UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS II



Documents pareils
CIRCULAIRE N Mesdames et Messieurs les préfets de régions et de départements

Commentaire. Décision n QPC du 29 janvier Association pour la recherche sur le diabète

Statuts du Touring Club Suisse

* * * Loi n portant transformation de Barid Al-Maghrib en société anonyme

L ORGANISATION GENERALE DE LA FONCTION PUBLIQUE

La participation financière des collectivités territoriales à la protection sociale complémentaire de leurs agents

LETTRE CIRCULAIRE N

QUESTIONS. décembre 2014

NOTE SUR LES SUBVENTIONS. - Récapitulatif des obligations des associations subventionnées

Commande publique. 1. Une question délicate : la détermination du champ d application de l article 2.I. de la loi «MURCEF»

STATUTS GRAND PARIS SEINE OUEST ENERGIE, AGENCE LOCALE DE L ENERGIE

Proposition de DÉCISION DU CONSEIL

Projet de loi n o 58. Loi regroupant la Commission administrative des régimes de retraite et d assurances et la Régie des rentes du Québec

Les congés légaux des enseignants-chercheurs et des autres enseignants exerçant dans l enseignement supérieur

Les Cahiers du Conseil constitutionnel Cahier n 22

Décrets, arrêtés, circulaires

TITRE Ier DISPOSITIONS GENERALES. Article 1 er

Séance du Conseil Municipal du 27/06/2013

Avis n du 27 novembre 2014 sur le projet de décret relatif aux missions et aux statuts de SNCF Réseau

COMMISSION SCOLAIRE DE LA BEAUCE-ETCHEMIN

OBLIGATIONS REGLEMENTAIRES ET STATUTAIRES DES ASSOCIATIONS ET FONDATIONS RECONNUES D UTILITE PUBLIQUE

Décision n L. Dossier documentaire

ASSEMBLÉE NATIONALE PROJET DE LOI

Contrat de partenariat et domaine public

Quel statut? Pour quel office de tourisme?

Assemblée Générale du 28 avril Questions écrites posées au Conseil d administration de GDF SUEZ

SANTÉ ET PRÉVOYANCE DES AGENTS TERRITORIAUX

Décrets, arrêtés, circulaires

III L allégement de la loi n La loi n contient des dispositions diverses et transitoires conçues, au départ, pour assurer l application

STATUTS TYPE D UDCCAS. Union départementale des Centres Communaux et Intercommunaux d Action Sociale (UDCCAS)

Décrets, arrêtés, circulaires

Projet de loi n o 25 (2003, chapitre 21) Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux

Décision n 05-D-20 du 13 mai 2005 relative à une saisine de la société le casino du Lac de la Magdeleine

Délibération n 39 Conseil municipal du 29 juin 2012

ATTENDU QU un avis de motion AM a été dûment donné par Madame Sylvie Ménard lors de la séance régulière du 5 mai 2015;

ASSEMBLÉE NATIONALE PROJET DE LOI

LA FIN DE DÉTACHEMENT SUR EMPLOI FONCTIONNEL QUAND LES TALENTS GRANDISSENT, LES COLLECTIVITÉS PROGRESSENT

Statuts de Paris Region Entreprises

ASSOCIATION LOI DU 1er JUILLET 1901 COMITE DE COOPERATION AVEC LE LAOS ( C.C.L. )

C. N. E. E. TRANSCRIPTION DES DIRECTIVES 92/49/CEE 92/96/CEE et 92/50/CEE. Titre II Article 6

LOIS. LOI n o du 31 juillet 2014 relative à l économie sociale et solidaire (1) NOR : ERNX L. TITRE I er DISPOSITIONS COMMUNES

10 conseils sur la gestion et la mutualisation des agents par les groupements intercommunaux

Sur le rapport du ministre du travail et de la sécurité sociale, Vu la Constitution, notamment ses articles 85-4 et 125 (alinéa 2);

CIRCULAIRE AUX ETABLISSEMENTS DE CREDIT N Objet : Renforcement des règles de bonne gouvernance dans les établissements de crédit.

