans le courant de l année à venir. En septembre 2014, le Procureur a ouvert sa neuvième enquête, à la suite d un second renvoi de la part de la République centrafricaine. De plus, le Procureur a récemment demandé aux juges l autorisation d ouvrir une enquête sur la situation en Géorgie, concernant des crimes qui auraient été commis en Ossétie du Sud et dans les environs. Les victimes et les communautés touchées par des crimes relevant de la compétence de la Cour ont une importance particulière dans les activités de la Cour. Durant l année écoulée, la CPI a franchi certaines étapes importantes dans la mise en œuvre de son mandat en matière de réparations, un mandat unique en son genre qui accorde une attention sans précédent aux droits des victimes de crimes internationaux. Le premier arrêt relatif aux réparations, rendu dans l affaire concernant Thomas Lubanga, a permis de clarifier davantage les principes à appliquer en matière de réparations dans le cadre du Statut de Rome, et, dans les circonstances spécifiques de l espèce, il a été enjoint au Fonds au profit des victimes de préparer, en collaboration avec la Cour, un plan de mise en œuvre de réparations qui serait conforme au mandat du Fonds. Le Fonds au profit des victimes a déposé au début du mois son projet de plan de mise en œuvre, que la Chambre de première instance va maintenant examiner. La procédure de réparation est également en cours dans l affaire concernant Germain Katanga, dont la déclaration de culpabilité pour des crimes contre 5

l humanité et des crimes de guerre commis dans le district de l Ituri, en République démocratique du Congo, est devenue finale l année dernière. La participation des victimes est un aspect important des procédures devant la Cour dans la mesure où elle permet aux personnes touchées par des crimes d exposer leurs vues et préoccupations à la Cour par une voie officielle. Le Greffe joue un rôle central en offrant des services essentiels pour la participation des victimes, notamment en informant celles-ci de leurs droits, en traitant leurs demandes ou encore en prévoyant leur représentation légale dans le cadre des procédures. En plus de permettre aux victimes de jouer un rôle dans les procédures pénales, la CPI doit également s impliquer plus largement et trouver des moyens appropriés pour établir des liens avec les victimes et leurs communautés. À cette fin, la présence de la Cour sur le terrain et les opérations extérieures jouent un rôle crucial. Même si le siège de l institution est à La Haye, nous devons garantir que la justice rendue par la Cour revête un sens pour les personnes pour lesquelles elle compte le plus. Toutefois, l importance des bureaux extérieurs ne se limite pas à la participation ou à la représentation des victimes, ou encore aux activités de sensibilisation menées en faveur de celles-ci. Ils constituent un élément indispensable pour appuyer la conduite des procédures judiciaires au siège de la Cour. Sans une présence forte et effective sur le terrain, il ne serait pas possible de répondre aux besoins opérationnels des parties et des participants, par exemple en matière de protection des témoins. Dans le contexte des opérations menées par la Cour sur le terrain, je tiens à saluer l aide précieuse que nous recevons, contre remboursement, de la part de 6

l Organisation des Nations Unies conformément à l accord régissant les relations entre les deux institutions. Cette coopération va de l assistance logistique sur le terrain à des arrangements concernant des questions administratives ou le personnel, en passant par l assistance judiciaire et la prestation de services tels que ceux afférents à la sécurité, aux communications par satellite et à l utilisation d installations de conférence. Dans l ensemble, les relations entre les Nations Unies et la Cour pénale internationale sont excellentes, et la Cour est très reconnaissante du soutien qu elle reçoit. Mais il y a aussi des problèmes qui perdurent. L un d eux est la coopération qui continue à faire défaut dans deux situations qui ont été officiellement déférées au Procureur par le Conseil de sécurité. Pendant la période considérée, la Cour a dû constater à trois reprises un défaut de coopération, deux fois dans le cas du Soudan et une fois dans le cas de la Libye. Cela porte à 11 le nombre de défauts de coopération notifiés au Conseil de sécurité. Pour que la Cour puisse s acquitter efficacement de son mandat, le plein respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité est indispensable. La Cour ne peut l obtenir à elle seule, et nous sollicitons donc du Conseil de sécurité et, en particulier, des États parties siégeant au Conseil un soutien actif à cet effet. L action résolue des États parties est également essentielle pour relever les autres défis en matière de coopération, notamment pour ce qui est du fait que des demandes d arrestation et de remise qui concernent à présent 13 personnes n ont toujours pas été exécutées. Afin d obtenir un soutien accru pour la Cour, une compréhension mutuelle des besoins et des préoccupations de chacun est essentielle. En tant que Présidente de la 7

