Loges et Francs-Maçons à Castres en Haut-Languedoc Tarnais De 1744 à l an 6002 de la V L

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1 Loges et Francs-Maçons à Castres en Haut-Languedoc Tarnais De 1744 à l an 6002 de la V L Patrick Moron 1 Louis Vieu, maire de Castres et franc-maçon, par François PAGÈS (Castres )

2 Loges et Francs-Maçons à Castres en Haut-Languedoc Tarnais De 1744 à l an 6002 de la V L Présentation Les sources sur les loges de Castres sont relativement nombreuses et variées. Nous avons la chance de disposer de documents exceptionnels conservés par le département des Manuscrits Occidentaux de la BNF pour les loges du 18 ème et du 19 ème siècle et les Archives du Grand Orient de France, 16 rue Cadet, conservent de nombreux documents sur la première moitié du 20 ème siècle, notamment sur l Humanité et sur les premières années de la Foi Maçonnique. Les Loges de Castres ont maintenant rassemblé la période contemporaine et concernant le 19 ème siècle, elles possèdent deux très précieux recueils de tracés des loges L Harmonie Universelle (de 1845 à 1851) et les Cœurs Unis (de 1876 à 1881). Pour la première moitié du 20 ème siècle sont conservés deux livres d architecture de La Foi Maçonnique (de 1924 à1937 et de 1937 à 1951). Les historiens et chercheurs disposent de l étude monographique publiée en 1938 : La Franc-maçonnerie Castraise de 1744 à 1914 par Georges ALQUIER, qui a eu accès à des archives disparues pendant la période de l occupation et de Vichy, et qui surtout, a été luimême, témoin et acteur d une époque encore proche. Les archives municipales de Castres et les Archives départementales du Tarn détiennent des documents qui viennent souvent compléter, éclairer ou renseigner ce qui n est que suggéré par les tracés des secrétaires. Plusieurs historiens ou érudits dans des articles de revues et des ouvrages consacrés à l histoire locale ont pu éclairer le sujet, et sont cités dans une bibliographie destinée à faciliter de futures recherches. L histoire de la franc-maçonnerie à Castres est un peu chaotique, quelques sept loges se succèdent ou se superposent de l origine à nos jours avec des périodes de sommeil et de doutes, dissipés aujourd hui puisque dans la même maison, oeuvrent 2 loges du GODF, 4 d obédiences amies, GLDF, DH, GLFF et GLTSO, ainsi qu un atelier de Perfection du RÉAA-GODF tandis que la GLNF possède son propre temple où travaillent les loges de plusieurs rites. Dans ce travail, toujours en construction, j ai essayé le plus souvent possible de faire entendre le document et moins le commentaire et parce que l histoire de la franc-maçonnerie est avant tout dans une ville, l histoire des hommes qui la composent, j ai essayé de donner quelques indications biographiques, quelques portraits posés sur des noms qui pour les castrais d aujourd hui seraient complètement effacés, si leur engagement pour l amélioration matérielle et morale de l homme et de la société, n avait conduit leurs contemporains ou successeurs à donner leur nom à un boulevard ou à une rue. 2

3 La Loge Ancienne de Saint-Jean, à Castres en Haut-Languedoc Hinc Harmonia Mundi (c est d ici que partira l harmonie du monde) cette locution latine est la devise de la première loge castraise : La Loge Ancienne de Saint-Jean, à Castres en Haut-Languedoc La Loge Ancienne de Saint-Jean travaille de 1744 à 1788, elle est en sommeil de 1752 à 1773 ses membres sont alors à la guerre de Sept Ans et la fin du règne de Louis XV est moins favorable aux Lumières. Ses députés sont de 1773 à 1789 Henri Lucadou trésorier des troupes, Parisot, le Marquis du Buat, capitaine des cuirassiers, Théolon, et de Cheyssac, Grand maître des eaux et Forêts de France. En 1776, elle comprenait 49 membres et 57 l année suivante. En 1776 son Vén était de la Gascarie, ancien officier de dragons, son secrétaire Guibal aîné. En 1777 le Vén est de Lagénière, inspecteur des manufactures, et de 1785 à 1789 le comte Milhau de Saint-Martin, sieur de la Boulbène dont les secrétaires sont Rousseau de la Boissonière, peintre et architecte, et de Beaudecourt fils. C est la première Loge Castraise, ses origines remontent à 1744, une vingtaine d années seulement après l introduction de la Maçonnerie en France. Son existence dès cette époque est attestée par une planche de la R L Saint-Jean de Toulouse, ancienne fille de Clermont datée du 24 juillet Elle avait été fondée par la St Jean d Albi. En 1773 elle adresse un courrier à la Chambre des provinces du Grand Orient qui a entrepris de rassembler toutes les loges de France en validant leurs constitutions, ce qui donne parfois lieu à une compétition entre les loges, chacune réclamant la plus grande antériorité : «La Très Respectable Loge Saint-Jean de CASTRES, connue aujourd hui sous le nom de «Parfaite Union et Parfaite Vérité Réunies», vous supplie de lui accorder des Constitutions rétroactives pour l année 1744, sous le titre distinctif de Saint-Jean de Castres, Loge ancienne et fondatrice de l Ordre Maçonnique dans cet Orient». «Par délibération du même jour, 17 juillet 1773, le Grand Orient en sa chambre des provinces, faisant droit à cette requête, accorde à la Saint-Jean de Castres les nouvelles constitutions demandées pour dater avec effet rétroactif de l année A l effet de l installation et réception de la dite loge, le Grand Orient donnait commission régulière à trois officiers dignitaires de l ancien atelier. Il fut effectivement procédé à cette solennité le premier jour de la troisième semaine du onzième mois de l an 1773.» Le 5 mars 1773, LUCADOU et MORIN sont cités au tableau des «Députés des Loges du Royaume qui ont concouru aux opérations de la Grande Loge Nationale, conjointement avec les Officiers du Grand Orient» autrement dit deux franc-maçons des premières loges de Castres ont participé à la création du GODF. Morin siège au titre de la Saint-Pierre, deuxième loge castraise. Le 12 janvier 1775 la loge de Castres installe La Parfaite Harmonie à l Or de Gaillac en Albigeois. 3

