LES PROCÉDÉS PHOTOMÉCANIQUES ACTUELS ET LA PHOTOTYPIE A METZ



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LES PROCÉDÉS PHOTOMÉCANIQUES ACTUELS ET LA PHOTOTYPIE A METZ PAR Emile PRILLOT Membre anode libre La multiplicité des besoins de l'information, la nécessité croissante pour les journaux de documents inédits, l'exigence du public, demandent journellement de nouvelles sensations visuelles. Les progrès de la Photographie et du Cinématographe ont donc ouvert un champ immense à la publication par l'image. II y a de nos jours des revues qui ne sont et ne portent d'ailleurs plus que le nom d* «illustrées». Le monde n'a plus le temps de lire, de penser: il veut voir. Les yeux remplacent le cerveau pour beaucoup de personnes. On ne lit plus les «Trois Mousquetaires», ni «Le Comte de Monte- Cristo». C'est au cinéma qu'on en prend connaissance. Des revues de toutes sortes se créent tous les jours, c'est à savoir celle qui aura le plus et présentera le mieux ses clichés, le texte se trouvera dans les annonces et réclames. On veut voir vite et le plus possible, c'est le triomphe de l'instantané. L'accident du jour, le beau crime, le sport, les portraits de gens célèbres peu importe leur valeur morale et la cause qui légitime cette célébrité le théâtre, l'industrie, la mésalliance princière, même le mari malheureux n'échappent pas à l'indiscrétion du reporter-photographe. Napoléon disait qu' «un simple croquis lui en montrait plus qu'un long rapport» ; de nos jours, on peut en dire autant de la photographie, qui supplée à bien des descriptions. Cette multiplicité d'images imprimées d'après la chambre noire est due aux procédés d'impression photomécaniques.

PROCÉDÉS PHOTOMÉCANIQUES ET LA PHOTOTYPIE A METZ Quels sont les principaux de ces procédés? Ils sont nombreux, empruntant les uns aux autres bien des formules communes, mais peuvent se diviser cependant en trois principaux bien distincts. En feuilletant les périodiques illustrés d'il y a vingt-cinq à trente ans on est étonné de l'empreinte de la photographie dans l'illustration du livre et du journal quotidien. Vers 1890 la gravure sur bois était encore maîtresse. Les illustrateurs composaient les événements de la semaine à leur fantaisie, manière encore usitée de nos jours par certains grands quotidiens pour leurs suppléments en couleurs. La zincographie devait cependant amener des variétés considérables de nouvelles méthodes par sa collaboration avec la photographie, mais les débuts furent très laborieux. Tant qu'il ne s'agissait d'obtenir qu'une épreuve composée uniquement de traits, aussi fins fussent-ils, la chose n'était pas difficile; le travail se complique quand il s'agit d'obtenir la reproduction d'une photo avec ses demi-teintes qui sont composées d'une gamme sans démarcation de nuances, de gris ou dégradés sans traits définis. Nous n'entendons traiter dans cette notice que la reproduction d'un document photographique reportée sur zinc, métal ou tout autre support pouvant être encré et imprimé sur une machine typographique ou lithographique et susceptible de supporter de grands tirages. Nous nous garderons bien de traiter de la gravure d'art due au travail direct de l'artiste même, c'est un tout autre terrain. Les procédés photomécaniques les plus courants sont: 1 Les procédés typographiques, qui comprennent la photogravure reproduisant les traits seuls sans demi-teintes intermédiaires et la similigravure tramée qui permet la réalisation des demi-teintes. 2 Les procédés phototypiques ou Photocollographie permettant l'interprétation des traits et demi-teintes sans nécessité de trame. 3 Les procédés en taille douce ou gravure en creux, c'est-à-dire l'héliogravure et particulièrement sa dernière application industrielle, la Rototypie, qui n'est qu'une héliogravure tramée pouvant être tirée sur les cylindres de machines rotatives. Il y a une grande confusion dans la dénomination de toutes ces méthodes, d'où des dénominations bien diverses: Simili, Gillotage, Autotypie, Héliotypie, Photolithographie, Phototypogravure. Phototypie, Albertypie, Photocollographie, Rotogravure, etc. Elles procèdent toutes d'un même principe: obtenir par l'action de la lumière sous un cliché négatif ou positif une planche apte à recevoir l'encrage d'imprimerie et par le fait le tirage rapide de nombreux et peu coûteux exemplaires. Ces méthodes ne diffèrent guère que par l'emploi et la préparation des planches ou supports qui recevront les encres grasses.

