DÉCISION Nº969 du 30 octobre 2007



Documents pareils
DÉCISION Nº217 du 15 mai 2003

CONSIDÉRATIONS SUR LA MISE EN ŒUVRE DES DÉCISIONS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Grands principes du droit du divorce

Règle 63 DIVORCE ET DROIT DE LA FAMILLE

Commentaire. Décision n /178 QPC du 29 septembre 2011 M. Michael C. et autre

Conférence des Cours constitutionnelles européennes XIIème Congrès

PROTOCOLE. Entre le Barreau de Paris, le Tribunal de Commerce et le Greffe. Le Barreau de Paris, représenté par son Bâtonnier en exercice,

CC, Décision n QPC du 23 novembre 2012

Les Cahiers du Conseil constitutionnel Cahier n 24

La Faculté de Droit Virtuelle est la plate-forme pédagogique de la Faculté de Droit de Lyon

Numéro du rôle : Arrêt n 167/2014 du 13 novembre 2014 A R R E T

REGIMES MATRIMONIAUX

PROCEDURES DE DIVORCE

DIVORCE l intérêt du consentement amiable

Numéros du rôle : 4381, 4425 et Arrêt n 137/2008 du 21 octobre 2008 A R R E T

Catherine Olivier Divorcer sans casse

Décrets, arrêtés, circulaires

RAPPORT DE STAGE ET RÉSUMÉ

La chambre du conseil de la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg a rendu le douze février deux mille quatorze l'arrêt qui suit:

2. Compétence d attribution et compétence territoriale des tribunaux en Allemagne

CEDH FRANGY c. FRANCE DU 1 ER FEVRIER 2005

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille onze.

LES PENSIONS ALIMENTAIRES A L'ETRANGER

Commentaire. Décision n QPC du 20 juin Commune de Salbris

ORDINE DEGLI AVVOCATI D IVREA

Siréas asbl Service International de Recherche, d Education et d Action Sociale

REGLEMENT INTERIEUR TITRE I : DISPOSITIONS GENERALES

Vous êtes marié avec un conjoint de

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Président : M. Blin, conseiller le plus ancien faisant fonction., président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA DEFENSE DEVANT LES JURIDICTIONS PENALES INTERNATIONALES

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier décembre deux mille onze.

Le tribunal de la famille et de la jeunesse

QU EST- CE QU UNE CONSTITUTION

Tribunal d appel des Nations Unies

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu l ordonnance n du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Cour de cassation de Belgique

Vous divorcez, vous vous séparez?

BELGIQUE. Mise à jour de la contribution de novembre 2005

Conclusions de Madame l'avocat général Béatrice De Beaupuis

Commentaire. Décision n QPC du 19 janvier Madame Khadija A., épouse M. (Procédure collective : réunion à l actif des biens du conjoint)

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TOULOUSE. ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 01 Juillet 2014

Avant-projet de loi. Loi modifiant le Code civil et d autres dispositions législatives en matière d adoption et d autorité parentale

SIMPLIFIE ET PACIFIE LA PROCÉDURE. À TOUTES LES ÉTAPES DE LA PROCÉDURE ET SUR TOUTES LES QUESTIONS LIÉES À LA LIQUIDATION DU RÉGIME

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Conclusions de Madame l avocat général Gervaise TAFFALEAU

LA DEONTOLOGIE FRANCAISE DU CONFLIT D INTERET

- La mise en cause d une personne déterminée qui, même si elle n'est pas expressément nommée, peut être clairement identifiée ;

Famille et couple: questions pratiques en droit international privé. Renouveau et démocratie Conseil européen 27 septembre 2012

La résolution des conflits entre Etat central et entités dotées du pouvoir législatif par la Cour constitutionnelle

Comment s exerce l autorisation parentale de sortie de l enfant du territoire national ou l opposition à cette sortie?

