META-ANALYSES 1. INTRODUCTION. Module I : «Apprentissage de l exercice médical» Sous module 1 : «La médecine fondée sur les preuves» T.



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Transcription:

Module I : «Apprentissage de l exercice médical» Sous module 1 : «La médecine fondée sur les preuves» META-ANALYSES T. LANG 1. INTRODUCTION La quantité d information disponible en médecine est aujourd hui considérable. Une interrogation d une base de données telle que MEDLINE avec les mots-clefs «traitement hypertension artérielle» indique que 15.000 articles sont disponibles sur ce sujet. Avec les mots-clefs «pression artérielle élevée traitement» 80.000 articles sont accessibles. Chacun de ces articles apporte des informations originales, parfois concordantes, rarement identiques, mais pas toujours cohérentes, sur différents aspects des outils diagnostiques et des méthodes thérapeutiques. En outre, stratégies diagnostiques et thérapeutiques ont leurs aspects positifs (identification des malades, guérison), mais aussi leurs inconvénients (malades non diagnostiqués, effets secondaires des traitements). C est dire la nécessité de réaliser des synthèses de l ensemble de ces informations pour aboutir à des règles de décision utilisables en pratique médicale. C est l objet de ce chapitre. Deux outils importants seront présentés dans ce cadre. Le premier permet de synthétiser l information disponible dans la littérature sur un point précis nécessaire à la décision. L exemple le plus classique est l efficacité d un traitement. La méta-analyse permet de donner la meilleure estimation possible de cet effet en se basant sur l ensemble des études de qualité qui ont exploré cet effet. Une seconde question est de parvenir à un résultat unique, donc utilisable pour la décision, lorsque plusieurs stratégies diagnostiques et/ou thérapeutiques sont disponibles. Il ne s agit plus dans ce cas d un point précis, thérapeutique ou diagnostique, mais de combiner l ensemble des événements et suite d événements possibles à la suite d une décision et de prendre pour un patient ou un groupe de patients donnés la décision qui sera la plus utile. L outil présenté sera alors l analyse de décision. 29

2. REVUES DE LA LITTERATURE, REVUES SYSTEMATISEES ET META-ANALYSES Les revues de la littérature sont classiques et font partie depuis longtemps du travail du médecin. Mais elles sont réalisées sans inclure de règles formelles sur le choix des articles et des études sélectionnées ni sur la manière de résumer l information et de retenir telle ou tel résultat. Dans ces conditions, les opinions de l auteur de ces revues peuvent jouer un rôle dans le choix des articles sélectionnés. On a montré ainsi que les études qui vont dans le sens des opinions admises sont plus souvent citées que les autres. Ce sont ces difficultés que tentent de dépasser les revues systématisées. Dans ce type de revues, on trouve des informations sur la façon dont les études ont été trouvées et sur quels critères elles ont été incluses. Il y a donc une section «matériel et méthodes» qui permet de comprendre le mode de sélection des articles. Les études une fois rassemblées, une façon de décider est de compter les études qui vont dans un sens et celles qui à l inverse, ne supportent pas l hypothèse explorée. Mais cette méthode néglige les caractéristiques des études, les tailles des échantillons ou l ampleur de l effet observé. Il n est pas étonnant dans ces conditions que les résultats soient parfois contradictoires. La méta-analyse fait partie de ces revues systématisées. Elle apporte une méthodologie statistique formelle qui permet de rassembler et d analyser les données de différentes études sélectionnées sur des critères transparents. Il importe cependant de bien saisir les limites de ces outils. La technique des méta-analyses a connu un grand succès, car c est un moyen précieux de résumer les résultats de multiples études disparates. A la fin des années 80, par exemple, un clinicien qui souhaitait savoir si la streptokinase était un traitement d urgence efficace de l infarctus du myocarde se trouvait face à 8 études analysant la mortalité à 45 jours. Trois études étaient en faveur de l efficacité avec un degré de signification statistique (p<0,05) ; dans cinq études les résultats n étaient pas statistiquement significatifs, deux étaient en faveur de la streptokinase et trois étaient en faveur du groupe témoin. Comment décider de l utilisation ou non de ce traitement? La combinaison de ces huit études a montré en fait une réduction de 20% de la mortalité (p<0,01). 30

