Actualité de Samson Dieu se sert de nous



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Transcription:

Actualité de Samson Dieu se sert de nous Lors de la retraite de rentrée, Thierry Huser, pasteur de l Église du Tabernacle (Paris 18 e ), a évoqué avec nous le personnage de Samson. Une première étude donnait quelques clés de lecture de ce personnage hors du commun et invitait à honorer l appel que nous recevons de Dieu (son contenu se retrouve, pour l essentiel, dans un article publié dans le Lien Fraternel, juillet-août 2007). La seconde étude prolonge la réflexion sur Samson en éclairant l affirmation que Dieu se sert de nous. Avec ce deuxième volet de notre étude, nous abordons un sujet moins linéaire que le précédent, qui nous invitait à honorer l appel de Dieu. Je me propose de partir du constat que Dieu s est servi de Samson. Le récit biblique l affirme, en donnant, à deux reprises, le titre de «juge» à Samson. «Samson fut juge en Israël, aux jours des Philistins, pendant 20 ans». L affirmation se retrouve au milieu du récit (Jg 15.20) et en conclusion de sa vie (16.31). L auteur de l épître aux Hébreux cite Samson dans sa galerie des hommes de foi de l Ancien Testament. Comment en rendre compte? Quel éclairage prend l affirmation «Dieu se sert de nous», au miroir de la vie de Samson? En abordant cette question, il faut mesurer et respecter la distance entre ce que Dieu voulait réaliser par Samson, juge en Israël, et ce que nous entendons, pour nous, lorsque nous disons : «Dieu se sert de nous». L un des aspects de la mission de Samson était de bousculer le rapport de forces entre Israël, peuple en formation, et les Philistins. Le langage et l usage de la force font partie des moyens de régler les équilibres de peuple à peuple. C est ce qui a du poids, dans ce type de relations. Notre mission, en rapport avec l Évangile, s inscrit dans un tout autre ordre : la manifestation de l amour de Dieu, le témoignage à la vérité de Dieu, à son salut, à la transformation des vies et des cœurs que réalise l Évangile. Les qualités spirituelles de chacune de ces deux missions ne sont donc pas les mêmes, de même que les moyens employés, ni les finalités visées. L apôtre Paul souligne la spécificité des moyens à mettre en action dans l œuvre et le combat de l Évangile : «Si nous vivons bien dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair. Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas celles de la chair ; mais elles sont puissantes, par la vertu de Dieu, pour renverser des forteresses. Nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s'élève contre la connaissance de Dieu, et nous amenons toute pensée captive à l'obéissance de Christ.» (2 Co 10.3-5) Il ne faudrait pas réduire pour autant le rôle d un Samson à la seule fonction «d homme fort de service». Il avait aussi un témoignage à rendre. Doté de force par le Dieu d Israël, il avait à l honorer, dans sa conduite. Comme tout Israël, il devait être un témoin du Seigneur, en observant ses commandements et en les recommandant par sa conduite (Dt 4.6). Volonté souveraine, volonté morale de Dieu La première mention de l utilisation de Samson par Dieu est un peu déroutante. Elle renvoie à son projet de mariage avec la femme philistine de Timna (ch 14). Les parents de Samson veulent le dissuader du projet, qu ils savent contraire à la volonté de Dieu clairement exprimée : «Vous ne conclurez pas d alliance avec les habitants de ce pays.» (Jg 2.2) Pourtant, le rédacteur du livre nous dit, à propos de ce projet de mariage : «Ses parents ne savaient pas que cela venait du Seigneur ; en effet, il cherchait un prétexte contre les Philistins.» (14.4) Nous voilà avertis d emblée : la réalité est parfois complexe. Le Seigneur intègre dans ses plans toutes sortes d actions, certaines excellentes, d autres bien plus ambiguës. Il se sert de nous, avec ce que nous sommes, en plus et en moins. Il choisit d intégrer dans ses plans nos initiatives, nos motivations, nos choix. S il sait nous former, nous travailler en profondeur pour que nos choix soient dans l axe des siens, il a aussi suffisamment de maîtrise pour se servir d actes ou de motivations à l opposé de ce qu il veut. Il se sert, ici, de la faiblesse et de la désobéissance de Samson pour 1