4 Le tableau de 1778 indique la liste des officiers : Beaudecourt Bourgeois Vénérable De Bouffard de Madiane, seign. De Campans 1 er Surv Guibal Jeune Fabricant 2 ème Surv De Lagenière Inspecteur des manufactures Expt Garde des sceaux Fossé Avocat au parlement Orateur Guibal aîné Fabricant Secrétaire Lucadou Trésorier des troupes Trésorier De Milhau de Saint Martin Ecuyer, seign. De La Boulbène M d Hôtel Fournes Bourgeois F Terrible Peyre Avocat au parlement Hosp De Coudon Ecuyer Expt M des C Guibal Capitaine d infanterie M des C 32 FF et 4 servants complètent le tableau Pierre Job de Beaudecourt (Castres, 6 février août 1793) Issu d une famille de banquiers protestants, fondateur de la première Maison de Banque en 1780, il participa au développement économique de la ville anémiée par les conséquences du traité de 1776 avec l Angleterre. En 1779 il est Vénérable de la L de Saint-Jean L ancienne et signe Ch K S, bourgeois. Sa femme née Bedos-Campans, l aida à construire l un des plus beaux hôtels de la ville où elle tint salon. Il y fit transférer sa banque en L hôtel devenu propriété de l Etat en 1874 est l actuel mess des officiers. Le dévouement de Beaudecourt à la cause publique et la débâcle monétaire causèrent sa ruine. Au début de la Révolution, il est adjoint au Maire, inquiété, l hôtel un temps confisqué sert de maison de détention, son fils (Jean) Pierre de Beaudecourt qui a siégé «pour lui et comme procureur fondé de M. Job de Beaudecourt» pour la noblesse, dans l assemblée primaire des trois ordres le 21 mars 1789, émigre Jean GUIBAL, c est une famille dont le nom est bien connu à Castres : Jean GUIBAL aîné (Castres 5-nov.1747 La Rode Lempaut 10-oct.1835) [et son frère David (jeune) ] fils de Anne Veaute et Jacques Guibal, industriel protestant, représente le Tarn au corps législatif de l an X de 1803 à Jean est le père de Louis-David GUIBAL-ANNE VEAUTE ( ) qui introduit les cuirs-lainés en 1812 et la mécanisation de l industrie textile. Paul- Armand Guibal ( ) est le petit-fils de Jean, député du Tarn, sur la liste conservatrice il siège au centre gauche (avec Thiers) c est un républicain modéré. On note le 1 er avril 1784, la présence d un maréchal de camp qui signe Cte de Toulouse- Lautrec! Toulouse-Lautrec Pierre-Joseph (Cte. de) ( ) Troisième branche des Comtes de Toulouse, seigneur de Saint-Germier où il est né. Maréchal de camp, il représente la noblesse de la sénéchaussée de Castres aux États-Généraux de Il était la personnification des abus de l Ancien Régime, dur et méprisant pour les roturiers, il s était fait remarquer à la Cour par ses duels et ses basses flatteries envers la du Barry. Accusé de fomenter des troubles à Toulouse au printemps 1790, il émigre d abord en Espagne d où il essaie d organiser le soulèvement et de se faire envoyer «jambons et melsats», puis en Russie où il se met au service de l impératrice Catherine. Il meurt à Berlin en

5 En 1790, le 2 septembre en séance du conseil municipal sont nommés M. Beaudecourt fils, Sers de Lastours, Guibal et Henri Lucadou en qualité de commissaires pour diriger et surveiller le repas de fête patriotique qui doit avoir lieu à Castres le jour de la réunion des fédérés du Tarn. A cette réunion tenue sur le Jeu du Mail, figurent toutes les gardes nationales de l arrondissement comprenant 6000 hommes commandés par le Marquis du Lac. Alexis Philippe Auguste FOSSÉ affilié en 1807 à la R L La Saint-Jean d Ecosse de la Parfaite Amitié à l Or de Puylaurens ( ). FOSSÉ, "membre de la Légion d'honneur" (selon Tableau de 1810), avocat au Parlement avant 1789, membre du Cercle littéraire de Castres qui deviendra en 1790 la future Société Populaire de Castres qui l'élira en l'an II membre de son "comité d'épuration", puis "commissaire". Il sera ainsi "accusateur public" au tribunal criminel départemental du Tarn et fera ensuite carrière dans la justice impériale. Avec Lautrec et Fossé, mais aussi avec Beaudecourt on a dans une même loge, au fin fond de la province, l évidence que les francs-maçons ont bien été les acteurs de la Révolution, et qu ils y ont excellé dans tous les rôles! 5

6 Une loge intitulée La Triomphante des Commandeurs du Temple aurait été fondée en 1744 par La Parfaite Vérité des Commandeurs du Temple, loge de Carcassonne et figure dans la liste de 1774 des loges non reconstituées. On trouve une cantate maçonne à grande symphonie qui lui est adressée par la loge l Amitié de Bordeaux, à l occasion du mariage du Dauphin avec Marie-Antoinette et reçue par eux le 5 août 1770, Ariette : «Amis de l humanité, célébrez cette alliance : ce don de la Providence, Est le sceau de sa bonté ; Par lui la fertilité, Les ris, les jeux, la victoire De votre postérité, Feront la félicité, Le vrai bonheur et la gloire» Le discours de l orateur célèbre l évènement heureux qui vient de réunir, par un auguste hyménée, les deux plus puissantes couronnes de l Europe et la qualité de l ouvrage des chers frères de Bordeaux, de ces illustres maçons, dignes des hommages de toutes les Loges régulières de France : leur temple mérite l immortalité. Ces documents, extraits à la fin du 19 ème siècle d un registre des archives de la ville de Castres ont aujourd hui disparu et on ne sait rien d autre de cette loge. 6