PROCÉDÉS PHOTOMÉCANIQUES ET LA PHOTOTYPIE A METZ 659 Nous retiendrons donc seulement ces trois termes, les plus couramment employés: «Photogravure», «Phototypie» et «Héliogravure». La plus ancienne de ces découvertes est certainement la Phototypie, et elle sera pour nous sans doute la plus intéressante, non pas parce que c'est un des plus beaux procédés, mais surtout parce qu'il a vu le jour dans notre ville. PHOTOTYPIE Tous les ouvrages traitant cette matière sont d'accord à dire que la reproduction de photographies aux encres grasses ont été obtenues pour la première fois industriellement à Metz en 1865, par MM. Tessie du Motay et Raphaël Maréchal, lesquels donnèrent aussi à leur procédé le nom de «Phototypie». terme qui lui est encore donné de nos jours. Le principe en avait été trouvé par Poitevin Alphonse en 1860 sous le nom de «Photolithographie». Il repose sur la sensibilité à la lumière de la gélatine associée au bichromate de potasse. Supposons un support, métal, pierre ou glace ainsi qu'il est employé de nos jours, ce support est recouvert de gélatine bichromatée: une fois sèche, cette couche est sensible à la lumière. On place sur cette couche un cliché négatif ordinaire mais décollé de son support de verre (car ce dernier ne pourrait supporter la forte pression nécessaire lors de l'exposition au châssis-presse), on expose au châssis, la lumière pénètre dans les ombres ou parties claires du négatif et impressionne plus ou moins la couche sensible. Notre cliché retiré, la couche une fois humide aura la propriété de repousser l'eau dans les parties ayant vu la lumière; par contre les parties plus ou moins opaques retiendront l'humidité en proportion de leur opacité. C'est le principe de la lithographie. Supposons un sujet très simple: un arbre dans un ciel clair, le ciel, opaque sur le négatif, n'ayant guère impressionné la couche, retiendra, sera humide et empêchera l'encre grasse de prendre; par contre, les parties transparentes du négatif formant l'image de l'arbre et ayant reçu l'action de la lumière refuseront l'eau et accepteront l'encrage du rouleau de l'imprimeur. Il s'ensuit que si nous posons une feuille de papier sur cette planche encrée, l'image positive se reproduira avec tous ses détails et sa gamme de valeurs. Ce procédé est encore sans égal au point de vue de la finesse, il est un des premiers en date des méthodes mécaniques, il a sans doute donné naissance à la simili et l'héliogravure actuelles et ce sont deux de nos compatriotes qui l'ont mis au point et lancé industriellement. C'était vers 1865 dans les vastes ateliers de MM. Maréchal père et fils au Fort-Moselle (emplacement actuel de l'imprimerie du «Républicain Lorrain».