commencer à créer des tensions et des à-coups au sein de la fausse paix qui s installe entre Israël et les Philistins, auxquels Israël se soumet dans une sorte de collaboration implicite avec l occupant. Dieu montre, aussi, au passage, l impasse de tels projets d alliance. Les actions et les réactions vont s enchaîner, à partir de ce projet qui capote, entre Samson et les Philistins. Ni Samson ni les Philistins n ont le projet de se soumettre à Dieu. Pourtant, ils accomplissent le plan du Seigneur. La distinction La distinction à faire ici est celle entre la volonté souveraine de Dieu et sa volonté morale. Dieu inclut dans sa volonté souveraine des actes qui peuvent être en accord ou en désaccord avec sa volonté morale, laquelle désigne ce qui est bien à ses yeux. On rappellera qu un acte mauvais reste mauvais, moralement parlant, même si Dieu s en sert : le projet de mariage de Samson reste une désobéissance, même si Dieu l utilise. C est la volonté morale de Dieu, qui détermine le bien et le mal, et non le fait que Dieu intègre ou non un acte dans ses plans souverains. La portée d un exemple L exemple de Samson, dont Dieu se sert malgré tant de désobéissances, ne doit donc pas nous servir de consolation facile : «Le Seigneur est bon, il se sert de nous malgré tous nos manques et nos écarts!» Il fait ressortir, au contraire, le contraste entre ce dont Dieu se sert et ce que le Seigneur aime. Il nous invite à nous fixer comme ligne de conduite, résolument, l obéissance à la volonté morale de Dieu. C est toujours une tentation que de juger les choses d après les résultats. «Dieu a utilisé ma prédication même si je l avais prise un peu à la légère, sans trop la travailler»... alors que la Parole de Dieu nous dit : «Veille sur toi-même et sur ton enseignement!» (1 Tm 4.16) ; «Le Seigneur a aidé tel frère, telle sœur en difficulté même si je n ai pas fait de visite.» Alors que le Seigneur demande aux responsables de son Église : «Prends soin de mon troupeau». On pourrait multiplier les exemples, où Dieu se sert de nous, malgré notre peu de prière, nos manques de foi, notre vie spirituelle minimum. Il nous faut recevoir ces expériences comme des grâces, et non comme des excuses. Notre repère est et doit rester «ce qui fait plaisir au Seigneur», et cela, «à tous points de vue» (Col 1.10). C est là que se situent la volonté et la joie de Dieu. Action-réaction J ai parlé du mariage de Samson avec la femme de Timna. La suite du récit nous décrit les conséquences de cette tentative avortée. Nous avons un court récit, assez hallucinant, où tout se passe en «actions-réactions» (15.1-11). En résumé : (1) Après avoir perdu son pari, Samson quitte la fête après avoir payé son dû, mais sans honorer sa femme. Réaction : le père, humilié, la donne pour femme au garçon d honneur de Samson. (2) Quelque temps plus tard, il prend à Samson de revoir la jeune fille, et de faire valoir ses droits de mari. Il découvre qu elle a été donnée à un autre. Aucun retour n est possible. Réaction : Samson, humilié, se déclare ennemi juré de «tous les Philistins», et incendie leurs récoltes. Résultat : des hectares de plantations incendiés. Réaction des Philistins : ils s en prennent à la femme de Samson et à son père, qui sont brûlés. Le mal irrémédiable, une injustice sans recours possible. (3) Réaction de Samson : «Ma vengeance sera totale, ma haine ne s assouvira jamais». Et comme il en a les moyens, il inflige aux Philistins une grande défaite (15.8). C est alors toute une armée des Philistins qui se lève contre un seul homme, et envahit le territoire de Juda. Le dialogue qui s instaure avec la délégation qui vient en médiation est très éclairant. Les Philistins disent : «Nous venons le traiter comme il nous a traités» (15.10) ; et Samson se justifie : «Je les ai traités comme ils m ont traité» (15.11). Presque les mêmes mots. La symétrie est totale. Chacun est aveuglé par le mal qu il a subi, et dont il fait l excuse du mal qu il commet. Le triste résumé de tant de situations de conflits sans issue. La tristesse du Seigneur Comment recevoir un récit comme celui-là? Ce texte impose une lecture à deux niveaux. 2

