CRYPTE DE SAINT-VICTOR



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CRYPTE DE SAINT-VICTOR Marseille (B.d.Rh.) Fig. 1 : Le sarcophage des compagnons de Saint Maurice, soldats de la légion thébaine martyrisés vers 286. Quand on est sur le Vieux Port, on ne peut manquer de voir la silhouette trapue de Saint-Victor qui se détache sur les pentes sud de l ancien Lacydon. C est l un des symboles du Marseille médiéval et du paléo-christianisme en Provence. Avec sa muraille et ses deux tours crénelées, elle fait plus penser à un château fort qu à une église (fig. 2). Du VieuxPort, plusieurs rues ou passages permettent de rejoindre la rue Sainte par laquelle on accède à l ancienne abbaye. Juste devant elle, une petite place dominant le Vieux-Port et le vieux Marseille, permet de prendre du recul et d avoir une perspective sur l église, dernier témoin de ce qui fut une très importante abbaye. Géoréférencement Carte IGN 3145 ET (Marseille) X 691.920 Y 4795.750 UTM 31 Z 20 Fig. 2 : Avec ses tours crénelées et massives, SaintVictor fait plus penser à un château-fort qu à une église. Seules les cloches... HISTOIRE Avec l abbaye de Lérins au large de Cannes, l abbaye de Saint-Victor est l un des hauts lieux du paléo-christianisme provençal. Victor était un officier de la légion romaine, du temps des co-empereurs Dioclétien et Maximien Hercule. Une persécution brutale et systématique des chrétiens éclata, faisant des milliers de victimes dans l Empire. La légion thébaine, entièrement composée de chrétiens dont Victor faisait partie, fut massacrée. Victor en réchappa, mais il fut rattrapé par le sort à Marseille où, refusant de sacrifier aux dieux païens, il mourut martyrisé en l an 303. Au début du IIIe siècle, une carrière s étendait sur le site actuellement occupé par l église de Saint-Victor. Elle avait entaillé le rocher à des profondeurs plus ou moins importantes. Ayant été abandonnée, un cimetière y fut aménagé en creusant des alvéoles dans les parois rocheuses. Parmi les tombes, se trouveraient celles des martyrs des persécutions contre les chrétiens sous les règnes de Dèce (250) et de Dioclétien (303), en particulier celle de saint Victor, enfouie dans une petite anfractuosité de la roche. Procule, évêque de Marseille (381-428) retint auprès de lui Jean Cassien (365-433), un moine qui avait parcouru le monde chrétien de l Egypte et de Constantinople jusqu à Rome. On ne sait s il était originaire d Arménie ou de la Scythie, entre le Danube et le Don. Procule le chargea de créer deux établissements dans sa cité. Un pour les femmes s établit sur la rive nord du Lacydon, aujourd hui Vieux Port. L autre pour les hommes, s établit sur la rive méridionale, dans des carrières où aurait été enseveli Saint-Victor. La zone allant du Paradis à la colline où se trouve l abbaye, constituait l un des plus importants cimetières marseillais depuis l époque grecque. C est de ce cimetière que l abbaye retirera ses plus beaux tombeaux de l époque païenne. Fig. 3 : Sarcophage des compagnes de Sainte Ursule, martyres au IIIe siècle. La fondation du monastère, en 416, accrut le caractère sacré du cimetière et les chrétiens se plurent à y élire sépulture. La voie qui y conduisait en venant du Paradis a toujours conservé le même nom, qu elle porte encore de nos jours, c est la rue Sainte. Comme en d autres lieux, Montmajour par exemple, le cimetière n est pas étranger au choix du site de l abbaye ; d autant qu il contenait la sépulture de martyrs (F. Benoît). L anfractuosité dans le rocher où aurait été enseveli saint Victor et qui fut à l origine du monastère existe toujours. Elle est un peu perdue dans l im-

