HORS SÉRIE Hors série - 2009 Positionnement de l implant Déterminants biologiques et précision NobelActive NobelGuide Chirurgie à minima et esthétique
Édentement de 11. Mise en place non invasive (incision semi-lunaire) d un implant NobelActive (Nobel Biocare). Considérations bioesthétiques sur Il est indéniable que l implantologie dentaire est passée en 20 ans de la recherche de l ostéo-intégration et de la fonction à celle de l intégration tissulaire et de l esthétique. Cette mutation a fait passer de la notion de survie des implants à celle de réussite biologique, condition principale à la stabilité tissulaire. Cette dernière est le résultat de multiples facteurs et ne peut se résumer au simple design d un implant ou au choix d un moignon prothétique. Il n en reste pas moins que le design, qui est l intelligence de la forme pour une fonction déterminée, renferme, en quelques millimètres, des subtilités qui ont un impact décisif sur la stabilité primaire et secondaire de l implant, l intégration bioesthétique aux tissus muqueux péri-implantaires, la fiabilité de la connexion prothétique, la simplicité de la procédure chirurgicale et celle de la mise en place des composants prothétiques pour ne citer qu eux. Au secteur antérieur, le plus critique en matière d esthétique et le plus complexe en raison de l architecture osseuse et gingivale, la perte d une dent s accompagne le plus souvent d un défaut des tissus durs et/ou des tissus mous. Traumas, fractures, fêlures et infections sont en général à l origine de pertes de substances osseuses et muqueuses, lentes ou brutales, qu il est indispensable de diagnostiquer pour établir les séquences du plan de traitement chirurgico-prothétique, les modalités de la régénération tissulaire, les possibilités d une implantation immédiate dans un site extractionnel ou cicatrisé ou plus simplement (mais plus rarement) celles d une préservation tissulaire. L examen clinique, qui doit être complété d un examen radiographique et/ou tomographique, prend en compte le biotype parodontal et guide la prise de décision du clinicien. À présent, et avant le premier geste chirurgical, il est nécessaire de faire des choix sur : un prétraitement orthodontique ; une augmentation du volume osseux ; une augmentation du volume gingivo-muqueux ; ces dernières avant, pendant, ou après la mise en place implantaire ; le type de temporisation ; le type d implant(s) utilisé(s). Le choix de ce dernier fait la part belle aux habitudes du clinicien, à l instrumentation chirurgicale à sa disposition et à l assurance que donne un certain recul dans l utilisation d une «famille» d implants. 4 TITANE Hors série 2009
Avec moignon de cicatrisation de 3 mm. Couronne Procera Zircone (Nobel Biocare) et «chip» feldspathique mésial sur 12 pour compenser un espace trop large pour la 11. l implant dentaire et sur son positionnement PAR Bernard Touati Image «Cone Beam» avec moignon de cicatrisation concave en transmuqueux (concept CURVY). La couronne céramique est monobloc et transvissée. L intégration bio-esthétique. Il existe donc une forme de «routine» que seule la compréhension des caractéristiques de chaque implant peut combattre. Il est alors indispensable pour améliorer l intégration tissulaire de se pencher sur ces caractéristiques et sur leurs répercussions biologiques (comme c est l un des objectifs de ce numéro spécial), et ne pas hésiter à utiliser une nouvelle génération d implants dans des situations cliniques adaptées car il n existe pas d implant «universel» qui conviendrait dans tous les sites et pour toutes les indications. C est le secteur antérieur, l édentement encastré, l implantation immédiate après extraction et l implantation sur site cicatrisé avec un biotype fin qui représentent généralement les plus grands défis cliniques. Les implants les plus utilisés sont des vis de titane appelés «une pièce» s ils sont transmuqueux, et «deux pièces» si c est le moignon prothétique qui est chargé d offrir une surface d adhérence à l espace biologique tridimensionnel composé de l épithélium jonctionnel et TITANE Hors-série 2009 5