7 Saint-Pierre à l Orient de Castres Les premières constitutions fixent la date du 8 décembre 1770 pour la première Loge de Saint-Pierre à l Orient de Castres en Albigeois elle a Pierre AUGER, receveur de la loterie pour vénérable, BOMPAR 1 er surveillant et FABRE 2 ème, et elle est en conflit avec l Ancienne de Saint-Jean qui proteste contre sa création ; ce qui justifie en réponse, l adresse à la Chambre des Provinces : «Les FF de la loge St Pierre de l Orient de Castres ont la faveur de vous exposer qu ayant eu le malheur de sentir toute l amertume du fiel empoisonné qui s est mêlé à la pureté du lait de cette tendre mère, ils ne cessent de pleurer sur tous les maux qui en ont résulté et portent leurs vœux dans cet asyle sacré pour y exposer leurs présents besoins». La deuxième charte constitutive est datée de mars Enfin c est dans une tenue régulière du 5 novembre 1773 que la loge décide d adresser [ ] (une) demande de reconstitution [ ] le tout adressé au Duc de Luxembourg, administrateur des Loges Régulières de France. La Chambre des Provinces du Grand Orient a statué sur cette demande le 15 novembre 1772 [ ] L installation du nouvel atelier eut lieu par ses propres moyens, [ ], le treizième jour du neuvième mois de 1774.» En 1776, son Vénérable est Desclassans, imprimeur ; son secrétaire Deltit fils, marchand. Bataille, négociant, fut son vénérable en 1785 et Marture son secrétaire de 1785 à 1789 Jusqu en 1789 ses députés sont MORIN, receveur de la Loterie royale à Paris, et PICARD, procureur au Parlement, officier du G O Elle travaille de 1775 à Moins aristocratique dans son recrutement que la Saint-Jean, ses membres plus proches des acteurs de la Révolution, sont bourgeois, marchands, artisans, il y a aussi un officier, un prêtre, ce qui n empêchera pas sa mise en sommeil dès Elle attendit jusqu à 1808 pour demander son réveil. Sa devise est alors «Fundata super firman pétram» (fondée sur une pierre solide). Nous sommes sous l Empire et l illustre F Lacépède nommé Vén d honneur, apparaît comme son protecteur et représentant auprès du Grand Orient. 7

8 L Harmonie Universelle En 1810, la loge éprouve le besoin de changer de titre : elle décide à l unanimité de ne plus porter désormais le nom de Saint-Pierre, mais bien celui de «L Harmonie Universelle». La devise de l Harmonie Universelle est à cette époque «In universum concinat gallus ; mentes nostrae laetiscent (Que le coq Gaulois chante en cœur dans le concert européen ; nos esprits s en réjouiront). En 1812, le douzième jour du onzième mois (janvier) de 5811, le Vénérable Charles VASSAN, propriétaire et Maire (?) de Castres, Chevalier Rose Croix, établit que la loge occupe le soixante-dixième rang par ordre d ancienneté, il rédige un long mémoire citant toutes les loges par ordre d ancienneté. Dans l annuaire de 1813 il obtient même un classement au 68 ème rang sous le titre de R L L Alliance Universelle à l Orient de Castres (!) En 1813, le huitième jour du sixième mois, la Loge demande la cumulation du Rite Ecossais Ancien et Accepté, [ ] et enlève la décision le 8 février Un chapitre Rose Croix est créé dès 1810 souché sur la loge symbolique il en garde le titre distinctif et aura des membres prestigieux, dont : Maréchal Jean-de-Dieu SOULT (Saint-Amans ) Fils de notaire, entré dans l armée en 1785 sous l ancien régime, il rejoignit les armées de la révolution et devint général après Fleurus en1794 Combattant avec l Armée du Rhin, du Danube, de Sambre et Meuse, d Italie. Il devint gouverneur du Piémont. Maréchal d Empire il combattit à Austerlitz, Iéna, Eylau. Duc de Dalmatie, il occupa Séville. Fut chassé d Espagne par son F Wellington qui le poursuivit jusqu à Toulouse! Ministre de la Guerre de Louis XVIII, il fait la fortune de Castres en obtenant les marchés du drap militaire, mais interdit par circulaire la fréquentation des loges par les officiers. Pair de France sous Charles X en1827, il est d abord ministre de la Guerre puis des Affaires Etrangères de Louis-Philippe et enfin président du Conseil. Grand Officier d Honneur du Grand Orient de France, en 1806 et Il est membre du Chapitre L'Harmonie Universelle en 1813 tout comme semble t-il le Maréchal Mac Donald d après Daniel Ligou (Tabl. Imp. Coll. Du F Baylot BNF). Son diplôme de maître perdu depuis la campagne d Espagne en 1813 lui est restitué en 1850 par la Grande Loge d Angleterre. En 1848 il devient républicain mais meurt peu après dans son château de Soult Berg, près de son lieu de naissance. 8

9 Le livre d architecture de l Harmonie Universelle couvre sur 301 feuillets les 5 dernières années de la loge. Il est particulièrement émouvant par la richesse des tracés qui rendent compte d une époque de grands bouleversements politiques et sociaux. On y fréquente les secrétaires qui se succèdent, on reconnaît leurs écritures régulières à l orthographe et à la ponctuation sans défauts, aux encres brunes ou bleues, parfois en cours d effacement. Abondamment utilisé par le F Georges ALQUIER, son crayon souligne en 1938, un passage retenu pour son livre et en 1964, il pointe, au stylo à bille rouge, les présences de Gaston de Sonis La séance du 21 octobre 1845 inaugure le livre d architecture qui couvre les cinq dernières années de l Harmonie Universelle jusqu à sa fermeture brutale en «A la Gloire du G Arch de l un, au nom et sous les auspices du G Or de France le 21 ème jour du 10 ème mois de la V Lum 5845, les membres de la Respectable loge de St Jean sous le titre distinctif de l Harmonie Universelle à l Or de Castres régulièrement constituée au rite français et écossais fraternellement réunie pour une séance d obligation, les travaux ont été ouverts au grade d apprenti à l Or et à l Oc et à l heure de midi plein par le f BARTHE aîné 1 er surveillant occupant le fauteuil par décision de la loge» Au cours de cette tenue le F Barthe fils aîné, sera élu vénérable titulaire et le restera jusqu en V M Jean BARTHE aîné 1 er Surv Jean NOZIERES père ou NAUZIERES 2 ème Surv Auguste FOURES Orat Vincent PIEGLOWSKI, adjoint Amédée NOZIERES fils Secr Frédéric DURAND secret adj. Mathieu MARIÈS Tres BONNOT 1 er Exp Vincens GLINISKI 2 ème Exp François BARTHE Garde du Sc Paul PERILHOU M des cer MATHON adjoint DONS Hosp Auguste BASTIÉ Architecte BESSERY Porte étendard Louis RAMOND Sa zone de recrutement s étend alors à tout le sud et l est du département du Tarn, mais plus particulièrement à Castres et Mazamet, la Montagne : Roquecourbe, Montredon- Labessonnié, Viane et Vabre et jusqu à Lacaune ; et vers le sud : Soual ou Puylaurens et aussi Revel. La loge possède un effectif important, 85 membres qui se réunissent rue Durenque, parmi eux, près de 25% de militaires, des commerçants, des fonctionnaires, des «propriétaires», des petits patrons mais pas d ouvriers. Le recrutement est abondant. On arrive jeune à la Loge, entre 20 et 35 ans le plus souvent, rarement après 40 ans On démissionne, ou on est radié facilement. Il y a initiation ou augmentation de salaire une tenue sur deux en moyenne, la carrière est très rapide et il n est pas rare d être élu officier un an après avoir été admis aux épreuves. 9