mense crypte située sous l église supérieure, près de 9 m au dessous du niveau de la cour sud de l église. L étroite anfractuosité, où furent placées les sépultures des premiers martyrs, a été appelée à tort grotte. Elle n offrait aucun espace suffisant pour y installer une chapelle. Aussi, la construction du sanctuaire entreprise à la seconde moitié du V e siècle, se fera juste à coté, nous en ferons la description en infra. A l époque, le site de Saint-Victor était hors de la ville, la cité protégée par des murs s étendant plus au nord, de l autre coté du Lacydon. A la fin du VI e siècle, selon Grégoire de Tours, la grande basilique consacrée au martyr Victor attirait beaucoup de pèlerins. De plus, le cimetière connaissait un développement considérable. Saint- Victor va alors connaître des turbulences et, à partir du VII e siècle, une période de régression. Le pillage de la ville par une flotte sarrasine (IX e siècle) va amener la destruction et l abandon du monastère. En 977, les moines réoccupent le site abandonné et reconstruisent le monastère. Au XI e siècle, sous la direction du moine catalan Isarn, est entreprise la construction de la première église supérieure, consacrée le 15 octobre 1040. Au XIII e siècle, le moine Hugues de Glazinis complète cette construction : la nef est rebâtie, ainsi que le cloître et les bâtiments monacaux. Les pierres nécessaires sont obtenues par un agrandissement de la crypte qui sera alors voûtée. Bien que son autel soit consacré en 1251, les travaux de l église supérieure ne se termineront qu en 1279. Sa nef est alors celle même qui nous apparaît aujourd hui. Cette période marque l apogée de Saint-Victor dont dépendent 440 églises et prieurés, dont certains en Catalogne. Fig. 4 : La nef gothique du XIII e et l abside du XIV e siècle Fig. 5 : à droite, la tour d Isarn, à gauche, sa soeur jumelle faisant office de clocher. Au XIV e siècle, sous l impulsion d Urbain V, ancien abbé de Saint-Victor, devenu pape à Avignon, sont reconstruits le transept et l abside (1365), tandis que l ensemble de l abbaye est fortifiée (fig. 5). Au cours des travaux de fortification, la tour d Isarn est restaurée et relevée. Cela nous vaut un ensemble surprenant. A l intérieur, on a une église à l architecture fine et élancée (fig. 4), avec ses belles voûtes gothiques, comportant des arcs brisés et des croisées d ogives. A l extérieur, pas de clocher jaillissant correspondant à cette architecture : l église est habillée d une architecture défensive massive et sans grâce, dominée par les deux lourdes tours carrées et crénelées qui semblent veiller sur le Vieux-Port. Comme en de nombreux autres endroits, la tourmente révolutionnaire mit à mal Saint-Victor, rendue au culte en 1804 en tant qu église paroissiale. Entre temps (1802-1803), le cloître et les bâtiments conventuels sont détruits (fig. 18), tandis que la crypte est dépouillée de certains sarcophages et de colonnes (fig. 6). La grande restauration entreprise par le chanoine Bérenger en 1895, prit fin au début du XX e siècle. Cependant, encore en 2009, des travaux de consolidation sont en cours dans la crypte, où de lourds étayages de bois cachent des zones importantes d architecture. De nombreux objets ont été transportés au musée Borély. Aujourd hui, l église et sa crypte sont les derniers témoins de l abbaye. Tous les bâtiments conventuels qui y étaient accolés et qui formaient un ensemble beaucoup plus important ont disparu. Dans la cour sud de Saint-Victor, on peut voir sur le mur de l église le départ des voûtes des ouvrages qui s y raccordaient.