LA COMPTABILITÉ DU COMITÉ D ENTREPRISE : DE NOUVELLES OBLIGATIONS DE TRANSPARENCE À PARTIR DU 1 er JANVIER 2015

Avis n sur la méthodologie relative aux comptes combinés METHODOLOGIE RELATIVE AUX COMPTES COMBINES

Responsabilité civile des administrateurs et des réviseurs d une société anonyme : questions choisies

BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

Statuts de la. Communauté d universités et établissements. Université Sorbonne Paris Cité

Commentaire. Décision n /178 QPC du 29 septembre 2011 M. Michael C. et autre

PARTIE 2. LES SERVICES PUBLICS

Les Cahiers du Conseil constitutionnel Cahier n 24

STATUTS ASSOCIATION Compos Sui

Licence ODbL (Open Database Licence) - IdéesLibres.org

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Vu la Loi n du 23 décembre 1993 relative à la protection des informations nominatives, modifiée ;

POLITIQUE DE GESTION FINANCIÈRE

Loi n du 8 avril Loi sur la nationalisation de l'électricité et du gaz

Titre CIRCULAIRE N du 17 janvier 2011

Loi modifiant la Loi sur l assurance automobile

Décrets, arrêtés, circulaires

Loi N 1/018 du 19 décembre 2002 portant ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE AINSI QUE LA PROCEDURE APPLICABLE DEVANT ELLE

copropriété et pour celles déjà dégradées d en améliorer leur redressement.

destinataires in fine Pour information : destinataires in fine

L Assemblée Nationale a délibéré et adopté en sa séance du 14 décembre ;

CONSEIL D'ETAT statuant au contentieux N RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE SANTÉ A DOMICILE et autre

Niger. Régime général des mutuelles de santé

HAUT COMITE DE GOUVERNEMENT D ENTREPRISE GUIDE D APPLICATION DU CODE AFEP-MEDEF DE GOUVERNEMENT D ENTREPRISE DES SOCIETES COTEES DE JUIN 2013

Nous sommes là pour vous aider COLLECTIVITES & ENTREPRISES DOSSIER DE DEMANDE DE SUBVENTION APPEL A PROJET

Systèmes de transport public guidés urbains de personnes

Appel d offres pour la mise en place de cursus intégrés franco-allemands binationaux et trinationaux à compter de l année universitaire

Président : M. Blin, conseiller le plus ancien faisant fonction., président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LOI N portant Code des Postes

Vers une Cour suprême? Par Hubert Haenel Membre du Conseil constitutionnel. (Université de Nancy 21 octobre 2010)

Droit des baux commerciaux

TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE

FICHE D IMPACT PROJET DE TEXTE REGLEMENTAIRE

Réunion Information Investissements d Avenir

Loi sur l enseignement privé (version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2014)

Credit Suisse Group AG Statuts

LICENCE SNCF OPEN DATA

Président(e) : qui êtes-vous et que faites-vous? (Juin 2012)

Décision n 12-DCC-163 du 29 novembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Natixis Financement par le groupe BPCE

Missions des comités en détail

CONVENTION DE PRESTATIONS INTEGREES POUR L UTILISATION DES OUTILS DE DEMATERIALISATION

REGIME D APPUI POUR L INNOVATION DUALE RAPID CAHIER DES CHARGES

Projet de loi n o 30 (2003, chapitre 25)

Aff 3958 Mutuelle Eovi Usmar services et soins c/ Centre hospitalier de Roanne (Renvoi du TA de Lyon)

LOI n du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l emploi (1) Version consolidée au 4 avril 2015

PROJET DE LOI LOGEMENT ET URBANISME

U-CH Statuts Commission suisse de validation des modules informatiques pour utilisateurs

Formation, Objet et Composition de la Mutuelle page 3. CHAPITRE II : Admission, Démission, Radiation et Exclusion page 3

Associations Dossiers pratiques

RAPPORT SUR LES PROCEDURES DE CONTROLE INTERNE ET DE GESTION DES RISQUES ET SUR LE GOUVERNEMENT D ENTREPRISE

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES INSTRUCTION DU 9 MARS B-13-12

N 1619 ASSEMBLÉE NATIONALE PROJET DE LOI

Circulaire du 7 juillet 2009

Institut d études judiciaires Préparation à l examen d accès au C.R.F.P.A.

