1 Fête de famille 4 septembre 2016 Il est bon de nous retrouver ensemble en ce début d année pastorale pour une fête de famille à l occasion de l inauguration de notre nouvelle maison diocésaine, la maison Saint-Julien. Prions ensemble en cette célébration de l eucharistie de ce dimanche, que nous ne nous arrêtions pas à la construction d un bâtiment mais qu en nous approchant du Christ, nous soyons nous-mêmes des pierres vivantes pour édifier l Eglise construite sur la pierre angulaire qu est le Christ nous appuyant les uns sur les autres, nous édifions ensemble l Eglise, une Eglise vivante et rayonnante. A la lumière des paroles de l Ecriture d aujourd hui, je voudrais insister sur deux aspects. Suivre Jésus. Il s agit de suivre Jésus. Dans le passage de l Evangile, Jésus s adresse aux foules qui faisaient route avec lui. Il ne s adresse pas à quelques-uns, à quelques privilégiés ou à certains qui auraient une vocation particulière, ou à une élite. Non! Il s adresse à tous ceux qui sont attirés par lui, qui de près ou de loin marchent avec lui, une foule dont on ne sait qu elle est comprise de boiteux, de malades, de pauvres. Il les place tous face aux exigences radicales que cela suppose de marcher avec lui. Vous le savez, être chrétien, ce n est pas seulement croire que Dieu existe, ni admirer la figure du Christ, ni trouver son enseignement admirable. Etre chrétien, c est être disciple du Christ, c est-à-dire se mettre à son école et marcher avec lui. Etre chrétien, ce n est pas être parfait et correspondre en tout à l idéal d une loi. Mais, c est choisir de suivre Jésus et de se laisser transformer par lui, comme les disciples dans l Evangile. Regardez Pierre, ou André, ou Jacques et Jean avec leur maman Madame Zébédée, ou Marie-Madeleine ou Matthieu, ou Zachée, ou Barthimée. Vous me direz, il y a aussi Judas. Ce n est pas pace qu ils ont tout réglé dans leur vie, qu ils vont suivre Jésus. Mais en suivant Jésus, Jésus lui-même va régler leurs vies sur la sienne. La plupart des apôtres vont mourir martyrs. Ce n est pas parce que tout n est pas parfait dans nos vies que les exigences que Jésus proposent ne sont pas pour nous : «Si tu attends que ton amour soit parfait pour m aimer, tu ne m aimeras jamais.» Nous devons prendre au sérieux les propos de Jésus.
2 «Si quelqu un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses frères et sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple?» Qu est-ce que cela veut dire? Comment concilier ses propos avec ce que par ailleurs nous dit la Parole de Dieu? «Tu honoreras ton père et ta mère», ce qui est dit et proposé sur le mariage et la famille. La vocation de la famille est grande, belle et forte, mais elle n est pas l absolu. L absolu, c est de suivre le Christ. En réalité, toutes nos familles sont marquées par des fragilités. Aucune famille n est parfaite. Certains ont connu le divorce ou parfois contracté une nouvelle union. Certains ont connu la mort d un conjoint ou d un enfant. Mais quelles que soient les situations, on peut toujours choisir de suivre le Christ. Même la réussite de ma propre vie ne peut être absolue «A quoi cela sert-il de gagner le monde entier si c est pour se perdre?». Préférer le Christ. C est cette préférence pour le Christ qui donne la force de ne pas avoir peur de la vérité sur nos propres vies et qui rend libre. C est aussi parce que cette préférence pour le Christ et non la réussite sociale ou la brillance mondaine ou les convenances est au cœur de nos familles qu il y a un espace pour que surgissent des appels à la vie consacrée, au ministère presbytéral. Quand cette préférence n est pas là, les appels particuliers ne peuvent pas être entendus. «Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi, ne peut pas être mon disciple». Comment comprendre une telle parole? Jésus ne nous dit pas que nous aurons de nouvelles croix. Il nous dit de porter celles qui sont déjà présentes dans nos vies et de s en servir pour marcher avec lui. Jésus ne fait pas l éloge de la souffrance. La souffrance est inacceptable en soi. Pourtant, nous y sommes tous confrontés d une manière ou d une autre. Pour comprendre ce que Jésus nous dit, il nous faut, je crois, regarder sans cesse comment Jésus luimême porte sa croix et nous en laisser bouleversé. Jésus, dans sa passion et sa mort sur la croix, associe la souffrance à l amour. Il s en sert pour manifester l amour jusqu à l extrême. La croix du Christ est devenue une source d où coulent des fleuves d eau vive. Nous sommes invités pour marcher derrière lui, à entrer avec lui dans ce mystère. C est sans doute difficile à comprendre surtout dans un monde où toute contrainte, toute fragilité, tout désagrément est considéré comme un obstacle au bonheur alors que Jésus lui en a fait un chemin. «Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple». Renoncer à tout ce qui nous appartient. Le mot «renoncer» n est pas vraiment à la mode et pourtant, il n y a pas d amour sans renoncement. Cette invitation de Jésus est une invitation à nous désapproprier, à un véritable détachement des biens mais aussi de nos projets, de nos idées pour ne plus être des propriétaires mais des intendants, des serviteurs.