3. META-ANALYSES DES ESSAIS THERAPEUTIQUES 3.1 OBJECTIF ET PRINCIPES GENERAUX Le principe des méta-analyses est d évaluer l effet d un traitement utilisé sur des populations comparables, en combinant les résultats de multiples études. Cette technique permet d augmenter la puissance statistique pour tester certaines hypothèses. En outre, les méta-analyses renseignent sur la généralisibilité des résultats dans différentes populations. Celle-ci est établie si les résultats de différentes études sur des groupes variés (hommes et femmes ; groupes d âge ; niveau de sévérité) sont comparables. Pour répondre à ces objectifs, une méta-analyse de qualité doit - porter sur l exhaustivité des essais réalisés - expliquer clairement sur quels critères les essais ont été ou non retenus pour l analyse - enfin quantifier l effet du traitement 3.2 METHODES Dans une méta-analyse de qualité, les informations de base (nombre de sujets dans chaque groupe, nombre de succès ou de complication dans chaque groupe, par exemple) doivent être disponibles pour le lecteur, de façon à pouvoir reproduire les résultats présentés par les auteurs. Si elles ne sont pas toutes publiées, les données de base doivent pouvoir être fournies par l auteur de la méta-analyse à un lecteur intéressé. C est un principe essentiel de clarté et de transparence de l activité scientifique, particulièrement important dans cette activité de synthèse. 3.2.1 TYPES DE META-ANALYSES SELON LES ETUDES INCLUSES On distingue plusieurs types de méta-analyses selon qu elles concernent les seules études publiées, les études publiées et non publiées, les démarches prospectives et enfin les études sur données individuelles. Les deux premiers types de méta-analyse sont effectuées sur la base des résultats synthétiques fournis par les auteurs. Il est également possible de réaliser une méta-analyse en partant des données de chacun des malades inclus dans les divers essais menés de par le monde. 31

Etudes publiées seules Ces méta-analyses représentaient 70% des méta-analyses publiées entre 1989 et 1991. Les études incluses sont recueillies par une recherche menée à partir des grandes bases de données bibliographiques (MEDLINE, PASCAL...). Mais le risque de biais est majeur. Il est en effet beaucoup plus facile de publier les résultats d une étude dont les résultats sont concluants d un point de vue statistique que s ils ne mettent pas en évidence de différence statistiquement significative. La probabilité d être publié est 7 fois plus élevée dans le premier cas! Le biais potentiel en faveur de l efficacité d un médicament est donc important. Ce processus de sélection a pour conséquence directe qu une revue de la littérature va porter sur des essais qui seront en faveur d une efficacité du traitement. On rappelle qu avec un risque de première espèce fixé à 0,05 (le fameux p<0,05), si le traitement est en réalité inactif, la probabilité d observer au moins un essai concluant sur dix études est de 40%! Etudes publiées et non publiées. Ce travail suppose de la part des chercheurs un effort considérable pour connaître les travaux non publiés. Il faut explorer les résumés de congrès, les registres d essais en cours, contacter des chercheurs... Mais cette précaution est particulièrement importante pour éviter les biais de publication que nous venons d évoquer. Certains auteurs ont argumenté et nuancé cet avantage en avançant que les essais non publiés étaient de moindre qualité que les autres. Méta-analyse à partir des données individuelles des études Cette méthode est évidemment beaucoup plus lourde sur le plan du recueil des données, car elle suppose d accéder aux données originales recueillies par les chercheurs ; concrètement, il faut obtenir une copie de leurs fichiers de données... Disposant de l ensemble de l information élémentaire, il est possible d harmoniser les critères de jugement, d avoir une idée plus précise de la qualité des essais. Cette méthode permet également quelques analyses particulières : multivariée, données de survie ou réanalyses en intention de traiter. Méta-analyse prospective Dans cette approche, les essais thérapeutiques, sont identifiés, évalués et déclarés éligibles pour la métaanalyse avant que leurs résultats ne soient connus. Ceci permet d éviter les difficultés liées au fait de choisir une étude sachant son résultat. 32

3.2.2 CRITERES DE SELECTION DES ESSAIS Le caractère crucial de cette étape rend nécessaire les compétences de deux lecteurs différents pour décider de l inclusion d un essai, permettant d éviter la subjectivité des choix. Deux niveaux de critères interviennent : 1) l essai entre-t-il dans le domaine d intérêt concerné par la méta-analyse? 2) répond-il aux critères de qualité exigibles pour être inclus? -Domaine d intérêt La méta-analyse va être définie par quatre critères : la maladie considérée, la population concernée, le critère de jugement et enfin le traitement étudié. Pour qu un essai soit inclus, il doit répondre à ces critères. Mais, sur ces quatre points, l équilibre est difficile entre une trop grande sélectivité sur les critères de sélection aboutissant à ne trouver que peu d essais et de l autre, un manque de rigueur dans la sélection qui produirait une information inutilisable pour les patients si la maladie, la population, les critères de jugement voire les traitements sont trop mal définis. -Qualité des études Il n y a pas de consensus sur la qualité des études, bien que des scores aient été proposés par certaines équipes. Néanmoins, les critères suivants peuvent servir de guide : - présence d une méthode d allocation des traitements garantissant une absence de biais (randomisation). - données sur le nombre de perdus de vue et disponibilités des informations nécessaires pour réaliser une analyse en intention de traiter - description et modalités du suivi des patients ; absence de différence dans les soins prodigués en dehors du traitement étudié - procédures de validation des événements critiques et du critère de jugement - information sur les patients non inclus et exclus de l étude 33