DESCRIPTION Dans cette zone, aujourd hui densément urbanisée, il ne reste plus rien de l environnement des lieux au V e siècle, alors que Saint-Victor était hors des murs de la ville. La cavité funéraire, la basilique et le site antique sont maintenant enfouis dans la crypte, 6 m au dessous de sol de l église supérieure et 9 m plus bas que la cour sud. De plus, de nombreuses modifications sont intervenues au cours des travaux qui se sont succédés durant plus d un millénaire. Il faut saluer le travail des archéologues et des architectes qui par leurs études et les sondages entrepris, ont permis de reconstituer cet état primitif. Des grands panneaux avec des plans, des reconstitutions perspectives et des commentaires permettant de suivre l évolution du site, sont disposés à plusieurs endroits de la crypte. On y retrouve l emplacement des tombes et le front de taille de la carrière où s étaient établis la chambre funéraire, puis l ensemble monumental du V e siècle. On y voit encore l évolution de la chapelle rupestre Saint-Lazare. Ce travail remarquable, qui devrait servir d exemple à d autres sites classés a été réalisé par MM. J.P. Pelletier et M. Fixot du Laboratoire d Archéologie Médiévale Méditerranéenne (LAMM) d Aix-en-Provence. Il faut y ajouter la contribution de M. Gassend à la reconstitution des perspectives et le panneau relatif à l étude de stabilité (2002). Il serait injuste d oublier les ouvrages de Fernand Benoît (1892-1969) qui ont précédé ces études. On est surpris par l ampleur de la crypte où la roche encaissante est visible à plusieurs endroits, sur une hauteur pouvant atteindre 5 m au coté nord. Nous ne décrirons pas les différentes chapelles qui s y trouvent ; nous nous limiterons à l ensemble monumental du V e siècle marquant le début de l abbaye et à la chapelle rupestre Saint-Lazare, en communication avec la chambre et les niches funéraires (cubiculum et loculi) qui ont motivé le choix du site. L ensemble monumental du V e siècle. L orientation nord-sud de la carrière antique a sans doute déterminé la direction identique de l ensemble du V e siècle, alors que l église supérieure est orientée vers l est, coté du soleil levant et de la résurrection. L entrée primitive de la cavité qui abritait les Fig. 7 : La basilique aujourd hui. A droite la nef et ses reliques, à gauche, l étroit collatéral est. Fig. 6 : L une des colonnes granit de l atrium détruite à la Révolution. Derrière, l assise rocheuse creusée qui apparaît souvent dans les parois de la crypte. tombes des premiers martyrs se trouvait sur le front sud de la carrière. Elle a disparu pour pouvoir asseoir la construction de l église haute (XI e -XIII e siècle). L accès à cette cavité se fait maintenant par la chapelle rupestre Saint-Lazare que nous verrons en infra. L ensemble monumental n occupe qu une petite partie de la crypte actuelle et se trouve 6 m sous le collatéral sud de l église haute. Il a été enchâssé dans le rocher près du front de taille sud de la carrière, sur une hauteur atteignant 5m. On restait ainsi au niveau du sol de la carrière et à un niveau proche de celui des sépultures (cubiculum). Cet ensemble débute par une petite basilique carrée de 5,5 m de coté intérieur. Elle comporte une nef de moins de 3 m de large, flanquée de deux étroits collatéraux (fig. 7). On est étonné par les dimensions restreintes de cette nef qui ne devait pas laisser beaucoup de place autour des tombes rupestres qui étaient placées en son centre. En fait, la nef de la basilique n avait pour rôle que d abriter les

Fig. 8 : Au V e siècle, le fond de la carrière est creusé pour y implanter l ensemble monumental. Au XIII e siècle, la crypte est agrandie pour servir de carrière. La basilique est réorientée et de nouvelles chapelles sont créées. En jaune, les parties bâties et en gris, les endroits où le rocher a été creusé et apparaît en paroi.

