Etape de visite n 7. Le chœur. Où sommes-nous? Comment cet espace est-il organisé?



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Transcription:

Etape de visite n 7 Le chœur Où sommes-nous? Nous sommes ici dans la partie la plus sacrée de la cathédrale, là où se tenaient les chanoines et l évêque pour célébrer la messe au maître-autel. Celui-ci, au Moyen Âge, se trouvait dans le rond-point du sanctuaire ; il occupait un emplacement voisin du maître-autel du XVIII e siècle, en place depuis le réaménagement mené par le cardinal de Bissy. 0m 20m Comment cet espace est-il organisé? Le chœur, entendu au sens architectural, correspond à tout l espace oriental de la cathédrale. Il comprend une partie droite, longue de trois travées, suivie d une partie tournante. La partie droite comporte cinq vaisseaux, exactement comme la nef (voir visite n 3 : «la nef»). Dans la partie tournante, le déambulatoire qui entoure le sanctuaire dessert cinq chapelles rayonnantes, auxquelles s ajoutent les deux chapelles occupant l extrémité des collatéraux extérieurs (on y voit notamment le retable de saint Eloi, décrit dans la visite n 10). Le chœur liturgique, dont il sera seul question ici, occupe un espace plus limité, au centre de cette vaste zone. Il a longtemps été isolé du reste de la cathédrale par un dispositif de clôture, qui n est que partiellement conservé aujourd hui. 1

Comment était clos le chœur liturgique? L espace réservé à la célébration de la messe n avait pas au Moyen Âge le caractère ouvert que recherchent volontiers aujourd hui les concepteurs d églises contemporaines, soucieux de retrouver une communauté qui était sans doute celle de l ecclesia (assemblée) des premiers chrétiens. Au Moyen Âge, la participation à la liturgie était bien davantage l affaire des ecclésiastiques que des simples fidèles, qui n avaient généralement pas accès au sanctuaire et n avaient qu une vision très réduite de ce qui pouvait s y dérouler. En effet, l espace central du chœur était fermé par une clôture terminée à l ouest, vers la nef, par un jubé. Il s agit d une tribune un peu en hauteur ; elle tire son nom de la formule latine que l on y prononçait au cours de la messe : Jube, Domine, benedicere («Ordonne, Seigneur, de bénir»). L église de la Madeleine à Troyes en offre un bel exemple, de même que Saint-Étienne du Mont à Paris. A vrai dire, on ignore tout de l aménagement du sanctuaire de la cathédrale de Meaux au moment de sa construction. Mais on sait qu au XV e siècle, une clôture de pierre était bien en place autour du chœur ; elle était ornée de reliefs d albâtre d environ un mètre de haut, représentant les Actes des apôtres et le martyre de saint Etienne. Elle formait donc un cycle historié à l intérieur de la cathédrale, comme on peut encore en voir à Amiens, à Chartres ou à Notre-Dame de Paris. Ce cycle fit les frais de l iconoclasme protestant en 1562. Le jubé fut lui aussi détruit, mais il fut rétabli dès 1563 aux frais du chapitre, qui fit édifier une imposante structure à trois arcades ornée de statues (attribuées par la tradition à Germain Pilon). Au XVIII e siècle, la mode était de délimiter le chœur liturgique par des grilles en ferronnerie, qui laissaient passer le regard tout en maintenant la division des espaces. Sept grilles de fer forgé Le jubé du XVIII e siècle (gravure conservée à la Bibliothèque nationale de France). furent donc installées le long du déambulatoire en 1723-1724, et le jubé fut également transformé à la même date, avec une porte centrale en ferronnerie dessinée par Oppenord. Quant aux autels latéraux qui flanquaient cet accès, ils reçurent une nouvelle décoration en 1732 avec la commande de deux tableaux à Restout et à Hallé. Tous ces remaniements sont liés à la volonté de l évêque de Meaux, le cardinal de Bissy, de remodeler le chœur de sa cathédrale. Démarche courante chez les évêques du XVIII e siècle, mais assez précoce : Meaux semble avoir rapidement emboîté le pas à Paris pour moderniser son sanctuaire. Outre la clôture et le jubé, cette réorganisation toucha aussi les autels et même le sol, que l on repava en marbre après avoir réuni en un caveau unique les restes des évêques enterrés dans le sanctuaire. Les grilles du XVIII e siècle ne nous sont pas parvenues, mais l esprit d une clôture perméable au regard a été conservé le long du déambulatoire, pourvu au XIX e siècle de nouvelles grilles réalisées par un artisan meldois, M. Gaillardon. En revanche, plus rien n évoque aujourd hui la séparation entre la nef et le chœur, marquée jadis par le jubé. Le jubé de Saint-Étienne du Mont à Paris (XVI e siècle). 2