660 PROCÉDÉS PHOTOMÉCANIQUES ET LA PHOTOTYPIE A METZ MM. Maréchal s'étaient associés avec M. Tessié du Motay, chimiste distingué, connu par d'importantes découvertes. Né vers 1820, Tessié du Motay semble avoir eu une existence assez agitée, il participa au mouvement de 1848, fut exilé en 1849 et ne rentra en France qu'en 1860. A Metz il habitait au Fort-Moselle. Il mourut en Amérique en 1880. Outre les travaux de photographie vitrifiée, de l'impression en grisaille et de la branche qui nous occupe, il travailla à la préparation en grand de l'oxygène, de la lumière oxhydrique et du blanchiment des matières textiles. La participation de M. Raphaël Maréchal semble avoir été plutôt secondaire dans ces travaux scientifiques. Jouissant du prestige de son père, le grand verrier, ce fils de famille, dessinateur, peintre, poète, musicien, brilla sans doute plus par ses succès mondains. Il était cependant un artiste d'une certaine valeur puisqu'il exposait encore au Salon à Paris en 1876. MM. Maréchal fils et Tessié du Motay présentaient dès le 3 mars 1865 à la Société française de photographie une collection d'épreuves vitrifiées et de photographies aux encres grasses. Sur le rapport de M. Pellico, de l'institut, la Société décernait à nos deux concitoyens une médaille pour leur procédé de vitrification. La même année, ils présentaient une collection d'épreuves obtenues par leur procédé de photographie en vue de concourir pour le prix «de Luynes» (à décerner à l'auteur du meilleur procédé d'impression photomécanique). En 1867 leur procédé, mentionné avec éloges par la commission, ne fut toutefois pas retenu pour un prix à la séance du 5 avril. C'est à l'exposition universelle de la même année à Paris que MM. Tessié du Motay et Raphaël Maréchal obtinrent enfin une médaille d'or et une d'argent pour l'ensemble de leurs travaux. Voici leur procédé décrit dans le compte rendu de «La Moselle à l'exposition Universelle de 1867 Palais).» (F. Blanc, imprimeur éditeur. Metz, rue du Les inventeurs qui, avant MM. Tessié du Motay et Maréchal ont abordé le problème de la reproduction par l'impression aux encres grasses des œuvres photographiques, ont pris les pierres lithographiques et les métaux pour supports des images à reproduire, par là même, ils sont venus se heurter contre des difficultés, ou plutôt contre deux insuccès très graves. Il fallait donc à tout prix découvrir des substances d'une autre nature que les métaux et les pierres, qui permissent, en raison de la ténuité et de la continuité de leurs pores, une impression aux encres grasses sans grains naturels ou artificiels. Un mélange de colle de poisson, de gélatine et de colle, étendu en couches uniformes sur une plaque métallique bien dressée, additionné au préalable d'un des sels acides de chrome, le trichromate de potasse, si facilement impressionnés

PROCEDES PHOTOMÉCANIQUES ET LA PHOTOTYPIE A METZ 661 par la lumière, est de tous les véhicules essayés celui qui prend le mieux fe» corps gras proportionnellement aux intensités des gradations du blanc au noir, qui font limage imprimée par la lumière. Lorsque les planches métalliques recouvertes de couches sensibles ont été été exposées pendant un temps suffisant à une température de 50, on les soumet à l'action de la lumière sous un cliché négatif. Le temps de pose varie avec Vétat du jour et de la saison. Les circonstances étant les mêmes, le temps de réduction des images est sensiblement égal à celui des images au chlorure d'argent Quand les plaques ont été impressionnées, elles sont soumises d'abord à un lavage prolongé, puis desséchées à l'air libre ou à l'étuve. Ainsi préparées, elles sont aptes à recevoir l'impression aux encres grasses, soit par le tampon, soit par le rouleau. Dans cet état, la planche destinée à recevoir l'impression ressemble à un moule à surface ondulée: on dirait une planche gravée à l'aquatinte, mais sans grain comme dans ces sortes de planches. En effet, les creux se garniront d'encre et les blancs resteront découverts, mais, pour remplacer le grain absent, ce sera l'eau contenue dans les pores de la couche non insolée, qui éloignera le corps) gras des blancs restés à nu, tandis que les parties devenues insolubles, cest«à~ dire les creux de la planche, retiendront les encres grasses avec d'autant plus de force que la