(articles L et L du code général des collectivités territoriales) VU le code général des collectivités territoriales ;

Transcription:

UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS II Année universitaire 2003-2004 Travaux dirigés Maîtrises juridiques DROIT PUBLIC DE L ÉCONOMIE I Cours de Madame Martine Lombard, Professeur Proposition de note de synthèse sommaire sur la fiche n 3 (TD de Philippe COSSALTER) LA DIVERSIFICATION D EDF I. Les limites à la diversification tenant au statut d EDF... 2 A./ EDF est un établissement public... 2 1) La soumission des établissements publics au principe de spécialité... 2 2) Les contraintes propres aux catégories d établissements publics... 2 B./ EDF est une entreprise publique... 3 1) Les assouplissements du principe de spécialité liées au caractère industriel et commercial de l activité... 3 2) Le contrôle particulier sur l activité des entreprises publiques... 4 II. Les limites à la diversification tenant à l activité d EDF... 5 A./ Les limites tenant aux règles du droit commun de la concurrence... 5 1) Les limites structurelles... 5 2) Les limites fonctionnelles... 6 B./ Les limites tenant à la sortie du monopole électrique... 6 EDF poursuit, depuis le début des années quatre-vingt, une politique de diversification matérielle et territoriale : matérielle par la diversification des métiers au-delà des cinq domaines de compétence qui lui ont été initialement conférés par la loi du 8 avril 1946 : production, transport, distribution, importation et exportation d énergie électrique. Les principaux secteurs de cette diversification (cf. doc. 9) sont la vidéocommunication, l ingénierie, le traitement des déchets, l éclairage public et la domotique. La diversification territoriale s effectue par l intervention sur les marchés étrangers (cf. doc. 3 p. 10). L outil de cette politique de diversification est la filialisation, par création ou par acquisition. Les raisons invoquées par EDF pour cette diversification sont l ouverture du marché de l électricité à la concurrence. Cf doc. 3 p. 8 : «une évolution qui conduirait EDF à être

soumis à la concurrence en matière de production ou de distribution ou à accorder un droit d accès des tiers au réseau devrait, selon l établissement, avoir pour contrepartie de permettre à EDF de se diversifier». Cependant, EDF n est pas une entreprise comme les autres. Les possibilités de diversification sont limités par deux facteurs : son statut et la nature de son activité. EDF est un EPIC ; il est soumis, en tant que tel, au principe de spécialité qui limite la possibilité de sa diversification en dehors de son objet statutaire (I). Par ailleurs, EDF est un ancien monopole national. Comme tout (ancien) monopole, il est soumis à un ensemble de règles spécifiques destinées à limiter son influence sur le marché (II). I. LES LIMITES A LA DIVERSIFICATION TENANT AU STATUT D EDF A./ EDF est un établissement public 1) La soumission des établissements publics au principe de spécialité Les établissements publics constituent de simples «démembrements de la collectivité publique» à laquelle ils se rattachent (doc 2 : TA Paris 25 mai 1994, Chambre syndicale des société d études techniques et d ingénierie). Les EP sont des personnes modales de type fondatif, en suivant les catégories établies par Michoud (qui distingue les personne morales de type corporatif et de type fondatif. Cf : MICHOUD (Léon), La théorie de la personnalité morale et son application en droit français, Paris, LGDJ, 1906, 2 tomes). Toute personne morale est soumise au principe de spécialité. Toute société est contrainte, pour son action, dans les limites établies dans ses statuts. Mais afin d assumer une activité annexe, il suffit à la société de modifier ses statuts, modification pour laquelle est compétente l Assemblée générale des actionnaires (en ce qui concerne les SA). 2) Les contraintes propres aux catégories d établissements publics La modification des statuts des établissements publics relève du pouvoir réglementaire, sauf lorsque l établissement public constitue à lui seul une catégorie d établissement. En effet, aux termes de l article 34 de la constitution, la loi fixe les règles concernant la création de catégorie d établissements publics. Or selon le Conseil constitutionnel, l article 34 C doit être interprété comme réservant au législateur la compétence de la fixation des règles constitutives des catégories d établissements publics. + Cf : C.C., Décision n 82-124 L du 23 juin 1982, Nature juridique des dispositions du premier alinéa de l'article 13 et du deuxième alinéa de l'article 14 de la loi n 64-1245 du 16

décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, Rec. 99 1. Selon le CE (doc. 1), font partie des règles constitutives notamment la délimitation de l objet, des limites territoriales de la compétence, l organisation et le fonctionnement. Sans aucun doute possible, font partie de ces règles constitutives la définition du champ matériel et territorial de la compétence des EP 2. B./ EDF est une entreprise publique * INTERVENTION ORALE NUMERO 1 : LES ENTREPRISES PUBLIQUES Le caractère industriel et commercial de l établissement public EDF n est pas sans influence sur la possibilité de diversification de l entreprise. En effet, les conditions d assouplissement du principe de spécialité sont intimement liées au caractère industriel et commercial. 1) Les assouplissements du principe de spécialité liées au caractère industriel et commercial de l activité Le CE, dans son avis du 7 juillet 1994, fixe les deux conditions auxquelles un établissement public peut se livrer à d autres activités que celles prévues expressément dans ses statuts : - les activités annexes doivent être «techniquement et commercialement» le complément normal de la mission statutaire principale ; - les activités doivent être d intérêt général (!!) et directement utiles à l établissement public notamment : - adaptation à l évolution technique ; - impératifs de bonne gestion des intérêts confiés à l établissement ; - savoir-faire de ses personnels ; - vigueur recherche et valorisation compétences. Dans ses rapports avec le principe de liberté du commerce et de l industrie, le principe de spécialité partage un point commun intéressant : l intérêt financier n est pas directement exprimé, même s il est sous-jacent. Le CE exprime très clairement que le caractère industriel et commercial de l établissement est un élément essentiel de la souplesse d interprétation du principe de spécialité : «Si ce principe de spécialité invite à se reporter [aux règles constitutives de l établissement] il 1 Considérant que les agences financières de bassin constituent une catégorie particulière d'établissements publics sans équivalent sur le plan national ; qu'il s'ensuit que le législateur est seul compétent pour en fixer les règles constitutives qui comprennent celles définissant les catégories de personnes siégeant dans leurs conseils d'administration ainsi que l'importance relative accordée aux diverses catégories de membres composant ces conseils ; 2 En ce qui concerne la RATP, le CC a reconnu par sa décision 59-1 L du 27 novembre 1959 qu il constituait à lui seul une catégorie d EP. La détermination des membres du CA relève de la compétence du législateur, mais la détermination de leur nombre relève du pouvoir réglementaire. Le CC s était prononcé sur saisine du Premier ministre demandant le déclassement de l article 2 al. 3 de l ordonnance n 59-151 du 7 janvier 1959, selon la procédure prévue à l article 37 al. 2 C.