L ORDONNANCE DU 2 FEVRIER Exposé des motifs

Le Diplôme d Etudes Supérieures Spécialisées de Droit Notarial de l Université Montesquieu-Bordeaux IV

Décision du Défenseur des droits n MLD

UNIÃO AFRICANA AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES RIGHTS COUR AFRICAINE DES DROITS DE L HOMME ET DES PEUPLES REGLEMENT INTERIEUR INTERIMAIRE

PROTOCOLE DE LA COUR DE JUSTICE DE L UNION AFRICAINE

LA DÉCISION D'URGENCE PROPOS INTRODUCTIFS

Cour. des droits QUESTIONS FRA?

LA COUR DES COMPTES a rendu l arrêt suivant :

Loi du 26 juillet 2013 relative à l arrêté d admission en qualité de pupille de l Etat. Note d information

Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Odent et Poulet, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

1. La rupture unilatérale La rupture de commun accord 14

Le divorce. Procédures

N 25/ 07. du Numéro 2394 du registre.

Rôle n A - Exercices d imposition 2001 et Intérêts sur un compte courant créditeur et requalification en dividendes

AVANT-PROJET DE LOI. Portant diverses dispositions relatives au droit de la famille. Chapitre 1er Dispositions relatives à l autorité parentale

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES D AUVERGNE, STATUANT EN SECTION

AUDIENCE PUBLIQUE DU 30 OCTOBRE 2014

Procédure de divorce, ce qu il faut savoir

Commentaire. Décision n QPC du 29 janvier Association pour la recherche sur le diabète

Quel cadre juridique pour les mesures d investigation informatique?

Délibération n du 27 septembre 2010

Composition Président: Roland Henninger Hubert Bugnon, Jérôme Delabays

La jurisprudence du Conseil constitutionnel et le droit civil

Le stationnement irrégulier de véhicules appartenant à la communauté des gens du voyage.

Commentaire. Décision n QPC du 6 juin Société Orange SA

FICHE N 8 - LES ACTIONS EN RECOUVREMENT DES CHARGES DE COPROPRIETE

Société PACIFICA / SociétéNationale des Chemins de fer Français. Conclusions du Commissaire du Gouvernement.

Arrêt n CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE LYON

STATUTS TYPE D UDCCAS. Union départementale des Centres Communaux et Intercommunaux d Action Sociale (UDCCAS)

Cour de cassation. Chambre sociale

Protocole d accord entre les assureurs de protection juridique affiliés à Assuralia, l O.V.B. et l O.B.F.G.

Extension de garantie Protection juridique

Commentaire. Décision n QPC du 20 juin Époux M.

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l arrêt suivant :

Conférence de l Arson club du 16 avril 2008 sur la répétibilité des honoraires de l avocat (loi du 21/4/2007).

Ministère de la Justice Paris, le 23 novembre 2004 LE GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE

TITRE IER DISPOSITIONS GENERALES

La situation du fonctionnaire ou agent en poste en Belgique au regard du droit belge

BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION

La pertinence du choix français de la question préjudicielle de constitutionnalité. Marie Pierre ROUSSEAU

OFFICE BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE. DECISION en matière d OPPOSITION Nº du 04 avril 2013

Loi organique relative à la Haute Cour

Code civil local art. 21 à 79

I S agissant de l article 7 bis

Divorce et Séparation!

TRIBUNAL D INSTANCE D AMIENS. Les dispositions à prendre lors de la prise de fonction du tuteur

Transcription:

DÉCISION Nº969 du 30 octobre 2007 relative à l exception d inconstitutionnalité des dispositions de l article 612 alinéa 6 du Code de procédure civile Publiée au Journal Officiel (Monitorul Oficial) de la Roumanie, Partie I è, nº816 du 29 novembre 2007 Ioan Vida Nicolae Cochinescu Aspazia Cojocaru Acsinte Gaspar Petre Ninosu Ion Predescu Puskás Valentin Zoltán Tudorel Toader Augustin Zegrean Antonia Constantin Cristina Cătălina Turcu président procureur assesseur Au rôle général de la Cour se trouve la solution de l exception d inconstitutionnalité des dispositions de l article 612 alinéa 6 du Code de procédure civile, exception soulevée par D.P. dans le Dossier nº1.975/303/2007 du Tribunal de l arrondissement nº6 de la municipalité de Bucarest. Les débats ont eu lieu lors de la séance publique du 18 octobre 2007, en présence du défenseur de l auteur de l exception, de la partie L.V.P., de son défenseur, ainsi que du représentant du Ministère Public, en étant confiés au Jugement avant dire droit de cette date, quand, la Cour, ayant besoin de temps pour délibérer, a ajourné le prononcé pour le 30 octobre 2007. LA COUR, vu les actes et les papiers formant le dossier, constate ce qui s en suit: Par le Jugement avant dire droit du 28 mai 2007, prononcé sur le Dossier nº1.975/303/2007, le Tribunal de l arrondissement nº6 de la municipalité de Bucarest a saisi la Cour Constitutionnelle de l exception

d inconstitutionnalité des dispositions de l article 612 alinéa 6 du Code de procédure civile. L exception a été soulevée dans une cause où a été sollicitée la dissolution du mariage par le divorce. Afin de motiver l exception d inconstitutionnalité, il est allégué que la stipulation légale critiquée contrevient aux prévisions de l article 16 alinéa (1), de l article 21 alinéa (3) et de l article 20 de la Constitution, ainsi que de l article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales. A cet égard, il y est argué que le principe de l égalité en droits vise tous les droits dont jouissent les citoyens roumains, sans faire aucune distinction entre ceux inscrits dans la Constitution ou dans d autres actes normatifs. Ainsi, il n est pas équitable qu une partie ne puisse utiliser une preuve probante, que l autre partie est habilitée d utiliser, d autant plus que, parfois, cette preuve probante représente le seul moyen capable de soutenir la position de procédure, adoptée par la partie respective. Le Tribunal de l arrondissement nº6 de la municipalité de Bucarest apprécie que l exception d inconstitutionnalité soit bien fondée, car le texte légal critiqué engendre une inégalité entre les parties du procès du divorce. De la sorte, seulement l un des conjoints jouit du droit d user de l interrogatoire comme preuve probante, soit celui/celle qui souhaite combattre contre les motifs du divorce. L autre conjoint, qui souhaite éclairer les raisons du divorce, ne jouit pas de ce droit, ce qui porte atteinte à son droit à un procès équitable. Conformément aux dispositions de l article 30 alinéa (1) de la Loi nº47/1992, le Jugement avant dire droit de saisine a été communiqué aux Présidents des deux Chambres du Parlement, au Gouvernement, ainsi qu à l Avocat du Peuple, pour qu ils notent leurs points de vue sur l exception d inconstitutionnalité soulevée. Le Gouvernement estime que l exception d inconstitutionnalité est dénuée de fondement, car, en accord avec les dispositions de l article 126 alinéa (2) de la Constitution, l établissement des règles relatives au développement du procès devant les instances judiciaires dépend de la compétence exclusive du législateur, censé instituer, à l égard de certaines situations particulières, des règles spéciales de procédure. Or, la procédure du divorce présente un caractère particulier, même par rapport à d autres procédures spéciales, circonstance déterminée par la nécessité de protéger certaines importantes valeurs sociales, telles que celles concernant la famille, ce qui explique l existence des quelques règles dérogatoires au droit commun. L Avocat du Peuple apprécie que les prévisions de la loi contestée portent atteinte aux dispositions de l article 21 alinéa (3) de la Constitution,