10 Le 8 novembre 1847 on note par exemple les candidatures des profanes Hyppolite LOUIS, économe au Collège de Castres âgé de 26 ans ; Henri AUSTRY, voyageur âgé de 26 ans né et domicilié à Castres (initié le 19 août 1848) et de Jean GET, 24 ans voyageur, né et domicilié à Revel. Puis quelques jours plus tard Léon BADER, 34 ans né à Strasbourg, professeur d histoire au Collège de Castres. L ordre du jour de la loge, qui se réunit deux fois par mois au minimum sans interruption estivale, et parfois toutes les semaines ou plusieurs jours en suivant, est invariable : «les membres de la Respectable loge de St Jean sous le titre distinctif de l Harmonie Universelle à l Or de Castres régulièrement constituée au rite français et écossais, fraternellement réunie pour une séance d obligation, les travaux ont été ouverts au grade d apprenti à l Or et à l Oc et à l heure de midi plein» puis se succèdent : adoption de la planche tracée des derniers travaux qui reçoit la sanction d usage, introduction des visiteurs, lecture de la correspondance, vote sur les admissions, cérémonies d initiation, parfois des questions ou des thèmes à étudier parviennent dans le sac des propositions dont le rôle est alors particulièrement important, c est ainsi que sont communiquées les candidatures ainsi que les rapports sur les profanes. Le tronc des pauvres est scrupuleusement noté et après que n ayant plus rien à délibérer dans l intérêt de l ordre en général, ou de la loge en particulier, les travaux sont fermés à minuit plein, à l Or et à l Occ et chacun s est retiré en silence et en ordre. Le 7ème jour du 1 er mois 5848 de la V L, qu il faut lire mars et non janvier puisque sont déjà évoqués les événements du 25 février qui conduisent à la proclamation de la deuxième République, le F Léon BADER présente une liste de neuf ouvriers jugés dignes d être reçus en qualité de maçons, libres d assister à toutes les séances, avec une cotisation très réduite ou laissée à leur discrétion, mais toutefois dépourvus de tous les droits possédés par les M réguliers. Une semaine plus tard, le 8 mars, la commission nommée pour étudier cette question a décidé que la L ne pouvait admettre en son sein des membres à cette condition. Elle propose toutefois d inviter deux fois par semaine le jeudi et le dimanche soir le plus grand nombre d ouvriers que chacun pourrait amener dans la salle des pas perdus qui sera aménagée pour recevoir jusqu à 300 personnes assises! Le F BADER fait adopter le programme de ces séances et il est décidé d imprimer des invitations nominatives. On se rend alors compte qu il devient urgent de choisir un local plus grand pour y transporter les cours du jeudi et du dimanche qui se tiennent dans la salle des pas perdus! Il est finalement décidé de continuer dans ce même lieu mais que cinq membres se joindront aux cinq lumières pour dresser un programme de questions à développer! Les références à l actualité apparaissent parfois à l occasion des planches prononcées à l occasion des cérémonies d initiation. Le 18 mars, l orateur évoque la devise sublime que les Maçons ont toujours eu dans le cœur depuis des siècles. Il a tracé aussi d une manière énergique les nouveaux devoirs que nous impose l état de crise qui traverse en ce moment la société. Le 25ème jour du 1 er mois de la V L 5848, c est une planche du G O qui est lue disant combien la maçonnerie devait être fière de voir sa devise Liberté, Egalité, Fraternité, proclamée et adoptée partout. Mais comme le droit d arborer cette devise a coûté du sang à la France, a fait des veuves et des orphelins, le G O nous annonce qu il a ouvert une souscription pour venir au secours de ces victimes [ ] La loge souhaite voir triompher les hommes purs, probes et franchement dévoués à la République. Elle soutient à fond la République de février et après juin1848 s oppose au parti de l Ordre Moral. 10

11 On doit noter une importante présence de FF d origine polonaise, arrivés après 1831, parmi eux Vincent PIÉGLOWSKI qui jouera un rôle très important dans l histoire de la francmaçonnerie castraise Vincent Piéglowski (Charles Vincent) (Varsovie ou Sadomir [Pologne], 1811 Castres 1896) Issu d une famille polonaise connue, il se réfugie en France après l écrasement par la Russie tsariste de l insurrection de Après des études médecine à Montpellier, il vient à Castres pour y exercer la profession médicale. Il y épouse Anna Cambon de Lavalette, et devient rapidement apprécié pour ses qualités professionnelles et humaines. Animé d un idéal de progrès, il entre à la loge maçonnique de Castres (qui compte alors 9 réfugiés polonais). Le 9 décembre 1847, par 17 voix sur 24 votants celle-ci le désigne comme Vénérable. Il le restera jusqu à l élection de son successeur Nauzières et son installation le 21 décembre Il lui arrivera encore de tenir le premier maillet quelques tenues avant la fermeture de la loge au lendemain du coup d Etat du 2 décembre Naturalisé français en1848, actif républicain, il est inquiété après le coup d Etat. Il est conseiller municipal à trois reprises ( , , ). Présent à l allumage des feux des Cœurs Unis en 1876, il pourra à nouveau faire partie de l atelier à partir de Piéglowski (que les castrais appellent Pieglouski) était devenu médecin en chef de l hôpital de Castres et médecin de la Compagnie de chemin de fer du Midi. Le 2 décembre 1880, à l unanimité, le F PIEGLOWSKI est nommé Vén d Honneur de la R L Les Cœurs Unis, et Jean-François BATUT réalisera son portrait. De nombreux militaires s affilient au gré des mouvements de leurs régiments : le 4 ème Chasseur, le 5 ème Hussard ou le 10 ème Chasseur par exemple. La loge organise de grandes festivités pour accueillir le régiment ou pour saluer son départ et dispose d une commission militaire pour organiser les candidatures Parmi eux le cas devenu singulier du jeune Gaston de Sonis. Gaston de Sonis (La Guadeloupe Paris1887) est un officier de l'armée française qui s'est particulièrement illustré lors de la bataille de Loigny durant la guerre de 1870, où il perd une jambe. Il est né à la Guadeloupe où son père était officier. Après Saint-Cyr, sous-lieutenant, il rejoint l'école d'application de Cavalerie à Saumur. Initié par la Loge, La Persévérance à L Or de Saumur le 22 avril 1848, il rejoint le 5e régiment de hussards basé à Castres, et s affilie à L Harmonie Universelle, qu il fréquentera assidûment entre 1848 et 1849, jusqu au départ du régiment pour Pontivy à la suite d incidents entre militaires et population civile. Remplaçant régulièrement le 1 er surveillant, il sera élu 2ème Maître des Cérémonies le 16 ème jour du 10 ème mois de 5848 (16/12/1848). Quitte-t-il la franc-maçonnerie à l occasion de son mariage le 18 avril 1849 avec Mlle Anaïs Roger, fille d un notaire de la ville comme le pense son biographe Mgr Baunard, ou, comme le suppose Georges Alquier, en 1852 après une grave chute de cheval? En tous cas le 16 août 1851, de passage à Castres, il visite la loge et le Vén Nauzières père l invite à prendre place à l Or et à la tenue suivante le 30 août, sous la présidence du F Piéglowski, il occupe le plateau de 1 er Surv pour l initiation du F Louis-Philippe VIALA! 11