Que contient le chœur liturgique? Comme nous l avons vu, la partie tournante correspond au sanctuaire et abrite le maître-autel. Celui que l on peut voir aujourd hui a été consacré le 25 juin 1726. Il s inscrit dans le réaménagement mis en œuvre par le cardinal de Bissy. Ce maître-autel, fait en marbres de diverses couleurs, est orné d un médaillon central en bronze doré sculpté par Caignard, représentant la lapidation de saint Étienne, patron de la cathédrale de Meaux. Au XVI e siècle (et sans doute aussi au Moyen Âge), le maîtreautel occupait à peu près le même emplacement, mais il n était pas seul. Il existait en effet un second autel plus à l est, contre la clôture du sanctuaire, suivant une disposition assez fréquente dans les cathédrales : on retrouve par exemple la même organisation à Notre-Dame de Paris, avec l autel des Ardents (supprimé lors du réaménagement du sanctuaire par Robert de Cotte, en exécution du «vœu de Louis XIII»). A Meaux, cet autel était dédié à saint Blaise. Il était placé au-dessus d un «sépulcre», c est-à-dire un groupe sculpté représentant la Mise au tombeau. Ce second autel était utilisé lorsqu on avait déjà servi la messe au maître-autel, en application du principe liturgique selon lequel on ne célébrait qu une messe par jour sur un même autel. Cette pratique étant tombée en désuétude, l autel de saint Blaise et son sépulcre furent démolis lors de la grande réorganisation de 1723, qui donna au sanctuaire son aspect actuel. Quant aux travées droites du chœur, elles abritent les stalles des chanoines et des chapelains de la cathédrale. Les chanoines ont en effet pour fonction première d assister l évêque dans la célébration de la messe. Ils doivent donc impérativement être présents aux offices (des dispenses peuvent être exceptionnellement accordées, notamment aux malades et aux vieillards, ou bien aux étudiants qui vont à l université). Un jeton, le «méreau», leur est remis pour attester qu ils ont bien rempli leur fonction. Au XIII e siècle, ces chanoines formaient un corps d une quarantaine de personnes. Les chapelains qui sont attachés au service des différentes chapelles de la cathédrale ayant aussi le droit d occuper une place dans le chœur, il faut pour accueillir tout ce monde un grand nombre de sièges D où la place dévolue aux stalles, qui occupent à peu près la moitié de la longueur totale de l espace liturgique. Pour travailler avec sa classe : activité n 8 «qu est-ce qu un chanoine?» Le maître-autel du XVIII e siècle. Les stalles des chanoines. 3

Comment se présente l architecture du sanctuaire? Le sanctuaire, autour du maître-autel, reprend l élévation à trois niveaux que nous avons déjà trouvée dans la nef (voir visite n 3 : «la nef») : grandes arcades / triforium / fenêtres hautes. Néanmoins, le style est manifestement très différent du modèle soissonnais adopté pour les travées les plus anciennes de la nef. Le décor du triforium et les remplages des fenêtres hautes sont en effet caractéristiques de l architecture rayonnante à la mode sous le règne de saint Louis. Si on les compare à ceux de la nef, on voit combien leur dessin est plus fouillé et plus gracile. Pour le triforium, les quatre arcatures sont désormais réunies sous un arc plus grand, avec un trilobe au tympan. Le pan de mur est ainsi entièrement ajouré au sein d un cadre rectangulaire, formant un «triforium-grille» comme on peut en voir, à la même époque, dans le chœur de la cathédrale de Cologne. De même, les fenêtres hautes sont entièrement vitrées à l exception d un cadre en pierre, les remplages, désormais construit indépendamment du mur (une innovation apparue sur le chantier de la cathédrale de Reims, et très vite diffusée dans l architecture gothique). L oculus rond a laissé place à une rose à six lobes, motif très apprécié dans l architecture rayonnante (voir activité n 15 : «un peu de géométrie»). Quant aux grandes arcades qui constituent le premier niveau de ce sanctuaire, elles présentent un très grand élancement : elles occupent à elles seules près de la moitié de la hauteur totale de l abside, un rapport bien supérieur à celui de la plupart des grandes cathédrales gothiques seule la cathédrale de Rouen présente des proportions comparables. Mais tandis qu à Rouen les supports sont purement cylindriques, à Meaux les piles rondes sont enrichies d une colonnette engagée du côté du vaisseau central, comme on voit dans la cathédrale de Soissons. Tout en adoptant un style résolument francilien, en prise avant les grands chantiers royaux de son temps comme Royaumont ou Saint-Germain-en-Laye, l architecte a donc combiné deux influences : un clin d œil à Soissons, qui avait déjà inspiré son prédécesseur dans la nef, et une référence normande. L emploi de piliers très simples montre aussi que le rond-point de Meaux mêle des traits extrêmement modernes, comme le réseau du triforium, et des références à une architecture plus ancienne, celle de la fin du XII e siècle. Un autre détail est à cet égard très révélateur : c est le fait que le mur extérieur du triforium soit resté plein, au lieu d être percé de fenêtres comme c est le cas dans la plupart des grands chantiers gothiques à partir du 2 e tiers du XIII e siècle (la cathédrale de Troyes et l abbatiale Saint-Denis sont les premières manifestations, dans les années 1230-1240, de cette tendance à évider au maximum les murs en ajourant le triforium). Détail du triforium de l abside. Détail du triforium de la nef. 4