car la partie qui ne peut utiliser la preuve supposant l interrogatoire ne jouit pas du droit à un procès, déroulé dans des conditions contradictoires. En même temps, la preuve citée vise la connaissance de certains faits personnels appartenant aux conjoints, susceptibles de contribuer à la solution sur le fond de la cause. L interdiction relative à l administration de l interrogatoire à l égard de l une des parties a comme but de ne pas aboutir à la dissolution du mariage par leur accord respectif, selon d autres conditions que celles prévues à l article 38 du Code de la famille. Toutefois, la cour judiciaire peut veiller à l observation de ces prévisions légales, en vertu de son rôle actif. En guise de conclusions, le fait qu en accord avec l article 126 alinéa (2) de la Constitution, la compétence des instances judiciaires et la procédure soient établies en exclusivité par la loi, ne pourrait signifier l exclusion de ces preuves probantes, estimées comme nécessaires par les parties pour sauvegarder leurs droits et intérêts légitimes. Les Présidents des deux Chambres du Parlement n ont pas communiqué leurs avis relatifs à l exception d inconstitutionnalité soulevée. LA COUR, en analysant le jugement avant dire droit de saisine, les points de vue du Gouvernement et de l Avocat du Peuple, le rapport rédigé par le juge rapporteur, les allégations du défenseur de l auteur de l exception, de la partie présente et de son défenseur, les conclusions du procureur, les dispositions légales critiquées, rapportées aux prévisions de la Constitution, ainsi que la Loi nº47/1992, retient ce qui s en suit: La Cour Constitutionnelle a été légalement saisie et, en conformité avec les dispositions de l article 146 lettre d) de la Constitution, ainsi que de l article 1 alinéa (2), des articles 2, 3, 10 et 29 de la Loi nº47/1992, elle est compétente de trouver une issue à l exception d inconstitutionnalité. L objet de l exception d inconstitutionnalité est représenté par les dispositions de l article 612 alinéa 6 du Code de procédure civile, ayant le contenu suivant: Afin d attester les raisons d un divorce, on ne pourrait demander un interrogatoire. Ces dispositions sont perçues par l auteur de l exception d inconstitutionnalité comme étant inconstitutionnelles par rapport aux prévisions de l article 16 alinéa (1) relatives à l égalité des citoyens devant la loi et les autorités publiques, de l article 21 alinéa (3) concernant le droit à un procès équitable et à la solution des causes durant un délai raisonnable et de l article 20 portant sur les traités internationaux axés sur les droits de l homme, tels que stipulés par la Loi fondamentale, ainsi que de l article 6

en ce qui concerne le droit à un procès équitable, de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales. En jugeant l exception d inconstitutionnalité, la Cour Constitutionnelle retient que celle-ci est dénuée de fondement, pour les considérants suivants: La Cour observe que les textes légaux par lesquels est standardisée la procédure du divorce prévoient deux situations distinctes visant les parties susceptibles d introduire la demande du divorce. I. Concernant la première situation, de l analyse du texte légal, soumis au contrôle de la constitutionnalité, il résulte que l administration de la preuve probante de l interrogatoire ne pourrait être exigée par le conjoint réclamant afin de témoigner en faveur des raisons du divorce, mais elle peut être sollicitée par le conjoint défendeur dans son essai de combattre ces raisons. La Cour constate que, dans cette situation, le texte légal contesté porte atteinte aux dispositions renfermées par l article 16 alinéa (1) de la Loi fondamentale relatives à l égalité des citoyens devant la loi et les autorités publiques. Ainsi, la Cour Constitutionnelle, en accord avec la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l Homme (L Affaire Marckx contre la Belgique, 1979), a constamment décidé dans sa jurisprudence qu il s agit de la violation du principe portant sur l égalité et la non discrimination lorsqu il s applique un traitement différencié à des causes identiques, sans qu il existe une motivation objective et raisonnable ou s il existe une disproportion par rapport à la fin poursuivie par le traitement inégal et les moyens utilisés. [La Décision de la Cour Constitutionnelle nº100 du 9 mars 2004, publiée au Journal Officiel (Monitorul Oficial) de la Roumanie, Partie I re, nº261 du 24 mars 2004.] Par conséquent, la Cour estime qu il n existe pas de justification objective et rationnelle pour entraver l accès du conjoint défendeur à l administration d une preuve importante dans le procès de divorce, respectivement la preuve concluante de l interrogatoire. Plus que cela, selon l article 5 du Protocole nº7 additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de l Homme et des Libertés Fondamentales, les époux jouissent de l égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Le présent article n empêche pas les Etats de prendre les mesures nécessaires dans l intérêt des enfants. En appliquant cet article, la Cour européenne des Droits de l Homme a, essentiellement, statué dans l Affaire Iosub Caras contre la Roumanie (2006), que l article 5 du Protocole nº7 imposait une obligation positive aux

