CONCOURS EUROPEEN DES DROITS DE L HOMME RENE CASSIN. CAS PRATIQUE Procédure de sélection
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- Emmanuel Germain
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1 CONCOURS EUROPEEN DES DROITS DE L HOMME RENE CASSIN CAS PRATIQUE Procédure de sélection Marie Marion et Martin Roméo sont des ressortissants de la République Syldave. La République de Syldavie a ratifié la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l Homme et des Libertés Fondamentales (désignée ci-après sous le terme Convention Européenne des Droits de l Homme) ainsi que tous ses protocoles le 12 décembre En 2006, Marie, âgée à l époque de tout juste 15 ans et élève du lycée public de la ville de Kelbourg, s est prise de passion pour Martin Roméo, son professeur de sport, âgé de 24 ans. 3. Cette passion, incontestablement partagée, fait naître un désir de mariage de la part de Martin et Marie. 4. Cependant, la loi Syldave ne le permet pas. L article 135 du Code de la Famille fixe en effet, l âge légal du mariage de l homme, comme pour la femme à 18 ans. 5. Les deux amants décident de former deux actions distinctes contre ces dispositions législatives. 6. La requête de Marie est déclarée irrecevable par le tribunal civil, faute pour elle d avoir la capacité d ester en justice. 7. L action de Martin est déclarée recevable. Mais il est débouté en 1 ère instance, comme en appel. Il forme alors un recours devant le Tribunal suprême en invoquant la contrariété de l article 135 du Code de la Famille avec la Convention européenne des droits de l homme. Il est à nouveau débouté. Le Tribunal juge en effet, que la législation ne crée pas une discrimination illicite. Il estime en outre, que la loi vise un but légitime qui est d éviter les mariages forcés et que le législateur pouvait décider, afin de parvenir à ce but, de faire coïncider l âge de la majorité légale et l âge légal du mariage. 8. Les parents de Marie, Clothilde et Albertin Marion, désapprouvent les projets de Marie. 9. Confrontés au refus de la jeune fille de rompre ses relations avec Martin, ils saisissent le Procureur de la ville des agissements de Martin en demandant l ouverture de poursuites pour atteinte sexuelle sur mineure de 16 ans par personne ayant autorité.
2 10. Martin est reconnu coupable des faits reprochés et est condamné à une peine de 6 mois de prison avec sursis, ainsi qu à une privation de ses droits civiques pour 5 ans et à une interdiction définitive d avoir une activité professionnelle ou bénévole impliquant des contacts avec des mineurs. La peine s accompagne d une injonction du juge qui lui interdit de voir ou de rencontrer Marie jusqu à la majorité de cette dernière. Il fait également l objet d une inscription automatique dans le fichier des infractions sexuelles. Afin de procéder à son inscription, on procède à la prise de ses empreintes digitales et on réalise un prélèvement afin de déterminer ses empreintes génétiques. 11. Martin conteste en vain sa condamnation. La Cour d appel, puis la Cour suprême confirment les peines et jugent que la loi pénale syldave, en fixant l âge de la majorité sexuelle à 16 ans, ne contrevient pas aux stipulations de la Convention Européenne des Droits de l Homme. 12. Marie continue de s opposer à ses parents. Par désespoir et en réaction à la procédure pénale diligentée par M. et Mme Marion, elle fait une tentative de suicide en avalant une boîte entière des tranquillisants. Après un lavage d estomac et deux jours d hospitalisation, elle rentre chez ses parents. Devant le mutisme de leur fille et de crainte qu elle ne tente à nouveau de mettre fin à ses jours, Clothilde et Albertin Marion font interner Marie dans une clinique psychiatrique privée : la «clinique des jours heureux». Sous la pression de ses parents et du directeur de la clinique pendant son admission, elle signe un acte d acceptation à son internement. 13. Un mois après son internement, elle tente de s enfuir de la clinique. Elle y parvient après avoir omis de prendre ses médicaments pendant quatre jours. Mais elle est arrêtée par des policiers aux abords proches de la clinique qui, la voyant courir en pyjama dans la nuit, présument qu elle vient de s enfuir de l établissement psychiatrique. En dépit de sa demande d être entendue par un officier, ils la ramènent de force à la clinique. 14. Suite à l incident, Marie fait l objet de mesures de surveillance stricte de la part du personnel de la clinique. Elle est enfermée dans une chambre individuelle sans droit de sortie, sauf pour aller faire ses visites quotidiennes dans le bureau du Docteur Triffon, psychiatre et directeur de la clinique. En outre, un contrôle strict est opéré quant à la prise régulière de ses tranquillisants. 15. Pour protester contre ce régime, Marie décide d entamer une grève de la faim. Quarante-huit heures après le début de celle-ci, elle est nourrie de force par les infirmiers. Elle reprend normalement ses repas trois jours plus tard. 16. Martin a appris par une amie de Marie que cette dernière a été internée dans la «clinique des gens heureux». Avec l aide d un ami journaliste, il décide de mener une campagne de presse pour la reconnaissance de la liberté sexuelle à 15 ans et contre les méthodes de certains parents. Différents articles paraissent et sont illustrés par le cas de Marie. Le Docteur Triffon, désirant éviter toute mauvaise publicité à son établissement et constatant l amélioration de l état de santé de Marie décide de la laisser sortir de la clinique.