lumière les aura rendues moins perméables à l'eau. Les planches ainsi préparées peuvent en moyenne fournir un tirage de 75 épreuves. Passé ce nombre, les reliefs s'affaissent, les épreuves tirées sur papier deviennent moins vigoureuses et moins parfaites. Cette limitation du tirage à un si petit nombre d'exemplaires serait êvu demment le côté défectueux de la nouvelle méthode d'impression, si an ne suppléait sans peine à ce tirage réduit au moyen d'un clichage rapide et peu coûteux. Doués d'une finesse extrême, ces clichés se prêtent à la multiplication indéfinie, non seulement des planches photoiypiques, mais encore des épreuva obtenues par les autres procédés photographiques. Il est difficile de saisir ce que nos inventeurs entendaient par clichage; étaitce un procédé particulier qu'ils n'ont pas voulu dévoiler dans leur exposé? C'est possible. Probablement avaient-ils trouvé déjà, comme il fut fait ultérieurement, de passer la planche dans de la glycérine ou une substance hygroscopique analogue pour empêcher la gélatine de trop se gonfler et pouvoir supporter ainsi de nombreux tirages. Toujours est-il que des tirages phototypiques furent exécutés dans les ateliers Maréchal de 1865 à 67 et cette année même se formait à Paris une société sous la raison sociale «AROSA et Cie», qui montait une usine pour l'exploitation des procédés phototypiques Tessié et Maréchal. Il doit exister encore chez les collectionneurs messins des épreuves de nos deux concitoyens; citons seulement une superbe reproduction intitulée «Une

6Ó2 PROCEDES PHOTOMÉCANIQUES ET LA PHOTOTYPIE A METZ Choéphore», qui fut tirée comme prime pour Tannée 1868 aux membres de la «Société des Amis des Arts». Certes, cette méthode a subi de grandes transformations, grâce à la construction de machines diverses et l'apparition de la carte postale illustrée a donné à la phototypie un essor considérable. Depuis une trentaine d'années des vues innombrables ont fait connaître le monde entier. La Phototypie fut certainement par sa précision et son bon marché le grand vulgarisateur de la reproduction de l'image photographique. Encore de nos jours certaines maisons spécialisées tirent les cartes postales par millions. Et il est à regretter que Metz, qui a vu l'origine de cette puissante découverte n'ait pas actuellement un établissement perpétuant l'œuvre de Tessié du Motay et R. Maréchal. PHOTOGRAVURE Pour reproduire une photo avec toutes ses valeurs, demi-teintes, dégradés, dans un journal ou revue comportant en même temps des textes typographies sans avoir recours à deux tirages successifs, il faut faire appel à la Photogravure tramée ou Simili, ou Autotypie. La typographie en effet, ne donne que deux valeurs : le ton du papier et la couleur des traits de l'encre (en un seul ton). La Photogravure ou communément «zincographie» comporte généralement la reproduction de l'original par un cliché négatif au collodion (l'ancienne méthode avant le gélatino-bromure), qui a l'avantage de donner des épreuves très contrastées. Le négatif, pellicule est tiré sur une plaque de zinc sensibilisée au bitume de Judée. La lumière insolubilise les parties claires du négatif, les traits formant l'image sont donc réservés et l'acide n'attaquera le zinc qu'aux endroits n'ayant pas reçu la lumière; il y aura donc des creux et des reliefs. Par suite de morsures successives à l'acide faites avec précaution pour ne pas ronger les traits sur les côtés, l'encre d'imprimerie prendra seulement sur les reliefs. C'est assez simple. Mais tout autre est la reproduction d'un document composé d'une variété considérable de teintes dégradées sans arêtes définies. Seule la phototypie le permettait: il fallait donc trouver un moyen de transformer les demi-teintes par un système d'éléments de points ou lignes régulières plus ou moins réparties, mais donnant l'illusion à distance de «modelés», de noirs vigoureux, bref toute la gamme des nuances, sans traits ou hachures apparentes. Il s'ensuit qu'une similigravure vue à fort grossissement représentera un ensemble de points réguliers, plus denses ou plus rapprochés dans les teintes