3.2.3 METHODE STATISTIQUE La méthode la plus intuitive serait d additionner l ensemble des patients et des résultats attendus. Mais cette méthode expose à des résultats curieux, connus sous le nom de paradoxe de Simpson. Ici un exemple portant sur deux essais, explorant l efficacité d un traitement visant à réduire les complications d une pathologie. L efficacité est ici explorée par le risque relatif. Essai 1 Essai 2 Effectif total Complications Risque relatif Groupe traité 112 68 0,86 Groupe témoin 61 43 Groupe traité 52 11 0,72 Groupe témoin 119 35 Total («pooling») Groupe traité 164 79 1,11 Groupe témoin 180 78 On constate que les résultats issus de cette méthode sont dans certains cas, comme ici, inverses des résultats individuels des essais ; c est le cas notamment si le niveau de risque varie entre essais. La méthode utilisée dans les méta-analyses consiste donc à s intéresser à l effet du traitement et combiner les effets observés dans chaque essai. Le principe de l analyse statistique est donc de faire l hypothèse que l effet du traitement est le même dans l ensemble des études incluses et qu il diffère d une étude à l autre de façon aléatoire. d i = d h + ε i d i est l effet observé dans l essai i ; d h l effet réel, supposé commun ; ε i le terme qui exprime la variabilité d un essai à l autre, les erreurs de mesure. Deux questions sont délicates à résoudre : - comment exprimer l effet du traitement? - comment s assurer de la présence ou de l absence d une hétérogénéité des essais? Exprimer l effet du traitement Il n y a pas de règle absolue en la matière. L effet peut être exprimé en termes relatifs (risque relatif, rapport des cotes), en termes absolus (différence des risques). S il s agit d un critère de jugement de type quantitatif (ex : pression artérielle), il est nécessaire de standardiser cet effet en introduisant la variance observée dans l étude («effect size»). 34

S assurer de l homogénéité Etudier l homogénéité de l effet est une étape importante dans l analyse d une méta-analyse. L homogénéité peut être testée grâce au test Q de Cochran ou de façon graphique. L absence d hétérogénéité suggère que l effet est le même dans tous les essais. Il faut se souvenir que les tests d hétérogénéité sont peu puissants. La présence d une hétérogénéité peut indiquer des interactions réelles avec les caractéristiques des études. Cette possibilité apparaîtra dans des analyses de sous-groupe ou même graphiquement. C est ainsi que l hétérogénéité pourra résulter du fait que différents dosages ont été employés et que, par exemple, seules les études dans lesquelles une dose forte a été utilisée montrent un effet. Ailleurs, ce peut être un effet lié à l âge. L analyse de l effet dans différents sous-groupes peut être réalisée, si les effectifs le permettent, en recherchant l effet d une covariable sur l efficacité du traitement (on parle de «méta-régression»). 3.2.4 PRESENTATION DES RESULTATS Une méta-analyse de qualité permet d appréhender les résultats sous leurs diverses composantes : - Les résultats des essais élémentaires avec les effectifs inclus, les cas correspondant aux critères de jugement et les intervalles de confiance de ces résultats. - Calcul d un estimateur unique pour l ensemble des études, avec son intervalle de confiance. - Une présentation graphique (voir ci dessous) permet de synthétiser l ensemble de ces informations. La présentation graphique permet également d apprécier l homogénéité des résultats. 35

Med.A Placebo (cas/effectif) Essai 1 45/395 102/591 Essai 2 140/1152 343/1830 Essai 3 Essai 4 1409/11639 3408/18415 35/133 43/148 Essai 5 67/396 132/433 Total 1696/13715 4028/21417 Risque relatif 0,6 1 1,5 Hétérogènéité : test Q de Cochran :p=0,54 3.2.5 VERIFICATION DE LA QUALITE DES RESULTATS Deux analyses contribuent à vérifier la qualité des résultats -Analyse par sous-groupe d études selon leur qualité méthodologique On a vu que lors de l inclusion, les essais étaient classés selon leur niveau de qualité. Il peut être alors intéressant si le résultat observé dans la méta-analyse reste le même suivant que les essais de moindre qualité sont ou non inclus et s ils sont cohérents avec ceux des autres essais. -Analyse de sensibilité Elle consiste à vérifier si les résultats produits par la méta-analyse restent vrais si on fait varier dans un certain domaine de valeurs tel ou tel résultat d essai. 36