CONSIDÉRATIONS BIOESTHÉTIQUES SUR L IMPLANT DENTAIRE ET SUR SON POSITIONNEMENT de l attache conjonctive. Une vis se compose d un apex, d un corps («core»), de spires, d un col, d un système externe ou interne de connexion, et d une surface améliorant l ostéo-intégration. L évolution moderne tend à modifier l ensemble de ces caractéristiques à la lumière des études et de l expérience acquises ces 20 ou 25 dernières années. On pourrait schématiser ainsi cette tendance : l apex est de taille plus réduite et le départ des spires le rend autocoupant, ou autotaraudant, pour lui permettre d agir dans une ostéotomie plus étroite et ainsi gagner en stabilité primaire. Le dessin du départ des spires le rend aussi coupant en «marche arrière» autorisant une réorientation en cours de placement de l implant dans un os ayant une densité le permettant ; le corps, ni cylindrique ni conique, a une forme de spirale avec un effet d ostéotome condensant l os et le densifiant lors de la mise en place de l implant ; les spires sont plus agressives et leur forme évolue le long de la hauteur de l implant pour varier l effet de coupe et celui de compression. Une double spire permet une mise en place plus rapide, l espacement entre les spires et une cannelure facilitant l échappement des copeaux d os et réduisant l échauffement ; le col est de taille légèrement rétrécie par rapport au corps de l implant, conique vers le haut, et porteur de minispires ; il n est pas lisse mais rugueux. Sa forme permet un certain «rebond» de la corticale après le passage de l implant et ses macro et microsurfaces, une ostéo-intégration du col implantaire stabilisant l os crestal à ce niveau ; le système de connexion mélange un cône morse à un ancrage interne, hexagonal ou autre, pour une meilleure étanchéité vis-à-vis des bactéries, une meilleure rétention des composants prothétiques (donc moins de dévissages) et une plus grande facilité pour positionner ces derniers sans obligatoirement avoir recours à des clés de positionnement et des radiographies retroalvéolaires! Le système de connexion, plus étroit que le diamètre de l implant, ménage un effet de platform-switching ; la surface des implants en titane est rugueuse, porteuse d une couche d oxydation qui accélère la formation osseuse et permet donc une stabilité secondaire plus rapide. Toutes ces caractéristiques ne se retrouvent pas dans tous les systèmes implantaires modernes (et d autres variantes permettent parfois les mêmes résultats) mais, globalement, cette évolution semble bien affecter les implants récemment conçus, qui se clonent d ailleurs les uns les autres, la «recherche avec développement» n étant pas possible pour tous les fabricants L emploi d un implant aux caractéristiques modernes n est pas le seul garant d une intégration harmonieuse. Le positionnement tridimensionnel est essentiel et la littérature qui abonde sur le sujet le démontre bien. Ce positionnement est déterminant pour l intégration bioesthétique : il est responsable de la forme de la restauration prothétique, de son émergence, de son angulation, ainsi que de l architecture de la muqueuse péri-implantaire au niveau du feston cervical et des papilles interdentaires. Dans les années 80 l implantologie était guidée par des impératifs anatomiques. Depuis, les exigences prothétiques (comme la position idéale de la restauration prothétique) et les impératifs biologiques (comme la stabilité tissulaire) doivent guider tout traitement implantaire. À présent, avec les avancées offertes par l imagerie 3D (scanners et Cone Beams) et les logiciels pour l implantologie, le guidage du positionnement des implants peut être entièrement assisté par ordinateur avec une grande précision et une grande sécurité pour les divers obstacles anatomiques. Le positionnement de l implant ne doit pas affecter négativement le volume osseux ; si ce dernier est insuffisant en hauteur ou en épaisseur il doit être régénéré pour soutenir les tissus mous («The tissue is the issue but the bone sets the tone» Garber/Salama). Horizontalement, le diamètre de l implant doit ménager le pic osseux interdentaire (lorsqu il y a des dents naturelles) dont l épaisseur minimale ne doit pas être inférieure à 1,5 mm (Esposito, 1993). C est cette partie osseuse qui est déterminante pour la prévisibilité des papilles gingivales (Salama, 1998). Dans un alvéole d extraction la stabilité implantaire est recherchée, mais pas au prix du diamètre le plus grand : c est ici que le design de l implant joue un rôle important. Dans le cas d implants adjacents l espace doit être augmenté à 3 ou 4 millimètres, les conditions biologiques étant différentes en l absence des fibres de Sharpey, de la vascularisation parodontale, et d un faisceau de fibres de collagène réduit et moins ferme : la muqueuse périimplantaire est un tissu cicatriciel et n a pas les mêmes 6 TITANE Hors série 2009
