Sommaire : autre texte Ce que Lewis Carroll nous a appris L'ange du bizarre. Le romantisme noir de Goya à Max Ernst Quelques réflexions sur les Lettres persanes Salvator Rosa Sur Hoffmann et les compositions fantastiques Préface de Cromwell Un phénomène bizarre p2 p3 p4 p5 p6 p7 p8
Ce que Lewis Carroll nous a appris Les lecteurs familiers des oeuvres de Lewis Carroll verront dans ces phrases beaucoup de choses leur rappelant le monde bizarrement logique et toujours symbolique d'alice au pays des merveilles et De l'autre côté du miroir, où des concepts s'animent soudain d'une façon étrange. Pensez aux caprices de la Reine Rouge, auxquels sont soumis ses valets et ses servants. Et l'aveu qu'un écrivain devrait attacher le sens qu'il veut à un mot ou à une phrase semble sortir directement de la bouche des différents poètes fous de ces livres. Rappelez-vous le Gros Coco, qui, avant d'expliquer le poème Jabberwocky annonça: «Quand, moi, j'emploie un mot, il veut dire exactement ce qu'il me plaît qu'il veuille dire... ni plus ni moins.» Seth Lere, Slate.fr
L'ange du bizarre. Le romantisme noir de Goya à Max Ernst Cet univers se construit à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre dans les romans gothiques, littérature qui séduit le public par son goût du mystère et du macabre. Les arts plastiques emboîtent rapidement le pas : les univers terribles ou grotesques de nombreux peintres, graveurs et sculpteurs de toute l'europe rivalisent avec ceux des écrivains : Goya et Géricault nous confrontent aux atrocités absurdes des guerres et naufrages de leur temps, Füssli et Delacroix donnent corps aux spectres, sorcières et démons de Milton, Shakespeare et Goethe, tandis que C.D. Friedrich et Carl Blechen projettent le public dans des paysages énigmatiques et funèbres, à l'image de sa destinée. Musée d Orsay
Quelques réflexions sur les Lettres persanes Rien n'a plu davantage, dans les Lettres persanes, que d'y trouver, sans y penser, une espèce de roman. On en voit le commencement, le progrès, la fin: les divers personnages sont placés dans une chaîne qui les lie. A mesure qu'ils font un plus long séjour en Europe, les moeurs de cette partie du monde prennent dans leur tête un air moins merveilleux et moins bizarre, et ils sont plus ou moins frappés de ce bizarre et de ce merveilleux, suivant la différence de leurs caractères. D'un autre côté, le désordre croît dans le sérail d'asie à proportion de la longueur de l'absence d'usbek, c'est-à-dire à mesure que la fureur augmente, et que l'amour diminue. D'ailleurs, ces sortes de romans réussissent ordinairement, parce que l'on rend compte soimême de sa situation actuelle; ce qui fait plus sentir les passions que tous les récits qu'on en pourrait faire. Et c'est une des causes du succès de quelques ouvrages charmants qui ont paru depuis les Lettres persanes. André Lefèvre, Préface des Lettres Persanes (1873)
Salvator Rosa Une fierté sauvage, une bizarre, dure et brûlante énergie, une sorte de barbarie dans les pensées, et dans la manière de les rendre, sont les caractères distinctifs de Salvator Rosa. Jamais il ne sentit ce que la nature a d aimable, de doux, d attendrissant ; il y vit ce qu elle a de singulier, d extraordinaire, d effrayant. On connoît de lui des tableaux de presque tous les genres. Son dessin incorrect est plein de chaleur et de vie ; sa couleur, qui est souvent belle, et qui plus souvent n est pas d une grande recherche de tons, est toujours forte et vigoureuse, et convient parfaitement au style général de ses tableaux. Ses lignes principales sont contrastées hardiment, fortement, durement : le même caractère est dans les détails, ainsi que dans l ensemble. Il n a choisi, dans les campagnes, que des sites sauvages, piquans par une effrayante nouveauté ; il ne peint jamais des plaines riantes, de riches vallons ; il peint d arides déserts, de tristes rochers ; il choisit les plus affreux, et s ils ne le sont pas, ils le deviennent par la manière dont il les rend. Jean-Joseph Taillasson, Observations sur quelques grands peintres
Sur Hoffmann et les compositions fantastiques Le goût des Allemands pour le mystérieux leur a fait inventer un genre de composition qui peut-être ne pouvait exister que dans leur pays et leur langue. C est celui qu on pourrait appeler le genre FANTASTIQUE, où l imagination s abandonne à toute l irrégularité de ses caprices et à toutes les combinaisons des scènes les plus bizarres et les plus burlesques. Dans les autres fictions où le merveilleux est admis, on suit une règle quelconque : ici l imagination ne s arrête que lorsqu elle est épuisée. Ce genre est au roman plus régulier, sérieux ou comique, ce que la farce, ou plutôt les parades et la pantomime sont à la tragédie et à la comédie. Les transformations les plus imprévues et les plus extravagantes ont lieu par les moyens les plus improbables. Rien ne tend à en modifier l absurdité. Il faut que le lecteur se contente de regarder les tours d escamotage de l auteur, comme il regarderait les sauts périlleux et les métamorphoses d Arlequin, sans y chercher aucun sens, ni d autre but que la surprise du moment. L auteur qui est la tête de cette branche de la littérature romantique est Ernest-Théodore-Guillaume Hoffmann. Walter Scott, Sur Hoffmann et les compositions fantastiques
Préface de Cromwell Mais, dira-t-on, cette règle que vous répudiez est empruntée au théâtre grec. En quoi le théâtre et le drame grecs ressemblent-ils à notre drame et à notre théâtre? D ailleurs nous avons déjà fait voir que la prodigieuse étendue de la scène antique lui permettait d embrasser une localité tout entière, de sorte que le poëte pouvait, selon les besoins de l action, la transporter à son gré d un point du théâtre à un autre, ce qui équivaut bien à peu près aux changements de décorations. Bizarre contradiction! le théâtre grec, tout asservi qu il était à un but national et religieux, est bien autrement libre que le nôtre, dont le seul objet cependant est le plaisir, et, si l on veut, l enseignement du spectateur. C est que l un n obéit qu aux lois qui lui sont propres, tandis que l autre s applique des conditions d être parfaitement étrangères à son essence. L un est artiste, l autre est artificiel. Victor Hugo, Préface in Cromwell (1827)
Un phénomène bizarre Dès 1948, le radioastronome T. Gold avait pressenti leur existence à partir de considérations théoriques. D'après lui, l'oreille interne se comporte comme une batterie de filtres qui décompose le son en ses composantes spectrales, et ce avec un pouvoir de résolution qui dépend de la finesse de chacun des filtres. Or les liquides de l'oreille interne, par leur viscosité, altèrent la sélectivité de ces filtres. Pour assurer une sélectivité fréquentielle élevée, comme celle qui est observée chez les mammifères, Gold soulignait la nécessité d'un filtrage actif intracochléaire, lequel ne peut reposer que sur des cellules qui soient non seulement réceptrices sensorielles, mais aussi capables de réinjecter de l'énergie vibratoire dans le système. Cette opération, relativement banale en physique, a pour inconvénient sa tendance à l'auto-oscillation. Paul Avan / Pierre Bonfils, Universalis