Pour ce qui concerne le plan de Dieu, on avance, étape par étape, vers des situations où la fausse paix avec les Philistins se trouble et se craquèle. Et c est la fonction de Samson d être, ainsi, un «agitateur». Mais les chemins par lesquels cet inconfort est créé sont affligeants, et pitoyables. On ne sait pas qui est le meilleur, entre Samson et les Philistins. Ils se ressemblent beaucoup. Chacun réagit à ce que fait l autre. On cherche en vain quelques motivations élevées. C est un coup de miroir sur le triste état du peuple d Israël : son «champion» ne vaut pas beaucoup mieux que les Philistins. C est aussi une illustration des tristes moyens que Dieu est contraint d employer lorsqu il choisit d utiliser les réalités humaines, de nous utiliser. Son plan doit se frayer un chemin par bien des petitesses! Cela doit être affligeant pour lui. Notre Seigneur Jésus ne s est pas souvent plaint. Mais il a eu un jour ce soupir : «Jusques à quand serai-je avec vous?jusques à quand vous supporterai-je?» (Mt 17.17) C était devant le manque de foi de ses disciples. Comment éviter d imposer au Seigneur de tels soupirs? Ce ne sont pas nos manques, en eux-mêmes, qui sont déterminants : «Le Seigneur sait de quoi nous sommes faits, il sait que nous ne sommes que poussière» (Ps 103). Le Seigneur Jésus a montré qu il était toujours prêt à encourager ceux qui sincèrement cherchent à le suivre. Par contre, les négligences chroniques, les laisser-aller, la légèreté face aux manques ou aux écarts, sont affligeantes pour Dieu lorsqu il nous utilise. Ayons le souci qu il puisse «se réjouir de ses oeuvres» (Ps 104.31) quand il se sert de nous. Les dons et leur usage Une seconde piste de réflexion concerne notre utilisation des dons de Dieu. La force de Samson est un don que Dieu lui a fait. Il le lui a accordé pour son service. Et l on constate un usage très variable de ce don : tantôt légitime, tantôt illégitime, souvent très mêlé. Lorsque toute une armée de Philistins monte pour s emparer de Samson, livré par les hommes de Juda, et que Samson, poussé par le souffle du Seigneur, bat cette armée à l aide d une mâchoire d âne, on peut parler d usage légitime de sa force par Samson, seul contre tous (15.9-15). Par contre, on doit être plus réservé sur l usage de sa force lorsqu il va se «payer» chez les Philistins, pour le pari perdu lors de son mariage avec la femme de Timna. Il est indigné contre les moyens utilisés par les Philistins pour arriver à leur fin. Il y avait place pour une telle indignation. Le «souffle du Seigneur» qui le saisit montre que le Dieu était, d une certaine façon, derrière cette réaction (14.19). Mais cela justifiaitil qu il tue trente hommes pour avoir leurs vêtements?! La vie d un homme pour son vêtement, est-ce juste, est-ce proportionné? Samson avait d autres possibilités d utiliser la force ou l intimidation : lorsque Obélix collectionne les casques des Romains, il sait ne pas aller plus loin que nécessaire! Samson aurait pu se faire remettre les vêtements sans commettre l irréparable et le crime. Mais il cède à une indignation aveugle, sans mesure, sans contrôle, sans réflexion sur ce qui est juste. Poussé à la réaction par le souffle du Seigneur, il trahit le souffle qui le pousse, en se laissant aller aux mauvais mouvements de son cœur. Cela nous rappelle que l Esprit de Dieu est, certes, un Esprit de force, mais aussi de sagesse, de maîtrise de soi, de discernement, de justice. C est trahir le Seigneur, son Esprit et ses dons, que de ne pas les utiliser en harmonie avec sa personne, ou selon les qualités qu il veut produire en nous (Ga 5.19-23). Samson nous rappelle notre responsabilité par rapport aux dons de Dieu. La force que Dieu lui avait accordée était à sa disposition, et demeurait sienne tant qu il ne reniait pas complètement son appel en se coupant les cheveux. Il pouvait s en servir pour le meilleur et pour le pire. Sa responsabilité était pleinement engagée. Nul parmi nous n est dans le cas de Samson pour ce qui est de la force. Mais qu en est-il de celles, de ceux, qui ont reçu du Seigneur une grande intelligence? Qu en est-il de celles, de ceux, qui sont en 3

situation «de pouvoir», intellectuellement, professionnellement, familialement? Qu en est-il, qu en sera-t-il de vous, étudiants, lorsque, sachant suffisamment de grec ou d hébreu, vous serez en mesure de citer des mots tirés du texte original et de vous en servir pour appuyer votre propos, sans que personne dans votre auditoire d Église ne soit en mesure de vous réfuter, que ce que vous dites soit juste ou faux? Qu en est-il de celles, de ceux, qui ont le don d entraîner les autres, qui savent bien parler, convaincre? Qu en est-il de nous lorsque nous sommes respectés, pour notre position, notre notoriété? De tout cela, nous sommes responsables. Il nous faut, constamment, avec humilité, avec application, soumettre au Seigneur, à sa Parole, à son Esprit, l usage que nous faisons de toute capacité que nous possédons. La foi de Samson Comment rendre compte de l