TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MARSEILLE N 1504471 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. Association B et autres AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS. M. Fédi Juge des référés



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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MARSEILLE N 1504471 Association B et autres M. Fédi Juge des référés Ordonnance du 19 juin 2015 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le juge des référés Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2015 sous le n 1504471, présentée pour l'association B, dont le siège social est.., pour l'association C dont le siège social est...., pour l'association D dont le siège social est.., par Me E... ; Les associations requérantes demandent au juge des référés : - d ordonner, sur le fondement des dispositions de l article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l arrêté n 2015-160-007 du 9 juin 2015, par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a ordonné une opération de tirs de prélèvement de loups (mâle ou femelle, jeune ou adulte) pour la protection des troupeaux domestiques situés sur les unités pastorales de la commune de Seyne, à compter de la publication du présent arrêté et jusqu au 8 juillet 2015, à l intérieur du périmètre délimité sur la carte annexée au présent arrêté, et ce jusqu à ce qu il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ; - de mettre à la charge de l Etat une somme de 1 000 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; Les associations soutiennent : - que la condition d urgence est remplie en l espèce, dans la mesure où l exécution de l arrêté est susceptible de porter une atteinte grave aux intérêts qu elles se sont donné pour mission de défendre et qu une annulation a postériori ne permettra pas de réparer la destruction illicite ainsi réalisée, en dépit des atteintes potentielles au pastoralisme que pourrait causer la suspension d une opération de prélèvement ; - qu il existe des doutes sérieux sur la légalité de l arrêté attaqué, lequel méconnaît les dispositions de l article 23 de l arrêté interministériel du 15 mai 2013 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus), dès lors que la condition de dommages exceptionnels n est pas remplie au regard des deux attaques de mai 2015 pour lesquelles il n est pas établi que les troupeaux aient été suffisamment protégés ; - que l arrêté méconnaît les dispositions de l article 16 de la directive n 92-43-CEE du Conseil du 21 mai 1992 au regard de la condition de dommages importants prévue par la directive ;

N 1504471 2 - que l arrêté méconnaît les dispositions de l article 27-I de l arrêté interministériel du 15 mai 2013, de l article L. 411-2 du code de l environnement et de l article 16 de la directive n 92-43-CEE du Conseil du 21 mai 1992 du fait du prélèvement indéterminé du nombre de loups ; - que l arrêté est entaché de détournement de pouvoir, dès lors que l arrêté a pour but essentiel de satisfaire une opinion publique échaudée par l incident des 5 et 6 juin 2015, relayé par les médias ; Vu la décision attaquée ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2015, présenté par le préfet des Alpes-de- Haute-Provence qui conclut au rejet de la requête ; Le préfet des Alpes-de-Haute-Provence fait valoir : - que le loup est une espèce protégée mais non menacée au regard de sa population estimée à 300 environ en France dont 8 meutes présentes dans le département ; - que le nombre d attaques dans le département est passé de 267 pour 1 000 victimes en 2012, à 302 attaques pour 912 victimes en 2013, à 369 attaques pour 1 261 victimes en 2014 et une indemnisation d un montant de 315 389 en 2013 et de 415 652 en 2014 ; - que le nombre d attaques du 1 er janvier au 9 juin 2015 a progressé de 90 % : 57 contre 30 en 2014 et 10 % de plus de victimes ; - qu il n y a pas urgence à suspendre l arrêté en cause, dès lors que pour la période 2014-2015, l arrêté du 30 juin 2014 fixe le nombre de loups dont la destruction est autorisée par les préfets à 24, et 12 supplémentaires si 20 spécimens sont détruits alors que seuls 18 loups ont été prélevés au niveau national conduisant, en réalité, à deux possibilités de prélèvement ; - que la prédation due au loup porte atteinte aux conditions d exploitation de la filière ovine, alors que le pastoralisme constitue la clé de voûte de l activité agricole ou touristique du département des Alpes-de-Haute-Provence ; - et qu il n y a pas de doute sérieux quant à la légalité de l arrêté par rapport aux articles 23 et 27-I de l arrêté interministériel du 15 mai 2013, dès lors que la commune de Seyne fait partie des 5 communes de France les plus attaquées sur les troupeaux bovins et que la fréquence des attaques et la nature des victimes est exceptionnelle ; Vu le mémoire et les pièces complémentaires, enregistrés le 18 juin 2015 à 13H48, présentés pour les trois associations requérantes, confirmant les moyens initiaux et notamment le fait que deux tirs de défense viennent d être accordés aux deux éleveurs victimes des attaques des 19 et 27 mai 2015 ; que l administration refusant de produire le constat de ces deux attaques, il est possible de contester que ces attaques de bovins soient imputables au loup ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel ; Vu la directive n 92-43-CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ; Vu le code de l environnement ;