saintes reliques ou sépultures. Les deux collatéraux servaient de passage pour accéder au vaste espace carré situé au sud et réservé au culte. Cet espace sud est un grand monument à plan carré de 8 m de coté, enchâssé dans le rocher qui dominait la basilique. Il est devenu atrium (cour intérieure fermée ou couverte) au XIII e siècle. Il est entouré d arcades doubles soutenues autrefois par des colonnes de granit. Un autel de marbre, situé aujourd hui dans l église haute, devait autrefois en occuper le centre. Placées 6 m plus haut, deux tribunes latérales est et ouest dominaient cet espace central couvert par une coupole dont le plafond était à 15 m de hauteur. La construction de l église supérieure au XIII e siècle a détruit l extrémité haute de ce monument antique, mais la voûte plein-cintre qui remplace la coupole originelle est à 15,8m de haut (fig. 10). Par sa hauteur, ce monument devait émerger se son environnement rocheux pour culminer bien audessus de la basilique, signalant au loin le culte de Saint-Victor. Cependant, on devine mal le rôle des deux tribunes est et ouest dominant l espace carré central. D après la vue perspective faite par MM. Gassend et Pelletier, on accédait à ces deux tribunes directement de l extérieur, par deux portes situées en face nord. Mais, leur ouverture vers l espace central ne laissant qu une perspective limitée et non plongeante, on comprend mal leur utilité. Les neuf colonnes qui entouraient cet espace ont subi des avatars. En 1802, alors que l église n avait pas encore été rendue au culte, le préfet de Marseille, Charles Delacroix (1741-1805) père du peintre Eugène, en fit enlever plusieurs en vue d embellir certains emplacements de la ville (fig. 9). Qu en est- Fig. 10 : Dans les hauteurs, une voûte plein-cintre a remplacé la coupole. La hauteur actuelle de 15,8 m est pratiquement la même que la hauteur initiale. il aujourd hui? Elles étaient en granit et d un diamètre de 50 cm à la base ; trois d entre elles, nécessaires au maintient de l édifice furent remplacées par des colonnes massives en calcaire, de 80 cm de diamètre à la base. Reste encore en place la partie basse d une de ces colonnes piratées. L accès au site Au V e siècle, l accès au site avait été barré par un mur joignant les deux parois de la carrière. Au centre du mur avait été aménagé un passage en forme de couloir avec une porte monumentale. Cet accès qui était voûté et recouvert d une toiture, encore vers l an mil, a été enveloppé par la construction de la tour d Isarn. Fig. 11 : La basilique réorientée est devenue N.D. de Confession, représentée par une statue en noyer polychrome. On a muré une arcade vers le collatéral est. Fig. 9 : L ancien espace sacré devenu atrium. Les deux grosses colonnes visibles ont remplacé les colonnes plus

Les modifications des XIIe et XIIIe siècles La basilique a été rebaptisée Notre-Dame de Confession au XIIe siècle, pourtant, la vierge en noyer polychrome qui porte ce nom et qui trône dans la nef, ne date que de la fin du XIIIe siècle (fig. 11). Les pierres nécessaires aux travaux du XIIIe siècle amenèrent un agrandissement de la crypte, qui retrouvait sa fonction antique de carrière. L espace libéré à l ouest de la basilique permit sa réorientation dans le sens ouest-est, plus conforme aux usages de la liturgie. L autel fut alors placé au centre le la nef primitive. En même temps, le collatéral ouest était remanié par la construction de deux vastes ouvertures voûtées permettant la création d une nouvelle nef à l ouest. La grande structure carrée du sud perdait sa Fig. 12 : Il n y a qu un seul niveau dans la tour de 15 m, dont la perspective est coupée par des corniches oue des arcades. La chapelle Saint Lazare, creusée au XIII siècle et agrandie au XVIIe permet d accéder au cubiculum dont l entrée nord est murée. fonction initiale, pour devenir un simple atrium (avant-cour fermée). La restauration faite récemment suscite quelques réserves. Le sol de la nef primitive, avec ses excavations destinées à recevoir des sépultures a été recouvert d une dalle en béton dont le rebord est trop voyant. Au centre de cet espace trône le beau sarco- Fig. 13 : Au centre de la nef de la basilique, le sarcophage ayant contenu les reliques de Saint Cassien transférées dans un reliquaire de l église haute Fig 14 : La chapelle Saint-Lazare, son d abbé, le sarcophage des saints Innocents et le bas relief de P. Puget.