ne s oppose pas par lui même à ce qu un établissement public, surtout s il a un caractère industriel et commercial, se livre à d autres activités» (doc. 4). Les possibilités de diversification sont de deux ordres : - diversification matérielle (cf. doc. 4) - diversification territoriale (cf doc 1 : CE avis, sect. TP, 15 juillet 1992 : «L analyse qui précède concernant la spécialité de l établissement public ne saurait être interprétée comme lui interdisant d exercer même en dehors de la région des transports parisiens, des activités qui sont le complément de sa mission»). En ce qui concerne EDF, établissement public national, la spécialité territoriale ne pose pas de problème en ce qui concerne le territoire français. En ce qui concerne la diversification à l étranger, la question est plus délicate. [Remarque : la spécialité est un principe national, qui ne limite en rien la capacité d action des établissements publics en dehors du territoire]. Principe de spécialité et liberté du commerce et de l industrie * INTERVENTION ORALE NUMERO 2 : SPECIALITE ET LCI C. Vigouroux, dans son commentaire de l avis (doc.4), lie l interprétation du principe de spécialité adoptée par le CE aux jurisprudence Delansorme et Unipain. Le commentateur soutient que le CE, en ce qui concerne les activités annexes, fait référence à + CE 29 avril 1970, Société UNIPAIN, rec. 280 et + CE Sect. 198 décembre 1959, Sieur Delansorme, rec. 692. L avis du CE fait en fait référence aux «autorisation[s], devenue[s] courante[s] dans les textes particuliers concernant les établissements publics chargés de services publics industriels et commerciaux, d exercer toute activité liée directement ou indirectement à leur objet» Le commentateur base donc son analyse sur une interprétation personnelle, un rapprochement qui n est pas appelé par le CE. Or, les jurisprudences Delansorme et Unipain portent sur les atteintes possibles à la liberté du commerce et de l industrie : n est pas uniquement autorisée l intervention de l administration dans un secteur économique lorsqu il y a carence de l initiative privée, mais également lorsque l activité est le complément normal d un service déjà institué (y compris lorsque l activité complémentaire est déjà suffisamment assurée par le secteur privé). Les jurisprudences Unipain et Delansorme ne sont donc absolument pas des bases d analyse possibles pour l interprétation du principe de spécialité. Elles ne sont que des éléments de comparaison. Exemple trivial : dans Delansorme. Imaginons que ce soit un EP local (une régie personnalisée) qui gère le parking et la station service. Imagions que ses statuts prévoient la vente de friandises. Tout acte concourant à la création d un magasin de friandises sera annulé comme violant le principe de LCI, alors même que l activité sera dans les statuts de l EP. 2) Le contrôle particulier sur l activité des entreprises publiques En qualité d entreprise publique, EDF est soumis au contrôle de l État instauré par le décret n 53-707 du 9 août 1953 cf. document n 3 p. 7 ;. L État approuve notamment les prises ou extensions de participations financières.

En vertu d un protocole d accord signé le 25 janvier 1990, les cessions et prises de participation d EDF sont décidées par arrêté interministériel. Lorsque les prises de participation sont majoritaires, il y a filialisation. Il faut remarquer que la diversification par filialisation n est pas limitée par le droit des nationalisations. En effet, il n y a nationalisation, au sens où nous l avons envisagé en séance n 2, qu en cas d entrée forcée dans le secteur public. Les acquisitions de la propriété des entreprises ou d un ensemble d actifs réalisées selon les règles de droit commun ne relèvent pas de la compétence du législateur. [Transition] Par contre, en cas de filialisation s appliquent un ensemble de règles indépendantes du statut d EDF, et simplement liées à son activité : l application du droit des concentrations. Le droit des concentrations (que nous étudierons au second semestre cf DPE II) n est que l un des nombreux aspects du droit de la concurrence applicables à l activité d EDF. II. LES LIMITES A LA DIVERSIFICATION TENANT A L ACTIVITE D EDF A./ Les limites tenant aux règles du droit commun de la concurrence 1) Les limites structurelles Cf. document 3 (page 19) : le contrôle des concentrations consiste à soumettre les opérations de concentration (principalement les fusions acquisitions) à autorisation d une autorité de contrôle pour éviter la constitution de positions dominantes susceptibles de réduire la concurrence sur le marché. Le droit des concentrations s applique naturellement à EDF ; il est d autant plus important qu EDF est quasi-monopolistique sur de nombreux marchés. Contrairement à ce qu indique le document n 3, le contrôle n est plus facultatif. Aux termes de l article L. 430-2 nouveau du code de commerce, dans sa version refondue par la loi NRE n 2001-420 du 15 mai 2001, l information du ministre de l économie est soumise à une condition de seuil : - CA total mondial hors taxes de l'ensemble des entreprises ou groupes des personnes physiques ou morales parties à la concentration > 150 millions d'euros ; - CA total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes des personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 15 millions d'euros ; - l'opération n'entre pas dans le champ d'application du règlement (CEE) nº 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises. En raison de la taille d EDF, toutes les opérations de filialisation sont soumises au contrôle du ministre. Dans certaines conditions (cf. DPE II), l opération n est pas soumise au contrôle du ministre français de l économie, mais au contrôle de la Commission des communautés européennes (droit communautaire des concentrations). Les deux types de contrôles sont en principe strictement alternatifs.