N 1504471 3 Vu l arrêté interministériel du 15 mai 2013 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ; Vu l arrêté interministériel du 30 juin 2014 fixant le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2014-2015 ; Vu le code de l environnement ; Vu le code de justice administrative ; Vu la requête n 1504469 enregistrée le 10 juin 2015 par laquelle l'association B, l'association C, l'association D, demandent l annulation de la décision du 9 juin 2015 ; Vu la décision par laquelle le président du Tribunal a désigné M. Fédi, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé ; Après avoir convoqué à une audience publique : - Me E, représentant les trois associations ; - et le préfet des Alpes-de-Haute-Provence ; Après avoir, lors de l audience publique du 19 juin 2015 à 10 heures, présenté son rapport et entendu : - Me E, représentant les trois associations, qui a repris dans le détail les moyens de sa requête initiale et de son mémoire complémentaire ; - le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, représenté par Mme G, directrice départementale des territoires, qui réitère ses écritures et produit à l audience les deux constats d attaque de mai 2015 ; Après avoir prononcé, à l issue de l audience à 11 heures 20, la clôture de l instruction ; Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : «Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...)» et qu'aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : «Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...)» ; que l'article L. 522-3 du

N 1504471 4 même code dispose : «Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1» ; qu enfin aux termes du premier alinéa de l article R. 522-1 dudit code : «La requête visant au prononcé de mesures d urgence doit (...) justifier de l urgence de l affaire» ; Sur la condition d urgence : 2. Considérant que l urgence justifie que soit prononcée la suspension de l exécution d un acte administratif lorsque cette exécution porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu il entend défendre ; qu il appartient au juge des référés d apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l acte sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l exécution de l acte soit suspendue ; qu'il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence ; 3. Considérant que l'association B, qui a pour objet social la défense des animaux sauvages et l'association C, qui a pour objet social, notamment, de favoriser la réussite du retour naturel du loup et de mener toutes actions favorables à la conservation des grands prédateurs, sont titulaires de l agrément ministériel prévu par l article L. 142-1 du code de l environnement ; que l'association D, qui est constituée sous le régime de droit local des associations du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle régi par les articles 21 et suivants du code civil local, d une part, a pour objet social, notamment, de protéger et de défendre les droits à la vie, à la liberté, au bien-être et au respect des animaux et d autre part, s est dotée de moyens d action consistant notamment à intenter toute action devant les juridictions, quand l intérêt des animaux le justifie ; que le loup fait partie des espèces de faune sauvage protégées tant par la convention de Berne du 15 septembre 1979 que par la directive européenne n 92/43 CEE du 21 mai 1992 dite «Habitats» et par les dispositions de l article L. 411-1 du code de l environnement et ses textes d application ; que la mesure consistant, à titre dérogatoire, à prélever des animaux de l espèce Canis lupus, dans une zone territoriale définie, porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts que les associations entendent défendre ; qu en outre, s il n est pas sérieusement contesté par les associations requérantes que les atteintes à la vie pastorale, notamment en terme de têtes de bétail tuées d une part et les atteintes aux conditions d exploitation économiques de la filière ovine d autre part, susceptibles d être entraînées par la suspension de l arrêté litigieux, sont réelles, il n est pas établi par l administration que l élevage ovin et bovin, dans le département des Alpes-de-Haute- Provence, serait remis en cause du fait des attaques de loups ; que dans ces conditions, eu égard à l ensemble des intérêts en présence, et à l office du juge des référés, la condition tenant à l urgence doit être regardée comme remplie en l espèce ; Sur l existence d un moyen propre à créer en l état de l instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision :

N 1504471 5 4. Considérant qu aux termes de l article L. 411-1 du code de l environnement : «I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1 La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / ( ) 3 La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèce ( )» ; qu aux termes de l article L. 411-2 du même code : «Un décret en Conseil d'etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / ( ) 4 La délivrance de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1, 2 et 3 de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / ( ) b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété; ( )» ; qu aux termes de l article R. 411-6 du même code : «Les dérogations définies au 4 de l article L. 411-2 sont accordées par le préfet ( )» ; qu aux termes de l article 23 de l arrêté interministériel du 15 mai 2013 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) : «Au vu notamment du caractère récurrent des dommages d une année à l autre malgré l installation, quand cela est possible, de mesures de protection des troupeaux, et dans la mesure où les troupeaux demeurent dans les conditions où ils sont exposés, à la prédation du loup, le préfet peut décider de déclencher une opération de tir de prélèvement sans conditionner sa décision à la mise en œuvre préalable de tirs de défense à proximité des troupeaux : ( ) dans les situations de dommages exceptionnels.» ; qu aux termes de l article 27 du même arrêté : «I. Sans préjudice des dispositions de l'article 3, les tirs de prélèvement sont interrompus dans le cas où un loup serait détruit dans la zone concernée par l'opération soit en application d'une dérogation de tir de défense accordée dans le cadre du présent arrêté, soit par un acte de destruction volontaire ayant fait l'objet d'une constatation par les agents mentionnés à l'article L. 415-1 du code de l'environnement.» ; 5. Considérant, en premier lieu, que l arrêté en cause ordonne une opération de tirs de prélèvement de loups sans faire mention du nombre de loups à prélever ; que cette absence de précision, dans l arrêté litigieux, au regard de la possibilité qui en découle de procéder à un prélèvement indéterminé de loups ne saurait être compensée, comme l affirme le préfet, par la mise en place de la limitation prévue par l arrêté interministériel du 30 juin 2014 fixant le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2014-2015 ; que par suite, le moyen, tiré de ce que l arrêté méconnaît les dispositions des articles 23 et 27-I de l arrêté interministériel du 15 mai 2013, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; 6. Considérant, en second lieu, qu en l état de l instruction il est constant que les attaques de loups sur les unités pastorales de la commune de Seyne ont été au nombre de 3 en 2012 avec une attaque sur un troupeau de bovins, au nombre de 4 en 2014 avec deux attaques sur deux troupeaux de bovins et que deux attaques ont été dénombrées les 19 et 27 mai 2015, lesquelles ont fait deux victimes, une vache adulte et un veau de six mois qui n a été que blessé ; que les dispositions de l article 23 de l arrêté du 15 mai 2013 précitées subordonnent l opération de tirs au «caractère récurrent des dommages d'une année à l'autre» ainsi qu au constat de «dommages exceptionnels» ; que si le caractère récurrent des dommages d une année sur l autre est établi par les pièces produites, la triple circonstance invoquée par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, à savoir, la survenance de deux attaques à peine les troupeaux ressortis de l étable, la nature des victimes et la proximité entre les deux troupeaux, ne saurait caractériser une situation de dommages exceptionnels

N 1504471 6 au sens des dispositions de l article 23 précitées ; qu en outre, la circonstance, à la supposer établie, que trois attaques de loups aient été déjouées et la proximité entre les lieux d attaques et les lieux d habitation, ne peuvent justifier à elles-seules la mesure contestée ; que par suite, le moyen, tiré de ce que l arrêté méconnaît les dispositions de l article 23 de l arrêté interministériel du 15 mai 2013 est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; 7. Considérant qu il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, d ordonner la suspension de l exécution de la décision attaquée ; Sur les conclusions présentées au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Considérant qu il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, de mettre à la charge de l Etat la somme de 1 000 euros à verser globalement à l'association B, à l'association C, à l'association D au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; O R D O N N E : Article 1er : L exécution de l arrêté du 9 juin 2015 n 2015-160-007, par lequel le préfet des Alpesde-Haute-Provence a ordonné, pour la période du 9 juin au 8 juillet 2015, une opération de tirs de prélèvement de loups pour la protection des troupeaux domestiques situés sur les unités pastorales de la commune de Seyne, est suspendue. Article 2 : L Etat versera globalement à l'association B, à l'association C, à l'association D la somme de mille (1 000) euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association B, à l'association C, à l'association D et à la ministre de l écologie, du développement durable et de l énergie. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

N 1504471 7 Fait à Marseille, le 19 juin 2015. Le juge des référés, Le greffier, Signé Signé G. FEDI C. CROCE La République mande et ordonne à la ministre de l écologie, du développement durable et de l énergie, en ce qui la concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour le greffier en chef,