Etats, id est, celle de garantir le cadre juridique approprié, conformément auquel les époux jouissent de l égalité de droits et de responsabilités. La Cour considère que les prévisions légales critiquées dérangent les dispositions constitutionnelles de l article 21 alinéa (3) regardant le droit à un procès équitable et à la solution des causes durant un délai raisonnable, ainsi que celles de l article 6, concernant le droit à un procès équitable, de la Convention de Sauvegarde des Droits de l Homme et des Libertés Fondamentales, dans le sens de l article 20 de la Constitution, relatif aux traités internationaux sur les droits de l homme. De la sorte, la Cour constate que, par le texte de loi critiqué, on porte atteinte à un élément essentiel du procès équitable, soit, le principe de l égalité des armes. Concernant ce principe, la Cour Européenne des Droits de l Homme a statué sur l Affaire Dombo Beheer BV contre les Pays Bas (1993) dans le sens que chaque partie d un semblable procès doit jouir d une possibilité raisonnable d exposer sa cause devant l instance, y compris en ce qui concerne les preuves, dans des conditions susceptibles de ne pas créer de désavantages, significativement, par rapport à la partie opposée. Or, la prévision légale critiquée, en conformité avec laquelle, l époux défendeur ne pourrait solliciter l administration de la preuve impliquant l interrogatoire, engendre à son égard un désavantage considérable. II. En ce qui concerne la seconde situation, quand les deux époux avancent une demande de divorce, la Cour observe qu en conformité avec le texte légal contesté, aucun des deux ne pourrait réclamer l administration de la preuve impliquant l interrogatoire afin de justifier les motifs de divorce. Pourtant, chacun des deux, en qualité de défendeur, peut utiliser la preuve susdite pour combattre les raisons avancées par l autre conjoint. Une telle situation juridique, lors de la procédure de l administration des preuves, est évidemment confuse et contradictoire. Dans ces dites conditions, la Cour retient que les dispositions de l article 612 alinéa 6 du Code de procédure civile altèrent le droit à un procès équitable, standardisé par l article 21 alinéa (3) de la Constitution et par l article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l Homme et des Libertés Fondamentales, car elles empêchent l administration de l interrogatoire dans la tentative d éclairer les motifs de divorce. Or, l interrogatoire représente une preuve essentielle lors du procès, en ce qui concerne les faits personnels des époux, censée conduire vers l éclaircissement de l affaire. Le spécifique des relations de mariage rend difficile dans certaines causes l attestation des motifs de divorce; comme suite, la Cour estime qu il est nécessaire d administrer toutes les preuves probantes susceptibles

d offrir à l instance judiciaire des raisons suffisantes sur lesquelles se fonder afin de trouver une issue à l affaire. A la fin, la Cour apprécie qu elle ne puisse retenir le motif portant sur l atteinte portée à la vie personnelle, censé être cité pour légitimer la conservation du texte légal en vigueur, car il s y agit de l admissibilité en principe de la preuve incluant l interrogatoire, et non pas des questions qui pourraient être posées en l occurrence, questions soumises à la censure de la cour judiciaire durant l exercice de son rôle actif. Par ailleurs, l instance judiciaire jouit de la possibilité d appliquer l article 121 du Code de procédure civile et d ordonner le déroulement des débats lors d une séance à huis clos, si le débat public pouvait faire du tort aux parties. Pour les raisons exposées, vu l article 146 lettre d) et l article 147 alinéa (4) de la Constitution, les articles 1 3, l article 11 alinéa (1) lettre A.d) et l article 29 de la Loi nº47/1992, à la majorité des voix, LA COUR CONSTITUTIONNELLE Au nom de la loi DÉCIDE: Elle admet l exception d inconstitutionnalité soulevée par D.P. dans le Dossier nº1.975/303/2007 du Tribunal de l arrondissement nº6 de la municipalité de Bucarest et constate que les dispositions de l article 612 alinéa 6 du Code de procédure civile sont inconstitutionnelles. Définitive et généralement obligatoire. Rendue en séance publique du 30 octobre 2007. LE PRESIDENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE, Prof. Dr IOAN VIDA * Assesseur, Cristina Cătălina Turcu OPINION DISSIDENTE En désaccord avec la solution adoptée par la voix de la majorité des membres de la Cour, nous estimons qu il fallait rejeter l exception d'inconstitutionnalité en tant que non fondée.