12 Après Paris, Limoges, où il est nommé capitaine en 1854 et qu il quitte pour l'algérie. Il commande la charge de son escadron lors de la bataille de Solférino. En 1859 il se porte volontaire pour la campagne du Maroc. De retour en France, il est nommé général commandant le 17ème Corps d'armée de l'armée de la Loire. Les quatre dernières années de sa vie se passeront à Paris dans une atmosphère très religieuse. Il est aussi connu pour avoir combattu en 1870 à la tête des zouaves pontificaux et des Volontaires de l'ouest sous l'étendard du Sacré-Cœur de Jésus. Depuis le 6 octobre1928 son procès en béatification est ouvert en Cour de Rome et une amusante polémique née en 1956 sur son appartenance à la franc-maçonnerie est aujourd hui encore nourrie sur Internet ou ses adversaires cléricaux affirment que «le général de Sonis est un clown!» Un négociant en draps originaire de Dourgne, Auguste JAURÈS, né le 27 octobre 1781 sera vénérable en 1814; son frère Pierre-Jean JAURÈS négociant lui aussi né à Dourgne le 11 août 1785, également membre de l atelier, était le grand père de Jean JAURÈS (Castres1856 Paris 1914) qui ne voudra jamais être franc-maçon. Jules BARBAZA (Castres ) fabricant ou négociant, domicilié à Castres, est l oncle maternel de Jean Jaurès. Il est initié le 23 août 1847 par la loge l Harmonie Universelle, il en est élu secrétaire le 16 ème jour du 10 ème mois de

13 Fin septembre en 1848, le f Auguste Fourès tient le plateau de 1 er Surveillant, et De Sonis celui de second surveillant. A la tenue suivante le 6 octobre, dans une grande émotion, la loge apprend le décès survenu le jour même, de ce f commis négociant, âgé de 32 ans : «Le vén annonce avec une vive douleur la mort prématurée et inattendue de notre F Fourès. L atelier reçoit cette nouvelle avec une tristesse profonde. Une batterie de deuil est tirée à sa mémoire. La plus grande consternation est peinte sur tous les visages. La loge accompagnera encore la dépouille de notre T C F à la dernière demeure. Les cordons du poêle seront tenus par les ff Bonnot, Périlhou, Austry, Gallois, les autres ff suivront derrière le cortège rangés trois par trois. Le Vén et les Surv à leur tête. Après la cérémonie de l église tous les ff mettront leurs décors et se rangeront au bord de la fosse. Il est décidé d organiser, en grand apparat, une tenue funèbre, ce sont De Sonis et Nauzières père qui seront MM des Cér. Les FF Jalabert, Périlhou, Barbaza iront remercier le profane Abeilhou curé de St Jacques de la conduite toute bienveillante qu il a tenue à notre égard et l inviteront à assister à la cérémonie funèbre, qui aura lieu le 28 octobre 1848, et dont la relation occupe les pages 146 à 150 du livre d architecture, ce qui nous permet de rentrer dans le détail d une cérémonie exceptionnelle tant par la décoration du temple, que par le rituel utilisé ou les paroles prononcées. Fête funèbre en mémoire du F Fourès La séance présidée par le V Piéglowski est entièrement consacrée au cérémonial qui doit précéder et suivre l oraison funèbre du F Fourès. Les décors ordinaires du temple se dérobent aujourd hui sous de sombres draperies, mais on lit encore sur l entrée notre sublime devise : «Ut omnes unum sint» [que tous ensemble ne forment qu un seul bloc, un seul esprit] Sur les parois des bas-côtés tendus de noir, se détachent en blanc les emblèmes mortuaire. L Orient est tendu de blanc ; de sa corniche et de l architrave des colonnes du Temple tombent en larges festons des draperies noires grangées de blanc. L autel est entièrement recouvert d un magnifique poêle dont les emblèmes frappent les regards. Au milieu du Temple s élève un cénotaphe ; le poêle triangulaire est surmonté d une pyramide à trois côtés ; un angle est tourné vers l orient. La face qui se voit en entrant dans le temple porte une large couronne de cyprès au milieu de laquelle se détachent en blanc sur le fond noir les initiales entrelacées A.F La face du midi porte le glaive et le Cordon de 1 er Exp sur deux rameaux d acacia.celle du Nord porte le sabre, les épaulettes et le hausse col de capitaine de la Garde Nationale. Les membres de l atelier et les maçons de notre Or sont rangés sous les bas côtés du temple, et près du V à l Or Les banquettes qui sont entre les colonnes sont réservées pour les parents et les amis que le F Fourès avait dans le monde profane. Un frère que nous aimions tous nous a été enlevé, dit-il, nous nous inclinons devant les décrets de sa sagesse infinie, mais permet à tes enfants de donner à cet ami que nous avons perdu, un témoignage de l estime et de l affection qu il nous avait inspiré. Il termine en priant le G A de l U de considérer ave bonté les actions de notre f Fourès et de lui donner la récompense du juste pour le bien qu il a fait sur cette terre. Amen! amen! amen! répondent les surveillants et tous les ff Un roulement funèbre se fait entendre en ce moment. 13

