Extrait de la publication. un récit de SYLVIE LALIBERTÉ

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1 Extrait de la publication un récit de SYLVIE LALIBERTÉ

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3 . 3. Extrait de la publication

4 Extrait de la publication

5 un récit de SYLVIE LALIBERTÉ

6 a été publié sous la direction de Jeanne Painchaud. Conception de la couverture : Elizabeth Laferrière & Lino Design graphique : Elizabeth Laferrière Révision : Jenny-Valérie Roussy Correction : Philippe Paré-Moreau 2013 Sylvie Laliberté et les éditions Somme toute ISBN papier : epub : pdf : Nous remercions le Conseil des arts du Canada de l aide accordée à notre programme de publication et la SODEC pour son appui financier en vertu du Programme d aide aux entreprises du livre et de l édition spécialisée. Nous reconnaissons l aide financière du gouvernement du Canada par l entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d édition. Gouvernement du Québec Programme de crédit d impôt pour l édition de livres Gestion SODEC Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite. Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit, photographie microfilm, bande magnétique disque ou autre, constitue une contrefaçon passible des peines prévues par la loi du 11 mars 1957 sur la protection des droits d auteur. Dépôt légal 3 e trimestre 2013 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada Tous droits réservés Extrait de la publication

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9 «Aller dans le coin», c est une punition. On met la personne dans le coin, et elle doit regarder le coin de très près. On peut même lui écraser le nez dedans. Je le sais, parce que ma mère me l a dit. On l a beaucoup punie à l école parce qu elle était une Italienne. Finalement, elle a compris et elle a arrêté. Extrait de la publication

10 Pourtant, tout avait bien commencé. Ma mère est née en 1933, à Montréal. Toute née, très très née à Montréal. Tout allait bien. Elle était un petit bébé italien : Angélina. Elle avait des boucles brunes autour de son beau visage. Ses parents l aimaient. Tout était propre et sentait bon. Évidemment, il y avait un peu trop de tomates au jardin Extrait de la publication

11 Son père, c était Pardo Malatesta. Et pour qu elle soit vraiment Italienne, il était né en Italie. Pardo venait d une famille riche. Très riche. Son père était propriétaire terrien. Ça veut dire riche, très très riche. Sa mère était très belle, mais elle était morte très jeune en donnant naissance à la petite sœur de mon grand-père. Pas pratique de parler des familles, ça devient vite mêlant avec tous ces noms qui finissent en «o» ou en «a» Extrait de la publication

12 . 12. Extrait de la publication

13 Mon grand-père, devenu jeune homme, a dit à son père : «Je n aime pas être riche et voir tous les pauvres qui travaillent pour nous. Je ne trouve pas ça beau, alors je m en vais.» Je l écris en français, mais lui l a dit en italien. Son père était fâché. Il l a amené au salon, et ils se sont parlé entre hommes, mais rien n y fit. C est-à-dire que mon grand-père fit ce qu il voulut.. 13.

14 Pardo a pris un bateau, il est arrivé à Montréal et il a cherché une école pour apprendre le français. Mais toutes les écoles francophones et catholiques lui disaient : «Non, on ne veut pas d un jeune homme italien et catholique.» Il était bien triste. Finalement, c est un collège protestant qui l a accepté. C était à Montréal-Ouest, et il était déçu parce qu il voulait apprendre le beau parler français. Et ce collège, bien que francophone, encourageait vivement la langue anglaise afin que les étudiants puissent poursuivre de grandes études dans les grandes écoles anglophones. Toute sa vie, il s excusera de briser le français Extrait de la publication

15 Pardo a voulu aller à l école parce que sa mère très italienne, qui venait de Rome, était une maîtresse d école et qu elle avait eu le temps juste avant de mourir en Italie de lui dire que les écoles et les livres, c était important. Alors il a payé pour apprendre le français, qui n était pas gratuit, ici, à l époque Extrait de la publication

16 Pour que ma mère arrive dans l histoire, ça lui a pris un père et une mère. Mon grand-père a marié une jolie Italienne qui était venue en bateau, sur lequel elle avait beaucoup vomi : Maria Graziani Extrait de la publication

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18 Ils étaient très amoureux et très doux. Mon grand-père, qui avait fini d être riche en quittant l Italie, a dû apprendre un métier et abandonner les études trop chères et en anglais. Il a appris à poser des tuiles et du terrazzo. Il pouvait aussi vous trancher un morceau de marbre si vous en aviez besoin Extrait de la publication

19 Ma mère avait une grande sœur, Rosina, qui avait des grandes jambes et des grands yeux. Elle était très belle, mais Italienne quand même. Alors elle se l est fait dire souvent. «Vous êtes Italienne», que les religieuses canadiennes-françaises de l école Saint-Arsène lui criaient. Les sœurs, les bonnes sœurs qu il faut respecter parce que ce sont elles qui ont apporté la culture à nos colons canadiens-français qui ne savaient rien du tout. Les sœurs en grande, grande robe noire avec une voilette sur la tête pour pas que les cheveux dépassent. Angélina fréquentait la petite école Saint-Barthélemy, et Dieu était toujours dans la classe quand la bonne sœur mettait ma mère de six ans dans le garde-robe pour la punir d être Italienne. Mais ça, c est normal, c était la guerre, et les deux petites filles, les deux seules Italiennes de leur école, représentaient l ennemi à abattre.. 19.

20 . 20.

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22 «Le dimanche soir, on mangeait italien, mais dans la vie de tous les jours, cette vie pas italienne, ma grand-mère nous servait, à moi et à mon petit frère, des mets canadiens qui seyaient mieux à la vie canadienne.» À Montréal durant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs immigrants italiens ont été injustement arrêtés et internés. La peur que cela ne se reproduise, en plus du racisme ambiant, a gangrené l espoir d une vie pleinement heureuse sur leur terre d accueil. La honte des origines a tracé son chemin insidieux et indélébile. Avec son ton inimitable, oscillant entre le grave et le léger, l artiste/auteure Sylvie Laliberté nous raconte la vie de sa famille, alors que sa mère vient de s éteindre de la maladie de l oubli. Extrait de la publication