appréciation positive de l épître aux Hébreux, qui nous parle de la foi de Samson? Qu en est-il de cet autre aspect du personnage, qui suppose que Dieu ait pu se servir de lui plus «positivement»? Paradoxalement, hormis dans le dernier geste de sa vie, ce n est pas dans l usage de sa force que la foi de Samson se manifeste. Sa force est, d une certaine manière, un acquis. Dieu ne la lui retire pas tant qu il respecte le signe extérieur de son appel. Cela lui donne une assurance, une confiance monumentale... en lui-même! Quoi qu il fasse, il sait qu il pourra s en sortir À cet égard, sa force devient un piège, de légèreté, de suffisance (cf 16.1-21). Tous nos dons, nos succès, nos capacités reçues peuvent pareillement le devenir, pour nous. Dans le «ministère» autant qu ailleurs! Mais Samson fera aussi l expérience d arriver au bout de ses ressources. Il sera alors pour Israël, comme pour nous, un exemple de foi. L exemple le plus clair de cette confiance est rapporté dans un texte magnifique (15.9-17). Samson vient de vaincre toute l armée des Philistins venue contre lui. Après un premier temps d euphorie très centré sur lui-même et son exploit, il se retrouve seul. Là, soudain, il s écroule. Il meurt de soif. La tension de ce combat titanesque est retombée. Il se sent défaillir, près de mourir. Il crie à Dieu. Il reconnaît son action : «C est toi qui a réalisé cette grande victoire par moi, ton serviteur!» (15.18) Il invoque le Seigneur, en le reconnaissant comme tel (15.18). Moment de vérité. Dieu accorde alors à Samson un signe étonnant. Il fait pour lui ce qu il avait fait pour Israël au désert : l eau sort du rocher, une source jaillit en réponse à sa prière. Samson peut boire, et reprendre vie. Le signe est fort, pour Samson, comme pour tout Israël : Dieu se laisse encore invoquer, malgré les ambiguïtés, les légèretés, les infidélités. Il garde encore des ressources, il veut être encore, et malgré tout, le Dieu qui vivifie, renouvelle, et rend la vie. Mais pour cela, il faut l invoquer, le chercher sincèrement. On a appelé ce lieu : «la source de celui qui invoque» (15.19). Chaque fois qu ils passaient par là et voyaient l eau couler, les gens de Juda étaient renvoyés à cette réalité : Dieu répond et garde des ressources pour quiconque l invoque avec sincérité. Malgré les écarts, les oublis et les infidélités, il demeure, il veut être source de vie, pour celui qui l invoque. Pour nous, cette source se double d un autre nom. Elle nous renvoie à Jésus-Christ, notre Seigneur. Elle nous rappelle la Croix, à laquelle nous pouvons toujours revenir, quelles que soient nos petitesses ou nos fautes, et invoquer sa grâce, pour la recevoir! Elle nous rappelle la promesse d une eau qui purifie et qui vivifie à la fois : «Celui qui boit de l eau que moi, je lui donnerai, celui-là n aura jamais soif : l eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d eau qui jaillira pour la vie éternelle.» (Jn 4.14) Cette promesse laissée par Samson est un message magnifique. Elle nous rappelle à notre vulnérabilité. Mais elle ouvre cette vulnérabilité sur celui qui veut être «source» pour nous. Ne craignons pas les moments où, peut-être, nous sommes ou serons au bout de nos ressources, dans notre service du Seigneur. Il y en a, il y en aura toujours, car la tâche est au-delà de nos propres ressources. On se sent toujours «limite» à un endroit ou à un autre. On découvre toujours, dans une 4

préparation, la mise en œuvre d un projet, les exigences de l agenda, un ou des moments où l on sait pertinemment que, sans le Seigneur, on n y arrivera pas. Dans ces moments, la dépendance de Dieu est tout sauf une formule! Mais alors, également, le soutien et les ressources du Seigneur sont tout sauf une formule! Le double message Samson nous laisse donc un double message par la façon dont «Dieu s est servi de lui». Un message d exigence et de responsabilité, d une part, en forme d invitation à être pour le Seigneur des outils qu il aura joie à utiliser parce que nous resterons attentifs, même si c est exigeant, à ce qui lui fait plaisir, et au bon usage des dons qu il nous fait. D autre part, un message d encouragement et d assurance pour tous ceux qui, par-delà les images de force et de solidité qu ils ont peut-être aux yeux des autres, savent dans leur vérité intime que souvent ils sont au bout de leurs ressources... Le Seigneur qui les appelle, et se sert d eux, est «source», véritablement, généreusement, fidèlement. Thierry Huser 5