3 17. Martin est attaqué pour diffamation par les parents de Marie, par le directeur de la clinique et par le directeur de la police. Il est reconnu coupable en première instance, puis en appel. La Cour suprême confirme la sanction pénale prononcée, à savoir une peine d amende de 1450 unités syldaves. La Cour suprême rejette le moyen tiré de la contrariété de la condamnation avec la Convention Européenne des Droits de l Homme. Elle juge que les propos tenus par Martin et repris par le journal sont outranciers et dépassent le cadre admissible de la critique; que la bonne foi de Martin ne saurait être retenue au regard du manque de mesure des propos ; que la sanction poursuit un but légitime et est nécessaire à la protection de la réputation des personnes attaquées. 18. Il est licencié du lycée après une procédure disciplinaire. 19. Il se présente pour occuper un emploi de secrétaire administratif dans un centre de vacances géré par l association «Les petits loups». Sa proposition est rejetée après un avis négatif de la part de Henry Nestor, Chef de l Administration de la protection de l enfance et l adolescence. Cet avis est motivé par l inscription sur le fichier des infractions sexuelles. Le Tribunal administratif, puis la Cour d appel administrative rejettent le recours formé par Martin contre l avis qui lie l association. 20. Désirant mener son combat (pour la majorité sexuelle et le droit au mariage à 15 ans) au niveau politique, il décide de se présenter aux élections législatives. On lui oppose son inégibilité au Parlement syldave en raison de la privation de ses droits civiques. Il introduit un recours devant le Tribunal constitutionnel de Syldavie. Ce dernier rejette sa requête au motif que l inégibilité poursuit un but légitime et apparaît être une mesure raisonnable au regard de la protection de l ordre public et de la moralité publique. 21. Ayant atteint seize ans, Marie saisit le tribunal administratif, puis la Cour d appel administrative afin d obtenir des indemnités du fait de la responsabilité des agents de police qui l ont ramenée de force à la clinique le soir où elle avait réussi à s échapper. Elle allègue une faute de la part des autorités syldaves qui n ont pas empêché son retour dans la clinque et le régime qu elle y a subi. Sa demande est rejetée au motif qu aucune défaillance ne saurait être reprochée à l administration syldave, qu elle n a pas fait l objet d une hospitalisation abusive mais d une hospitalisation acceptée par elle et motivée par des nécessités thérapeutiques. 22. Elle intente parallèlement une action en responsabilité civile contre la «clinique des jours heureux». Elle est déboutée en première instance, puis en appel ainsi que par la Cour suprême au motif qu aucune faute intentionnelle ou délibérée ne peut être reprochée aux médecins ou à l équipe soignante. 23. Marie et Martin ont saisi la Cour Européenne des Droits de l Homme qui a déclaré leurs requêtes recevables en les joignant.
4 ANNEXES : Code pénal Article 140 : «Le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de seize ans est puni de deux ans d'emprisonnement et de unités syldaves d'amende». Article 141 : L'infraction définie à l'article 140 est punie de cinq ans d'emprisonnement et de unités syldaves d'amende lorsqu'elle est commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ou lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions» Article 143 : «Les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur âgé de plus de seize ans sont punies de un an d'emprisonnement et de unités syldaves d'amende lorsqu'elles sont commises par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions». Article 620 : «Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 135 à 162 du présent Code encourent également les peines complémentaires suivantes : 1 L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités définies à l'article 655 ; 2 L'interdiction, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs» Article 655 : «l'interdiction des droits civiques, civils et de famille visée aux articles 620 à 633 du Code pénal emporte interdiction du droit de vote ; interdiction d'éligibilité ; interdiction d'être tuteur de toute personne mineure ; interdiction de témoigner en justice autrement que pour y faire de simples déclarations. L'interdiction des droits civiques, civils et de famille ne peut excéder une durée de dix ans. La juridiction peut prononcer l'interdiction de tout ou partie de ces droits.» Code de la famille Article 135 : «L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus». Code de l Education Nationale Article 10 : «Ne peuvent ni diriger un établissement public ou privé d'enseignement du premier et du second degré, ni y être employés, à quelque titre que ce soit : 1 Ceux qui ont subi une condamnation judiciaire pour crime ou délit contraire à la probité et aux moeurs ; 2 Ceux qui ont été privés par jugement de tout ou partie des droits civils, civiques et de famille en application de l article 620 du Code pénal 3 Ceux qui ont été frappés d'interdiction définitive d'enseigner. ( )» A
5 A Article 100 : «Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : l'avertissement et le blâme. Deuxième groupe : l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et le déplacement d'office. Troisième groupe : la rétrogradation et l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office et la révocation. Les sanctions sont prononcées par la Commission paritaire disciplinaire au terme d une procédure équitable et contradictoire. Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure disciplinaire.»
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