14 Le F TEULLIÈRE, Orateur s exprime ensuite évoquant tout le souvenir de ce f dans la vie privée, militaire et maçonnique, l orateur ne nous donne pas la cause de ce décès qui, survenu à l âge de 32 ans, pourrait bien être un suicide. Evoquant sa vie maçonnique, il le montre le plus dévoué, le plus ardent, le plus infatigable, apportant dans les discussions une intelligence rapide, un sens droit. Rappelant devant l auditoire les attaques injustes, les imputations calomnieuses, dirigées dans ces derniers temps contre notre R L et dont Fourès avait eu sa large part. L orateur proteste énergiquement. Non pas parce qu il éprouve le besoin de repousser des attaques passionnées qui peuvent encore s adresser à nous, mais parce qu il considère comme un devoir impérieux d en défendre la mémoire de Fourès. Banquet, fête solsticiale Batterie d allégresse maintenant pour évoquer l un des nombreux banquets ou fêtes solsticiales, qui sont l occasion de recevoir les délégations des loges amies, loges sœurs que l on affilie en échangeant des garants d amitié. La fête a lieu deux fois par an pour le solstice d été et pour celui d hiver. En décembre 48, on fête la République, dans la salle des banquets. Plus de soixante M se sont assis en fer à cheval autour d une table magnifiquement éclairée sur laquelle des mets d une abondance recherchée attendaient la mastication fraternelle. A la République Française Démocratique une & indivisible tous les canons ont tirés par trois fois successives la 1 ère fois à La France la 2 ème fois au président de la République la 3 ème fois à l Armée [ ] et la dernière santé portée d après les règles et formalités voulues par les statuts avec les FF surv et la chaîne d union. Les travaux ont été fermés à la manière accoutumée. Quant tous les FF ont quitté leurs décors, une colonne d harmonie a été introduite et nous avons eu la faveur d entendre des hymnes maçonniques chantées avec un ensemble et une netteté d exécution qu ont valu à tous les chanteurs des applaudissements unanimes. Le F Orateur [Léon BADER] s est adressé à ces hommes de travail et de bonne volonté il les appelle nos FF par le labeur il a montré les rapprochements sans nombre qui existent entre les M et l ouvrier ; symbolique partout de notre belle institution par le tablier, par le marteau, par tous les instruments de travail qui décorent notre temple. Et après leur avoir dit que la M avait primitivement été organisée par des ouvriers et pour des ouvriers. Il a ajouté que tout ce que nous faisions encore était pour eux, que nous ne connaissions pas de patriciens et que nous marcherions toujours avec les travailleurs parce que là étaient nos sympathies, nos convictions et nos espérances, ces paroles ont été couvertes d applaudissements. Dans une autre tenue, le V insiste fortement après nous avoir montré l influence qu ancra la maçonnerie sur les relations au peuple par un exemple émouvant tiré de la présence au trône de notre Or de deux nobles proscrits. Après avoir salué de ces quelques mots affectueux nos FF visiteurs PINOWSKI, THOMAS et MONTSARAT, paroles partagées par tout l At il finit en invitant notre F LAVERGNE à user de l influence que lui donnent son talent et sa position pour le bien de l œuvre commune. Le vénérable à la suite de ce discours nous invite à applaudir aux sentiments vraiment maçonniques qui y sont exprimés. Nous nous joignons à lui dans une triple salve de batterie. 14

15 Deux FF régulièrement cités, les FF LAVERGNE et THOMAS : Bernard LAVERGNE, Barthélemy, Martial, initié à l âge de 32 ans le 18 septembre 1847, jeune médecin à Montredon-Labessonnié où il né en 1813, élève de Sorèze sous Ferlus, après des études de médecine à Montpellier il revient exercer dans le Tarn et vif opposant au gouvernement de Louis-Philippe, est élu député en 1849 sur la liste rouge (aile gauche du parti républicain, démocrate-socialiste comme on disait alors, radical comme on dira 20 ans après) Le F Lavergne réside à Paris, il est avec le F Nicolas représentant de la loge auprès du G O Il sera avec les députés de l opposition, détenu à la prison de Mazas au moment du coup d Etat, prison dont Jules Vallès disait : «Je n y enverrai jamais, jamais, un adversaire et jamais, même un ennemi». En 1876 il est élu député de l arrondissement de Gaillac et alla siéger à la gauche modérée. Il attaqua avec ardeur le gouvernement du 16 mai et publia une série de brochures politiques en patois, sous forme de lettres aux paysans qui lui valurent des poursuites du ministère et deux condamnations à l amende. A aussi publié : «L agriculture des pays pauvres, Curés et Pasteurs». A nouveau élu député du Tarn en 1885 puis sénateur en 1889 et 1891, il soutint les gouvernements républicains, à l issue de son mandat, le 27 janvier 1900, il ne se représente pas. Frédéric THOMAS (Castres1814 Paris 1884) journaliste, avocat, écrivain, poète, il publie à 19 ans le Fashionable, puis à Toulouse le journal La Patrie qui est traîné en justice, il doit alors s éloigner à Paris. La révolution de 1848 le fait revenir dans le Tarn, où il échoue aux élections à la Constituante. Il est reçu en visiteur à l Harmonie Universelle le 17 janvier 1849, il est alors membre de la L Saint-Antoine du Parfait Contentement à l Or de Paris. Parlant des attaques que le monde profane dirige contre notre institution, on peut dit-il appliquer à la maçonnerie ce proverbe Arabe : «Les chiens aboient après la lune, mais la lune n en brille, pas moins.» Il fonde l Electeur du Tarn et crée la Société Fraternelle des Ouvriers Castrais. A Paris il collabore à de nombreuse publications, multiplie les romans-feuiletons, les nouvelles et les pièces de théâtre : «Les vieilles lunes d un avocat» 1863 ; «Du châtiment et de la réhabilitation» 1874 ; «L héritier du chien» En 1868, il devient président de la Société Des Gens de Lettres. Préfet du Tarn en 1870, il démissionne en 1871 par solidarité avec Gambetta, il est élu député du Tarn en Il fut l un des principaux instaurateurs de la République à Castres, en 1877 alors membre du Conseil Général du Tarn, il assiste à l ouverture des Cœurs Unis. En 1879 il prononce «au nom des amis du défunt» l éloge funèbre du Baron Taylor. Ses funérailles solennelles ont lieu à Castres le10 février 1884 L engagement social et républicain de la loge est total et apparaît dans les discours prononcés à l occasion des fêtes solsticiales, dans les travaux à l ordre du jour et dans les institutions patronnées ou instaurées par la loge qui redouble d imagination pour mener ses projets à bien, nomme des commissions chargées de rendre compte régulièrement devant la loge et tisse des liens avec des orients parfois lointain pour s enrichir de l expérience des autres. On peut regretter que dans le livre d architecture les rapports de soient pas retranscrits, il sont seulement cités et aussitôt versés aux archives pour pouvoir être consultés dans la salle de lecture! Le F BARBAZA (oncle de Jaurès) propose à l atelier de s occuper d une question pratique dont tous les esprits se préoccupent en ce moment dans le monde profane. Cette question, multiple sur tous les points de vues, pratique et théorique, est le problème de la viande animale à bon marché pour la classe ouvrière. Il appuie fortement sur le point pratique de la 15