3 J ai en mémoire les propos du Pape François adressé aux jeunes à Cracovie, il y a quelques semaines. «Dans la vie, il y a une autre paralysie. J aime à l appeler la paralysie qui nait lorsqu on confond le bonheur avec un divan-canapé! Oui, croire que pour être heureux, nous avons besoin d un bon divan. Un divan qui nous aide à nous sentir à l aise, tranquille, pour nous transporter dans le monde des jeux video et passer des heures devant l ordinateur. Un divan contre toute espèce de douleur et de crainte. Voulez-vous être des jeunes étourdis, abrutis? Voulez-vous être libres? Nous ne sommes pas venus au monde pour «végéter» pour vivre dans la facilité». Je pense à toutes les figures de sainteté de notre diocèse. Ils ont renoncé à tout pour suivre le Christ. Ils ont à cause de lui et de l Evangile traversés des contradictions, des épreuves physiques et morales, certains jusqu au martyre. Qui seront les Simeon Berneux, les Basile Moreau, les Virginie, les Jérôme de la Dauversière d aujourd hui? Ce sera nous ou ce ne sera personne. Ils sont là dans la cathédrale aujourd hui. Mais à quoi sommes-nous disposés à renoncer pour cela? Nous avons construit une nouvelle maison diocésaine en pensant qu elle pourra être un instrument pour mieux servir la mission. Mais cela ne sert à rien si nous ne sommes pas détachés de nos biens, de nos prétentions, de nousmêmes pour être disponibles au Christ. Nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés. Il n y a rien d original, c est ma seconde invitation. N oublions pas que c est un commandement formel du Seigneur. Et sur ce sujet, nous avons toujours des progrès à faire. La deuxième lecture, tirée de la Lettre à Philémon, nous a rapporté l histoire d un esclave Onésime, qui s est enfui de chez son maître Philémon, un chrétien baptisé par Saint Paul qui est en prison. Il se convertit et reçoit le baptême. Paul le renvoie à Philémon en lui suggérant sans vouloir l y obliger d accueillir Onésime comme un frère «Il est comme mon propre cœur. Il t est rendu pour l éternité non comme un esclave, comme un frère très cher. Accueille-le comme si c était moi.» En devenant chrétien, la relation entre nous est transformée, nous ne sommes plus les uns pour les autres des étrangers. La vie chrétienne bouleverse en profondeur les valeurs du monde. Elle établit des nouveaux rapports les uns avec les autres. Nous sommes frères et sœurs, membres d une même famille et cela pour l éternité. Le lien qui nous unit avec nos frères et sœurs de Paderborn en est un témoignage. Il s agit d un «Pacte d éternelle fraternité».
4 Nous n avons pas encore été jusqu au bout de ce qu exige la charité fraternelle. «Ayez les mêmes dispositions, le même Amour, les mêmes sentiments, recherchez l unité, ne soyez jamais intrigants, ni vantards. Mais ayez assez d humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun d entre vous, ne soit pas préoccupés de lui-même mais plutôt des autres.» La charité fraternelle est un choix, une détermination, un travail. Prions, que le Seigneur nous accorde que notre maison Saint-Julien soit un laboratoire de charité fraternelle et de la miséricorde. Prions que le Seigneur permette que cela rayonne sur l ensemble de notre diocèse. La Providence de Dieu nous a mis ensemble pour que nous nous conduisions les uns les autres avec douceur, délicatesse et une infinie miséricorde vers la sainteté, c est-à-dire à la suite du Christ jusqu à la croix. La charité ne se réduit pas à la politesse (elle n en dispense pas non plus). Elle est miséricorde, elle est transformation de notre cœur. Nous ne sommes pas là pour défendre notre opinion, nos mouvements, notre sensibilité spirituelle, mais pour chercher ce qui est vrai et bon à la lumière de l exigence de la vérité évangélique. Pour nous aider les uns les autres à suivre le Christ, en nous réjouissant de ce que Dieu a donné aux autres, en mettant nos charismes au service de l édification de l Eglise. Nous sommes tous touchés par la violence qui traverse notre société, notre pays, les attentats, l assassinat du Père Hamel. N oublions pas que ces violences démoniaques sont le quotidien de nombreuses régions du monde depuis plusieurs années. Nos sociétés sont extrêmement fragiles. Souvent, on nous propose le vide. Ce vide de sens, ce vide de raisons de donner sa vie ne peut qu engendrer la violence. La réponse, nous la connaissons : c est la passion, la mort et la résurrection du Christ. La réponse, c est le don de notre vie dans l humilité, la miséricorde à la suite du Christ. Ce ne peut être que la réponse des martyres. «Je n ai demandé qu une seule grâce pour vous : que vous compreniez les paroles de Jésus : «Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés». Pouvez-vous me dire comment Il nous a aimés? Demandez-vous et ensuite voyez : aimez-vous vraiment vos sœurs comme il vous aime?» disait Sainte Mère Térèsa à ses sœurs. Vous savez qu elle vient d être canonisée ce matin. Confions notre diocèse à son intercession. Pour conclure, je vous rappelle que l année de la miséricorde n est pas terminée. D ailleurs, j espère qu elle ne se terminera pas même si dans quelques semaines, on fermera les portes de la miséricorde. La fin de l année de la miséricorde ne nous dispense de vivre les œuvres de miséricorde.
5 J ai le désir de consacrer de manière plus solennelle notre diocèse au cœur du Christ, de remettre dans le cœur de Jésus chacun de nous, tous les gens qui vivent dans la Sarthe, pour que auprès de son cœur transpercé nos propres cœurs reçoivent la capacité d aimer jusqu à aimer nos ennemis, que nous soient donnés des prêtres selon son cœur, que le feu de la charité et de la miséricorde traverse toutes nos activités, qu il fasse en nous, avec nous, ce qui est impossible à nos propres forces. «Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, les bâtisseurs travaillent en vain». Yves Le Saux Evêque du Mans