PROCÉDÉS PHOTOMÉCANIQUES ET LA PHOTOTYPIE A METZ 663 sombres du sujet, plus ou moins éclaircis dans les demi-teintes jusqu'à être absents dans les blancs qui sont constitués par le papier. En similigravure, le document est photographié à travers une trame ou réseau. Cette trame est constituée de glaces de verres à faces parallèles, c'est-àdire exemptes de déformations, comportant une lignature gravée au diamant et bourrée dans ses tailles d'un émail noir opaque. Cette lignature tracée en hauteur et en largeur généralement peut avoir de 25 à 100 lignes au centimètre carré et forme un quadrillage composé d'infinies parties claires et opaques. Le document est donc photographié à travers cette trame, l'image est décomposée en une multitude de points plus ou moins répartis selon les valeurs du sujet. Nous voici ainsi ramenés à deux valeurs, le papier qui servira de support et l'encre; les noirs, les gris et teintes intermédiaires seront traduits par l'illusion que donne la répartition de cet ensemble de petits éléments vus à distance. Le clichage s'opère ainsi: le négatif obtenu derrière cette trame est pellicule, reporté sur la plaque de zinc ou cuivre sensibilisée par une solution de) colle bichromatée et copié sur cette couche sensible; une cuisson transformera la couche en une sorte d'émail pouvant subir des morsures acides et ramènera la plaque métallique aux mêmes propriétés que le procédé zincographique, elle pourra subir l'encrage et être tirée sur une machine typographique. Passons à dessein bien des opérations intermédiaires, surtout en ce qui concerne la trame, qui exige des réglages très délicats, les différents états de la plaque aux morsures, etc., pour arriver au point voulu par l'opérateur. Ces opérations sont très minutieuses mais aujourd'hui tellement vulgarisées que les grands quotidiens peuvent établir moins d'une heure après la prise photographique d'un événement des similis livrés à la rotative dans le corps du journal. Un cliché simili se reconnaît de suite sur un quotidien, la trame est visible déjà à l'œil nu, car pour ces tirages elle est très grosse, 24 à 30 lignes au centimètre, à cause des papiers employés et pour éviter l'empâtement de la couleur. Pour les impressions de luxe, dont les papiers sont de qualité supérieure et les machines de grande précision, la trame peut aller de 70 à 100 lignes. Dans ce cas nous ne pouvons plus la voir qu'à la loupe, mais aussi les résultats sont de toute beauté. C'est aussi par ce procédé que se font les merveilleux tirages en couleur. Il est établi du document trois clichés et même davantage, un cliché pour chaque couleur fondamentale, ces clichés retirés avec précision les uns sur les autres donnent au tirage définitif les superbes reproductions que l'on voit dans les grands illustrés.

664 PROCÉDÉS PHOTOMÉCANIQUES ET LA PHOTOTYPIE A METZ HÉLIOGRAVURE Il nous reste à parler du troisième procédé: l'héliogravure. Dans la phototypie, la planche est plane, la couleur, nous l'avons vu, ne prend qu'aux endroits gras. Dans la simili ou zincogravure, la couleur ne prend, si on peut dire, que sur les aspérités du métal réservées par les morsures des acides. Dans l'héliogravure, nous avons un renversement de ce qui précède: ce sont les creux de la planche qui vont prendre la couleur, d'où la dénomination de gravure en creux ou taille-douce: les blancs de l'image sont produits par la surface polie du métal. Le procédé est particulièrement réservé aux tirages de luxe, il est de toute beauté, l'encre étant en épaisseur proportionnée donne des noirs d'une puissance remarquable. On emploie ici non plus un négatif, mais un diapositif. La planche de cuivre est grainée au moyen d'une poudre de résine impalpable soumise ensuite à une cuisson spéciale s'effectuant par en-dessous. Sous cette action, la résine prend corps avec le métal. On prépare alors du papier charbon (papier recouvert de gélatine avec une poudre de couleur) ; ce papier est sensibilisé au bichromate, une fois sec, il est sensible à la lumière, et exposé sous le diapositif de l'original à rendre. La couche gélatineuse du papier-charbon est ensuite mise en contact avec la planche grainée dans une cuvette d'eau et essorée. La planche est alors dépouillée à l'eau chaude: la gélatine ne se dissout que dans les parties qui ont été protégées de la lumière et en opacité plus ou moins selon le degré du diapositif, au bout d'un certain temps, le papier-support se détache de la surface gélatineuse, on continue à dissoudre ce qui reste soluble de la