Fig. 15 : Le magnifique sarcophage dit des saints Innocents, rapporté de Palestine par saint Cassien, masque en partie le bas-relief de Pierre Puget représentant Sainte Marie madeleine. phage d enfant en marbre blanc, réemployé comme reliquaire de saint Cassien (fig. 13). Accolée à la basilique du Ve siècle, elle est actuellement le seul accès à la chambre et aux niches funéraires (cubiculum et loculi), dont l entrée nord a été murée. Son creusement s est fait au XIe siècle pour agrandir le cubiculum vers le sud. Ce petit espace sera doté d une entrée méridionale, reprise au XIIIe siècle, lors de l agrandissement de la crypte et de la création de la chapelle Saint-Hermès et Adrien. Cette mini-chapelle (3m sur 4), renferme dans un espace restreint tous les éléments d un monument plus vaste (fig. 14). Quatre colonnettes l encadraient. Celle du sud-est a disparu, celles du nord-est et du nord-ouest, en cours de restauration en 2009, ont été Fig. 16 : L inquiétante figure de l abbé. Fig. 17 : Beaucoup de sarcophages, un peu partout. La chapelle rupestre Saint-Lazare

Fig. 18 : A l extérieur, comme dans la crypte, les nombreux sarcophages montrent le lien entre la nécropole antique et la création de l abbaye de Saint-Victor. Fig. 19 : L une des niches mortuaires de l occuli. Fig. 18 : Dans la cour sud, subsistent sur les murs le vestiges des voûtes de raccordement avec les bâtiments conventuels détruits à la Révolution. entourées d un coffrage en bois. Le chapiteau de la colonnette du nord-est représentait Moïse et le serpent d airain était gravé sur le fût rectangulaire. Le chapiteau de la colonnette sud-ouest représentait des feuilles d acanthe, tandis que le fût était torsadé. Seule la quatrième n est pas coffrée, son chapiteau, soutenu par une fine colonne, est orné d un masque représentant un abbé (fig. 16). Le fond oriental de la chapelle fut agrandi à la fin du XVIIe siècle, pour recevoir un autel supportant un bas relief attribué à l école de Pierre Puget et représentant le «ravissement de Marie-Madeleine». Au pied de la sainte, figure un crâne qui s accorde avec le cubiculum tout proche (fig. 15). Au sudouest de la chapelle, une nouvelle ouverture était faite pour créer une communication entre l autel de la basilique et celui de Saint-Lazare. Sur l autel a été placé depuis peu un sarcophage d enfant qui, au Moyen Age, était censé contenir des reliques des saints Innocents de Bethleem. En fait, ce sarcophage antique représente des Amours en train de forger les armes de Mars. Il fut rapporté par saint Cassien, avec d autres sarcophages antiques et d autres reliques lorsqu il débarqua à Marseille en provenance de Palestine et de Rome Le nom donné à la chapelle crée une confusion. Il ne viendrait pas du frère de Marthe et de Marie, considéré par la légende comme évangélisateur de Marseille, mais de Lazare, évêque d Aix, inhumé à Saint-Victor au Ve siècle. Le fait que plusieurs saints aient eu le même nom a créé ce type de confusion en d autres endroits. Aujourd hui, avec son architecture, tous les sarcophages et autres objets antiques, la crypte de Saint-Victor constitue un musée unique du premier art chrétien. BIBLIOGRAPHIE Abbé L. LAURIN, 1933, Notice sur l antique abbaye de Saint-Victor de Marseille, 63p. Fernand BENOIT, 1933, L abbaye de Saint-Victor et l église de ème la Major à Marseille, Ed. Henri Laurens, 103 p. En 1966, 2 édition revue, 104 p. Pierre MINVIELLE, 1970, Guide de la France souterraine, Tchou, Paris, pp. 354-355. Jean BOISSIEU, Eric ARROUAS, 1986, Saint-Victor : une ville, une abbaye, Ed. J. Laffite, Marseille, 104 p. Abbé Jean-Pierre ELLUL, 1997, l Abbaye Saint-Victor de Marseille, guide en vente dans l église. J.P. PELLETIER, M. FIXOT, v. 2006, LAMM (Laboratoire d Archéologie Médiévale Méditerranéenne) et M. GASSEND, planches explicatives affichées dans la crypte.