16 consommation de la viande qui pourrait selon lu être livrée en ce moment à un prix beaucoup plus bas que celui qu elle coûte aux consommateurs. [ ] Le F AUSTRY, Orateur promet, lui, de soumettre un projet de boulangerie sociétaire d après lequel il serait possible de faire réaliser à l ouvrier d importantes économies sur le pain, élément indispensable de son alimentation. Le projet de boulangerie sociétaire est présenté et discuté dans les tenues qui suivent, le F AUSTRY prenant contact avec la loge de Dijon où existe une expérience similaire. Il dépose un nouveau rapport aux archives de la loge à propos de la boulangerie sociétaire : «La loge décide que vu que les boulangers prélèvent un bénéfice de 4ç par L [livre] sur le consommateur, elle établira sous son patronage une boulangerie à bon marché et qu elle s occupera des moyens de sa réalisation prochaine.» La décision a été prise à l unanimité. Mais ces archives ont disparu, et bien souvent nous ne savons pas ce qu il est advenu de tel ou tel projet débattu en loge parfois pendant plusieurs années. Entre juillet 1847 où le projet est présenté et à la toute dernière tenue, la dernière action entreprise, le grand chantier qui mobilise et fait la fierté de la loge, c est l établissement d une crèche dans la ville de Castres. Sa création répond à un besoin minutieusement étudié par les FF en commission puis voté à l unanimité par l atelier. La crèche Saint-Jean, est une oeuvre philanthropique tenue par des dames patronnesses, elle fut dirigée par Madame Fourgassié-Vidal, (épouse du banquier protestant élu représentant du peuple sur la liste rouge en 1849) et administrée en direct par la loge, tous les frères y compris les nouveaux initiés, sont souscripteurs chacun selon ses moyens. Lorsque le besoin s en fait sentir les FF redoublent d imagination pour lui trouver de nouvelles ressources ainsi : Le 7 ème jour du 2 ème mois de l an 5849 de la V L (07/04/1849) La L St Jean sous le titre distinctif de l harmonie Universelle à l Or de Castres considérant les services important rendus à la population ouvrière par la crèche St Jean qui a été fondée par la L et qui est en grande partie soutenue par les souscriptions des FF. Considérant la nécessité de développer cette utile institution, d augmenter notamment le nombre des berceaux devenus insignifiants et de pourvoir d une manière durable au maintien de l œuvre. Considérant d un autre côté que les chants maç du F Edouard Bruguière, ont été vivement goûtés de tous les membres de l atelier, notamment aux fêtes de l ordre dont elles ont rehaussé le charme et la solennité. Désirant faire participer les autres FF au plaisir que lui ont fait ces compositions qui semblent destinées à obtenir dans les ateliers un succès aussi légitime et aussi universel que celui dont jouissent dans le monde profane les œuvres musicales de ce compositeur si justement renommées acceptant en conséquence avec reconnaissance l offrande que lui fait ce F de chants Maç Arrête 1 er les chants maçon du F Edouard Bruguière seront réunis en un album qui sera publié aux frais de l att 2 L autorisation sera sollicitée du G O de France de faire cette publication sous ses auspices 3 Des exemplaires de cet album seront offerts à toutes les L de France au prix de Cinq francs par exemplaire. 4 les bénéfices que l atelier pourra faire sur cette publication, seront consacrés à soutenir et développer l institution de la crèche de St Jean et des autres œuvres philanthropiques que la L se propose de créer successivement. 5 Des remerciements sont votés au F Edouard Bruguière. 16

17 Cet album est aujourd hui conservé à la Bibliothèque municipale de Castres, il comprend un frontispice lithographié par les FF Coste et plusieurs chants, chœurs et ou solos, maçonniques ou républicains, avec les partitions qui permettent de les interpréter. Une autre fois ce sont des billets de la loterie qui doit se faire au profit de la crèche qui sont pris par les membres de l atelier ou aux frais de la loge. Régulièrement des nouvelles de la crèche sont données par l orateur qui assure que «le côté matériel de l institution charitable dont il s agit est des plus satisfaisant tant sur le rapport du personnel que sous le rapport des soins et de la propreté donnée aux enfants. Ce qui prouve la prospérité de l établissement c est le nombre toujours croissant de demandes d admission et l impossibilité où se trouve l administration de les accorder à cause du nombre restreint des berceaux qui sont tous occupés. Un autre jour, le Vén fait part de l état prospère de la crèche ; il n y a que 16 berceaux dans cet établissement de bienfaisance et pourtant on soigne jusqu à 20 enfants et bientôt on espère en voir porter le nombre à 25. Enfin le1 er novembre 1851, après avoir donné le détail sur la situation prospère de «notre» crèche relativement au nombre d enfants qui la fréquentent, le V fait part de la pénurie de linge qui s y fait sentir et annonce en même temps que pour remédier à ce fâcheux état, quelques FF ont eu l idée de créer une lingerie spéciale avec le produit d un concert donné dans le local même de la L. Ce projet est unanimement adopté. Le F M des cér annonce que le concert au bénéfice de la crèche aura lieu le 23 courant! 17

18 Séance du 22 9 bre 1851 C est la dernière séance, l ordre du jour est très banal et rien ne laisse présager l interdiction imminente, 15 frères sont présents : Nauzières père V, Piéglowski 1 er surv Ricole 2 ème surv, H. Coste Or, Nauzières fils secr Pariot, Izar, Jalabert, Beaujon, Bruguière, Rey, Blanc, Loup, Bories, Mariès. [ ] Les travaux ont été fermés à l Or et à l Oc, [à] minuit plein et à la manière accoutumée, chacun s est retiré en ordre et en silence. Par mandement de la L Le secret Mais ce tracé n est pas signé, et le feuillet suivant portant le numéro 302 est resté vierge Accusée d avoir songé à provoquer des troubles au lendemain du 2 décembre, la loge fut fermée dès le 9 décembre L arrêt de la vie maçonnique officielle à Castres fut complet pendant 24 ans. La loge de 1848 avait laissé une telle réputation politique que la sous-préfecture et la préfecture refusèrent toutes les demandes de réouverture : aussi bien sous le Second Empire qu au début de la III ème République où ses membres sont jugés trop politiquement dangereux. Les tentatives faites pour réveiller cet Atelier, sont demeurées infructueuses en raison de l opposition du Préfet du Tarn jusqu au moment où le Grand Orient décida de procéder différemment : en changeant de nom et en excluant de la liste des candidats à la constitution de la nouvelle loge les républicains les plus militants. 18

