COLLOQUE INTERNATIONAL SUR LE DROIT A L ASSISTANCE HUMANITAIRE. Maison de l UNESCO Park, 25-27 janvier 1995. Thème 5



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Transcription:

SHS-95KONF.80516 PARIS, le 13 janvier 1995 originalanglais COLLOQUE INTERNATIONAL SUR LE DROIT A L ASSISTANCE HUMANITAIRE Maison de l UNESCO Park, 25-27 janvier 1995 Thème 5 Le droit à l assistance humanitaire : droit ou obligation ou les deux? Par le professeur Dietrich Schindler Les idées et opinions exprimées dans ce document sont celles de l auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues de l UNESCO

SHS-95/CONF.805/6 Instruments juridiques cités : Instrument ayantforce exécutoire : - les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs deux Protocoles additionnels de 1977 - les Conventions relatives aux droits de l homme, et en particulier les deux Pactes des Nations Unies de 1966 - le chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Instruments n ayantpas force exécutoire : - les rksolutions 43/131 et 45/100 (Assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d urgence du même ordre) et 46/182 (Renforcement de la coordination de laide humanitaire d urgence de l Organisation des Nations Unies) de 1 Assemblee génkale de l ONU - la r&olution de l Institut de droit international de 1989 sur La protection des droits de l homme et le principe de la non-intervention dans les affaires internes des Etats - les Principes directeurs concernant le droit à l assistance humanitaire, adoptes par l Institut international de droit humanitaire à San Remo en 1992. Les règles énoncées ci-après visent à résumer les très nombreuses dispositions consacrées aux droits et aux devoirs en matière d assistance humanitaire qui figurent dans les instruments cites. Elles peuvent offrir un point de départ pour examiner si elles sont adaptées aux conditions actuelles. 1. Les Etats ont le devoir d assurer une assistance humanitaire aux victimes qui se trouvent sur leur territoire ou sous leur contrôle. Convention de Genève III, article 26 et suiv., 72 et suiv. : assistance humanitaire aux prisonniers de guerre Convention de Genève IV, article 55 et suiv. : assistance humanitaire dans les territoires occupés article 108 et suiv. : assistance humanitaire aux internes Protocole 1, article 69 et suiv. : secours en faveur de la population civile Protocole II, article 5 (1 b et c) : assistance humanitaire aux personnes privées de liberté article 18 (2) : assistance humanitaire à la population civile Les trois résolutions de l Assemblée générale de l ONU citées plus haut et le Principe 4 de San Remo posent que c est aux autorités du territoire sur lequel se manifestent les besoins humanitaires qu il incombe au premier chef de venir en aide aux victimes. Laisser

SHS-95/CONP.805/6 - page 2 les victimes sans assistant humanitaire constitue une menace contre la vie humaine et une atteinte à la dignite de l homme. Toutes ces règles présupposent l existence d un gouvernement qui fonctionne dans l Etat considére. 2. Les Etats, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales ont le droti d offr& une assistance humanitaire à d autres Etats. Protocole 1, article 70 (i) ; Institut de droit international (1989), article 5 ; Principe 5 de San Remo : les offres d assistance humanitaire ne peuvent pas être considérées comme une ingérence illicite dans les affaires intkieures d autres Etats Les quatre Conventions de Genève, article 3 : offres de services du CICR dans les conflits de caractère non international Voir aussi les articles 9, 9, 9 et 10 respectivement des quatre Conventions de Genève (activités du CICR et d autres organismes humanitaires). 3. Les Etats, les organisations ïntergouvernementales et les organisations non gouvernementales ont le droii de fournir une assistance humanitaire à des victimes se trouvant dans d autres Etats avec le consentement desdits Etats ou, en cas de désintégration de l autorité étatique et de guerre civile, avec le consentement des autorités locales compétentes. Convention de Genève 1, article 27 : droit des sociétés de la Croix-Rouge de pays neutres de prêter le concours de leur personnel sanitaire à une Partie au conflit Convention degenève III, articles 72 et 73 : envois de secours en faveur des prisonniers de guerre Convention de Genève IV, article 59 et suiv. : secours en faveur de la population de territoires occupés article 108 et suiv. : envois de secours en faveur des internes Protocole 1, article 64 : droit des organismes civils de protection civile d Etats neutres d apporter une assistance à une partie au conflit article 70 : actions de secours en faveur des populations civiles article 81 : activités humanitaires du CICR et d autres organisations humanitaires Protocole II, article 5 (1 c) : droit à des secours individuels ou collectifs article 18 (2) : actions de secours en faveur de la population civile Résolution 46/182 de l Assemble% gt?nérale, annexe (I 3)