Quelles sont les particularités architecturales des travées droites du chœur? Les travées droites du chœur de Meaux ont une élévation bien particulière, qu on ne retrouve à aucun autre endroit de la cathédrale et qui donne un grand cachet à l architecture de l édifice. Au lieu des trois niveaux qui caractérisent le reste de la cathédrale, cette partie du chœur comporte quatre niveaux : entre les grandes arcades et le triforium vient en effet s insérer un fin réseau rayonnant qui constitue des «fausses tribunes». Là encore, on ne peut s empêcher de rapprocher Meaux de la cathédrale de Rouen, où apparaît le même détail architectural (mais situé dans la nef). Ces «fausses tribunes» ont un rôle optique : elles marquent la limite du vaisseau central. Elles constituent peut-être aussi un rappel discret de la cathédrale primitive, dont Peter Kurmann a démontré qu elle comportait une élévation à quatre niveaux : grandes arcades / tribunes / triforium / fenêtres hautes. Ce chœur à tribunes, édifié entre 1175 et 1220 environ, était d après les archives dans un état lamentable au milieu du XIII e siècle, sans doute en raison de vices de construction. Il fallut donc, avant de pouvoir achever la nef (alors réduite à deux travées), engager une véritable reconstruction des parties orientales de la cathédrale. Les travaux modifièrent profondément l aspect du chœur, qui devint beaucoup plus lumineux grâce à la suppression de l étage des tribunes et au percement de plus grandes baies dans les murs extérieurs (chapelles et collatéral extérieur du chœur). Peut-être les «fausses tribunes» conservent-elles la mémoire de l élévation première de Saint-Étienne de Meaux, dont des traces sont encore visibles dans la cathédrale (voir visite n 3 : «la nef»). La cathédrale vers 1225. La cathédrale vers 1300. 5

Qui a conçu cette architecture? Par un heureux hasard, à une époque où les maîtres d œuvre restent bien souvent anonymes, nous connaissons le nom de l architecte qui a conçu le chœur de Saint-Étienne de Meaux, grâce au contrat d embauche qui a été préservé dans le cartulaire (= recueil d archives) du chapitre (voir choix de textes n 1 : «la construction»). Il s agit de Gauthier de Varinfroy. Son nom laisse entendre qu il était originaire de la région, puisque Varinfroy est un village du Multien, voisin de Crouy-sur-Ourcq (la commune est aujourd hui située dans le sud-est du département de l Oise). Le même texte indique que cet architecte a également participé à la construction de la cathédrale d Évreux en Normandie. En s appuyant sur des rapprochements stylistiques, les historiens de l art ont proposé de lui attribuer d autres réalisations, notamment à Chartres (église Saint- Père) et à Sens (façade occidentale de la cathédrale). En tous cas, le chœur de Saint-Étienne de Meaux est certainement l un de ses chefs d œuvre. C est probablement l un de ses descendants qui apparaît au début du XIV e siècle, sous le nom latin de «Petrus de Valle Reinfreidi» (Pierre de Valrinfroy), comme l architecte chargé de construire la chapelle du collège de Navarre à Paris. Ce collège avait été fondée par la reine Jeanne de Navarre, dernière comtesse de Champagne. Il est possible que Pierre de Varinfroy soit également intervenu sur le chantier de la cathédrale de Meaux, peutêtre sur une façade du transept, mais aucun texte ne permet de l affirmer en toute certitude. Le sanctuaire de Saint-Étienne de Meaux Bibliographie : - Peter KURMANN, La cathédrale Saint-Etienne de Meaux. Etude architecturale, Genève : Droz et Paris : Arts et métiers graphiques, 1971. 6