19 Les Cœurs Unis Si le livre des tracés de l Harmonie Universelle portait sur les 5 dernières années de la loge, le registre manuscrit de 138 feuillets numérotés au recto seulement (276 pages également reliées par le F Henri COU de la R L la Foi Maçonnique) porte sur les 5 premières années des Cœurs Unis de 1876 à 1881, c est donc la suite de l histoire maçonnique castraise après 24 ans d interruption. 19 août 1876 Première tenue de la loge les Cœurs Unis au rite français, en instance à l O de Castres le 20 ème jour du 6 ème mois de l an de la Vraie Lum août 1876 E V En présence des FF PIÉGLOWSKI et NAUZIÈRES et du F Frédéric THOMAS Les VV MM en seront : LABADIE ( ) puis BARTHAS ( ), et COSTES ( ), Paul CASTEL en 1887, Joseph LAVAL en 1888, et Albert LAUTH en1892, vers 1898 Jean-Adrien de CARBON FERRIÈRES «Le septième jour du onzième mois de la Vraie Lumière 5876 (21 janvier 1877), la Respectable Loge Les Cœurs Unis, régulièrement constituée au Rite Français par le Grand Orient de France, a ouvert ses travaux sur le point géométrique connu des seuls vrais maçons, dans un lieu très fort et très éclairé, où règnent le Silence, la Paix et l Equité.» Pour contourner l hostilité préfectorale, après des tentatives infructueuses en 1874 et 1876, il fut décidé d adopter un titre distinctif ne rappelant pas l Harmonie Universelle, malgré la présence de plusieurs Frères dont deux anciens Vénérables : Nauzières et Piéglowski à l allumage des feux. Cette loge sera engagée dans le combat laïque, elle est constituée de FF d extraction aisée, on y trouve des manufacturiers, négociants, merciers en gros, distillateurs, un huissier, un voyageur de commerce et un maître d hôtel, le Vénérable LABADIE (R+C), mais il n y a plus de militaires. Ses travaux avaient pourtant débutés sous l invocation : «Grand Architecte de l Univers, Dieu de bonté, source de toute miséricorde, Nous plaçons sous ta divine protection ce Temple que nos mains ont élevé à ta gloire». Le frère Orateur avait ensuite adressé une longue prière au Seigneur lui demandant de répandre les bienfaits de la paix et le trésor de sa bénédiction! «Essence de bonté! Dieu du Monde! Etend jusque sur nous les précieux effets de ta Grâce ; laisse tomber au milieu de nous, un rayon de cette Lumière qui éclaire la raison de l homme et qui le fortifie dans les sentiments de l amour qu il te doit.» Au printemps suivant le ton change. Le Pasteur du village de Berlats, Emile BOUBES, initié le 24 mars 1877, est deux mois plus tard, le rapporteur devant la loge du vœu n 9 qui au Convent de 1877 présidé par le Pasteur Frédéric DESMONS, supprime l article «La Maçonnerie a pour principe l existence de Dieu et l immortalité de l âme.» T T C C F F «La première impression de votre commission sur le grave sujet dont vous avez bien voulu lui confier l étude est que tous les arguments ont été épuisés par les divers orateurs 19

20 qui, au convent de 1876, ont pris la parole pour défendre ou combattre le vœu tendant à retrancher de notre constitution cette déclaration : «La Maç a pour principe l existence de Dieu et l immortalité de l âme.» [ ] Un fait à frappé notre commission, c est que, en réalité, ce n est pas la croyance en Dieu et à l immortalité de l âme qui est le principe de la Maç. Elle n a pas d autre base que la solidarité humaine, c est à dire l amour de tous les hommes, le respect de toutes les opinions, le progrès constant dans toutes les branches où peut s exercer activité intellectuelle et morale. La Maç est essentiellement démocratique ; elle veut et proclame bien haut la liberté absolue de pensée et de conscience ; elle ne poursuit qu un seul but, le bien, encore le bien, toujours le bien. / Mais d où sont donc venues les exclusions et les froissements signalés? N est-ce pas précisément de la formule dogmatique qui nous occupe? Dès lors, quels frères se croiraient obligés à une inconséquente retraite par la suppression? Nul n a l intention coupable de remplacer cette foi par le drapeau de l incrédulité! D ailleurs le respect de toutes les doctrines, de toutes les croyances, de toutes les convictions, n est-il pas notre principe fondamental? En fait de dogmes MM FF «Chacun pour soi et Dieu pour tous.» / Celui qui a l honneur de vous parler en ce moment en connaît qui, bien que croyants, ne seraient pas parmi vous s il leur avait fallu souscrire à une formule dogmatique quelconque ; il en sait d autres qui n auraient jamais demandé l initiation s ils avaient seulement su que la Maç fait profession de s appuyer sur la base de l existence de Dieu et de l immortalité de l âme. En résumé votre commission conclut donc en faveur du vœu n 9 c est-à-dire à la suppression de l article Après la lecture de ce rapport et les conclusions conformes du f Orat Les conclusions du rapport sont adoptées par vingt une voix contre quatre. 13 janvier 1878 : Fête solsticiale de la St Jean d hiver, le banquet est précédé de l initiation du F Gabriel ROULAND de Réalmont Banquet Discours du F MARTY, fondateur et ex. Vén de la R L La Ruche à l or de Graulhet, président du banquet. Nous sommes dans un temps, où il est bon de se reconnaître pour s aimer, s estimer et s unir. Depuis l année néfaste , la France est dans une période d incubations et d enfantements plus laborieux les uns que les autres ; de là tiraillements, convulsions intérieures, gêne commerciale, perturbation sociale ; rien n est stable, nous sommes en pleine méfiance ; nous ne savons pas, permettez-moi l expression, sur quel pied danser. / La L de Castres, fondée par les soins du f Labadie son ex-vén, non sans de grandes difficultés, que ce f, qu il me permette de lui rendre cette justice, a surmonté avec patience et persévérance, a marché fermement ; elle se sentait forte, régénérée qu elle était par des hommes à l esprit viril, d un courage rare et d une énergie sans exemple ; aussi la L a t-elle vu son personnel augmenter dans une grande proportion, nous étions dix au début, 20