Les raisons sont les suivantes: Vu sous l angle du principe portant sur la protection de la vie familiale, entériné par l article 26 alinéa (1) de la Constitution, la disposition légale analysée se révèle comme une mesure minimale relative à la sauvegarde de l institution du mariage, en tant que valeur sine qua non de la vie de famille. Ainsi qu on pourrait déceler à travers la doctrine juridique, la dérogation du régime probatoire de droit commun prévue par l article 612 alinéa 6 du Code de procédure civile a été autorisée dans le but de ne pas permettre aux conjoints de dissoudre le mariage par consentement mutuel. De nos jours, quand un tel divorce est possible, garder l interdiction signifie ne plus aboutir à la dissolution du mariage par consentement mutuel dans d autres conditions que celle stipulées par l article 38 du Code de la famille, id est, si jusqu à la date de la demande de divorce est passé au moins un an depuis la conclusion du mariage et il n existe pas d enfants mineurs résultés de ce mariage. La stipulation incluse à l article 162 alinéa 6 du Code de procédure civile constitue, envisagée de cette perspective, une garantie de l observation de la norme d exception prévue par le texte du Code de la famille au-dessus mentionné. Toutefois, la disposition légale discernée correspond à la lettre et à l esprit de l article 126 alinéa (2) de la Constitution, d où il résulte que le législateur jouit de la liberté d instituer des règles de procédure judiciaire appropriées aux situations de procédure qu elles réglementent. Par cette perspective, il s imposait que l analyse regardant l interdiction de l interrogatoire dans le but de prouver les raisons du divorce s effectuât en se tenant aussi compte du principe relatif au respect de la vie intime et privée, entériné par l article 26 alinéa (1) de la Constitution. Par sa spécificité, le divorce met en discussion des aspects embarrassants de la vie intime et privée du couple conjugal, aspects que n importe lequel des époux a le droit de ne pas dévoiler, pour qu il/elle ne s expose pas à la risée publique, et en rapport avec les cas où l article 38 du Code de la famille interdit le divorce par consentement mutuel des époux, pour ne pas compromettre les chances visant la reprise de la vie familiale, ainsi que pour ne pas aggraver l impact psychologique de la destruction de la famille envers les enfants mineurs résultés du mariage. Or, l admission de l interrogatoire comme preuve probante pour démontrer les motifs du divorce est manifestement de nature à transgresser le droit du conjoint, soumis à l interrogatoire, à la protection de sa vie intime et privée et à entraver la formation de la personnalité des enfants mineurs résultés du mariage.

On ne saurait accepter la critique relative à la violation des principes de l égalité en droits et du droit à un procès équitable, dans les conditions où le requérant et le défendeur d un procès de divorce se confrontent à des situations juridiques de procédure différentes, le requérant ayant le droit de mentionner des faits coupables de la partie défenderesse, responsables de la déchéance des relations conjugales, tandis que le défendeur jouit du droit de contester les réquisitoires présentés et de ne pas s accuser par lui-même. LE PRESIDENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE, Prof. Dr. IOAN VIDA Juges, Nicolae Cochinescu, Acsinte Gaspar Prof. Dr. Tudorel Toader