SHS-95/CONF.805/6 - page 3 La Cour internationale de justice, dans l ar&t qu elle a rendu en 1986 dans l affaire du Nicaragua, affirme (au paragraphe 242) :... que la fourniture d une aide strictement humanitaire à des personnes... se trouvant dans un autre pays... ne saurait être considérke comme... contraire au droit international. (La fourniture de cette aide est toutefois subordonnée au consentement de la partie considén?e à un conflit de caractère international ou non international). Les Etats ne peuvent refuser arbitrairement leur consentement à la fourniture d une assistance humanitaire (voir plus loin la règle 6). Les organisations privées ou les particuliers qui s introduisent sur le territoire d un Etat étranger sans son consentement dans le but d apporter une aide humanitaire à des victimes n agissent pas en violation du droit international, mais elles le font généralement en violation du droit interne de l Etat considér& 4. Les Etats n ont pucun devoir de fournir une aide humanitaire à des victimes se trouvant dans d autres Etats, mais ils ont le devoir defacüiter l assistance humanitaire prêtée par d autres Etats, des organisations intergouvernementales ou des organisations non gouvernementales. Si des mesures coercitives sont prises à l encontre d un Etat, les approvisionnements destinés à satisfaire des besoins essentiels de l être humain doivent en être exemptés. Convention de Genève IV, articles 23, 59-61, 108 et suiv. : libre passage des marchandises Protocole 1, article 70 (2 et 3) : libre passage des marchandises Les trois r&olutions de l Assemblée générale citées Les Principes 7 et 10 de San Remo. 5. Le Conseil de sécurité peut, en vertu du chapitre VII de la Charte, constater que l ampleur d une tragédie humaine constitue une menace contre la paix et la sécurit6 internationales et putoriser des Etats ou des forces des Nations Unies à prendre toutes les mesures nécessaires pour apporter une aide humanitaire aux victimes. Résolutions 770 (1992) (Bosnie-Herzégovine) ; 794 (1992) (Somalie) ; 929 (1994) (Rwanda) du Conseil de sécuritt? 6. Les Etats ont le devoir d accepter l assistance humanitaire fournie par d autres Etats, des organisations intergouvernementale ou des organisations non gouvernementales conformément au droit international. Il ne leur est pas permis de refuser arbitrairement leur consentement La plupart des dispositions citées au titre de la règle 3 ci-dessus sont formulks en termes péremptoires ( shah agree, autorisera, acceptera ). Si le consentement est refusé arbitrairement, les Etats, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales peuvent prendre toutes les mesures nécessaires, à l exclusion du recours à la force armée, pour assurer l accès aux victimes.

SHS-95/CONP.805/6 - page 4 Résolution 43/131 et 45/100 de l AssembkZe g&n%a.le : l abandon des victimes constitue une menace contre la vie humaine Résolution 45/170 de 1 Assembk générale (1990) (population civile au Koweït) Résolution 688 (1991) du Conseil de sécurité (populations civiles dans certaines parties de l Irak) Institut de droit international (1989), article 2 (2) Principes 3,5 et 6 de San Remo 7. Tout particulier a le &&, opposable à l Etat sous le contrôle duquel il se trouve, de recevoir une aide humanitaire, dans la mesure où ledit Etat a le droit de fournir une assistance humanitaire ou d en autoriser la distribution en vertu des règles 3,4 et 6. Toutes les garanties contenues dans les Conventions et les Protocoles de Genève en faveur des personnes protégées sont considérees comme des &As desdites personnes (articles 7,7,7 et 8 respectivement des quatre conventions). Les particuliers n ont pas de droits qui soient opposables aux Etats tiers, aux organisations intergouvernementales ou aux organisations non gouvernementales. L abandon de victimes peut constituer une atteinte au droit à la vie, au droit d être à l abri de la faim et au droit de jouir du meilleur état de sante physique et mentale possible, qui sont garantis par les deux Pactes des Nations Unies et d autres instruments de protection des droits de l homme.