gélatine et on laisse sécher. Il ne reste plus que la gélatine qui a reçu la lumière. Vient alors le travail le plus délicat la morsure qui se fait au perchlorure de fer, et va transformer en de minuscules alvéoles la planche de métal, mordant celleci en profondeur progressivement et proportionnellement aux valeurs de l'original. L'encre d'imprimerie se déposera en épaisseurs variées sur la planche et se reportera au tirage sur le papier en épreuves parfois somptueuses. Il y a souvent à se tromper entre une gravure à l'aqua-teinte d'un artiste (donc gravée manuellement) et ce procédé. Cette méthode devait donc tenter l'industrie de l'illustration pour de grands tirages. C'est ce qui nous a donné la Rotogravure ou «Rototypie», qui prend une extension considérable. C'est exactement l'héliogravure, mais une trame remplace le grainage; cette trame est obtenue avant le tirage du diapositif également à la lumière, excessivement fine, elle peut contenir jusqu'à 120 lignes au centimètre carré. D'autre part, des cylindres remplacent la planche afin de pouvoir passer dans les machines rotatives, ces cylindres sont passés aux mordants dans des

PROCÉDÉS PHOTOMÉCANIQUES ET LA PHOTOTYPIE A METZ 665 cuves. Grâce à la trame il se formera après les morsures un cloisonnement dans lequel l'encre se trouvera emprisonnée et enpêchera les empâtements: dans ce cas l'encre sera une solution très fluide de résines et de matières colorantes dans un solvant volatil. Le texte étant obtenu de même manière que les modèles photographiques on pourra tirer textes et images à 2 et 3.000 exemplaires à l'heure. Les tirages sur cylindres ne se recommandent avantageusement que pour les éditions d'au moins 10.000 exemplaires, pour des tirages moindres, on revient aux planches planes qui sont plus économiques. Les résultats sont de premier ordre, les épreuves ont un relief et un velouté comparable à l'héliogravure. Il y a encore de nombreux procédés photomécaniques, Photolitho, Photométallographie, Héliotypie, etc., mais ils sont tous similaires et ne se distinguent guère les uns des autres que par la matière de planche et de sa préparation. Ce court résumé peut donner une idée des grands procédés en usage de nos jours et dont le premier a été mis à point industriellement dans notre ville. Quelle coïncidence aussi qu'un Messin, J.-B. Le Prince, trouvait, cent ans auparavant, le moyen de rendre les demi-teintes sur la plaque de cuivre sans avoir recours aux hachures comme cela se faisait à l'époque. Nul doute qu'il soit le précurseur de l'héliogravure. C'est en grainant aussi sa plaque avec des résines qu'il obtenait ces demi-teintes dans les beaux exemplaires que nous avons admirés à l'exposition du Musée de Metz. Il serait téméraire de dire que l'invention de Tessié du Motay et de R. Maréchal fût seule l'origine des procédés photomécaniques. Dès 1840, Donné et Fizeau transformaient des plaques daguerriennes en planches d'impression en taille douce. En 1852, Talbot faisait des tentatives d'héliogravure traméec En 1853, Niepce de Saint-Victor, de l'héliogravure sur acier. En 1854, Pretsch (un Autrichien), des planches d'impression par moulages galvanoplastiques de reliefs en gélatine. Enfin, Poitevin faisait en 1860 la Photolitho sur pierre sensibilisée à la gélatine. Toutefois, et sans diminuer en rien les mérites de ces inventeurs, ni la valeur de leurs procédés, nous devons cependant reconnaître que la découverte de Tessié du Motay et de Raphaël Maréchal a marqué une étape importante dans l'art de reproduire mécaniquement l'image photographique dont nous venons de retracer sommairement l'histoire et de décrire les principes. Ce souvenir, oublié par quelques-uns, ignoré par un plus grand nombre, méritait, nous a-t-il semblé, d'être rappelé, parce qu'il se rattache au mouvement artistique et scientifique de notre vieille cité messine, que la date fatale de 1870 est venue arrêter. Evoquer le passé, n'est pas seulement une pieuse pensée pour les Messins: c'est plus encore : un devoir.

666 PROCÉDÉS PHOTOMÉCANIQUES ET LA PHOTOTYPIE A METZ Leurs aînés ont été de bons ouvriers de France avant 1870, dans les lettres, les sciences et les arts. Après une douloureuse parenthèse, ils doivent continuer la tâche pour que Metz reprenne sa place perdue, mais aujourd'hui reconquise. Emile PRILLOT.