Cour, je me suis efforcée au mieux de maintenir, à La Haye et à New York ainsi que lors de mes missions et visites à l étranger, un dialogue large et constant avec les représentants des États, des organisations internationales et régionales et de la société civile. Au siège de la Cour, j ai également des contacts réguliers avec des délégations d autres cours et tribunaux, d institutions judiciaires nationales, de parlements, d associations professionnelles et du monde universitaire dans le cadre des visites que ces délégations nous rendent. Ce dialogue a lieu dans différents contextes, tantôt de façon bilatérale et tantôt dans le cadre de réunions collectives avec des groupes régionaux ou autres réunions multilatérales. J ai l intention de maintenir cette pratique, et de nouvelles réunions avec, notamment, des groupes régionaux, sont d ores et déjà planifiées pour les mois à venir. D autres responsables élus et fonctionnaires de la Cour entretiennent également des contacts avec les États, les organisations internationales et régionales et les acteurs de la société civile afin de les encourager à apporter à la Cour l appui nécessaire à ses activités. Le mois dernier encore, la Cour et l Union africaine ont conjointement tenu un séminaire technique au siège de l Union africaine à Addis-Abeba, le quatrième d une série de séminaires organisés dès 2011. La Cour a également tenu cette année en Amérique centrale et en Afrique australe des séminaires consacrés à la coopération, grâce à la générosité des donateurs, ainsi qu un séminaire réunissant les principaux interlocuteurs en matière de coopération issus des pays faisant l objet d une situation et d autres États. Nous espérons pouvoir poursuivre sur cette voie au cours de l année prochaine, en commençant par un séminaire qui devrait se tenir en Afrique du Nord. Comme je l ai dit, ce dialogue entre la Cour et différents intervenants est extrêmement important. Il est également crucial de veiller à ce qu il se déroule compte dûment tenu du mandat judiciaire de la Cour et de la nécessité de préserver son indépendance et son intégrité. Ce dialogue ne saurait en aucun cas devenir un 8

moyen de débattre des procédures judiciaires engagées devant la Cour ou d autres questions susceptibles de toucher à l indépendance des juges ou du Procureur. En tant qu institution judiciaire, la Cour pénale internationale est une organisation internationale d un genre particulier. Le Statut de Rome exige explicitement des juges qu ils exercent leurs fonctions en toute indépendance, et du Procureur et de ses collaborateurs qu ils ne sollicitent ni n acceptent d instructions d aucune source extérieure. L indépendance des fonctions judiciaires et de poursuite contre toute ingérence extérieure est consubstantielle à la Cour et à la réalisation des objectifs de celle ci. Sans cette indépendance, la raison d être de la Cour est essentiellement compromise. Je tiens à saluer l action menée par plusieurs États parties et la société civile afin d encourager des États non parties à envisager l adhésion au Statut de Rome. Si plus de 70 États ne sont pas encore parties au Statut de Rome, je voudrais toutefois rappeler qu ils peuvent tout de même contribuer aux travaux de la Cour et, de fait, un grand nombre d États non parties apportent à la CPI une coopération précieuse dans le cadre de ses opérations. J aimerais également saisir cette occasion pour dire à quel point je me félicite de constater la présence ici d États non parties en qualité d observateurs, et j espère qu au cours de mon mandat en tant que Présidente de la Cour, je pourrai souhaiter la bienvenue à nombre d entre eux au sein de la grande famille que forment les États de la CPI. Seule une participation à l échelle mondiale permettra à la Cour d intervenir en toute efficacité partout où les crimes internationaux les plus graves sont commis en toute impunité. Notre effet dissuasif dépend tout autant de la portée de notre compétence. 9

Dans moins de deux semaines, la Cour commencera à emménager dans ses nouveaux locaux permanents. Cette transition historique intervient à un moment d autant plus opportun que, comme je vous l ai indiqué, la Cour devra faire face à un nombre sans précédent de procédures judiciaires au cours de l année à venir. Les nouveaux bâtiments, conçus en fonction de ses besoins, permettront à la Cour de mieux gérer le volume croissant des affaires et offriront une meilleure capacité d accueil du public. Outre de nouveaux bâtiments, la Cour a besoin de ressources suffisantes pour assurer son fonctionnement. La Cour a pleinement conscience de la pression constante que connaissent les budgets des États. Dans le même temps, nous ne pouvons ignorer le volume croissant des affaires auquel nous devons faire face, lesquelles sont le fruit de travaux menés depuis dix ans ou plus. Même s il présente une nouvelle augmentation par rapport aux années précédentes, le projet de budget qui vous est soumis à la suite des coupes décidées par le Comité du budget et des finances n impose pas moins des limitations importantes à la capacité de la Cour de s acquitter de son mandat. Seules deux équipes d appui sont prévues pour les salles d audience, ce qui ralentira les procès actuellement en cours. Le Procureur sera obligé de réduire le nombre des enquêtes prévues. Il faudra au Greffe beaucoup de temps pour pourvoir le grand nombre de postes vacants, ce qui aura inévitablement des répercussions sur les services qu il sera en mesure d offrir l année prochaine. L année 2016 sera par conséquent une année particulièrement difficile pour la Cour. Je sais que les débats sur le budget ont été difficiles pour les États et le Comité du budget et des finances. Aussitôt cette session de l Assemblée achevée, je me réunirai avec le Procureur et le Greffier afin de rechercher des moyens d améliorer le 10

processus d élaboration du budget, notamment la façon dont le document budgétaire lui-même est présenté. Nous débattrons plus avant de ces questions avec le Comité du budget et des finances lors de sa session qui se tiendra en avril prochain, en vue de parvenir à un document budgétaire qui soit plus facile à comprendre et qui permette de justifier de façon plus claire et cohérente les besoins spécifiques de la Cour, conformément au principe de «Cour unique». L Assemblée joue un rôle important dans le cadre du système de justice pénale internationale mis en place par le Statut de Rome. J aimerais remercier l Assemblée et les États pour le soutien qu ils apportent à la Cour, tout en réaffirmant l engagement de la Cour pour les valeurs du Statut de Rome. Je souhaite aux membres de l Assemblée le plus grand succès dans leurs délibérations. Je vous remercie. [Fin] 11