2) Les limites fonctionnelles a) L assistance apportée aux filiales EDF est contrainte dans certaines limites dans ses rapports avec ses filiales. Comme l indique l avis du Conseil de la concurrence (doc. n 3), EDF doit éviter, dans ses rapports avec ses filiales, de créer des subventions croisées : mettre à la disposition de ses filiales des moyens matériels et humaines à des conditions préférentielles, en profitant de son statut d entreprise publique. Ces conditions favorables peuvent tomber sous le coup d une qualification d aide d État. + Cf Séance n 6 : CJCE, 3 juillet 2003, Chronopost SA c/ Union française de l'express (Ufex), aff. jointes C-83/01, C-93/01 et C-94/01 b) L intervention des filiales sur des marchés connexes On retombe sur les notions du principe de spécialité : contrainte dans les limites de ce principe, EDF peut intervenir, à travers ses filiales, sur des marchés connexes de la distribution d électricité. EDF ne doit pas abuser de sa position dominante sur ce marché principal : cf document n 3 p. 18. Comme l indique le Conseil de la concurrence (fiche p. 17) : Selon une jurisprudence désormais bien fixée, tant européenne que nationale, l abus de position dominante est sanctionnable quand bien même l abus serait commis sur un autre marché que celui où l entreprise est en position dominante» + CJCE 13 décembre 1991, aff. C-18/88. À ces mécanismes classiques viennent s ajouter des mécanismes spécifiques au secteur électrique, destinée à assurer une sortie maîtrisée de la situation de monopole. B./ Les limites tenant à la sortie du monopole électrique Le secteur électrique est en cours de libéralisation complète. + La directive 96/92/CE a été transposée en droit français par + La loi du 10 février 2000 a entamé la libéralisation du secteur (cf. Séance n 10). + La directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité abroge la dir. 96/92. La situation d EDF est encore transitoire. L entreprise bénéficie encore d un monopole de fait sur la distribution d électricité, sur le transport (à travers GRE), sur la production. Cependant, le marché est en théorie libéralisé en ce qui concerne certains consommateurs importants appelés les clients éligibles (CE). Il existe donc schématiquement deux secteurs : un secteur monopolistique et un secteur libéralisé.

L on sait qu aux termes de l article 46 de la loi du 8 avril 1946, «des décrets pris sur le rapport du ministre de la production industrielle et, le cas échéant, du ministre de l intérieur, déterminent 4 les con,ditions dans lesquelles les services de distribution devront cesser toutes activités industrielles et commerciales relatives à la réparation et à l entretien des installations antérieures à la vente et la location des appareils ménagers et, d une façon générale, toutes activités en dehors de celles définies à l article premier» de la loi, c est-à-dire la production, la distribution, le transport, l importation et l exportation d électricité. Dans ce domaine des services «amont» et «aval» à la fourniture d électricité, EDF ne pouvait en principe pas intervenir même si, comme l indique le Conseil d État (document n 4, p. 26), le décret prévu n est pas intervenu. Un décret n 49-935 du 13 juillet 1949 prohibait cependant ce type d activités. L article 44 II de la loi du 10 février 2000 permet désormais l intervention d EDF et de ses filiales dans ce domaine, mais au bénéfice des seuls clients éligibles (cf. p. 28). Par contre, EDF ne peut proposer de «services portant sur la réalisation ou l entretien des installations intérieures, la vente et la location d appareils utilisateurs d énergie» aux clients non éligibles. * INTERVENTION ORALE NUMERO 3 : L affaire CLEMESSY