Alveole de 21 après extraction. Osteotomie aux dépens de la paroi osseuse linguale. Positionnement vertical de l implant 3 mm sous le rebord marginal de la muqueuse. L implant NobelActive (Nobel Biocare) en place ménageant un espace vestibulaire qui sera rempli de Bio Oss (Geistlich). potentialités de réparation qu une gencive saine, bien attachée au cément, à l os et bien vascularisée. Verticalement, l implant doit ménager le volume de la barrière muqueuse qui assure l étanchéité vis-à-vis des bactéries, des toxines et de toutes les agressions du milieu buccal grâce à l adhérence de l épithélium jonctionnel (qui dispose des glycoprotéines et des hémidesmosomes) et des fibroblastes du tissu conjonctif. Cet espace biologique 3D doit avoir une hauteur de 3 mm environ pour assurer sa stabilité, d où l importance du biotype gingival, car un espace insuffisant recrée le volume nécessaire aux dépens de l os crestal, induisant sa récession. L épaisseur de la muqueuse doit être suffisante autour du col implantaire soit naturellement (biotype épais), chirurgicalement (greffe conjonctive enfouie), soit prothétiquement (moignons implantaires concaves en transmuqueux Curvy, Nobel Biocare ou platform-switching). Le point de référence de cette distance de 3 mm doit être le niveau prédéterminé de la muqueuse marginale en cas de greffe gingivale : une implantation au secteur Image «Cone Beam» de la dent avant extraction. L implant a bien été réorienté vers le palais et le «gap» vestibulaire rempli de substitut osseux. antérieur concomitante d une régénération des tissus mous réclame de la prudence et un praticien expérimenté. Dans le plan sagittal, l implant ne doit pas réduire l épaisseur de la paroi osseuse vestibulaire et celle-ci doit être de 1,5 mm au minimum, voire 2 mm (Spray, 2000). TITANE Hors-série 2009 7
CONSIDÉRATIONS BIOESTHÉTIQUES SUR L IMPLANT DENTAIRE ET SUR SON POSITIONNEMENT Moignon implantaire «Curvy» (Nobel Biocare) avec sa concavité transmuqueuse destinée à renfermer la barrière muqueuse biologique, et à épaissir et stabiliser le tissu conjonctif. L utilisation d une fraise d évasement («conterbore») est aujourd hui déconseillée, l os crestal devant être protégé et la composante horizontale de son espace biologique garante de sa stabilité. Dans un alvéole d extraction l implant doit être ancré dans la paroi osseuse palatine et non pas au centre de l alvéole (sauf si la table osseuse vestibulaire est épaisse), et l espace vestibulaire ainsi libéré doit être comblé par un substitut osseux. Cette procédure est réputée offrir à terme le plus grand contact implant/os et recréer une paroi osseuse vestibulaire plus épaisse (Abushahba, 2008 ; Kan 2009). En denture naturelle, une corticale fine vestibulaire avec peu ou pas d os spongieux est viable. Elle peut être stable car l os est stimulé par les fibres de Sharpey et la vascularisation abondante du fait du ligament parodontal. Dans le cas d un implant, seule une paroi osseuse épaisse peut garantir la stabilité, si toutefois d autres phénomènes ne viennent pas interférer, puisque la stabilité tissulaire dépend de nombreux facteurs De nos jours la réussite implantaire ne se réduit ni à la forme de l implant, ni à sa position, (même si ces paramètres sont importants) et ne saurait être couverte en quelques lignes. L implantologie dentaire moderne a aussi d autres exigences, comme minimiser le trauma chirurgical en optant pour des procédures peu invasives, protéger l apport sanguin, réduire la manipulation des composants prothétiques, utiliser des matériaux biocompatibles dans la zone transmuqueuse, offrir aux tissus mous un support immédiat par une prothèse provisoire esthétique et fixe de préférence, et «sous-contourer» tous les composants prothétiques transmuqueux. Les paradigmes évoluant, nos concepts prothétiques cliniques et de laboratoire font de même. Excepté dans les situations où le moignon en oxyde de zirconium a été préalablement préparé, ainsi que la dent provisoire, avant la chirurgie grâce à une technique de planification avancée, dans tous les autres cas c est une dent monobloc transvissée sur base zircone qui a notre préférence. Elle a l avantage de ne pas avoir de joint entre moignon et couronne ni de ciment à nettoyer en sousmuqueux. Aujourd hui nous sommes dans une stratégie de planification avancée, appuyée ou non sur la technologie numérique, et la coordination chirurgico-prothétique doit permettre, avant le premier geste chirurgical, d anticiper certaines phases prothétiques comme les moignons implantaires et les prothèses provisoires, par exemple, ainsi que de déterminer et échelonner le déroulement des séquences chirurgicales dans le temps. Bernard Touati Dental Institute 34, avenue Montaigne 75008 Paris - France Couronne Procera Zircone transvissée Monobloc avec sa constriction transmuqueuse et sa concavité vestibulaire. L intégration bio-esthétique. La 12 est une facette feldspathique collée transformant une canine en incisive latérale. 8 TITANE Hors série 2009