3.3 LIMITES Il faut se rappeler que le résultat des méta-analyses repose sur la qualité des essais réalisés et inclus. La sélection et l exhaustivité des essais sont donc le «pied d argile» de cette technique. Le mélange de populations d origines diverses peut s avérer non pertinent et produire des résultats sur des populations «moyennes» dénuées de signification. Enfin, les travaux empiriques confirment les limites de l outil. Plusieurs auteurs ont comparé les résultats de méta-analyses et de grands essais réalisés sur le même sujet. Les conclusions invitent à une certaine prudence puisqu une méta-analyse sur trois était en désaccord avec le résultat de l essai de grande taille réalisé sur le même sujet. Il devient alors difficile de conclure. 3.4 CRITERES DE QUALITE D UNE META-ANALYSE - Le protocole et la méthode de travail sont-ils bien décrits? - La méthodologie employée pour retrouver les études est-elle bien décrite? - Les critères d inclusion et d exclusion des études sont-ils bien décrits? La liste des articles inclus et exclus figure-t-elle? Les raisons d exclusion sont-elles données? - L homogénéité est-elle testée et explorée graphiquement? - Les méthodes statistiques employées sont-elles correctes? - Des études de sensibilité ont-elles été réalisées? - Si les résultats sont positifs, le biais de publication est-il discuté et pris en compte? - Les conclusions pour la pratique et la recherche sont-elles en accord avec les résultats? 37

Biais de publications Certaines techniques graphiques tel le «funnel plot» permettent de suspecter des biais de publication. Ils reposent sur la visualisation de la répartition des essais selon l effet trouvé. Un manque d essais dans la zone d inefficacité des traitements observés est très suspect de biais de publication. Effectif des essais 900 600 400 200 «Funnel plot» pas de biais de publication évident -0,5 0 +0,5 Effet du traitement Effectif des essais 900 600 «Funnel plot» biais de publication très probable 400 200-0,5 0 +0,5 Effet du traitement 3.5 INTERPRETATIONS La méta-analyse est une technique extrêmement utile et puissante. Il faut cependant garder à l esprit ses limites, que nous avons évoquées. La question se pose du niveau de preuve qu elle apporte. Compte-tenu de ses limites, une majorité d auteurs considèrent qu en cas de divergence entre un essai de taille suffisante et une méta-analyse, l essai thérapeutique est plus convaincant. Des exemples ont été rapportés de métaanalyses sur de petits essais ayant suggéré l efficacité de telle ou technique qui s est avérée sans efficacité dans les grands essais réalisés ultérieurement. C est par exemple le cas du magnésium dans le traitement de l infarctus du myocarde. Une méta-analyse de 7 essais suggérait une réduction de la mortalité de 55%. L essai thérapeutique ISIS-4 (mené sur 58.000 patients) montrait à l inverse une tendance à l augmentation de la mortalité dans le groupe traité (non significative). 38

Depuis 1992, un réseau international de cliniciens et d épidémiologistes anime les centres collaborateurs COCHRANE, qui met à disposition des cliniciens du monde entier des revues systématisées sur l ensemble des données disponibles. 4. META-ANALYSES DES FACTEURS PREDICTIFS ET DE L EVALUATION DES TESTS DIAGNOSTIQUES Les méta-analyses ont jusqu à présent été utilisées et mises en ouvre dans le domaine des essais thérapeutiques. Cette technique se développe actuellement dans d autres domaines, celui des facteurs prédictifs dans les enquêtes de cohorte et dans celui de l évaluation des tests diagnostiques. LECTURES CONSEILLEES : Livre : Méta-analyse des essais thérapeutiques. M Cucherat. Masson Ed., Paris :1997. Quelques publications récentes : 1. Egger M, Smith GD, Schneider M, Minder C. Bias in meta-analysis detected by a simple, graphical test. BMJ 1997;315:629-634. 2. Sterne JAC, Egger M, Smith GD. Systematic reviews in health care: Investigating and dealing with publication and other biases in meta-analysis. BMJ 2001;323:101-105. 3. Sutton AJ, Duval SJ, Tweedie RL, Abrams KR, Jones DR. Empirical assessment of effect of publication bias on meta-analyses. BMJ 2000;320:1574-1577. Un site internet de ressources sur les méta-analyses http://www.spc.univ-lyon1.fr/~mcu/ma/ 39